Séance en hémicycle du 21 octobre 2015 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique (proposition n° 656 [2014-2015], texte de la commission n° 69, rapport n° 68).

Dans la discussion générale, la parole est à M. André Gattolin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

M. André Gattolin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les amateurs de fromage de notre assemblée le savent : le tout premier écran publicitaire fut diffusé à la télévision française, alors monopole d’État, le 1er octobre 1968. Son impact sur l’imaginaire collectif fut phénoménal. Ainsi, il me suffit de dire : « Du pain, du vin, du… » pour que chacun soit en mesure d’énoncer spontanément la suite.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Depuis, la télévision, et avec elle la publicité, sont entrées dans l’intimité de la quasi-totalité des foyers français. À ce jour, près de 97 % des ménages possèdent au moins un téléviseur. En dépit de l’apparition d’internet et des nouveaux médias, nos enfants regardent encore la télévision plus de deux heures par jour. Ce chiffre a peu évolué depuis les années quatre-vingt et nos enfants sont de plus en plus souvent seuls devant le petit écran : c’est le cas de 40 % d’entre eux, selon la dernière enquête budget-temps de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Certes, la publicité a permis à notre système médiatique de se diversifier, mais elle a aussi créé de toutes pièces de nouvelles cibles marketing, comme les marchés « enfants » et « préadolescents », dont le chiffre d’affaires est évalué à 40 milliards d’euros en France.

À ce titre, les enfants sont appréhendés par les publicitaires comme prescripteurs d’achats au sein de la famille. Cela se voit plus particulièrement durant la période qui précède Noël : 60 % des investissements publicitaires dans les programmes destinés à la jeunesse s’effectuent du mois d’octobre au mois de décembre.

Les effets néfastes de cette surexposition publicitaire sont aujourd’hui confirmés par les études conduites en matière de santé publique, de désagrégation du lien social et de surconsommation.

En effet, pour les plus jeunes téléspectateurs, il est impossible de distinguer les contenus publicitaires des autres contenus diffusés par les chaînes.

Les procédés utilisés, comme la stratégie marketing dite « de la rareté », frustrent les enfants afin de créer un désir de consommation compulsive, nuisent à l’autorité parentale et créent de fortes tensions familiales.

La publicité pour les enfants contribue également à la création de stéréotypes dangereux. Comme l’a constaté notre collègue Chantal Jouanno dans un rapport publié en 2012, certaines annonces hyper-sexualisent de très jeunes filles à des fins mercantiles, contrevenant ainsi au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Or le cadre législatif et réglementaire actuel est insuffisant – pour ne pas dire quasiment inexistant – pour garantir une véritable protection de la jeunesse contre les effets néfastes de la surexposition publicitaire.

La proposition de loi que nous examinons ce soir a déjà une longue histoire. Elle s’inspire d’un texte déposé en 2010 par notre ancien collègue Jacques Muller, que je m’étais permis de simplifier avant de le déposer de nouveau devant notre assemblée au mois de mai 2013. Alors qu’il était initialement prévu qu’il soit discuté en séance publique au printemps dernier, j’ai finalement jugé préférable d’attendre la fin des travaux de la mission d’information sur le financement de l’audiovisuel public pour l’inscrire à l’ordre du jour, afin que son examen n’interfère pas avec la présentation, le mois dernier, des conclusions de la mission.

Avant d’entrer dans le détail du contenu de cette proposition de loi, je voudrais remercier la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, notamment sa présidente, Catherine Morin-Desailly, et la rapporteur du texte, Corinne Bouchoux. Tout en conservant l’esprit du dispositif initial, la commission l’a clarifié en adoptant plusieurs amendements.

Elle a tout d’abord privilégié l’inscription dans la loi du principe d’une régulation souple par le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en lieu et place d’un dispositif réglementaire. La commission n’a pas jugé réaliste de trop contraindre les règles publicitaires applicables aux programmes destinés à la jeunesse sur les chaînes privées, contrairement à ce que prévoyait le texte initial. En effet, une telle disposition aurait été financièrement préjudiciable à la vingtaine de chaînes dédiées à la jeunesse actives en France, qui tirent principalement, voire pour certaines exclusivement, leurs ressources de la publicité.

Ces choix limitent évidemment la portée de notre proposition de loi, mais ils témoignent aussi d’un souci réel de ne pas déstabiliser l’ensemble d’un secteur économique assez dynamique. Nous acceptons ainsi de laisser une chance à l’autorégulation et à la prise de conscience des acteurs.

Chaque année, le CSA devra donc rendre compte devant le Parlement de ses travaux sur la publicité télévisuelle dans les programmes pour enfants des chaînes publiques et privées. Sur le fondement de ses observations, il sera toujours possible, dans un second temps, d’envisager l’élaboration d’un cadre normatif plus contraignant si nécessaire.

Le cœur de la proposition de loi est l’article 2, qui prévoit la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans, durant les quinze minutes qui les précèdent et les quinze minutes qui les suivent. Cette disposition s’applique également aux sites internet de la télévision publique.

Les publicités génériques, par exemple pour le lait ou pour des fruits, ainsi que les campagnes d’intérêt général, ne sont pas visées par cette interdiction.

Je veux aussi saluer la proposition de notre collègue Jean-Pierre Leleux, retenue par la commission, de faire entrer en vigueur cette disposition au 1er janvier 2018, afin de faire coïncider sa mise en œuvre avec la réforme du modèle de financement de l’audiovisuel public que nous avons ensemble préconisée au nom de notre assemblée.

La perpétuation d’un modèle de financement instable, fondé sur une surévaluation presque systématique des objectifs publicitaires de France Télévisions, qui servent de variable d’ajustement au budget des chaînes, n’est pas acceptable.

Nous ne mettons évidemment pas en cause, dans le contexte budgétaire tendu que connaissent l’audiovisuel public et l’État, l’intérêt de la ressource propre que constituent les recettes publicitaires. Pour autant, il serait à mon sens assez irresponsable d’assujettir l’exercice des missions fondamentales du service public à la collecte de cette seule ressource, qui ne représente, avec 13, 5 millions d’euros pour les programmes destinés à la jeunesse, que 0, 5 % des 2, 8 milliards d’euros de budget global de France Télévisions.

En tant qu’ancien professionnel des médias, des études et de la publicité, j’ai consulté de nombreux acteurs de ces secteurs pour évaluer l’impact financier réel de cette proposition de loi. De ces analyses, il ressort notamment que la part de marché publicitaire de France Télévisions pour le principal secteur d’activité concerné, celui des jeux et des jouets, est très marginale : environ 6, 5 %, contre 12 % pour TF1 et plus de 75 % pour les chaînes privées spécialisées dans la jeunesse. Cette part de marché est d’ailleurs inexorablement amenée à décliner à moyen terme, en raison de la concurrence croissante de la télévision numérique terrestre, la TNT, et d’internet.

Autre précision d’importance : la plupart des annonceurs actuels des émissions pour la jeunesse de France Télévisions annoncent également pour les mêmes produits à d’autres horaires, notamment en fin d’après-midi et en access prime time.

Si les écrans publicitaires attachés aux programmes pour la jeunesse devaient être interdits, nous estimons que le report des budgets correspondants à des horaires plus tardifs et non soumis à interdiction sur les mêmes chaînes s’élèverait à au moins 30 %.

Notre proposition de loi ne prévoit donc pas la suppression de la publicité ciblant les jeunes, elle vise simplement, et c’est déjà beaucoup, à en finir avec la « télé-garderie » commerciale à travers l’audiovisuel public : j’entends par là ces moments matinaux où 40 % des enfants sont seuls face à la publicité télévisuelle, hors la présence d’un adulte.

Par ailleurs, compte tenu de ces éléments et du fait que, si elle était adoptée, cette proposition de loi n’entrerait en vigueur qu’en 2018, nous estimons le manque à gagner final pour France Télévisions à seulement 7 millions d’euros. C’est là le prix à payer pour que la télévision publique se distingue davantage du reste de l’offre télévisuelle. Je tiens les estimations détaillées à votre disposition, mes chers collègues.

Enfin, j’aimerais répondre à l’argument fallacieux, souvent entendu, selon lequel cette mesure ruinerait notre belle filière de l’image animée française. Les chaînes publiques ne bénéficiant plus de recettes publicitaires attachées à leur diffusion, elles renonceraient à acheter ce type de programmes : c’est là une contre-vérité qui vise à faire croire en l’existence de ressources publicitaires affectées dans une société nationale comme France Télévisions ; c’est totalement faux !

Je rappelle que la production de programmes de qualité pour la jeunesse fait partie des principales missions de service public assignées à notre télévision publique.

La plus belle illustration du caractère dissocié des recettes publicitaires et des investissements dans les programmes de France Télévisions est la décision prise en 2009 de supprimer la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. France Télévisions a-t-elle pour autant cessé d’investir dans les productions patrimoniales et l’information de qualité diffusées en soirée en raison de l’absence de publicité ? Évidemment non !

Avant-hier soir, nos collègues députés ont adopté un amendement n° I-822 visant à accroître dès l’année prochaine de 25 millions d’euros les ressources de France Télévisions. C’est une bonne chose, et mes collègues écologistes ont voté cet amendement.

Pour conclure, il ne faut pas oublier que la télévision publique n’appartient pas qu’à l’État et à ceux qui la font : elle appartient d’abord et collectivement au public et à tous ceux qui la financent très majoritairement à travers la redevance. Nos concitoyens sont en droit d’avoir des exigences à son égard.

Ainsi, une enquête réalisée le mois passé par l’IFOP, l’Institut français d’opinion publique, révèle que 71 % des Français sont favorables à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse diffusées sur les chaînes publiques. Cet avis est très nettement majoritaire dans tous les segments de la population et parmi les sympathisants de toutes les formations politiques.

Il serait, je pense, très opportun de répondre favorablement à cette attente en adoptant la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI -UC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répond à un impératif de santé publique : protéger nos enfants contre les mauvaises habitudes alimentaires et la pression des marques.

Elle affirme par ailleurs la nécessité de renforcer l’identité du service public de la télévision, qui ne peut proposer les mêmes programmes, accompagnés des mêmes messages publicitaires, que les chaînes privées.

Pourquoi est-il si important de limiter la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse ?

Les très nombreuses auditions que j’ai menées ces derniers jours sont sans aucune ambiguïté quant aux effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants. Il y a une corrélation entre le temps passé devant les écrans et l’obésité, et les effets sont plus forts sur les enfants en retard scolaire et sur ceux qui n’ont pas, hélas ! des parents à même de les accompagner de près dans leur scolarité.

Les enfants sont fréquemment laissés seuls devant les programmes pour la jeunesse, d’autant que les familles fragiles vouent souvent une grande confiance au service public.

Avant l’âge de sept ou huit ans, les enfants ne sont pas sensibles au second degré et ne font pas la différence entre le personnage du dessin animé et ce même personnage utilisé juste après un programme destiné à la jeunesse pour vendre une barre chocolatée ou des céréales saturées en sucre et en gras.

La proposition de loi de notre collègue André Gattolin, contrairement à des initiatives précédentes, circonscrit son champ au service public de la télévision et préconise plutôt un encadrement pour les chaînes privées.

Votre rapporteur estime que, en distinguant les chaînes privées, qui vivent de la publicité et, pour certaines, des abonnements, des chaînes publiques, qui ont bénéficié en 2015 de la contribution à l’audiovisuel public, notre collègue André Gattolin a trouvé le bon équilibre.

Il me semble en effet justifié de tenir compte des efforts réels qui ont été accomplis depuis 2009 par les chaînes de télévision et par les annonceurs, en lien avec le CSA et les différents ministères, pour mettre en place une véritable autorégulation de la publicité à destination de la jeunesse.

Les principes de cette autorégulation sont aujourd’hui rassemblés dans une charte, renouvelée en 2014, qui fait l’objet d’une évaluation par le CSA et s’accompagne de la diffusion de messages de prévention.

Ce dispositif assez unique d’autorégulation mérite d’être salué, puisqu’il témoigne d’une prise de conscience des annonceurs et des chaînes de télévision, mais il doit encore être substantiellement amélioré.

C’est pourquoi la commission propose une nouvelle rédaction de l’article 1er du texte, visant à inscrire dans la loi le principe de l’autorégulation du secteur de la publicité et à confier le soin au CSA de remettre au Parlement un rapport annuel évaluant les actions menées par les chaînes pour que les émissions publicitaires respectent les objectifs de santé publique. Je me permets d’indiquer que le principe de l’inscription de cette autorégulation dans la loi a reçu un accueil favorable de la part tant des chaînes privées que du CSA.

Concernant le service public, il me semble légitime d’en exiger plus encore. Comme l’ont montré nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur excellent rapport sur le financement de l’audiovisuel public, la publicité n’est considérée aujourd’hui par France Télévisions que sous l’aspect financier, sans aucune vision globale en lien avec l’identité du service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Le résultat de cette politique peut être surprenant, comme on peut le constater sur le site internet destiné aux enfants de six à douze ans, www.ludo.fr, littéralement envahi de publicités pour un jeu vidéo et des figurines produits par un grand studio américain, également fournisseur de programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions. On peut dès lors se demander si certains de ces programmes n’ont pas pour objectif principal de favoriser la vente de produits dérivés.

Comme nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin l’ont rappelé dans leur rapport, il est temps de réaffirmer la spécificité des valeurs du service public de la télévision. Cela signifie, en particulier, que les programmes diffusés ne doivent pas avoir d’abord pour objectif de vendre, par exemple, des produits alimentaires manufacturés saturés en sucre et en gras ou des jeux vidéo extrêmement coûteux à des familles n’ayant pas nécessairement les moyens de les acheter, avec les conséquences que l’on imagine sur les relations entre parents et enfants, qui peuvent, de ce fait, devenir conflictuelles.

Au travers de la rédaction initiale de sa proposition de loi, notre collègue André Gattolin suggérait d’interdire tous les messages publicitaires dans les programmes destinés à la jeunesse. Le terme « jeunesse » employé sans autre précision renvoie aux jeunes de zéro à dix-huit ans, ce qui correspondrait à une interdiction très large.

La rédaction que propose la commission, en restreignant l’interdiction des messages publicitaires et des parrainages aux seuls programmes destinés aux jeunes de moins de douze ans diffusés sur les chaînes et les sites internet de France Télévisions, limite la perte de recettes pour le groupe public et permet par ailleurs une bonne identification des programmes concernés.

France Télévisions estime entre 15 millions et 20 millions d’euros les recettes attachées à la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Nous pensons que, avec cette rédaction, la perte de recettes serait inférieure à 10 millions d’euros. Votre rapporteur considère en outre que France Télévisions pourrait limiter celle-ci en réorganisant son offre de façon que ses cibles publicitaires correspondent à ses cibles éditoriales. Cette perte de recettes doit, par ailleurs, être rapportée aux autres ressources de France Télévisons : rien qu’en 2015, le groupe a reçu 2, 37 milliards d’euros de redevance, 160 millions d’euros de dotations et 330 millions d’euros de recettes publicitaires.

En définitive, on comprend bien que le nœud du problème ne tient ni à la pertinence de l’idée de réduire l’exposition des jeunes à la publicité ni à son acceptation par les industriels, mais uniquement à l’état des finances de France Télévisions. La proposition de loi de notre collègue André Gattolin prévoyait à cet égard un principe de compensation de la baisse de ressources au moyen d’une hausse de 50 % de la taxe sur la publicité créée en 2009, soit un produit supplémentaire de 7, 5 millions d’euros.

La commission n’a pas retenu le principe de la hausse de cette taxe, car elle estime que le financement de cette disposition doit pouvoir trouver sa place dans le cadre de la redéfinition du modèle économique de France Télévisions que le Sénat appelle de ses vœux pour 2018, au travers d’une réforme de la contribution à l’audiovisuel public.

Par cohérence, la commission propose donc que la mise en œuvre de cette proposition de loi intervienne au 1er janvier 2018.

Je remercie le groupe écologiste d’avoir demandé l’inscription de cet excellent texte à l’ordre du jour, l’auteur initial de ce dernier, Jacques Muller, et Marie-Christine Blandin, qui, bien que coauteur, m’a permis d’en être rapporteur, ainsi que l’auteur de la présente proposition de loi, André Gattolin, qui a effectué un très important travail.

Je remercie également la présidente de la commission de la culture, qui veille à ce que nos travaux se déroulent toujours dans une atmosphère cordiale et constructive.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux, rapporteur. Enfin, je remercie de son importante contribution notre collègue Jean-Pierre Leleux, ainsi que tous ceux qui, très nombreux, nous ont écrit pour nous signifier qu’il s’agissait là d’un vrai texte de salubrité publique.

Applaudissementssur les travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir est très important, car il a trait à la conception même que nous nous faisons du service public de l’audiovisuel. Considérons-nous que France Télévisions a une vocation particulière à proposer des programmes de qualité, en particulier pour la jeunesse, en lesquels les parents pourront avoir confiance – ce qui, bien sûr, ne les exonère en rien de leur rôle éducatif –, ou bien doit-on estimer qu’il n’y a pas de raison d’en demander plus à France Télévisions qu’aux chaînes privées, s’agissant notamment de la protection de nos enfants ?

La proposition de loi présentée par André Gattolin, telle qu’elle a été très finement rapportée par Corinne Bouchoux et adoptée avec modifications par la commission de la culture, pose des principes. Elle inscrit dans la loi la nécessité d’une autorégulation du marché de la publicité destinée à la jeunesse sous une supervision renforcée du CSA pour les chaînes privées et pour France Télévisions, concernant ses programmes destinés aux enfants de plus de douze ans. On peut se réjouir qu’elle préserve le modèle économique de l’audiovisuel privé.

Pour le groupe public, elle fixe un principe plus exigeant en interdisant la publicité dans les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, sachant qu’il n’y a déjà pas de publicité dans les programmes destinés aux jeunes enfants de trois à six ans.

Pourquoi s’agit-il d’une avancée indispensable ?

Les auditions conduites par la rapporteur ont démontré que les enfants de moins de douze ans étaient soumis à une pression considérable des marques. Dans les familles les plus fragiles socialement et culturellement, la publicité pour les produits alimentaires industrialisés rythme la journée et détermine les achats et le contenu du réfrigérateur. Qui peut nier aujourd’hui cette réalité ?

J’ai reçu, lundi dernier, le témoignage d’une enseignante de français d’un collège de Rouen, ma ville. Cette enseignante, qui vit chaque jour cette réalité, me confirme que ces publicités dégradent le climat familial et incitent à la consommation d’aliments gras et sucrés qui favorisent le surpoids et une alimentation déséquilibrée. Je la cite : « J’ai vu des enfants qui n’ont pas faim à la cantine, leur cartable étant garni de canettes, bonbons et chips de marque qu’ils consomment toute la journée. » Elle insiste également sur les valeurs propagées par ces publicités, qui reposent le plus souvent sur des clichés sexistes, des rapports de domination et une culture de l’individualisme.

Pour ma part, j’ai été surprise de découvrir que certains programmes diffusés sur France Télévisions à destination des enfants de six à douze ans avaient avant tout pour objectif de permettre à un grand studio américain de vendre des produits dérivés extrêmement coûteux, fabriqués très loin de l’Europe. Ce n’est pas notre conception du service public, ce n’est pas la vocation de France Télévisions ; nous le redirons à la nouvelle présidente de ce groupe.

Lorsqu’on les interroge, les Français se déclarent très favorables à l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Alors, pourquoi hésiter ? Cette mesure aurait une incidence très limitée sur le budget de France Télévisions, qui s’élève, je le rappelle, à plus de 2, 7 milliards d'euros. Comme le disait notre collègue Maurice Antiste en commission, « que valent 10 millions d'euros face aux dégâts de la publicité sur la santé des enfants ? »

J’ajoute que le vrai problème, madame la ministre, est que l’intégralité du produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications qui a été créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques n’est pas réaffectée à l’audiovisuel public, comme elle devrait l’être.

Nous ne pouvons finalement que nous étonner que cette mission de préservation des enfants ne soit pas au cœur des préoccupations de France Télévisions. C’est pourquoi le législateur est dans son rôle en voulant préciser dans la loi les lignes à ne plus franchir.

Après plusieurs mois de travaux, nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin ont rendu, à notre demande, un important rapport sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public, qui a permis de mettre en lumière l’urgent besoin de réformes structurelles et l’indispensable réaffirmation de la spécificité du service public de l’audiovisuel. Cette réaffirmation des valeurs passe par une réduction de la place de la publicité dans le financement de France Télévisions. Il nous apparaît tout à fait opportun que cet acte fort de politique culturelle et sanitaire concerne d’abord les plus jeunes.

Contrairement à ce que nous allons sans doute entendre affirmer aujourd’hui sur certaines travées, la baisse très limitée des recettes publicitaires ne poserait pas de problème financier à France Télévisions, pour au moins deux raisons.

Tout d’abord, un sous-amendement de notre collègue Jean-Pierre Leleux a prévu une mise en œuvre du dispositif au 1er janvier 2018, en même temps que devrait s’appliquer la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui est indispensable et que le Gouvernement a repoussée du seul fait du calendrier électoral.

Ensuite – je sais que c’est un sujet tabou chez France Télévisions –, il existe d’importantes marges d’économies, qui ont été identifiées par nos collègues. Je pense notamment au recours excessif à des sociétés de production pour les magazines, alors que la rédaction de France Télévisions est abondante, à ces sociétés de production créées par d’anciens dirigeants du groupe public, qui bénéficient de commandes en l’absence de véritable concurrence.

Nous examinons ce soir un texte de portée très limitée, qui ne constitue pas, il faut en avoir conscience, une réforme globale de l’audiovisuel public. Mais, parce qu’elles posent une exigence particulière à l’égard du service public, les mesures présentées nous donnent l’occasion de choisir le chemin de l’ambition pour France Télévisions, si l’on pense que la notion de service public a encore un sens.

Je citerai de nouveau, en conclusion, cette professeure de collège de Rouen que j’évoquais à l’instant : « C’est l’une des missions du service public, et donc de la télévision publique, d’être exemplaire en matière de protection morale des personnes les plus vulnérables – nos enfants – et de respect des valeurs qui fondent le vivre-ensemble. La télévision publique doit considérer le jeune spectateur comme un citoyen en devenir, digne de respect, et non comme un consommateur facilement manipulable. »

Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment tout à fait sensible à la démarche que traduit cette proposition de loi et je partage votre préoccupation de limiter les effets de la pression publicitaire sur les enfants.

Cependant, je ne suis pas convaincue que cette proposition de loi soit le bon moyen pour y parvenir, cela pour trois raisons principales.

D’abord, je m’interroge sur la cohérence de cette proposition de loi au regard de l’objectif visé : la santé publique des plus jeunes.

Le lien entre la réduction ou la suppression de la diffusion de messages publicitaires destinés aux plus jeunes et l’obésité est en réalité assez ténu. §C’est la raison pour laquelle très peu de pays ont fait le choix d’une prohibition de cette publicité et ceux qui ont introduit ce type d’interdiction n’ont pas constaté de baisse de l’obésité infantile.

En outre – c’est l’un des constats qui ressort de vos débats en commission –, on ne peut réduire cette problématique à la seule diffusion des messages publicitaires sur les chaînes publiques. Les enfants et les jeunes adolescents sont exposés aux messages publicitaires non seulement sur les antennes de France Télévisions, mais également et surtout sur celles des chaînes privées, dont certaines leur sont entièrement dédiées, ainsi que, de plus en plus, sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Justement, ce n’est pas la peine d’en rajouter !

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre

Il me paraît donc délicat d’envisager d’adopter des mesures aussi radicalement différentes pour les seules antennes de France Télévisions, si l’objectif visé est celui de la santé publique.

Par ailleurs, votre proposition de loi cible les programmes destinés à la jeunesse, alors que les pratiques des jeunes sont très diverses, puisque, comme l’indique le CSA, dans le palmarès des programmes les plus regardés par les enfants de quatre à dix ans figurent un grand nombre d’émissions de téléréalité.

C’est la raison pour laquelle – c’est mon deuxième point de désaccord – les démarches entreprises ces dernières années ont reposé sur une corégulation associant l’ensemble des professionnels concernés et dans laquelle France Télévisions a, bien sûr, toute sa place.

Outre les nombreuses actions menées par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, en matière de lutte contre l’obésité infantile, les pouvoirs publics ont privilégié une démarche pédagogique, qui consiste à promouvoir une alimentation saine et équilibrée. En effet, ce sont moins les aliments consommés qui sont la cause de l’obésité que les comportements alimentaires et, plus globalement, l’hygiène de vie.

Cette démarche a pris corps avec la signature, en 2009, d’une charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision. Cette charte a été reconduite et renforcée en 2014. Elle réunit le mouvement associatif, les industriels de l’agroalimentaire, les professionnels du secteur audiovisuel et ceux de la publicité, sous l’égide des pouvoirs publics dans leur ensemble.

Une étude indépendante sur l’efficacité de ces émissions, réalisée sur l’initiative du CSA, avait conclu au bien-fondé de cette démarche. Les émissions diffusées au titre de la charte sont en effet appréciées par le public pour leur caractère pédagogique, pratique et motivant.

Les efforts déployés depuis plus de six ans par les professionnels ont démontré que des pratiques constructives pouvaient être mises en œuvre par tous les acteurs concourant à la diffusion de messages publicitaires.

Le mérite de cette charte, dont six ministères sont désormais signataires, est d’envisager la problématique dans toutes ses composantes, qu’il s’agisse de la régulation du contenu des spots publicitaires par l’ARPP, des campagnes de prévention de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et des messages sanitaires apposés sur les spots publicitaires alimentaires, mais également, et surtout, de la création et de la diffusion d’émissions faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie.

Les nouveaux engagements pris en 2014 témoignent de la réussite du dispositif de régulation mis en place et de sa capacité d’évolution. Cela doit permettre, en prenant en compte l’expérience déjà acquise, de le rendre encore plus efficace en lui donnant une nouvelle dynamique.

Parmi les engagements renforcés pris par les diffuseurs, on peut citer, par exemple : l’augmentation du volume horaire annuel de diffusion de programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie ; la valorisation de ces programmes sur les services de télévision de rattrapage et sur les sites internet édités par les chaînes, qui sont des plateformes de plus en plus utilisées par les enfants et les adolescents ; l’engagement de relayer à l’antenne, chaque année, des événements tels que les « journées européennes de l’obésité », « la semaine du goût » ou encore « la semaine du sport » ; l’ajout d’un engagement spécifique à l’outre-mer.

Par l’insertion de ces nouvelles dispositions, qui permettent d’aller plus loin encore dans ce travail collectif, les professionnels ont montré leur volonté réelle d’engagement. Les pouvoirs publics soutiennent cette démarche, qui reste un bon exemple en matière de corégulation.

Je parle d’« exemple », car le recours à ce type d’encadrement souple, en matière de publicité, s’est avéré être une solution très constructive, qui permet de mettre en cohérence les intérêts de chacun autour d’actions concertées, dans un but d’intérêt général.

L’autorégulation a donc porté ses fruits. Je rappelle d’ailleurs qu’elle a été négociée dans un contexte de stabilité de l’environnement législatif et réglementaire.

Certains pourraient tirer prétexte de cette proposition de loi pour dénoncer l’application de la charte.

Je ne dis pas que nous ne devons rien faire ; je dis que si nous devons faire quelque chose d’un point de vue normatif, il nous faut au moins atteindre le niveau de protection déjà permis par l’autorégulation.

Il me paraît donc préférable de poursuivre cette démarche pédagogique et d’en évaluer l’impact dans la durée, plutôt que d’envisager des mesures de prohibition.

Enfin – c’est mon troisième point de désaccord –, je suis convaincue que le service public de l’audiovisuel a besoin de stabilité, dans sa structure comme dans son financement.

Ce financement, le Gouvernement s’est engagé à le rendre plus solide, plus indépendant, y compris des annonceurs ; c’est ce que traduit le projet de loi de finances en cours de discussion. C’est également le sens de l’affectation d’une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, à France Télévisions. Je précise d’ailleurs qu’il ne s’agit nullement d’une réaffectation, madame la présidente de la commission, cette affectation n’ayant jamais été opérée par la majorité précédente, qui avait décidé de supprimer la publicité sur France Télévisions après 20 heures.

Comme vous le savez, le groupe France Télévisions est confronté à une situation économique difficile. Entre 2010 et 2014, les recettes publicitaires du groupe ont diminué de 123 millions d’euros, tandis que ses ressources publiques demeuraient stables, du fait de sa participation, légitime, à l’effort national de redressement des comptes publics.

