Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques — Réunion du 17 mars 2015 à 15h05
Examen du rapport et du texte de la commission spéciale

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, rapporteur :

Introduit à l'initiative du président de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, cet article concerne l'organisation des réseaux de distribution commerciale.

Les mesures qu'il comporte concernent la totalité du commerce de détail alors que le dispositif originel imaginé par l'Autorité de la concurrence et introduit dans le projet de loi « Lefebvre » renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs ciblait spécifiquement la grande distribution à dominante alimentaire et faisait suite à une étude approfondie de ce secteur particulier. Or, aucune étude d'impact ne justifie cet élargissement du champ d'application du dispositif, qui constitue, selon les termes employés par la DGCCRF lors d'une audition par votre rapporteur, « un saut dans l'inconnu ».

Même recentré sur les grandes surfaces alimentaires, le dispositif ne changera pas les conditions de la concurrence dans les zones de chalandise locales : remplacer une enseigne Carrefour par une enseigne Leclerc, ou vice-versa, ne change pas vraiment la donne. Et, à supposer qu'il existe une enseigne dominante dans une zone, l'Autorité a les moyens de la forcer à céder certains points de vente.

Les dispositions proposées n'auront aucun impact sur le commerce intégré, mais elles perturberont l'organisation et la gestion de certains groupements coopératifs et associatifs qui ont recours, pour formaliser les engagements entre les commerces adhérents et leur réseau, à des contrats à durée indéterminée ou à des contrats à durée déterminée tacitement reconductibles. Ce sont eux également qui sont concernés par des engagements d'adhésion de long terme comportant des pénalités financières en cas de sortie.

Enfin, je ne suis pas absolument convaincue de la nécessité de légiférer. Le choix pour un commerçant d'adhérer à un groupement est libre. Les conditions d'adhésion sont connues au départ. Cela relève de la liberté des contrats. En outre, les dispositions statutaires ou les clauses contractuelles qui prévoient un engagement d'une durée minimale peuvent se justifier par le fait que l'adhérent bénéficie des investissements collectifs du groupement. L'important est que la durée d'engagement minimale et la pénalité exigée en cas de sortie anticipée correspondent à la durée d'amortissement des investissements. Or, le juge veille à cette proportionnalité. Lorsqu'un commerçant quitte un groupement de façon anticipée et qu'il conteste la pénalité demandée, le juge vérifie que cette pénalité a bien pour contrepartie le coût d'amortissement des investissements collectifs. Si ce n'est pas le cas, le juge annule ou réduit la pénalité. Dès lors, pourquoi légiférer ? Trop d'incertitudes demeurent sur les effets et sur l'utilité de l'article 10 A : supprimons-le ! Mes échanges avec les acteurs concernés se poursuivent, mais toutes mes demandes d'éclaircissement et de précision n'ont pas encore reçu de réponse. Peut-être me permettront-elles d'introduire avant l'examen en séance publique des dispositions plus ciblées et moins perturbatrices pour le commerce franchisé, associatif et coopératif que celles qui se trouvent dans l'article 10 A.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion