...par le biais d'un amendement au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens. Vous en conviendrez, cela méritait tout de même d'être souligné !
Ce projet de loi n'ayant jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et n'ayant même pas été retransmis à son bureau après les élections législatives de juin 2007, M. Marc-Philippe Daubresse et plusieurs de ses collègues ont alors pris l'initiative de transformer les dispositions adoptées par le Sénat en une proposition de loi.
Ces dispositions, que nous avions élaborées avec le concours précieux des services du ministère de l'intérieur, ont pour objet de rationaliser et de rénover les multiples instruments de la coopération décentralisée, en apportant trois modifications au code général des collectivités territoriales.
La première consiste à y introduire les mesures nécessaires à la création de groupements européens de coopération territoriale, prévue par un règlement communautaire élaboré le 5 juillet 2006 et entré en vigueur le 1er août dernier.
Le groupement européen de coopération territoriale pourra se voir confier aussi bien la gestion des programmes communautaires financés par les fonds structurels que la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Son principal intérêt est d'être commun à tous les États membres de l'Union européenne, alors que les autres instruments reposent sur des accords internationaux conclus par la France avec tel ou tel de ses voisins.
L'Assemblée nationale a approuvé la rédaction que nous avions proposée, il y a un an, sous réserve de l'extension de la possibilité d'adhérer à un groupement européen de coopération territoriale : d'une part, à l'ensemble des organismes de droit public, au sens d'une directive du 31 mars 2004 relative aux procédures de passation des marchés publics, et pas seulement aux établissements publics administratifs, par exemple un service départemental d'incendie et de secours ou un centre d'action sociale ; d'autre part, aux États frontaliers membres du Conseil de l'Europe, et pas seulement aux États membres de l'Union européenne.
Pour être inhabituelle, la référence dans un texte de loi à une directive communautaire n'est pas non plus inédite. Elle répond surtout à une demande de la Commission européenne qui a, semble-t-il, jugé trop restrictive la rédaction retenue par le Sénat.
Toutefois, la définition des organismes de droit public qui figure dans la directive du 31 mars 2004 est loin d'être claire. Elle me semble autoriser l'adhésion d'une association à un groupement européen de coopération territoriale, à la double condition que cette association ait été créée « pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial » et qu'elle soit placée sous le contrôle de collectivités publiques.
Il est à noter qu'un groupement européen de coopération territoriale de droit français a déjà été créé au mois de janvier dernier, l'Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, sur le fondement d'un accord franco-belge de 2002 autorisant les collectivités territoriales françaises à conclure des accords avec l'État fédéral belge.
La deuxième modification apportée au droit de la coopération décentralisée, à laquelle l'Assemblée nationale a souscrit, consiste à mettre fin à la possibilité de créer un groupement d'intérêt public, sous réserve du maintien jusqu'à leur terme des groupements existants.
Réservée à la mise en oeuvre de politiques communautaires, la formule du groupement d'intérêt public n'a guère été utilisée jusqu'à présent, sans doute en raison des lourdeurs inhérentes à sa création et à son fonctionnement. Elle a désormais vocation à être remplacée par le groupement européen de coopération territoriale.
La dernière modification que nous avions adoptée, il y a un peu plus d'un an, et à laquelle l'Assemblée nationale a également souscrit, consiste à autoriser l'adhésion des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements à des structures de droit étranger en dehors du seul cadre transfrontalier.
Il s'agit de mettre notre droit en conformité avec le deuxième protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, signée le 20 mai 1980 sous l'égide du Conseil de l'Europe, dite Convention de Madrid. Ce protocole est entré en vigueur sur notre territoire le 8 août 2007, après avoir été ratifié le 7 mai 2007. Nos collectivités territoriales et nos groupements pourront ainsi développer des coopérations avec des collectivités territoriales étrangères dont le territoire n'est pas contigu au leur.
Ces trois modifications compléteront utilement les nombreuses réformes opérées depuis quelques années, sous l'impulsion du Sénat, en matière de coopération décentralisée.
Je rappelle que, sur l'initiative de notre collègue Pierre Mauroy, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu la création de districts européens.
Puis, sur l'initiative de notre ancien collègue Jacques Oudin, la loi du 9 février 2005 a doté la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement de nouveaux instruments.
Enfin, la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, adoptée sur l'initiative de notre collègue Michel Thiollière, a donné une base légale aux actions d'aide humanitaire de nos collectivités.
Le législateur accompagne ainsi, année après année, l'essor d'une coopération décentralisée dont le dynamisme et la diversité méritent d'être salués : au total, près de 3 250 collectivités territoriales françaises et près de 6 000 liens de coopération avec des collectivités de 115 pays ont été répertoriés par la Commission nationale de la coopération décentralisée.
Avant de conclure, je souhaite évoquer brièvement la question restée en suspens de la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens pour la période 2007-2013.
Plusieurs collectivités territoriales ont été désignées autorités de gestion de programmes opérationnels. Il s'agit bien sûr de la région Alsace, pour deux programmes relevant des objectifs « compétitivité régionale et emploi » et « coopération territoriale » de la politique de cohésion économique et sociale, mais également de la collectivité territoriale de Corse et des régions Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Guyane, Guadeloupe et Réunion, pour des programmes relevant de l'objectif « coopération territoriale » de la politique de cohésion économique et sociale.
Le gouvernement de M. Dominique de Villepin avait jugé nécessaire de recourir à la loi pour autoriser cette décentralisation, expressément prévue par les règlements communautaires, car la compétence des préfets de région repose sur une base légale.
Toutefois, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, cette compétence n'est plus exclusive. Dès lors, la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens ne nécessite sans doute pas l'intervention du législateur.
L'expérimentation en cours depuis quelques années mérite d'être poursuivie au regard des résultats obtenus par les collectivités territoriales qui y ont participé, notamment ceux de la région Alsace, mais également des craintes suscitées par la perspective d'une gestion totalement décentralisée des crédits de la politique de cohésion.
L'octroi d'importantes subventions globales à de nombreuses collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des programmes opérationnels financés par le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et le Fonds social européen, le FSE, dans le cadre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale, mérite également d'être approuvé.
La plupart des conseils régionaux sont ainsi délégataires d'environ 40 % des crédits des programmes opérationnels régionaux financés par le FEDER. Certes, ils ne sont pas formellement autorités de gestion de ces programmes. Pour autant, l'intérêt d'une telle désignation doit sans doute être relativisé car, si elle expose la collectivité publique qui en bénéfice à d'importantes contraintes, elle ne la dispense pas d'associer les autres collectivités publiques à la sélection et à la mise en oeuvre des projets à financer.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a adopté sans modification la proposition de loi.