Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la résolution qui nous est proposée aujourd'hui s’inscrit pleinement dans l’actualité des travaux engagés par la Haute Assemblée en vue de la réunion à Paris de la Conférence des parties, en décembre prochain.
Sous l’impulsion du président Gérard Larcher, dont je veux ici saluer la détermination, les différentes instances du Sénat ont en effet engagé depuis plusieurs mois des travaux importants sur le climat. Les commissions permanentes, les délégations, les groupes d’amitié ont tous apporté leur part à la contribution du Sénat en vue de cette conférence.
La résolution proposée vient donc utilement nourrir les travaux de synthèse menés par notre collègue Jérôme Bignon qui nous proposera dans quelques jours – le 16 novembre prochain, à la veille du Congrès des maires de France – un texte riche et ambitieux, reflétant l’engagement de notre assemblée dans ce débat.
Pour ma part, j’ai présenté lundi dernier, à Genève, devant l’assemblée générale de l’Union interparlementaire, un projet de déclaration en vue de son adoption par les parlementaires venus du monde entier le 6 décembre prochain, ici même dans cet hémicycle.
Les auteurs de la présente proposition de résolution appellent de leurs vœux une prise de conscience sur le phénomène des déplacés environnementaux. C’est effectivement une question capitale.
Nous sommes aujourd'hui tous émus et préoccupés par la situation des centaines de milliers de réfugiés qui sont à nos portes. Les dérèglements climatiques peuvent demain être la cause de plusieurs centaines de millions de réfugiés.
Ce phénomène, par son ampleur, serait source d’instabilité considérable et de graves conflits.
Le dérèglement climatique a et aura – disons-le clairement ! – un impact indéniable sur la paix dans le monde. Comme aime à le dire assez régulièrement Nicolas Hulot, « à Paris, nous devrons décider de la paix ou de la multiplication des conflits ».
Conscient de ce défi, le groupe UDI-UC a consacré, lors des journées parlementaires du 21 septembre dernier, une table ronde sur le thème : « Les défis majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique : guerres et migrations ».
Si le phénomène de migrations environnementales est reconnu depuis trente ans par les Nations unies, il reste difficilement appréhendé et peu connu de nos concitoyens. Il est en effet rare que la décision de migrer ait une causalité unique.
Par ailleurs, ces migrations, actuellement limitées dans l’espace, se font le plus souvent sur des distances réduites, à l’intérieur d’un même pays ou d’une même région, ce qui rend ce phénomène moins perceptible par nos concitoyens. La quantification et les estimations du développement de ce dernier sont nombreuses, mais souvent disparates. Ce phénomène aurait touché 27, 5 millions de personnes chaque année entre 2008 et 2013 et pourrait concerner 200 millions de personnes à l’horizon 2050.
Les effets du dérèglement climatique sont désormais connus : montée des océans, désertification, dégradation des sols, sécheresse, multiplication des événements climatiques majeurs.
Parmi les zones les plus concernées par ces migrations, on peut citer l’Amérique centrale, le Pakistan, le Bangladesh, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est et l’Asie du Sud-Est.
Comment ne pas citer également les îles du Pacifique, au cœur des travaux du Sénat lors d’un colloque en juin dernier ? L’existence même de certaines îles y est menacée, avec la perspective devenue bien réelle et traumatisante d’une dispararition de la surface du globe.
Ainsi, les îles Carteret, au large de la Papouasie–Nouvelle-Guinée, sont aujourd’hui condamnées par les scientifiques. Leurs habitants, soumis à des inondations de plus en plus dramatiques, se voient contraints de partir.
Il y a, dans ce cas extrême, un terrible paradoxe entre le fait que ces habitants ont l’une des plus basses empreintes écologiques du monde et qu’elles sont les premières victimes des dérèglements climatiques.
La réponse à ce phénomène doit être multiforme.
Tout d’abord, il importe de contenir et de limiter les dérèglements climatiques ; c’est la première des urgences, et c’est tout l’enjeu de la COP 21 qui aboutira, je l’espère, à un accord universel et contraignant, permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre pour contenir la hausse de la température moyenne mondiale à deux degrés Celsius d’ici à la fin du siècle.
En l’état actuel des contributions nationales transmises par les États, force est de constater que nous sommes plus vraisemblablement sur une trajectoire à trois degrés Celsius. Tous les efforts doivent donc être mobilisés d’ici à la Conférence pour rapprocher les engagements d’une trajectoire à deux degrés Celsius, et surtout pour nous permettre, au-delà, d’appliquer et de respecter ces engagements.
Cette limitation est en effet indispensable pour prévenir une amplification des migrations.
Deuxièmement, il faut mettre en place des mesures d’adaptation et d’atténuation assorties des moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Il s’agit de déployer les moyens financiers, notamment à travers le Fonds vert pour le climat, de veiller au transfert de technologies et de connaissances et au renforcement des capacités.
À cet égard, je veux rappeler, mes chers collègues, que notre rôle sera déterminant. En effet, s’il revient au Gouvernement et aux diplomates de conclure des accords à l’échelon international, c’est à nous, parlementaires, de les ratifier ; c’est à nous, parlementaires, de voter les budgets nécessaires à leur mise en œuvre ; c’est à nous, parlementaires, de voter un certain nombre de mesures législatives qui en découlent ; et c’est à nous, parlementaires, de veiller au respect des engagements au travers du contrôle du Gouvernement.
Enfin, j’entends ici et là des voix proposer la création d’un statut de réfugié climatique, pendant de celui de réfugié politique. Je ne suis pas convaincu de l’opportunité et de l’efficacité de cette solution.
Nous l’avons dit, le changement climatique, sans être la cause unique, constitue l’un des motifs qui précipitent la décision – temporaire ou définitive – de migration.
De nombreux observateurs ont, à cet égard, mis en évidence l’importance du facteur environnemental dans les prémices de la crise syrienne. Le déplacement massif de populations privées de ressources naturelles a eu indéniablement un effet catalyseur dans l’émergence du conflit.
Il serait toutefois illusoire que, pour entrer dans une catégorisation juridique, on demande au cas par cas aux réfugiés de prouver le caractère politique, climatique ou économique de leur migration.
J’ajoute que, dans le contexte actuel des tensions causées dans nos sociétés par les questions migratoires – nous devons le reconnaître –, la création d’un statut de réfugié climatique ne viendrait que nourrir encore plus les peurs. Un tel statut juridique n’apporterait d’ailleurs qu’une réponse extrêmement limitée au problème puisque, nous l’avons dit, la plupart des migrants restent à l’intérieur de leur pays. Un statut international serait donc, dans de nombreux cas, inopérant.
Pour autant, une prise de conscience est nécessaire. C’est tout l’objet de cette résolution.
Le dérèglement climatique dépasse les frontières des États, c’est une évidence. Les efforts de chacun n’enlèvent rien à la nécessité de négociations internationales pour la définition d’un cadre universel.
De même, le règlement de la question des déplacés environnementaux, dont le nombre déjà important ne devrait que croître, ne trouvera de solution que dans le cadre de négociations internationales.
La France doit donc appuyer la mise à l’ordre du jour international de cette question. Elle doit résolument s’engager dans la définition et le financement des mesures d’adaptation. Elle doit, enfin, promouvoir les coopérations régionales afin que les flux de réfugiés ne viennent pas déstabiliser des régions déjà très fragilisées.
Parce que cette proposition de résolution invite la France à porter cette question sur la scène européenne et la scène internationale dans un souci de sensibilisation et d’information, je la voterai, tout comme un certain nombre de mes collègues du groupe UDI-UC. Les autres membres de mon groupe s’abstiendront.