Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 21 octobre 2015 à 21h30
Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux, rapporteur :

Le résultat de cette politique peut être surprenant, comme on peut le constater sur le site internet destiné aux enfants de six à douze ans, www.ludo.fr, littéralement envahi de publicités pour un jeu vidéo et des figurines produits par un grand studio américain, également fournisseur de programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions. On peut dès lors se demander si certains de ces programmes n’ont pas pour objectif principal de favoriser la vente de produits dérivés.

Comme nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin l’ont rappelé dans leur rapport, il est temps de réaffirmer la spécificité des valeurs du service public de la télévision. Cela signifie, en particulier, que les programmes diffusés ne doivent pas avoir d’abord pour objectif de vendre, par exemple, des produits alimentaires manufacturés saturés en sucre et en gras ou des jeux vidéo extrêmement coûteux à des familles n’ayant pas nécessairement les moyens de les acheter, avec les conséquences que l’on imagine sur les relations entre parents et enfants, qui peuvent, de ce fait, devenir conflictuelles.

Au travers de la rédaction initiale de sa proposition de loi, notre collègue André Gattolin suggérait d’interdire tous les messages publicitaires dans les programmes destinés à la jeunesse. Le terme « jeunesse » employé sans autre précision renvoie aux jeunes de zéro à dix-huit ans, ce qui correspondrait à une interdiction très large.

La rédaction que propose la commission, en restreignant l’interdiction des messages publicitaires et des parrainages aux seuls programmes destinés aux jeunes de moins de douze ans diffusés sur les chaînes et les sites internet de France Télévisions, limite la perte de recettes pour le groupe public et permet par ailleurs une bonne identification des programmes concernés.

France Télévisions estime entre 15 millions et 20 millions d’euros les recettes attachées à la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Nous pensons que, avec cette rédaction, la perte de recettes serait inférieure à 10 millions d’euros. Votre rapporteur considère en outre que France Télévisions pourrait limiter celle-ci en réorganisant son offre de façon que ses cibles publicitaires correspondent à ses cibles éditoriales. Cette perte de recettes doit, par ailleurs, être rapportée aux autres ressources de France Télévisons : rien qu’en 2015, le groupe a reçu 2, 37 milliards d’euros de redevance, 160 millions d’euros de dotations et 330 millions d’euros de recettes publicitaires.

En définitive, on comprend bien que le nœud du problème ne tient ni à la pertinence de l’idée de réduire l’exposition des jeunes à la publicité ni à son acceptation par les industriels, mais uniquement à l’état des finances de France Télévisions. La proposition de loi de notre collègue André Gattolin prévoyait à cet égard un principe de compensation de la baisse de ressources au moyen d’une hausse de 50 % de la taxe sur la publicité créée en 2009, soit un produit supplémentaire de 7, 5 millions d’euros.

La commission n’a pas retenu le principe de la hausse de cette taxe, car elle estime que le financement de cette disposition doit pouvoir trouver sa place dans le cadre de la redéfinition du modèle économique de France Télévisions que le Sénat appelle de ses vœux pour 2018, au travers d’une réforme de la contribution à l’audiovisuel public.

Par cohérence, la commission propose donc que la mise en œuvre de cette proposition de loi intervienne au 1er janvier 2018.

Je remercie le groupe écologiste d’avoir demandé l’inscription de cet excellent texte à l’ordre du jour, l’auteur initial de ce dernier, Jacques Muller, et Marie-Christine Blandin, qui, bien que coauteur, m’a permis d’en être rapporteur, ainsi que l’auteur de la présente proposition de loi, André Gattolin, qui a effectué un très important travail.

Je remercie également la présidente de la commission de la culture, qui veille à ce que nos travaux se déroulent toujours dans une atmosphère cordiale et constructive.

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