En dépit de mesures d’économies importantes, notamment la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires, l’exploitation de la société demeure déséquilibrée du fait de la progression automatique de certaines charges. L’exercice 2016 pourrait ainsi être déficitaire de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Pour permettre à la nouvelle présidente de France Télévisions de réduire ce déficit après trois années de pertes, l’Assemblée nationale a adopté avant-hier un amendement du Gouvernement, reprenant des amendements parlementaires, qui augmente de 25 millions d’euros le montant de la ressource publique allouée à l’entreprise.

Pour autant, ce « coup de pouce » n’exonérera pas France Télévisions d’un effort d’économie important, et le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devra définir les conditions d’un retour durable à l’équilibre. Or, il ne sera pas possible d’atteindre cet objectif en réduisant de nouveau les recettes publicitaires de l’entreprise.

À ce titre, il ne serait pas responsable de « gager » le financement de ce dispositif sur une réforme à venir de la redevance, dont vous savez qu’elle est complexe. La réforme de la redevance doit avoir pour seul objectif d’adapter l’assiette de cette contribution à la réalité des usages des Français.

En outre, ce gouvernement n’est pas favorable à la réintroduction, fût-elle partielle, de la publicité en soirée sur France Télévisions. Ce n’est pas cohérent avec l’ambition qui est la nôtre pour le service public, un service public capable de proposer une information indépendante et une création audacieuse. Mais nous ne sommes pas non plus favorables à une réduction des recettes publicitaires, qui fragiliserait le financement de France Télévisions.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Sept minutes de publicité !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette proposition de loi de nos collègues écologistes témoigne d’une ambition qui ne peut qu’être partagée.

Les socialistes ont toujours été aux avant-postes d’une régulation encourageant le secteur audiovisuel en général à prendre sa part dans l’éducation et la protection des enfants et des jeunes. J’ai moi-même réalisé, en 2008, un rapport intitulé « Les nouveaux médias : des jeunes libérés ou abandonnés ? », qui abordait la question de la révolution numérique et de l’impact de la télévision et des radios sur les jeunes.

Toutefois, à mon grand regret et à mon étonnement, le champ de cette proposition de loi se limite au périmètre du service public, alors que les études montrent qu’au plus un tiers des enfants qui regardent des programmes de télévision destinés à la jeunesse le font sur le service public de l’audiovisuel. De surcroît, les enfants regardent aujourd’hui de plus en plus ces programmes sur internet, où n’existe aucune régulation.

Je suis donc étonné que le dispositif d’une proposition de loi affichant la grande ambition de protéger les enfants ne touche qu’une infime partie de ceux-ci, en visant le seul service public de l’audiovisuel, sans que ses auteurs aient envisagé de renforcer la régulation pour l’ensemble du secteur audiovisuel, les chaînes privées concurrençant de plus en plus fortement le service public, ou pris en compte les conséquences de la révolution numérique, avec par exemple 500 millions de vidéos vues sur YouTube ! Il ne suffit plus d’éduquer les enfants à la manière de regarder la télévision, comme je l’ai fait avec les miens : dorénavant, il faudrait aussi leur apprendre comment regarder les images diffusées sur internet.

Ces lacunes du texte sont d’autant plus dommageables que le nouveau paysage audiovisuel, marqué par une tendance à la concentration dans le secteur privé et le développement des plateformes de diffusion sur le net, impose d’engager une nouvelle réflexion sur les règles, les moyens de régulation et le contrôle en général, notamment s’agissant de la protection des jeunes.

Non seulement cette proposition de loi ne traite pas de tous les supports audiovisuels et ne concerne qu’un enfant sur trois qui regarde des programmes télévisés destinés à la jeunesse, mais elle n’aborde le sujet de la protection des enfants que sous l’angle de la publicité.

En effet, on nous invite ici à légiférer non pour assurer la nécessaire protection des enfants contre les effets néfastes des programmes destinés à la jeunesse, mais seulement pour exclure de ceux-ci la publicité. C’est envisager les choses par le petit bout de la lorgnette, en n’abordant qu’une infime partie des problèmes que peuvent poser ces programmes.

Ainsi, la protection de la santé des enfants et des jeunes est placée au cœur de la proposition de loi, mais nous devons aussi porter une attention particulière à la prévention des comportements violents : il convient de prendre en compte la santé psychologique, à côté de l’obésité.

Par un tour de passe-passe, en omettant d’évoquer le contenu des programmes pour se focaliser sur la seule publicité, on donne à penser que celle-ci serait la cause de l’obésité !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Non, justement !

C’est le fait de rester immobile, des heures durant, assis devant la télévision, en grignotant des aliments sucrés ou gras, qui peut favoriser l’apparition de l’obésité.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Loïc Hervé. Il faut regarder Public Sénat !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Ce n’est pas la publicité en elle-même qui est responsable de l’obésité ! La preuve en est que, en Suède et au Canada, l’obésité a progressé de façon exponentielle durant la décennie qui a suivi la suppression, dans ces deux pays, de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse !

M. André Gattolin marque son désaccord.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En effet, c’est le manque d’activité physique et la mauvaise alimentation qui favorisent la prise de poids. Le développement de l’obésité relève d’un problème de société global. Un effort d’éducation sanitaire approfondi doit être engagé : la télévision n’est pas seule en cause.

Au regard de l’équité, la mesure proposée ne toucherait pas tous les enfants.

Aux termes de la loi du 30 septembre 1986, « aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne [doit être] mis à disposition du public par un service de radiodiffusion sonore et de télévision ».

En outre, tout spot publicitaire doit recevoir, avant diffusion, l’aval de l’ARPP, sur la base d’une charte comportant de nombreux points relatifs à la protection des enfants.

Ces dispositions valent pour l’ensemble du secteur audiovisuel, mais, malheureusement, elles ne concernent pas le net, où la publicité n’est donc pas régulée par la loi et n’est soumise à aucun contrôle de l’ARPP. Il me semble que nous devrions surtout légiférer pour combler ce vide.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En conclusion, il est inique de cibler le seul secteur public de l’audiovisuel, qui est confronté à des difficultés extrêmes de financement et dont la mission de service public comporte une dimension d’éducation de la jeunesse.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

C’est fini !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Croyez-vous que si l’on prive France Télévisions de 10 millions d’euros de recettes, à un moment où le groupe connaît un déficit structurel, cela n’induira pas une diminution des investissements en faveur de la création ? Je rappelle que le secteur public assure 80 % de la création audiovisuelle en France.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Parce que nous pensons que la régulation de l’audiovisuel dans son ensemble passe par un service public fort, nous ne voulons pas affaiblir ce dernier en lui retirant 10 millions d’euros. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il a dépassé son temps de parole d’une minute et demie !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mon groupe a un temps de parole de quatorze minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la présente proposition de loi, cela a été dit, a pour objet de supprimer la publicité à caractère commercial dans les programmes destinés à la jeunesse sur les chaînes de télévision publiques.

L’objectif affiché est de lutter contre l’obésité et le surpoids, fléaux qui touchent, il est vrai, de plus en plus de personnes dans notre pays, en particulier les enfants. Chacun d’entre nous ici peut souscrire à cet objectif de santé publique.

L’incidence de la télévision, mais aussi, de plus en plus, des autres médias sur l’obésité est démontrée par de nombreux travaux. C’est surtout le temps passé devant les écrans qui est en cause, du fait de la passivité qu’il implique et de la propension naturelle à grignoter pendant le visionnage.

Cependant, le contenu même des programmes publicitaires peut aussi avoir une influence néfaste. La promotion de produits alimentaires représente la plus grande part de la publicité à la télévision. De plus, les produits présentés sont essentiellement des aliments riches en sucre et en matières grasses, donc ceux qui entraînent le plus de surpoids.

Les enfants sont vulnérables à ce type de publicité, car ils sont généralement trop jeunes pour être conscients des conséquences de la consommation de ces aliments sur leur santé. En outre, les professionnels de la publicité mettent en œuvre des techniques nombreuses et élaborées pour rendre ces produits attractifs et désirables.

Compte tenu de ces éléments, l’idée d’interdire purement et simplement la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique paraît justifiée. La sanctuarisation de ces programmes comporte un autre avantage, sachant que les annonceurs ont l’obligation d’intégrer dans certaines de leurs publicités des messages de prévention, alors qu’ils font, dans le même temps, la promotion de ce que certains appellent la « malbouffe » : la suppression de la publicité aura le mérite de lever cette contradiction et, peut-être, une certaine hypocrisie.

On peut toutefois regretter que le champ de la proposition de loi soit restreint aux chaînes du service public. Cela limite nécessairement la portée d’une telle législation, sans parler de l’évolution profonde des usages, internet tendant de plus en plus à se substituer à la télévision.

Par ailleurs, si l’on comprend l’attention spécifique portée aux moins de douze ans – c’est la tranche d’âge visée par la proposition de loi –, je tiens à souligner que les adolescents sont tout aussi concernés par les problèmes de surpoids. Même s’ils peuvent avoir plus de recul à l’égard de la publicité du fait de leur âge, ils ne sont probablement pas à l’abri. La pression des pairs est particulièrement forte à l’adolescence, et elle peut inciter à consommer certains produits promus par la publicité.

Enfin, je souhaite souligner que les enfants ne se limitent pas, loin de là, à regarder les programmes qui leur sont spécifiquement destinés. Aujourd’hui, les programmes le plus regardés par les jeunes sont des émissions de téléréalité, même s’ils ne les regardent pas forcément seuls.

La mesure est présentée comme neutre du point de vue budgétaire. Il est vrai que les 10 millions d’euros de perte de recettes annoncés ne représentent que 0, 3 % du budget global de France Télévisions, qui s’élève à 3 milliards d’euros : une goutte d’eau ! Néanmoins, cela justifie-t-il de considérer la mesure comme financièrement neutre ? Le risque existe-t-il vraiment de fragiliser le modèle de financement de l’audiovisuel public ?

