Intervention de Jacques Muller

Réunion du 6 mai 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la France fait partie des pays ayant signé et ratifié la convention d'Oslo relative aux armes à sous-munitions. C'est tout à son honneur ! Je relève d’ailleurs que de nombreux pays, et non des moindres, s'y sont jusqu'à présent refusés.

Je ne reviendrai pas ici sur les dégâts humains, qualifiés de « collatéraux », causés par l’emploi de ces armes, non seulement pendant mais aussi après les conflits armés. Madame Garriaud-Maylam, votre rapport d'information, rédigé en décembre 2006 avec notre collègue Jean-Pierre Plancade, était parfaitement explicite à cet égard. M. le ministre l’a également souligné.

Je tiens à saluer le rôle essentiel joué par les associations et les organisations non gouvernementales, notamment Amnesty International et Handicap International. Elles ont su attirer l'attention des gouvernements sur les conséquences dramatiques de l'usage des armes à sous-munitions, en particulier pour les populations civiles. Ces organismes ont su mettre la pression nécessaire, à tous les niveaux, pour faire avancer le débat.

Le projet de loi soumis à notre examen ce matin vise à transcrire la convention d'Oslo en droit français. Indéniablement, il va dans la bonne direction. Mais permettez-moi, à l’instar des organisations non gouvernementales mobilisées sur le sujet, de m’interroger.

Le projet de loi ne me semble pas transcrire la convention de manière suffisamment précise et peut poser des problèmes d'interprétation. En effet, la transcription qui nous est proposée aujourd’hui me paraît insatisfaisante sur plusieurs points. Mais peut-être craint-on d’effaroucher certains industriels de l'armement ou certains États qui utilisent ou fabriquent des armes à sous-munitions et n’ont pas signé la convention d'Oslo, mais avec lesquels nous intervenons dans des théâtres d'opérations militaires à travers le monde ou nous entretenons des relations économiques ou diplomatiques privilégiées…

À cet égard, nous pouvons regretter que le projet de loi ne reprenne pas explicitement certaines obligations positives contenues dans la convention. Je pense notamment aux dispositions relatives à nos relations vis-à-vis des États non-signataires avec lesquels nous sommes en situation d'interopérabilité sur certaines actions extérieures. Il s'agit là d'une lacune importante. En effet, rien n'est dit sur l'attitude de la France face à l'utilisation d'armes à sous-munitions par nos alliés non-parties à la convention d'Oslo.

De même, le projet de loi ne spécifie pas clairement l'interdiction de financer, directement ou indirectement, des entreprises dont l'activité concerne les armes à sous-munitions, totalement ou en partie. Ne l'oublions pas, « l'argent est le nerf de la guerre ». Prévoir une interdiction, l’assortir de sanctions, mais oublier les financements des activités illicites laissent la porte ouverte au contournement des excellentes dispositions que nous nous apprêtons à voter. Sur ce point, il convient de le rappeler, un certain nombre d’États signataires ont d'ores et déjà adopté une interdiction de ces financements, ou sont sur le point de le faire. De même, plusieurs établissements financiers français ont pris les devants et exclu toute forme de financement et d'investissement, pour compte propre ou de tiers, dans des entreprises impliquées dans la fabrication et le commerce d'armes à sous-munitions ou de mines anti-personnel.

D'autres dispositions du texte méritent également d'être précisées, notamment l'extension des sanctions aux personnes morales, ainsi que la notion de transit des armes à sous-munitions à travers notre territoire national. Faute de ces clarifications, la volonté réelle de la France d'agir efficacement pour une éradication complète des armes à sous-munitions reste en question. Ainsi, dans nos relations diplomatiques et militaires avec plusieurs pays non-signataires, comme lors d’opérations militaires menées conjointement, quels seront les moyens mis en œuvre concrètement par la France pour que soient étendues la signature et l'application de la convention d'Oslo ?

À cet égard, diminuer symboliquement le stock d'armes à sous-munitions conservé aux fins d'entraînement ou de contre-mesures serait un signe fort délivré par notre pays. De même, l'acquisition de sous-munitions hors conteneur est-elle vraiment nécessaire compte tenu du caractère dangereux de leur déplacement éventuel sur le terrain, et de la nécessité de procéder à leur destruction in situ ?

En conclusion, je souhaite que nos discussions permettent de préciser ce texte. Même si ce dernier va dans le bon sens, plusieurs questions importantes restent en suspens. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, faisons en sorte que notre pays soit effectivement aux avant-postes du processus, nécessaire, engagé en faveur de la suppression totale de la fabrication et de l'usage des armes à sous-munitions dans le monde. Tel est le sens des amendements que nous déposons aujourd’hui.

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