Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier le groupe écologiste et notre collègue Esther Benbassa d’avoir présenté cette proposition de résolution invitant la France à agir pour la prévention et la protection des déplacés environnementaux, question importante sur laquelle, malgré une prise de conscience, les engagements des États et les réponses juridiques restent globalement insuffisants.
Pourtant, le nombre de migrants est en augmentation constante et l’incidence des changements climatiques sur les mouvements de populations risque de s’amplifier à l’avenir.
Ainsi, les déplacés pourraient atteindre d’ici à 2050 jusqu’à un milliard d’individus selon l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM.
Les victimes doivent quitter leur foyer sous l’effet de violentes catastrophes naturelles ou en raison d’une dégradation de leur environnement parfois liée aux activités humaines – la déforestation ou la pollution – ou résultant d’une interaction de causes naturelles et humaines, telles les inondations ou la sécheresse.
Des populations doivent s’exiler en raison de l’érosion des sols, de la désertification, de la montée des océans, du recul des glaces, de la raréfaction des ressources naturelles, ou encore de la toxicité de leur environnement.
Les déplacés sont aussi victimes d’événements climatiques intenses comme les tremblements de terre, les tsunamis, les éruptions volcaniques, les canicules ou les inondations.
L’évolution du climat a bien sûr une incidence sur la fréquence, l’intensité, la durée et le moment d’apparition de ces phénomènes naturels extrêmes.
La plupart de ces flux migratoires, qu’ils soient massifs ou étalés, temporaires ou prolongés, sont souvent circonscrits au pays concerné par l’événement climatique, dont les plaies restent à panser parfois pendant des mois, voire des années, à l’instar des séismes au Népal ou en Haïti, mais ils peuvent aussi traverser les frontières.
Si les pays développés ne sont pas épargnés, la majorité de ces catastrophes naturelles et bouleversements environnementaux se produisent néanmoins dans les pays les moins développés. Ainsi, 85 % des déplacements s’effectuent dans des pays qui ne sont pas en capacité de prendre en charge leurs migrants.
L’Asie est le continent le plus touché avec dix-neuf millions de déplacés, mais c’est en Afrique que les risques de déplacements tendent de plus en plus à s’accroître.
Ces populations sont vulnérables et parfois en proie à des conflits armés. Des pays comme le Niger, le Tchad, le Soudan, victimes d’inondations saisonnières ou de sécheresse, sont touchés par des situations de violence et de guerre.
Ces personnes déplacées, qui sont particulièrement démunies et vivent dans des régions instables, ne peuvent pas compter sur l’aide de leur pays et sont souvent, hélas ! négligées par la communauté internationale.
Qui plus est, la croissance démographique, l’urbanisation galopante et la concentration d’individus dans les zones à risques où l’habitat est précaire ne font qu’accroître la gravité de ces catastrophes et le nombre de personnes déplacées.
Les phénomènes climatiques et les déplacements de populations qui en découlent ont également des conséquences politiques, provoquant des troubles sociaux ou déstabilisant des régions entières.
De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer une protection internationale de ces migrants, mais l’action globale reste en deçà des enjeux, en dépit du rapport de la Croix-Rouge établi en 2001, ciblant la dégradation de l’environnement comme la première cause de migration dans le monde.
Aucune solution n’existe en droit international, et l’absence de définition consensuelle de la notion de « déplacé climatique » engendre une absence de reconnaissance du statut de ces migrants.
Cette question, traitée partiellement et de manière incomplète, n’a abouti à aucune solution efficace.
Cependant, il existe depuis plusieurs années une véritable prise de conscience des enjeux, car les changements climatiques et leurs conséquences reçoivent un écho médiatique, comme ce fut le cas pour les Tuvalu, archipel du Pacifique Sud, menacé par la montée des eaux, ou le village de Shishmaref, en Alaska, qui repose sur un « pergélisol » dont la fonte s’accélère continuellement.
Les prévisions des experts des Nations unies envisagent une élévation du niveau de la mer qui pourrait toucher 900 millions d’individus.
La question de la définition et de la protection des déplacés environnementaux n’est pas nouvelle. Traitée pour la première fois lors du dernier sommet Union européenne – Afrique qui s’est tenu l’an dernier, elle apparaît de plus en plus dans les rapports des organisations et les travaux des chercheurs.
Plus récemment et à deux mois de la COP 21, un pas essentiel a été franchi par une vingtaine de pays parmi les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète. Ces derniers se sont rassemblés, créant le club V20, à l’instar du G20, pour tenter de peser et de mobiliser en leur faveur des ressources permettant de faire face aux changements climatiques.
De même, comme cela a déjà été rappelé, les travaux de l’initiative Nansen ont très récemment abouti à la présentation d’un Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans un contexte de catastrophes naturelles et de changement climatique. Adopté par cent dix États, cet agenda s’appuie sur les résultats de consultations régionales et établit trois priorités : l’amélioration de la connaissance du phénomène et de la collecte des données, la promotion de mesures de protection et le renforcement de la prévention des risques dans les pays d’origine.
Il s’agit de la première initiative intergouvernementale en la matière. Toutefois, cet agenda est une simple déclaration de principe et n’a aucune valeur contraignante. Il rassemble des expériences pratiques dont l’application dépendra de la bonne volonté des États.
Ces réponses doivent donc être mieux utilisées et généralisées.
Cette proposition de résolution vient à point nommé à la veille de la COP 21, qui confère à la France un rôle de premier ordre sur le plan international. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, notre pays doit non seulement promouvoir une politique ambitieuse pour prévenir les catastrophes environnementales, renforcer la protection des personnes déplacées et répondre à la complexité de leur situation, mais aussi s’engager dans la mise en œuvre de cette politique.