Pour ce qui concerne les chaînes privées, la proposition de loi maintient le régime en vigueur, qui repose sur l’autorégulation du secteur par les chaînes elles-mêmes. Il est vrai que des progrès notables ont été accomplis et que l’adoption de la charte alimentaire a été suivie d’une autodiscipline réelle.

Toutefois, l’information du Parlement en la matière est insuffisante. Au-delà de l’élaboration des lois, les parlementaires doivent exercer pleinement leur fonction de contrôle. Nous devons sans doute renforcer notre suivi des activités du Conseil supérieur de l’audiovisuel et veiller à ce qu’il remplisse correctement ses missions. La transmission annuelle d’un rapport du CSA, que prévoit la proposition de loi, va dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

À l’heure où le développement du numérique modifie profondément le paysage des médias et les habitudes de consommation, le modèle économique de l’audiovisuel doit être repensé en profondeur. Les publicités intégrées dans les contenus vidéo diffusés sur internet tendent à se substituer aux publicités à la télévision. À terme, nous ne pourrons faire l’économie d’une réforme en profondeur, afin de préserver l’esprit de la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

La proposition de loi visant à supprimer la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique est un texte consensuel. Si elle n’apporte pas de réponse à la question plus large du financement de l’audiovisuel public, le gain potentiel qu’elle permet en matière de santé publique nous semble à lui seul de nature à justifier son adoption.

C’est pourquoi aucun des membres du groupe du RDSE ne s’opposera à l’adoption de cette proposition de loi. J’ajouterai, madame la ministre, que si ce texte vous semble insuffisant, rien ne vous empêche de nous en proposer un autre…

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, de l'UDI -UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, je pense que nous partageons, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, le même souci de protéger les enfants de la pression exercée par certains messages publicitaires.

L’enfant est un futur consommateur. Il est également le conseiller du parent consommateur. Il n’est donc pas étonnant que les publicitaires ciblent ce jeune public, particulièrement dans les programmes destinés à la jeunesse, qu’il s’agisse de publicité pour des jouets ou pour des produits alimentaires.

Comme l’a relevé notre rapporteur, dont je tiens à saluer le travail et l’engagement, il existe un problème de vulnérabilité de l’enfant, dont la capacité à décrypter les messages est limitée par son jeune âge.

La publicité ouvre à l’enfant le monde de la consommation. On peut le déplorer, mais cela est lié à notre mode de vie occidental. Un contrôle existe : il est exercé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui veille au respect de la réglementation, s’appuyant sur la loi de 1986 et un décret de 1992 relatif aux communications commerciales.

La question est aujourd’hui de savoir si cet encadrement est suffisant sur le plan de la santé publique, car on peut se demander, le taux d’obésité augmentant, quelle est l’influence de la publicité télévisuelle sur les comportements alimentaires des jeunes.

Si l’on observe la situation dans des pays ayant diminué ou supprimé la publicité télévisée, la corrélation n’apparaît pas clairement.

Ainsi, au Québec, la publicité à destination des enfants diffusée lors d’émissions de télévision a été supprimée en 1980, mais l’obésité infantile a quasiment doublé depuis cette date. Aux États-Unis, où la publicité en direction des moins de douze ans a diminué de 34 % entre 1977 et 2004, l’incidence de l’obésité infantile a quadruplé.

Cependant, les spécialistes auditionnés par notre rapporteur sont formels : même si l’impact de la publicité sur les habitudes alimentaires des enfants est difficile à évaluer, il est bien réel.

Pour clore ce débat, il faut comprendre que l’obésité a des causes multifactorielles, qui persistent dans les pays réglementant la publicité : sédentarité, manque d’activité physique, absence de conscience des parents des risques alimentaires encourus… Les causes de l’obésité et de son augmentation dans les pays occidentaux sont multiples. Je pense que la publicité vient jouer un rôle incitatif supplémentaire.

L’idée de réduire ou de supprimer la publicité dans le cadre des programmes destinés à la jeunesse recueille d’ailleurs un large assentiment des familles.

L’objet de la proposition de loi paraissant légitime, il nous faut alors être particulièrement attentifs aux conséquences, notamment économiques, de sa mise en œuvre.

En effet, il s’agit d’une proposition de loi : il n’y a donc pas eu d’étude d’impact et il nous appartient, en tant que parlementaires, d’estimer les effets potentiels de cette mesure sur le secteur de la publicité, d’une part, et sur les chaînes de télévision, d’autre part.

Concernant les annonceurs, le texte initial de la proposition de loi prévoyait, à son article 3, une hausse de la taxe sur la publicité, mais cet alourdissement des charges a été heureusement supprimé en commission. L’article 1er imposant un encadrement de la publicité a également été supprimé et remplacé par une amélioration de l’autorégulation du secteur, ce que nous approuvons entièrement.

En revanche, les chaînes publiques vont voir les investissements des publicitaires partir vers d’autres médias soumis à une moindre régulation, internet prenant une place de plus en plus importante.

Sans pouvoir disposer de données exactes, la commission a estimé à 5 millions ou 6 millions d’euros la perte de recettes résultant d’une suppression de la publicité qui ne viserait que les programmes destinés aux moins de douze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Comment le groupe France Télévisions pourra-t-il compenser cette perte, alors que son budget est déjà serré ? Cette mesure ne risque-t-elle pas de mettre en péril la réalisation de ses missions ?

C’est là un débat qui dépasse l’objet de cette proposition de loi, pour toucher aux sources du financement de l’audiovisuel public.

Notre groupe, lors de l’examen des précédents textes sur l’audiovisuel public, s’est déclaré favorable à la suppression générale de la publicité sur la totalité de la journée, principalement pour des raisons d’indépendance.

Le récent et excellent rapport de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin expose précisément cette nécessité : supprimer la publicité doit permettre de différencier fortement l’audiovisuel public des diffuseurs privés et, surtout, de le soustraire aux contraintes de l’audimat, ce qui garantirait définitivement son indépendance.

La disparition de la publicité ne pouvant être totale pour des raisons économiques, les auteurs du rapport recommandent une suppression partielle, afin de privilégier les messages des pouvoirs publics et de protection de la santé ou de l’environnement.

Le financement rendu nécessaire par la proposition de loi pourrait alors trouver sa place dans le cadre de la redéfinition du modèle économique de France Télévisions, que le Sénat appelle de ses vœux. Notre collègue Jean-Pierre Leleux a donc fait adopter un amendement en ce sens, tendant à reporter l’entrée en vigueur du texte, et donc le règlement de la question financière, à 2018. Cette solution de bon sens permettra de traiter la question de la publicité dans l’audiovisuel public dans son ensemble.

Toutefois, y aura-t-il alors une réforme de la contribution à l’audiovisuel public, souvent annoncée, jamais réalisée ? La redéfinition du financement des chaînes publiques passera-t-elle par davantage d’économies ? Je souhaiterais savoir, madame la ministre, comment vous appréhendez ces questions. Notre groupe reste réservé eu égard à cette inconnue financière.

Je vous rassure, mes chers collègues : nous voterons néanmoins ce texte dans sa nouvelle version, ne souhaitant pas condamner une initiative louable. Nous devrons être particulièrement attentifs aux développements futurs en matière de financement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, ce soir, pour examiner une proposition de loi à l’intitulé séduisant mais qui, au cours de son examen, a malheureusement perdu de sa substance et de son intérêt.

Vous le savez, nous sommes particulièrement sensibilisés à la problématique de la publicité à destination des enfants, puisque nous étions, avec notre ancien collègue écologiste Jacques Muller, à l’origine du travail engagé sur cette question en 2009 et que nous avons nous-mêmes déposé une proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous considérions – et considérons toujours – que la publicité est particulièrement nocive pour les enfants et les adolescents, au regard notamment des enjeux de santé publique qui ont été évoqués, sans parler, de manière plus large, du fait que la publicité appréhende les enfants comme des prescripteurs d’achat, les enrôlant ainsi, très tôt, au service d’une société d’hyperconsommation.

Prenant appui sur les législations en vigueur dans d’autres pays, ce travail avait abouti, comme je viens de l’indiquer, au dépôt d’une proposition de loi en 2010. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui relève à mon sens davantage d’une dénaturation que d’une simplification de cette proposition de loi, contrairement à ce qui a pu être dit précédemment.

Bien plus complète et ambitieuse, celle-ci s’articulait selon quatre axes.

Premièrement, elle prévoyait la sanctuarisation des programmes pour enfants et adolescents, en les exonérant de publicité. Cette interdiction s’appliquait – c’est l’une des questions cruciales – tant aux chaînes publiques qu’aux chaînes privées. À nos yeux, une telle interdiction globale était seule légitime, puisqu’il s’agissait de répondre à des impératifs d’intérêt général et de santé publique qui concernent tous les enfants.

Par ailleurs, notre proposition de loi traitait également des autres plages horaires, puisque, malheureusement, la plupart des enfants regardent la télévision bien au-delà des seuls programmes destinés à la jeunesse. Nous limitions plus clairement l’influence des contenus publicitaires, en interdisant par exemple le recours à des personnages de programmes dédiés à la jeunesse dans des publicités ou en renforçant les dispositions du code de la santé publique relatives à la publicité pour les boissons sucrées.

Deuxièmement, la proposition de loi de 2010 prévoyait un renforcement du contrôle et des sanctions.

Troisièmement, elle comportait un volet relatif à l’éducation et à la sensibilisation des enfants et des adolescents par la mise en œuvre d’un programme pédagogique de lecture de l’image et des médias à destination des élèves.

