Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la présente proposition de loi, cela a été dit, a pour objet de supprimer la publicité à caractère commercial dans les programmes destinés à la jeunesse sur les chaînes de télévision publiques.
L’objectif affiché est de lutter contre l’obésité et le surpoids, fléaux qui touchent, il est vrai, de plus en plus de personnes dans notre pays, en particulier les enfants. Chacun d’entre nous ici peut souscrire à cet objectif de santé publique.
L’incidence de la télévision, mais aussi, de plus en plus, des autres médias sur l’obésité est démontrée par de nombreux travaux. C’est surtout le temps passé devant les écrans qui est en cause, du fait de la passivité qu’il implique et de la propension naturelle à grignoter pendant le visionnage.
Cependant, le contenu même des programmes publicitaires peut aussi avoir une influence néfaste. La promotion de produits alimentaires représente la plus grande part de la publicité à la télévision. De plus, les produits présentés sont essentiellement des aliments riches en sucre et en matières grasses, donc ceux qui entraînent le plus de surpoids.
Les enfants sont vulnérables à ce type de publicité, car ils sont généralement trop jeunes pour être conscients des conséquences de la consommation de ces aliments sur leur santé. En outre, les professionnels de la publicité mettent en œuvre des techniques nombreuses et élaborées pour rendre ces produits attractifs et désirables.
Compte tenu de ces éléments, l’idée d’interdire purement et simplement la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique paraît justifiée. La sanctuarisation de ces programmes comporte un autre avantage, sachant que les annonceurs ont l’obligation d’intégrer dans certaines de leurs publicités des messages de prévention, alors qu’ils font, dans le même temps, la promotion de ce que certains appellent la « malbouffe » : la suppression de la publicité aura le mérite de lever cette contradiction et, peut-être, une certaine hypocrisie.
On peut toutefois regretter que le champ de la proposition de loi soit restreint aux chaînes du service public. Cela limite nécessairement la portée d’une telle législation, sans parler de l’évolution profonde des usages, internet tendant de plus en plus à se substituer à la télévision.
Par ailleurs, si l’on comprend l’attention spécifique portée aux moins de douze ans – c’est la tranche d’âge visée par la proposition de loi –, je tiens à souligner que les adolescents sont tout aussi concernés par les problèmes de surpoids. Même s’ils peuvent avoir plus de recul à l’égard de la publicité du fait de leur âge, ils ne sont probablement pas à l’abri. La pression des pairs est particulièrement forte à l’adolescence, et elle peut inciter à consommer certains produits promus par la publicité.
Enfin, je souhaite souligner que les enfants ne se limitent pas, loin de là, à regarder les programmes qui leur sont spécifiquement destinés. Aujourd’hui, les programmes le plus regardés par les jeunes sont des émissions de téléréalité, même s’ils ne les regardent pas forcément seuls.
La mesure est présentée comme neutre du point de vue budgétaire. Il est vrai que les 10 millions d’euros de perte de recettes annoncés ne représentent que 0, 3 % du budget global de France Télévisions, qui s’élève à 3 milliards d’euros : une goutte d’eau ! Néanmoins, cela justifie-t-il de considérer la mesure comme financièrement neutre ? Le risque existe-t-il vraiment de fragiliser le modèle de financement de l’audiovisuel public ?
Pour ce qui concerne les chaînes privées, la proposition de loi maintient le régime en vigueur, qui repose sur l’autorégulation du secteur par les chaînes elles-mêmes. Il est vrai que des progrès notables ont été accomplis et que l’adoption de la charte alimentaire a été suivie d’une autodiscipline réelle.
Toutefois, l’information du Parlement en la matière est insuffisante. Au-delà de l’élaboration des lois, les parlementaires doivent exercer pleinement leur fonction de contrôle. Nous devons sans doute renforcer notre suivi des activités du Conseil supérieur de l’audiovisuel et veiller à ce qu’il remplisse correctement ses missions. La transmission annuelle d’un rapport du CSA, que prévoit la proposition de loi, va dans ce sens.