ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - C'est pour moi la seconde occasion, après la discussion générale à l'Assemblée nationale, de défendre devant la représentation nationale le titre III « Travailler » du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cet ensemble de dispositions contribuera à la relance de la croissance, et donc à la création d'emplois. Sa cohérence tient à l'alliance entre efficacité et équité, dont nous démontrons la compatibilité.
Les dérogations au repos dominical dans le commerce de détail bénéficieront désormais d'un cadre juridique plus sûr, plus simple et plus équitable. Elles peuvent être résumées en cette simple formule : un accord et des compensations, sinon rien. En l'absence d'accord, qu'il soit de branche, territorial, d'entreprise ou d'établissement, l'ouverture dominicale ne sera pas possible.
Le pouvoir accordé aux partenaires sociaux manifeste la confiance du Gouvernement et de l'Assemblée dans le dialogue social. Les organisations syndicales disposent désormais d'un pouvoir de blocage : aucune ouverture ne se fera plus sur décision unilatérale de l'employeur. La spécificité de chaque secteur, de chaque entreprise, de chaque bassin d'emploi sera prise en compte. Le doublement de la rémunération s'appliquant actuellement en cas de décisions unilatérales de l'employeur dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel (PUCE) et lors des dimanches du maire, il sera nécessairement maintenu dans les accords futurs.
Ce cadre exprime aussi la confiance du Gouvernement dans les élus, dont dépendra la définition des zones. Les maires pourront également octroyer jusqu'à douze ouvertures dominicales. L'idée, initialement inscrite dans le texte, de cinq dimanches du maire obligatoires a été abandonnée, afin de lui laisser davantage de latitude. Au-delà de cinq ouvertures dominicales, un accord de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné sera requis afin que l'ensemble de l'économie d'un bassin ne s'en trouve pas affectée.
Le travail parlementaire a renforcé les garanties encadrant les exceptions au repos dominical : le volontariat a été étendu aux dimanches du maire ; le droit de changer d'avis sans préavis a été accordé aux femmes enceintes travaillant en soirée dans des zones touristiques internationales (ZTI) ; les accords doivent obligatoirement prendre en compte les modalités de garde d'enfants ; dans les commerces alimentaires de plus de 400 m2, ouverts de droit de 9 heures à 13 heures, le principe d'une majoration obligatoire minimale de la rémunération de 30 % a été instauré afin de mieux protéger le commerce de proximité.
La lutte contre les fraudes au détachement peut réunir les parlementaires sur tous les bancs. Il est urgent de faire cesser le dumping social. Le comité national de lutte contre le travail illégal, qui a réuni le 12 février tous les partenaires sociaux sous la présidence du Premier ministre, a été l'occasion de réaffirmer l'engagement du Gouvernement dans ce domaine. Le travail illégal menace le pacte républicain et notre conception d'un travail digne, justement rémunéré et ouvrant des droits à une protection sociale.
Il importe de lutter contre la concurrence sociale déloyale qui, en alimentant un sentiment d'injustice chez les employeurs respectueux de la législation, favorise, par contrecoup, le populisme des partis xénophobes. Le projet de loi instaure pour cela une procédure de cessation immédiate d'activité, afin de mettre un coup d'arrêt immédiat à la fraude ; il prévoit la généralisation de la carte d'identification professionnelle dans le BTP, que j'ai présentée jeudi dernier avec la Fédération française du bâtiment, de manière à faciliter les contrôles. Il durcit enfin très nettement les sanctions : un amendement de l'UDI, accepté par le Gouvernement, a porté à 500 000 euros le plafond des amendes encourues.
Le Gouvernement a enfin renforcé, au cours de la discussion, les moyens de lutter contre la fraude dans un secteur particulièrement exposé : celui des transports. La meilleure réponse à ces pratiques illégales est l'application rigoureuse du droit du travail. D'où l'importance cruciale de la réforme de l'inspection du travail, à laquelle le Gouvernement serait habilité à procéder par ordonnance. Un décret de 2014 a déjà assuré une organisation plus collective et une meilleure définition des priorités de contrôle. Il s'agit désormais de renforcer les pouvoirs de l'inspection, notamment par l'instauration d'une sanction administrative plus rapide et efficace que la voie pénale actuelle.
La peine de prison sanctionnant le délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP) a été supprimée - j'y tenais particulièrement - dans le même souci d'effectivité du droit du travail. Disproportionnée par rapport à certains faits, comme le retard dans la transmission de documents aux élus du personnel, elle n'était presque jamais prononcée par les juges, et avait pour principal effet de dissuader les investisseurs étrangers. Elle a été remplacée par une amende, applicable et réellement dissuasive. La peine de prison est toutefois maintenue pour les délits d'entrave à la constitution des IRP, en raison de leur gravité.
Faire respecter le droit du travail suppose également un meilleur fonctionnement de la justice prud'homale. Ses délais de jugement actuels sont trop longs, et ses procédures de conciliation n'aboutissent que dans 7 % des cas.
Le Gouvernement a souhaité revoir en profondeur la procédure devant les prud'hommes, dans la continuité de la réforme de leur mode de désignation par la loi du 18 décembre 2014. La Garde des sceaux vous en présentera les contours lors de sa prochaine audition devant vous. J'attire pour ma part votre attention sur une innovation majeure : l'instauration, d'une formation initiale obligatoire des conseillers des prud'hommes, complétant la formation actuellement dispensée par les organisations syndicales. L'homogénéisation de la jurisprudence d'un ressort à l'autre en sera renforcée sans que l'identité syndicale en soit amoindrie. Nous créons en outre un véritable statut du défenseur syndical, qu'ont favorablement accueilli toutes les organisations patronales. Le code du travail ne comporte actuellement aucune règle sur ses conditions de recrutement, de formation, de travail. Il accorde simplement au défenseur syndical une autorisation d'absence de 10 heures mensuelles, non rémunérées. Les heures de délégation seront désormais rémunérées, une formation sera dispensée et la confidentialité rendue obligatoire. Les salariés, dont émanent 99 % des demandes devant les prud'hommes, seront ainsi mieux défendus.
Le projet de loi comporte des mesures favorisant l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap : l'entreprise qui fera appel à un travailleur indépendant handicapé pourra l'inclure dans les 6 % de travailleurs handicapés que doit comporter son effectif salarié ; de même, les parcours d'observation offerts aux collégiens en situation de handicap doivent pouvoir être pris en compte.
Le projet de loi conforte enfin certaines dispositions de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, en corrigeant des imprécisions, au sujet notamment de l'homologation des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) par l'administration : obligation de motivation, ou appréciation de la légalité du PSE au regard des moyens de l'entreprise et non du groupe en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. Là encore, le travail accompli à l'Assemblée nationale a apporté des garanties supplémentaires : le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements dans le cas d'une décision unilatérale de l'employeur (donc en l'absence d'accord collectif sur le PSE) ne pourra être inférieur au bassin d'emploi. Ces ajustements parachèveront une réforme dont je veux souligner le succès : la plupart des PSE font l'objet de négociations - dans 75 % des cas en dehors des redressements et liquidations judiciaires - et la négociation aboutit dans près des trois quarts des cas à un accord. Cela représente 61 % des procédures en dehors des redressements et liquidations judiciaires.
La même volonté de privilégier la culture du compromis me guidera dans l'élaboration du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social, que je prépare à la suite de l'échec de la négociation entre partenaires sociaux.