Enfin, quatrièmement, des dispositions visaient à défendre la production de l’animation audiovisuelle en France, dont la qualité est reconnue, y compris à l’international, au travers de mesures propres à engendrer des ressources nouvelles pour le Centre national du cinéma et de l’image animée.

Or, dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, l’ambition éducative de ces propositions a disparu, au profit d’objectifs très limités. C’est la raison pour laquelle j’ai parlé d’une « dénaturation », et non pas d’une « simplification », comme l’a fait notre collègue André Gattolin.

Ainsi, seul l’audiovisuel public est concerné, alors que la version initiale de la proposition de loi renvoyait à un décret en Conseil d’État les mesures à prendre concernant l’audiovisuel privé.

Avant même l’examen du texte en commission, nous avions regretté cette limitation, estimant que réduire le champ du dispositif à l’audiovisuel public le rendait bancal. Les enfants qui regardent les chaînes privées seraient-ils moins vulnérables ? Nous pensons plutôt le contraire !

Pour autant, nous étions prêts à soutenir cette proposition de loi, considérant qu’il s’agissait d’un premier pas en vue de la protection de l’enfance et de la jeunesse. Malheureusement, la commission a fini de vider le dispositif de son contenu, le privant ainsi de toute effectivité.

L’interdiction de la publicité commerciale ne concerne désormais que l’audiovisuel public, toute perspective de renforcement de la réglementation applicable aux chaînes privées ayant disparu.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et c’est pour cela que la droite votera la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Pour l’audiovisuel privé, on s’en remet à la seule autorégulation et à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le discours convenu sur l’exemplarité du service public ne saurait masquer cette grave lacune.

Pis, les amendements déposés par la rapporteur et par le sénateur Leleux reportent l’application de ce dispositif à 2018. Ils suppriment enfin toute compensation financière pour l’audiovisuel public et s’opposent à une augmentation de la taxe sur les chaînes privées qui aurait pourtant été utile.

Selon la rapporteur, il est très urgent d’attendre une refonte globale de l’audiovisuel et de ses financements, s’appuyant sur les préconisations du rapport d’André Gattolin et de Jean-Pierre Leleux. Or, que dit ce rapport ? Il propose certes l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse, mais ses auteurs considèrent que la baisse des ressources liée à cette dernière doit être compensée uniquement par l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public. Il préconise, parallèlement à cette montée en puissance de la contribution à l’audiovisuel public, une suppression pure et simple des dotations budgétaires et exclut toute participation renforcée du privé par une évolution de la taxe sur les recettes de la publicité.

Nous considérons, à l’inverse, qu’il faut augmenter la masse globale des financements, afin de permettre à l’audiovisuel public d’affronter les nouveaux défis liés notamment à la multiplication des supports. Nous avons d’ailleurs régulièrement présenté des propositions en ce sens.

Nous avons également sollicité le Gouvernement à propos d’une taxation des revenus de la publicité par voie électronique, en justifiant cette taxation par la multiplication des supports et des modes d’émission. Or les propositions auxquelles on nous renvoie aujourd’hui sont très loin du compte.

À nos yeux, le texte de la proposition de loi qui nous est soumis est en tout point insuffisant au regard des objectifs affichés. La protection de l’enfance mérite mieux qu’un dispositif à géométrie variable qui exonère les chaînes privées de leurs responsabilités et creuse, de fait, le sillon d’un paysage audiovisuel déséquilibré, avec un audiovisuel public réglementé, mais sous-financé, et un audiovisuel privé libre et lucratif.

Pour toutes ces raisons, bien que souscrivant à l’objectif initial de protection de l’enfance, puisque nous avions formulé des propositions plus ambitieuses en la matière, nous voterons contre l’adoption du présent texte, eu égard à la faiblesse de son dispositif et aux renoncements successifs qui ont marqué son élaboration.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. David Assouline applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, fédérer, créer, cultiver, épanouir, distraire, garantir le pluralisme et la diversité : tels sont les objectifs que nous assignons au service public de l’audiovisuel, qui se doit d’avoir une très haute ambition sur tous ces points.

Aujourd’hui, la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est salutaire. Elle répond à un objectif précis : protéger nos enfants de l’agression et de l’aliénation publicitaires, la publicité ne les envisageant que comme de petits prescripteurs et de futurs grands consommateurs.

Il s’agit de protéger la santé des enfants, car la publicité est placée par les petits au même rang qu’une injonction fiable : elle fabrique les diabétiques et les personnes en surpoids de demain. Certes, madame la ministre, elle n’est pas la seule responsable de l’obésité, mais c’est une raison de plus pour ne pas en rajouter ! La publicité produit des écoliers et des écolières incapables de se concentrer.

J’entends les réserves de certains de mes collègues, selon lesquels ce texte n’irait pas assez loin. Il constitue un premier pas, que le groupe écologiste tient à franchir.

Le manque à gagner de plus de 10 millions d’euros pour France Télévisions pourra être compensé. En effet, l’Assemblée nationale a adopté récemment un amendement accordant 25 millions d’euros supplémentaires au budget de la télévision publique. Enfin, notre proposition de loi ne s’appliquera qu’en 2018. Si des économies devaient être réalisées en urgence, je vous conseille de vous pencher sur le statut privilégié des animateurs-producteurs ou sur les privilèges de certains producteurs-réalisateurs qui se nourrissent du budget de France Télévisions…

Enfin, j’entends et je partage le regret que cette règle ne s’impose pas – encore – aux chaînes privées. Cela étant, j’observe qu’aucun amendement n’a été déposé pour y remédier et qu’il n’y aurait de toute façon pas eu de majorité pour le voter.

Oui, nous pensons que service public et service privé ne sont pas une même chose : par exemple, le service public oblige à livrer le courrier à tous, en haut de la montagne, dans le dernier village, dans le dernier quartier ; le service privé, c’est la desserte internet pour les seuls territoires où elle est rentable. Les exigences ne sont pas les mêmes dans le public et dans le privé !

Notre collègue Corinne Bouchoux, à qui nous pouvons rendre hommage pour la qualité de son travail, a proposé, après avoir entendu tous les acteurs, une nouvelle rédaction du texte, tenant compte de la réalité et de la complexité de la situation : il y a ce dont on rêve et ce qui est possible. Le groupe écologiste est satisfait de ce qu’elle nous propose et il soutiendra l’adoption de ce texte.

Depuis quelques jours, les médias, dont beaucoup sont vraiment dépendants des annonceurs, saluent néanmoins l’initiative du Sénat en faveur des enfants et ils nous encouragent à être précurseurs.

(Sourires.) Dans les internats des lycées d’Angers, à la même époque, du vin était proposé aux lycéens, et, dans les salles d’étude, les surveillants fumaient ! Tout cela fait sourire et paraît aujourd’hui inconcevable. Eh bien il en ira de même dans quelques années pour la publicité destinée aux enfants, et vous pourrez être fiers de dire : « C’est nous qui l’avons éradiquée ! »

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE, de l’UDI -UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Dans mon école primaire, à Roubaix, dans les années soixante, la boisson servie au réfectoire, c’était la bière ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à certains, je pense qu’un certain consensus devrait se dégager sur ce texte.

En effet, nul ne conteste plus les effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants : leur réalité est malheureusement bien établie. Chacun est donc convaincu de la nécessité d’encadrer cette publicité, sinon de la supprimer. Cette prise de conscience se manifeste depuis 2009, depuis que l’on a supprimé la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures. D’ailleurs, des amendements sont régulièrement défendus en ce sens par des membres de la Haute Assemblée, tous bords politiques confondus. Nous l’avons encore vu récemment, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

C’est pourquoi je remercie notre collègue André Gattolin d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je félicite notre collègue Corinne Bouchoux pour la qualité de son rapport, qui a permis à notre commission d’affiner et de mieux cibler le texte.

En effet, s’il convient d’agir, c’est de manière pragmatique et raisonnée. Je crois que l’on doit actionner deux leviers distincts, selon que l’on s’adresse aux chaînes privées commerciales ou aux chaînes publiques.

Pour les premières, il faut compter sur l’autorégulation, une autorégulation qui est déjà à l’œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Cela signifie qu’il faut recourir non plus à un mécanisme de réglementation centralisée, tel que le décret en Conseil d’État initialement prévu, mais à un rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel remis au Parlement, ce qui, au passage, aura le mérite de replacer ce dernier au centre du dispositif…

En revanche, la publicité doit être supprimée dans les programmes du service public destinés à la jeunesse. Toutefois, la commission a encore amélioré le ciblage de cette interdiction, en la concentrant sur les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, donc sur les publics les plus vulnérables.

Enfin, nous avons soutenu la fixation de l’entrée en vigueur du présent texte au 1er janvier 2018. Ce dernier point peut paraître anecdotique, mais il ne l’est en réalité pas du tout, car la présente proposition de loi repose, en filigrane, tout le problème du financement de la télévision publique.

Ce n’est pas que les montants en jeu soient exorbitants. D’ailleurs, quels sont-ils exactement ? France Télévisions parle de 15 millions d’euros, notre rapporteur chiffre plutôt le manque à gagner entre 5 millions et 7 millions d’euros. La situation est à peu près la même que lorsque l’on veut évaluer le nombre de participants à une manifestation : les chiffres varient selon qu’ils émanent des organisateurs ou de la police…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Quoi qu’il en soit, c’est une goutte d’eau en comparaison des 2, 37 milliards d’euros perçus par France Télévisions au titre de la redevance et des 330 millions d’euros de recettes publicitaires ! L’argument financier ne fait donc pas le poids, surtout au regard de l’enjeu de santé publique, qui me semble plus important.

