Intervention de Mathieu Darnaud

Réunion du 22 octobre 2015 à 10h30
Saint-barthélemy — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission après procédure d'examen en commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il me soit permis, en préambule, de saluer notre collègue Michel Magras, qui a non seulement lancé ce débat sur l’ajustement du statut de Saint-Barthélemy, mais aussi permis d’ouvrir la discussion à d’autres services, notamment le service rendu localement aux usagers de la sécurité sociale.

Preuve de l’excellence des mesures proposées, notre collègue député Daniel Gibbes, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, a respecté l’esprit du travail sénatorial. Cela s’est traduit par une convergence dès la première lecture. C’est ainsi que neuf articles ont été adoptés dans les mêmes termes, trois articles ont fait l’objet d’une suppression conforme et trois articles n’ont subi que des modifications rédactionnelles ou de coordination.

Deux articles diffèrent sensiblement du texte adopté par le Sénat le 29 janvier dernier, mais ces différences ont paru suffisamment acceptables à votre commission des lois pour qu’elle adopte conforme le texte modifié par les députés. Les deux rectifications, introduites aux articles 4 ter et 4 quater, portent sur la faculté donnée au législateur organique par l’article 74 de la Constitution de prévoir qu’une collectivité d’outre-mer « peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques ».

Plus précisément, l’article 4 ter tend à modifier l’article LO 6251-3 du code général des collectivités territoriales, qui définit la procédure permettant à l’État – au Gouvernement puis, éventuellement, au Parlement – d’approuver ou non les propositions ou projets d’acte de la collectivité dans un domaine qui relève de la compétence de l’État.

Or la pratique démontre que le Gouvernement n’approuve pas ou ne refuse pas l’approbation dans le délai de deux mois prévu par la loi organique, empêchant le Parlement de pouvoir même se prononcer ; nous ne pouvons que le déplorer.

En première lecture au Sénat, une solution consensuelle avait été élaborée en séance publique. Nous avions proposé que le Parlement, uniquement lorsqu’étaient en cause des matières législatives, puisse approuver lui-même ces actes plutôt que d’attendre le décret d’approbation.

Pour répondre aux observations formulées par le rapporteur de l’Assemblée nationale, permettez-moi de rappeler que ce mécanisme, qui avait reçu l’accord de la commission des lois et du Gouvernement, ne contrevenait évidemment pas à la Constitution. L’Assemblée nationale a préféré un autre dispositif : il s’agit de permettre à la collectivité de saisir le Conseil d’État en référé pour qu’il se prononce dans un délai de quarante-huit heures et enjoigne au Gouvernement, éventuellement sous astreinte, de prendre le décret requis.

L’objectif étant partagé par nos deux assemblées, la commission des lois vous propose de vous rallier à ce dispositif suffisamment efficace pour garantir à l’avenir le respect de la volonté du législateur organique.

Madame la secrétaire d’État, je forme le vœu que le président du conseil territorial n’ait pas à exercer cette voie de recours, car cela signifierait que le Gouvernement n’a pas statué en temps voulu.

L’article 4 quater a trait à la création d’une « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy ». Il s’agit d’une revendication ancienne, à laquelle est très attaché notre collègue Michel Magras, et que le Président de la République s’est engagé à soutenir le 8 mai dernier, lors de sa visite sur l’île.

L’Assemblée nationale a traduit cet engagement en autorisant une expérimentation de la participation de la collectivité à l’exercice des compétences de l’État dans le domaine de la sécurité sociale.

La formule est audacieuse et présente une double originalité. C’est en effet la première fois que le législateur organique prévoit une telle participation « â titre expérimental » et qu’il conditionne sa mise en œuvre à une habilitation par décret en Conseil d’État, renvoyant ainsi l’application d’une disposition organique à une mesure gouvernementale. La décision que le Conseil constitutionnel sera appelé à rendre sur ce texte pourra nous éclairer utilement sur les limites de cette possibilité.

En tout état de cause, et en attendant, l’article 7 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer a permis la création de cette caisse à Saint-Barthélemy. Dès lors, l'objectif visé à travers l’article 4 quater est déjà satisfait. Néanmoins, la commission des lois a préféré conserver cet article en l’état, afin de permettre l’entrée en vigueur de ce dispositif dans les plus brefs délais.

Je voudrais, pour conclure, souligner la qualité du travail parlementaire sur ce texte – travail qui, si vous le décidez, sera parachevé ce matin, avant l’examen du texte par le Conseil constitutionnel. Sans procédure accélérée et dans le cadre de la navette, cette proposition de loi organique d’origine sénatoriale a pu être examinée en moins d’un an, grâce aux inscriptions à l’ordre du jour sollicitées par les groupes parlementaires des deux assemblées et à l’attention bienveillante du Gouvernement.

Ce texte sera ainsi la première réforme statutaire d’ensemble d’une collectivité d’outre-mer issue d’une initiative parlementaire. J’y vois un sérieux démenti opposé à ceux qui estiment que le Parlement et, plus encore, le bicamérisme seraient un frein à la réforme.

Je voudrais également souligner le consensus auquel a donné lieu l’élaboration de ce texte au sein des deux chambres, consensus que le vote de la commission des lois, le 14 octobre dernier, a confirmé. Huit ans après la création de la collectivité de Saint-Barthélemy, c’est le signe de l’intérêt attentif et vigilant que le Sénat porte à la situation – toujours singulière – de nos compatriotes ultramarins.

Aussi la commission des lois vous demande-t-elle d’apporter vos suffrages à ce texte, afin de permettre son adoption définitive.

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