Intervention de Roland Ries

Réunion du 3 avril 2008 à 9h30
Coopération transfrontalière transnationale et interrégionale — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd'hui a pour objet, je le répète, d'adapter à notre droit national le règlement européen du 5 juillet 2006 relatif au Groupement européen de coopération territoriale, ou GECT, et de rénover les instruments de la coopération transfrontalière et territoriale en Europe, dont l'importance n'échappera pas à l'élu de l'Est que je suis.

En tant qu'européen convaincu, je me réjouis de voir un texte permettre la levée d'un certain nombre d'obstacles juridiques ; en tant qu'élu alsacien, je suis plus satisfait encore, tant il est vrai que la coopération transfrontalière a été au coeur de la vitalité économique, sociale et culturelle de l'Alsace en général et de Strasbourg en particulier.

Par le passé, la signature d'accords de coopération avec l'ensemble des pays limitrophes avait permis la création, à la suite de l'accord de Karlsruhe de 1996, du Groupement local de coopération transfrontalière, ou GLCT.

De même, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait institué le district européen. La région Alsace avait pris toute sa part dans cette réforme, avec la création de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et du district Mulhouse-Colmar-Fribourg-en-Brisgau.

Quelle sera la plus-value juridique et politique - si j'ose m'exprimer ainsi - du GECT ? Tout d'abord, ce dispositif permettra de résoudre l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales, c'est-à-dire, bien sûr, l'articulation entre des ordres juridiques différents, qui rend toujours difficile la mise en oeuvre de la coopération.

Le GECT sera par ailleurs doté de la personnalité juridique ; il pourra se doter d'une organisation, disposer d'un budget, acheter et vendre des biens et des services, mais aussi employer du personnel.

Pour autant, cet outil ne constitue pas la panacée. En effet, la création du GECT ainsi que les modifications de ses statuts restent soumises à l'approbation des États membres, même si ceux-ci n'appartiennent pas au groupement. De plus, les statuts du GECT, ainsi que leurs modifications, sont soumis à la règle de l'unanimité, alors que ceux des GLCT issus de l'accord de Karslruhe sont adoptés à la majorité qualifiée des deux tiers.

Il faut ajouter que la mise en place d'un GECT ne permettrait pas d'éviter le lourd recours aux accords interétatiques pour certains équipements transfrontaliers, alors même que la question serait purement d'intérêt local.

Enfin, et surtout, l'étendue des missions du GECT, si elle est appropriée à un cadre de coopération transfrontalière, ne permet pas la prise en compte des problèmes spécifiques à Strasbourg ; vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous livrer à présent quelques réflexions sur cette question en ma nouvelle qualité de maire de cette ville.

Tout le monde le sait, la présence à Strasbourg des institutions européennes, et notamment du Parlement européen, est fragile. Chaque année, le vote du calendrier parlementaire en session plénière est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force du des partisans d'un recentrage des activités sur Bruxelles. Les « anti-Strasbourg » ont trouvé, dans le litige qui a opposé fortement le Parlement européen et la ville de Strasbourg à propos de la vente de certains bâtiments, de nouveaux arguments allant à l'encontre du siège strasbourgeois.

Pour nous, les questions de sièges et de capitales ne sont pas annexes, et elles ne peuvent être réglées uniquement selon des critères d'ordre financier ou technique. Ce sont des questions politiques, qui appellent des décisions du même ordre, et une vision à long terme.

Il serait utile, et même urgent, que la France comprenne enfin l'exacte portée, pour l'un des pays fondateurs de l'Union, de la présence du Parlement européen sur son sol national.

La seule solution pour faire de nouveau de Strasbourg la capitale parlementaire de l'Europe serait, à mon sens, de permettre l'émergence d'un territoire transfrontalier à statut spécifique, attractif à la fois pour les institutions politiques et pour les sièges sociaux de grandes entreprises européennes.

L'idée de fond serait ainsi de passer d'une logique de coopération à une logique d'intégration et de codécision, autrement dit de dépasser les barrières juridiques et mentales entre les communautés, ce qui permettrait de créer les fondements d'une nouvelle forme de gouvernance et d'une réelle démocratie transfrontalière.

Nous sommes convaincus que seule cette ambition politique forte de création d'une entité transfrontalière à statut juridique et fiscal spécifique peut garantir aujourd'hui que la métropole Strasbourg-Kehl-Ortenau gardera son statut de capitale parlementaire de l'Europe.

Notre ambition est donc de faire, à terme, de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau un symbole au moins aussi fort pour les Européens que peut l'être Washington DC pour les Américains.

La ville de Strasbourg est consciente que l'initiative politique doit revenir d'abord aux acteurs locaux. C'est la raison pour laquelle j'engagerai personnellement de nouvelles discussions avec nos partenaires allemands, afin de relancer l'Eurodistrict avec ce nouveau cadre juridique.

J'entends donc, au cours des prochains mois, organiser la consultation des populations concernées. Fort du résultat obtenu - car il ne fait pas de doute, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que les Strasbourgeois et les habitants de Kehl et de ses environs apporteront massivement leur soutien à une telle ambition -, les autorités politiques de l'Eurodistrict se rendront en délégation à Paris et à Berlin afin de soumettre notre projet aux autorités nationales.

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, la présidence du Conseil européen offre une « fenêtre de tir » à la France pour donner un appui décisif et concret à l'enjeu national que représente « Strasbourg, capitale européenne ». C'est pour cela que, dès maintenant, il importe que le Gouvernement français apporte son soutien à cette initiative ambitieuse qui, de mon point de vue, constitue la seule manière de conforter définitivement la vocation européenne de Strasbourg.

Je forme le voeu, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu'à l'occasion de la présidence française soit signé un traité entre la France et l'Allemagne, afin d'attribuer à l'Eurodistrict une pleine autonomie politique, opérationnelle et financière, tout en garantissant, bien entendu, le maintien et le respect de la souveraineté nationale.

Ce traité pourrait, notamment, fixer l'étendue exacte des compétences réglementaires de l'Eurodistrict, en particulier la soumission aux règles de droit public de l'État sur le territoire duquel la réglementation adoptée s'applique, ou encore les modalités de fixation et de réversion de la part « Eurodistrict » de la taxe professionnelle, du montant des taxes aéroportuaires - il s'agit d'un vaste sujet ! -, et d'éventuelles écotaxes locales.

Voilà l'ambition qui est la nôtre. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement à ces initiatives.

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