Ce texte s’inscrit dans la lignée des travaux de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Leur rapport d’information, dont nous avons approuvé les conclusions, appelle à une réforme structurelle du financement de l’audiovisuel public qui, justement, devrait être mise en œuvre en 2018.

Le choix de cette échéance, encore une fois, n’est pas innocent. Certes, il permettra à France Télévisions d’adapter son offre et de réorganiser ses contrats avec ses annonceurs, mais surtout il autorisera une articulation avec la réforme structurelle que nous appelons de nos vœux. En effet, la suppression de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse n’est que l’un des aspects de cette réforme. Plus précisément, il s’agit de l’une de ses conséquences positives.

Cette réforme est rendue inévitable par la dégradation de la situation économique et financière de France Télévisions, mais aussi, et surtout, en raison du choc à venir ! En effet, chacun le sait, à partir de 2017, l’audiovisuel public devrait être confronté à une chute sévère de ses recettes publicitaires et du rendement de la contribution à l’audiovisuel public. Cette tenaille budgétaire est imputable à une seule et même cause : les conséquences de la révolution numérique, qui change radicalement le mode de consommation des programmes télévisuels.

Devant cette situation, nous soutenons fermement les principales propositions du rapport d’information de la Haute Assemblée, à savoir la mise en œuvre d’une refondation de la contribution à l’audiovisuel public et le reversement de la totalité du produit de la taxe sur les opérateurs de télécommunications.

Il s’agit surtout, à court terme, de stabiliser les ressources de l’audiovisuel public. Mais, pour le long terme, nous soutenons aussi l’instauration d’une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle allemand, à partir de 2018.

Pour ce qui concerne spécifiquement la publicité, nous adhérons au concept de « publicité raisonnée », autre nom de l’autorégulation dont je faisais état à l’instant, au sujet de l’article 1er du présent texte.

C’est dans ce cadre que la publicité insérée dans les programmes pour la jeunesse devrait être interdite sur l’ensemble des chaînes publiques, et très « raisonnée » sur les chaînes privées.

Pour toutes ces raisons, et en espérant que nous ne reculerons pas davantage devant cette réforme inévitable, le groupe UDI-UC votera la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection ; car c’est une perfection que de garder l’équilibre ». Cette citation de Jean Grenier, philosophe et écrivain du siècle dernier – au demeurant breton, plus précisément briochin –, pourrait illustrer la préoccupation qui nous anime en tant que parlementaires au début de ce débat.

D’une part, il y a le dessein légitime de protéger les enfants de contenus publicitaires inadaptés, qui les heurteraient ou les inciteraient à la surconsommation de produits néfastes à la santé ; d’autre part, il y a la nécessité, tout aussi légitime et indispensable aujourd’hui, de penser à la pérennité du service public audiovisuel.

Pour aborder cette proposition de loi de la manière la plus pertinente, je crois donc qu’il convient d’éviter tout manichéisme. Nos échanges ne peuvent se résumer à un supposé combat entre ceux qui défendraient la suppression de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique au titre de la santé publique et, plus largement, de la morale publique, et ceux qui s’y opposeraient au nom du réalisme économique.

En réalité, ces deux impératifs sont à concilier. Il s’agit, comme je l’ai précédemment évoqué, d’essayer de trouver un savant équilibre.

L’examen de la présente proposition de loi ne peut pas non plus servir de point d’ancrage, me semble-t-il, au seul réquisitoire contre la publicité ou la société de consommation. La discussion perdrait en intelligence et en intérêt si elle revenait à répondre à une question sans aucun doute idéologique : pour ou contre la publicité ?

L’objet de cette proposition de loi doit bel et bien être d’atteindre un juste équilibre entre la protection de l’enfant et la soutenabilité financière du service public de la télévision.

Cet équilibre est-il atteint ? Je réponds malheureusement par la négative.

Il est indéniable que les enfants constituent une cible privilégiée par les publicitaires. En France, ils représenteraient un marché de près de 40 milliards d’euros, soit 2 % de la richesse nationale. Par conséquent, nous ne pouvons évidemment que souscrire à l’objectif louable de la proposition de loi.

Pour autant, au regard de l’impact substantiel qu’aurait l’adoption du texte sur le budget de France Télévisions, il est impossible de faire fi de la situation financière actuelle du groupe. Celle-ci est connue et, Mme la ministre l’ayant rappelée, je n’insisterai pas sur le sujet.

Je me contenterai de souligner que, depuis 2011, les chaînes de télévision font face à une baisse du marché publicitaire de 8 % et qu’une suppression de la publicité alimentaire aggraverait cette tendance.

La baisse de recettes qui en résulterait, notamment au niveau du service public, aurait une incidence pernicieuse sur la création audiovisuelle et cinématographique. Je pense en particulier à l’ensemble de la filière de la production à destination de la jeunesse, qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est reconnue à travers le monde pour sa grande qualité et participe au rayonnement de la France.

Pour le service public de la télévision, dont les ressources propres dépendent à plus de 99 % de la publicité et du parrainage, l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse constitue un véritable mauvais signe.

Bien sûr, une telle hypothèse ne peut s’inscrire que dans la perspective d’une réflexion plus globale sur le modèle économique de France Télévisions, j’en conviens. Mais toute décision qui se traduirait par une diminution de ses recettes déstabiliserait l’ensemble du groupe.

Pourquoi le périmètre de cette proposition de loi s’arrête-t-il au service public ? Pourquoi fragiliser une nouvelle fois ledit service public, auquel nous sommes attachés ?

Mais surtout, le marché publicitaire – c’est un constat avéré – se déplace de plus en plus vers internet, qui représente un quart du marché publicitaire global en France. Les investissements sont croissants, les techniques de marketing très sophistiquées et la réglementation asymétrique fausse la concurrence entre télévision et web, ce dernier échappant au corpus législatif.

Par-delà les dispositions législatives et réglementaires codifiant la publicité télévisée, nombreuses et étoffées pour les jeunes publics, je souhaiterais insister sur le dispositif de l’autorégulation professionnelle de la publicité qui, de l’avis de beaucoup, fonctionne tout à fait correctement.

Créée en 1935 sous le nom d’Office de contrôle des annonces, l’ARPP est chargée depuis 1992 de donner un avis définitif, avant diffusion, sur tout film publicitaire. À titre indicatif, plus de 20 000 spots publicitaires télévisuels ont été traités en 2014.

Constituée de l’ensemble des acteurs de la publicité, l’ARPP a parallèlement élaboré plusieurs règles déontologiques, en concertation avec la société civile, singulièrement le Conseil paritaire de la publicité. Six recommandations concernent plus spécifiquement les enfants. Elles portent notamment sur la sécurité, les jouets, l’image de la personne humaine ou encore les comportements alimentaires.

Sur ce dernier point, l’exemple est probant. Le volontarisme du Conseil supérieur de l’audiovisuel, combiné au système d’autorégulation, a porté ses fruits. La charte alimentaire de 2013, encore plus ambitieuse que celle de 2009, a eu des effets concrets à la fois sur la démarche qualité de la publicité et sur les engagements des chaînes de télévision en matière d’éducation nutritionnelle auprès des jeunes publics. Pour preuve, en 2013, les programmes visant à promouvoir une bonne hygiène de vie représentaient 1 223 heures de diffusion, contre 443 en 2009.

En d’autres termes, l’amélioration de la pédagogie autour de l’alimentation et de la pratique d’une activité physique est passée, non par une quelconque interdiction, mais par un dialogue nourri entre les pouvoirs publics – pas moins de six ministères ont été associés à la rédaction de cette charte – et les professionnels du secteur de l’audiovisuel.

En définitive, l’esprit de responsabilité semble nettement plus efficace que l’interdiction pure et simple !

Afin de ne pas se limiter au service public et, surtout, de prendre en considération l’évolution des usages – on sait que les enfants se tournent vers les chaînes privées, mais aussi vers internet –, on pourrait imaginer une mission d’information sur la régulation de la publicité sur internet, qui permettrait au moins de rééquilibrer le marché publicitaire en France. Nous savons qu’il y a là un véritable enjeu, non seulement national, mais aussi européen.

Ma conclusion sera brève, mes chers collègues : parce que nous sommes très attachés à la qualité de l’audiovisuel public, veillons à ne pas le fragiliser une fois encore !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de loi de notre collègue André Gattolin est à la fois louable – tous les orateurs qui m’ont précédé l’ont reconnu – et presque consensuel.

Ce texte est louable, car il tend à protéger les enfants et les adolescents, public particulièrement sensible et vulnérable, de messages publicitaires susceptibles d’abuser de leur crédulité, de leur jeunesse, pour forcer un acte d’achat vers des produits dont les effets pourraient être néfastes à leur santé ou, tout simplement, à leur équilibre.

Il est, aussi, consensuel – au vu des débats de ce soir, je le qualifierai plutôt de « quasi-consensuel » –, si j’en crois le sondage évoqué par André Gattolin. Selon ce sondage, publié par l’IFOP voilà quinze jours, 71 % de la population française est favorable « à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse et aux enfants sur les chaînes de la télévision publique ».

J’ajoute – mais cela a également été souligné – qu’un grand nombre de pays ont déjà soit légiféré, soit réglementé sur la publicité diffusée dans le cadre des émissions destinées à la jeunesse. Ces pays ayant été cités, je n’entends pas revenir sur la corrélation, assez complexe, entre messages publicitaires et obésité. Je précise néanmoins que l’obésité n’est pas seule concernée et qu’il faut aussi songer à certaines influences pouvant être néfastes aux enfants.

Pour louable et consensuel que soit l’objectif visé par la proposition de loi, celle-ci a été substantiellement modifiée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sur proposition de son rapporteur, Mme Corinne Bouchoux, que je félicite pour son travail, ainsi que pour son esprit d’ouverture et son souci d’équilibre.

Ainsi, l’article 1er du texte, qui tendait à prévoir une réglementation par décret en Conseil d’État des messages publicitaires diffusés à la jeunesse par l’ensemble des chaînes de télévision, a été réécrit par la commission, afin que soit inscrit dans la loi le principe d’autorégulation du secteur de la publicité s’agissant précisément de cette publicité à destination de la jeunesse.

L’autorégulation sera mise en œuvre sous la supervision du CSA, à qui l’on demandera de produire un rapport annuel au Parlement, faisant état des efforts effectués par les chaînes dans le cadre de la charte alimentaire. Cette charte, qui existe depuis 2009, est effectivement peu connue. Le travail est réalisé, on le sait, mais la communication et les rapports sur ce point précis sont par trop discrets.

L’article 2, quant à lui, a subi deux modifications importantes.

La première modification porte sur la définition de ce que l’on appelle la « jeunesse ».

En effet, le concept de jeunesse est sans doute un peu flou pour que l’on puisse légiférer sur cette base. Pour ceux qui, comme nous, se croient toujours jeunes malgré leur âge ou ceux qui, toujours comme nous, pensent que la jeunesse est un état d’esprit, il faut être un peu plus précis.

C’est pourquoi le texte cible désormais un public âgé de moins de douze ans. Les programmes destinés à ce public se verront donc interdits de publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public et sur les sites dédiés à ces émissions, avec un élargissement d’un quart d’heure prévu avant et après la plage horaire concernée.

La deuxième modification concerne le principe d’une compensation financière à la perte de ressources envisagée, que certains évaluent à 5 ou 7 millions d’euros, et d’autres à 15 millions.

Ce concept de compensation financière a été supprimé et l’application de la loi reportée au 1er janvier 2018, à l’occasion de la mise en œuvre d’une réforme globale du financement de France Télévisions. Celle-ci s’appuiera sur les propositions qui ont été avancées dans le rapport élaboré, durant huit mois, par André Gattolin et moi-même et que, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans connaître.

Je tiens à profiter des quelques minutes dont je dispose encore pour revenir sur un argument développé par David Assouline et repris par Sylvie Robert. Il eût fallu, selon nos deux collègues, étendre la mesure à l’ensemble des chaînes publiques et privées.

Évidemment, considéré sous un certain angle, cet argument ne nous laisse pas insensibles. Mais j’y vois tout de même un paradoxe, monsieur Assouline. Dans votre discours, qui, en définitive, rejoint le nôtre, vous indiquez qu’il s’agira aussi de différencier le service public dans le paysage audiovisuel. Comment ne pas utiliser, pour ce faire, des mesures tendant à améliorer le discours public, en le concentrant sur l’environnement, la santé et la protection des enfants ?

J’ai entendu sur d’autres travées, particulièrement les nôtres, qu’il revenait aux parents de transmettre le message à leurs enfants. J’en conviens, mais nous avons justement là une opportunité d’expliquer aux parents que, s’ils veulent protéger leurs enfants, ils doivent leur faire regarder les émissions matinales du service public, diffusant des messages publicitaires propres.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cela fait longtemps que vous n’êtes plus parent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

M. Jean-Pierre Leleux. Ainsi, nous pourrons augmenter l’audience de l’audiovisuel public dans les tranches d’âge des enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je conclurai mon propos en saluant, d’abord, le travail et l’initiative d’André Gattolin. Je tiens à lui redire tout le plaisir que j’ai eu à travailler pendant plusieurs mois sur le rapport précité et, notamment, à mener toutes les auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

En définitive, nous avons trouvé un dispositif cohérent. La réforme de l’audiovisuel public, que nous préconisons et appelons de nos vœux, doit pouvoir – combien de fois l’ai-je répété ! – aboutir à ce que l’audiovisuel public traverse les échéances électorales paisiblement, sans revirement complet de situation à intervalles réguliers.

La recherche d’un consensus est nécessaire pour rendre l’audiovisuel enfin indépendant et l’asseoir sur un financement solide.

Je salue, ensuite, le travail de coordination de nos travaux effectué par la présidente de la commission de la culture et, en particulier, le soin qu’elle a pris pour mener la concertation.

Enfin, je remercie Mme le rapporteur pour son sens de l’écoute et le travail en profondeur qu’elle a réalisé.

Ce texte, s’il n’est pas la panacée, est cependant tout à fait bon. C’est pourquoi nous le voterons.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin

Les différentes interventions l’attestent, nous avons tous comme objectif de protéger les enfants et leur santé. À cet égard, l’objet de cette proposition de loi est tout à fait louable. Néanmoins, nous devons être attentifs à ne pas fragiliser les actions menées actuellement, qui portent leurs fruits – je pense à l’autorégulation – et qui pourraient même être amplifiées.

Nous devons également veiller à ne pas fragiliser l’audiovisuel public par rapport à ses concurrents privés, qu’il s’agisse des chaînes privées ou des acteurs de l’internet. C’est pourquoi, comme le disait Sylvie Robert, il convient d’adopter une approche équilibrée.

Je veux dire quelques mots sur le financement de France Télévisions, qui a été évoqué à de nombreuses reprises.

Il faut regarder les choses en face et voir ce qui a été fait. Le Gouvernement a renforcé le financement de France Télévisions, l’a rendu plus indépendant, plus stable, plus pérenne, et a fait en sorte que celui-ci ne soit plus soumis à la régulation des fins de gestion. C’est d’ailleurs ce qu’organise le projet de loi de finances pour 2016, qui sera prochainement discuté au Sénat.

Le Gouvernement peut être fier de ces mesures.

Veillons à ne pas fragiliser cet audiovisuel public dont nous sommes tous fiers, et qui doit faire face à une concurrence de plus en plus rude.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre Ier

(division et intitulé supprimés)

Chapitre Ier

Protection des enfants et des adolescents

Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect, par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque, et formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité. »

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Chapitre II

Dispositions applicables au service public audiovisuel

I. – L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :

1° Après le VI, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :

« VI bis – Les programmes des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44 destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général. Cette restriction s’applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s’applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans.

2° Au VII, la référence : « au VI » est remplacée par les références : « aux VI et VI bis ».

II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2018. –

Adopté.

Titre II

(division et intitulé supprimés)

(Supprimé)

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Faute d’établir un diagnostic commun sur le service public, compte tenu du contexte dans lequel nous examinons cette proposition de loi, il paraît difficile de parvenir à un consensus.

La question qui est posée, c’est celle de la vérité des prix, celle des moyens dont on se dote pour mener une politique.

La dernière fois que nous avons eu un grand et long débat sur l’audiovisuel public dans cet hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen de la loi voulue par Nicolas Sarkozy pour supprimer la publicité après vingt heures, loi qui a cassé l’équilibre financier qu’avait retrouvé France Télévisions bien des années auparavant.

Cet équilibre reposait sur deux piliers bien distincts : les ressources propres – les recettes commerciales – et les ressources issues de la contribution à l’audiovisuel public. De cette façon, le groupe public était indépendant de l’État sans dépendre de ses recettes publicitaires.

Depuis lors, il n’est jamais parvenu à retrouver cet équilibre.

Le financement public de France Télévisions reste soumis chaque année – on l’a vu – aux aléas de la conjoncture financière et au vote du budget ; pour autant, le groupe ne peut compter sur la seule redevance, personne n’ayant fait le choix d’imiter le modèle anglais, celui de la BBC, ou allemand d’un financement entièrement public de l’audiovisuel.

Par conséquent, France Télévisions doit trouver de nouvelles ressources propres.

À droite, j’ai toujours entendu la même chose : « Il y en a marre des assistés, du service public, qu’on doit alimenter ! Qu’ils aillent donc chercher des ressources propres ! » Et quand le service public s’efforce de trouver ces ressources, on lui retire 10 millions d’euros !

On pourrait tenter l’expérience pendant quelques années et étudier ainsi le réel impact de cette suppression. Je suis prêt à dire banco, si l’on m’explique comment compenser. Or, tant en Suède qu’au Canada, on n’a observé aucun impact…

Selon nous, le débat doit porter pour l’essentiel sur la manière de protéger l’enfance et la jeunesse à l’heure de la révolution numérique et des mass media. C’était d’ailleurs l’objet de mon rapport de 2009, dans lequel je formulais douze propositions, dont certaines ont été mises en œuvre. Je soulevais dans ce travail d’autres problématiques qui continuent de se poser, comme la violence et la santé.

Surtout, c’est le contenu pédagogique des émissions elles-mêmes qui doit retenir notre attention. À cet égard, seul le service public permet d’exercer une influence sur les programmes produits. Dans le privé, c’est d’abord l’Audimat et la rentabilité commerciale qui fixent les règles.

Pourquoi fragiliser le service public, alors même qu’il accorde la plus grande attention à la protection et à l’éducation des jeunes, et qu’il a adopté une charte propre dont les prescriptions s’imposent à lui en sus des dispositions de la loi de 1986 et des règles auxquelles est soumis le privé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

La proposition de loi est adoptée.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 22 octobre 2015 :

À dix heures trente :

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé (517, 2014-2015) ;

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (76, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 77, 2015-2016).

Explications de vote et vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi organique, modifiée par l’Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy (518, 2014-2015) ;

Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (72, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 73, 2015-2016).

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Proposition de résolution pour le soutien au plan d’électrification du continent africain : « plan Électricité-Objectif 2025 », présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution (n° 540, 2014-2015).

Proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural (470, 2014-2015) ;

Rapport de Mme Annick Billon, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (61, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 62, 2015-2016).

Éventuellement, à dix-huit heures trente, et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinq.