Soyez remercié, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Travail dominical et en soirée, lutte contre la prestation de service internationale illégale, réforme de la justice prud'homale, sécurisation de l'emploi, délit d'entrave ou encore droit du licenciement, autant de sujets qui relèvent du secteur dont vous avez la charge.
Quels seront les effets du projet de loi sur la situation de l'emploi ? Quelles mesures préconisez-vous pour l'insertion des jeunes dans le marché du travail, alors que le taux de chômage vient de franchir la barre des 10 % ? Pouvez-vous nous rassurer sur l'adéquation entre l'intitulé ambitieux de ce texte et son contenu ?
Vous préparez de votre côté un projet de loi sur le dialogue social qui devrait être présenté en conseil des ministres en avril prochain. Quel partage prévoyez-vous entre ce nouveau texte et celui dont nous sommes saisis ?
Le ministre de l'économie a annoncé des évolutions de son projet de loi : croyez-vous qu'il puisse intégrer de nouvelles mesures en faveur de la compétitivité et de l'emploi ?
ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - C'est pour moi la seconde occasion, après la discussion générale à l'Assemblée nationale, de défendre devant la représentation nationale le titre III « Travailler » du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cet ensemble de dispositions contribuera à la relance de la croissance, et donc à la création d'emplois. Sa cohérence tient à l'alliance entre efficacité et équité, dont nous démontrons la compatibilité.
Les dérogations au repos dominical dans le commerce de détail bénéficieront désormais d'un cadre juridique plus sûr, plus simple et plus équitable. Elles peuvent être résumées en cette simple formule : un accord et des compensations, sinon rien. En l'absence d'accord, qu'il soit de branche, territorial, d'entreprise ou d'établissement, l'ouverture dominicale ne sera pas possible.
Le pouvoir accordé aux partenaires sociaux manifeste la confiance du Gouvernement et de l'Assemblée dans le dialogue social. Les organisations syndicales disposent désormais d'un pouvoir de blocage : aucune ouverture ne se fera plus sur décision unilatérale de l'employeur. La spécificité de chaque secteur, de chaque entreprise, de chaque bassin d'emploi sera prise en compte. Le doublement de la rémunération s'appliquant actuellement en cas de décisions unilatérales de l'employeur dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel (PUCE) et lors des dimanches du maire, il sera nécessairement maintenu dans les accords futurs.
Ce cadre exprime aussi la confiance du Gouvernement dans les élus, dont dépendra la définition des zones. Les maires pourront également octroyer jusqu'à douze ouvertures dominicales. L'idée, initialement inscrite dans le texte, de cinq dimanches du maire obligatoires a été abandonnée, afin de lui laisser davantage de latitude. Au-delà de cinq ouvertures dominicales, un accord de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné sera requis afin que l'ensemble de l'économie d'un bassin ne s'en trouve pas affectée.
Le travail parlementaire a renforcé les garanties encadrant les exceptions au repos dominical : le volontariat a été étendu aux dimanches du maire ; le droit de changer d'avis sans préavis a été accordé aux femmes enceintes travaillant en soirée dans des zones touristiques internationales (ZTI) ; les accords doivent obligatoirement prendre en compte les modalités de garde d'enfants ; dans les commerces alimentaires de plus de 400 m2, ouverts de droit de 9 heures à 13 heures, le principe d'une majoration obligatoire minimale de la rémunération de 30 % a été instauré afin de mieux protéger le commerce de proximité.
La lutte contre les fraudes au détachement peut réunir les parlementaires sur tous les bancs. Il est urgent de faire cesser le dumping social. Le comité national de lutte contre le travail illégal, qui a réuni le 12 février tous les partenaires sociaux sous la présidence du Premier ministre, a été l'occasion de réaffirmer l'engagement du Gouvernement dans ce domaine. Le travail illégal menace le pacte républicain et notre conception d'un travail digne, justement rémunéré et ouvrant des droits à une protection sociale.
Il importe de lutter contre la concurrence sociale déloyale qui, en alimentant un sentiment d'injustice chez les employeurs respectueux de la législation, favorise, par contrecoup, le populisme des partis xénophobes. Le projet de loi instaure pour cela une procédure de cessation immédiate d'activité, afin de mettre un coup d'arrêt immédiat à la fraude ; il prévoit la généralisation de la carte d'identification professionnelle dans le BTP, que j'ai présentée jeudi dernier avec la Fédération française du bâtiment, de manière à faciliter les contrôles. Il durcit enfin très nettement les sanctions : un amendement de l'UDI, accepté par le Gouvernement, a porté à 500 000 euros le plafond des amendes encourues.
Le Gouvernement a enfin renforcé, au cours de la discussion, les moyens de lutter contre la fraude dans un secteur particulièrement exposé : celui des transports. La meilleure réponse à ces pratiques illégales est l'application rigoureuse du droit du travail. D'où l'importance cruciale de la réforme de l'inspection du travail, à laquelle le Gouvernement serait habilité à procéder par ordonnance. Un décret de 2014 a déjà assuré une organisation plus collective et une meilleure définition des priorités de contrôle. Il s'agit désormais de renforcer les pouvoirs de l'inspection, notamment par l'instauration d'une sanction administrative plus rapide et efficace que la voie pénale actuelle.
La peine de prison sanctionnant le délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP) a été supprimée - j'y tenais particulièrement - dans le même souci d'effectivité du droit du travail. Disproportionnée par rapport à certains faits, comme le retard dans la transmission de documents aux élus du personnel, elle n'était presque jamais prononcée par les juges, et avait pour principal effet de dissuader les investisseurs étrangers. Elle a été remplacée par une amende, applicable et réellement dissuasive. La peine de prison est toutefois maintenue pour les délits d'entrave à la constitution des IRP, en raison de leur gravité.
Faire respecter le droit du travail suppose également un meilleur fonctionnement de la justice prud'homale. Ses délais de jugement actuels sont trop longs, et ses procédures de conciliation n'aboutissent que dans 7 % des cas.
Le Gouvernement a souhaité revoir en profondeur la procédure devant les prud'hommes, dans la continuité de la réforme de leur mode de désignation par la loi du 18 décembre 2014. La Garde des sceaux vous en présentera les contours lors de sa prochaine audition devant vous. J'attire pour ma part votre attention sur une innovation majeure : l'instauration, d'une formation initiale obligatoire des conseillers des prud'hommes, complétant la formation actuellement dispensée par les organisations syndicales. L'homogénéisation de la jurisprudence d'un ressort à l'autre en sera renforcée sans que l'identité syndicale en soit amoindrie. Nous créons en outre un véritable statut du défenseur syndical, qu'ont favorablement accueilli toutes les organisations patronales. Le code du travail ne comporte actuellement aucune règle sur ses conditions de recrutement, de formation, de travail. Il accorde simplement au défenseur syndical une autorisation d'absence de 10 heures mensuelles, non rémunérées. Les heures de délégation seront désormais rémunérées, une formation sera dispensée et la confidentialité rendue obligatoire. Les salariés, dont émanent 99 % des demandes devant les prud'hommes, seront ainsi mieux défendus.
Le projet de loi comporte des mesures favorisant l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap : l'entreprise qui fera appel à un travailleur indépendant handicapé pourra l'inclure dans les 6 % de travailleurs handicapés que doit comporter son effectif salarié ; de même, les parcours d'observation offerts aux collégiens en situation de handicap doivent pouvoir être pris en compte.
Le projet de loi conforte enfin certaines dispositions de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, en corrigeant des imprécisions, au sujet notamment de l'homologation des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) par l'administration : obligation de motivation, ou appréciation de la légalité du PSE au regard des moyens de l'entreprise et non du groupe en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. Là encore, le travail accompli à l'Assemblée nationale a apporté des garanties supplémentaires : le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements dans le cas d'une décision unilatérale de l'employeur (donc en l'absence d'accord collectif sur le PSE) ne pourra être inférieur au bassin d'emploi. Ces ajustements parachèveront une réforme dont je veux souligner le succès : la plupart des PSE font l'objet de négociations - dans 75 % des cas en dehors des redressements et liquidations judiciaires - et la négociation aboutit dans près des trois quarts des cas à un accord. Cela représente 61 % des procédures en dehors des redressements et liquidations judiciaires.
La même volonté de privilégier la culture du compromis me guidera dans l'élaboration du projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social, que je prépare à la suite de l'échec de la négociation entre partenaires sociaux.
Lors du dépôt de son rapport en novembre 2013, M. Bailly avait indiqué que l'examen de ses conclusions gagnerait à être précédé d'une concertation nationale interprofessionnelle. Comme elle n'a pas eu lieu, certaines organisations syndicales se sont plaintes d'un manque de concertation sur ce dossier.
Les nouvelles mesures relatives au travail dominical pourraient poser des difficultés à certains commerces de zones touristiques actuellement ouverts le dimanche, s'ils sont contraints de fermer ce jour : ils ne bénéficieront pas d'un report de chiffre d'affaires du week-end sur les jours de la semaine. Or la volonté du Gouvernement de favoriser les ouvertures dominicales risque, du fait des compensations imposées, de se traduire par des ouvertures moins nombreuses.
Un autre point appelle un éclaircissement : la possibilité donnée aux organisations représentatives des salariés et des employeurs d'obtenir l'abrogation des arrêtés préfectoraux de fermeture fondés sur des accords bilatéraux.
Vous visez la fameuse boulangerie des Landes ?
Ne serait-il pas plus simple de travailler sur les accords préfectoraux de fermeture, qui sont parfois très anciens ? Certains préféreraient des accords préfectoraux révisables régulièrement.
Nous partageons votre volonté de lutter contre le travail illégal et attendons les décrets d'application de la loi du 10 juillet 2014. L'élévation à 500 000 euros du plafond de l'amende encourue ne risque-t-elle pas de susciter la censure de la Commission européenne, qui pourrait y voir une sanction disproportionnée entravant la libre circulation des travailleurs dans l'Union ?
Depuis leur création, très peu d'accords de maintien de l'emploi ont été conclus. Le Premier ministre avait annoncé la tenue en avril d'une conférence sociale thématique afin de dresser le bilan de la loi. Pouvez-vous nous confirmer qu'elle aura lieu ? Quels sont selon vous les obstacles au développement de ces accords ?
Un bilan de la loi de sécurisation de l'emploi par les partenaires sociaux est bien prévu pour le début du mois d'avril. Si moins de dix accords de maintien de l'emploi ont été signés, c'est sans doute parce que leur durée de validité, de deux ans, est trop courte, alors que leurs délais de négociation sont trop longs : négocier pendant six mois un accord de deux ans ne va pas. Les partenaires sociaux sont conscients que des améliorations sont possibles.
Si je ne suis pas en mesure de vous répondre sur la réaction de la Commission européenne à l'augmentation de l'amende punissant le travail illégal, je suis persuadé qu'elle répond à une préoccupation que nous partageons tous.
La concertation a bien eu lieu, même si les délais ont parfois été brefs. Nous l'avons conduite avec Christiane Taubira sur la réforme des prud'hommes. Les organisations syndicales et patronales ont été consultées, de même que les instances consultatives, comme le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP), la Commission nationale de la négociation collective et le Conseil supérieur de la prud'homie.
Quant au risque que certains petits commerces des zones touristiques actuellement ouverts le dimanche ne le soient plus demain, je fais confiance au dialogue social pour trouver la solution. Leur ouverture actuelle résulte déjà souvent d'un accord, qu'employeur et salariés auront à coeur de renouveler.
Je ne dispose pas encore de la réponse à votre question touchant les accords préfectoraux existants, mais je ne manquerai pas de vous la communiquer.
Plus on lit ce texte, notamment sur la définition du périmètre des accords, plus on voit s'en dégager une notion territoriale. Peut-être est-ce l'amorce d'une décentralisation ? Ce serait très positif et respectueux de la diversité des territoires.
Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements prévu à l'article 98 est apprécié au niveau de la zone d'emploi. Comment une telle zone est-elle définie en droit ? De même, quelle interprétation juridique faut-il donner de la notion du « territoire » où auront lieu les négociations des compensations du travail dominical ?
L'Alsace et la Moselle ont leurs propres règles pour le repos dominical. Seront-elles maintenues ?
Lors des rencontres organisées par la délégation sénatoriale aux entreprises, nous avons été fréquemment interpellés sur le coût de l'apprentissage, et plus souvent encore sur la possibilité pour un apprenti de réaliser des travaux dits « dangereux » : les mesures prises en 2013 sont beaucoup trop restrictives. Un chef d'entreprise m'a confié que son premier contrat avait été annulé à la veille de sa signature en raison de la dangerosité de ses machines, sur lesquelles travaillent douze personnes : il ne pourra jamais embaucher d'apprentis. Un assouplissement de ces normes s'impose, sous peine de voir le nombre d'apprentis continuer à chuter.
Certaines entreprises, soucieuses de remplir leur obligation d'emploi de travailleurs handicapés, ne trouvent pas de candidats. Elles sont taxées, malgré tous leurs efforts et l'aide de Pôle emploi.
Je ferai part de mes désaccords avec ce texte dans une autre enceinte. Je réitère toutefois, monsieur le ministre, la question que vous posait notre président : quels effets sur l'emploi et la croissance les ouvertures dominicales auront-elles ? Quels effets sur les salariés et sur la vie de notre société ? Quelle société, enfin, entendez-vous promouvoir avec le travail le dimanche ?
Je suis surprise de vous entendre parler de volontariat, alors que certaines offres d'emplois sont limitées au samedi et au dimanche, et que les chômeurs sont contraints d'accepter les offres raisonnables d'emploi faites par Pôle emploi. Le texte ne prévoit en outre aucun plancher pour les compensations : y en aura-t-il d'un euro de l'heure ? Le dialogue social n'existant pas dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel, comment y trouvera-t-on un accord favorable aux deux parties ?
Je regrette votre décision de réformer l'inspection du travail par ordonnance, après l'avoir réformée une première fois par décret. Un travail sérieux accompli ici et à l'Assemblée nationale avait pourtant conduit au dépôt d'une proposition de loi à ce sujet. C'est faire peu de cas des parlementaires que de procéder ainsi.
Quoi qu'ait dit Mme Lamure, il est regrettable que ce texte autorise le remplacement des travailleurs handicapés par des stagiaires. Nous travaillerons justement demain en séance au bilan de la loi de 2005 sur l'accessibilité et l'égalité des chances et nous ne pourrons que dénoncer cette mesure.
Je me félicite que vous ayez mis l'accent sur les dispositifs de lutte contre les fraudes au détachement, et que vous entendiez aller plus loin, sur les transports, que la loi de juillet 2014.
La carte professionnelle du bâtiment devrait s'étendre aux autres secteurs où sévit le problème du détachement, comme les activités agricoles saisonnières, les sociétés de nettoyage, ou l'hôtellerie-restauration. L'obligation de présenter cette carte incombant au salarié, ne risque-t-on pas un transfert de responsabilité de l'entreprise vers son employé ? Pouvez-vous nous garantir qu'il ne sera pas sanctionné pour défaut de présentation ?
Les récentes rencontres sénatoriales de l'apprentissage ont été l'occasion d'évoquer les problèmes posés par l'âge et le niveau de formation des apprentis. Une entreprise ayant toujours intérêt, pour des raisons financières, à en recruter un jeune et sans formation, les autres sont pénalisés. Il a été question de faciliter le financement du contrat d'apprentissage et de le simplifier. L'organisation des sessions d'examen pose également des difficultés : leur programmation par l'Éducation nationale n'est pas toujours compatible avec la formation dispensée à l'apprenti. Il a même été envisagé, pour les sujets théoriques, d'organiser des sessions à distance.
L'hôtellerie-restauration, qui pourrait créer des emplois, est dans l'impossibilité de recruter des apprentis, parce que ses horaires d'ouverture ne sont pas compatibles avec ceux de l'apprentissage. Envisagez-vous de les modifier ?
La carte d'identification professionnelle est une mesure très intéressante, demandée depuis longtemps par le bâtiment et les travaux publics. Serait-il possible de l'étendre rapidement dans les domaines de l'agro-alimentaire, des services et de l'industrie ? La réforme de l'inspection du travail pourrait arriver à point nommé pour rendre cette mesure plus efficace encore.
Il serait désastreux que l'appréciation d'un plan de sauvegarde de l'emploi s'opère en fonction des moyens de l'entreprise, plutôt que de ceux du groupe auquel elle appartient, car celui-ci pourrait s'en trouver incité à organiser l'insolvabilité de sa filiale.
La peine de prison prévue pour les délits d'entrave, si elle est maintenue dans la loi pour les cas très graves, ne sera sans doute jamais appliquée. Ne faudrait-il pas imaginer des peines complémentaires, telles que l'interdiction d'exercer la profession de dirigeant d'entreprise ?
- Présidence de M. Jacques Bigot, vice-président -
Il n'y a évidemment pas de volontariat pour le travail le dimanche et de soirée. Le contrat de travail est un lien de subordination. Si certains sondages font apparaître que 75 % des Français souhaitent l'ouverture des magasins le dimanche, ils sont 85 % à déclarer ne pas souhaiter travailler ce jour-là. En Allemagne, les commerces sont fermés le dimanche, certains même le samedi après-midi, et l'économie allemande ne s'en porte pas plus mal.
Vous vous apprêtez à faire porter sur les maires la responsabilité d'autoriser les ouvertures dominicales. Quel sera précisément leur rôle puisqu'un accord collectif est nécessaire ?
Il me semble bien que nous allons vers la professionnalisation de la justice prud'homale, accompagnée d'une certaine mise sous tutelle de ses conseillers. Comment les conseils de prud'hommes pourront-ils continuer à exister ?
Pourquoi la faculté de sanctionner est-elle ôtée à l'inspecteur du travail au profit du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ?
Il n'y aura pas de modification du droit alsacien-mosellan. La zone d'emploi sur laquelle vous m'interrogiez, madame Bricq, est celle définie par l'Insee.
J'ai proposé un décret facilitant la réalisation par les apprentis des travaux dits « dangereux » : nous passerons de l'autorisation préalable à une déclaration engageant la responsabilité de l'employeur. Un apprenti pourra désormais monter sur un escabeau de 60 centimètres mais la prévention est maintenue pour les travaux en grande hauteur. On ne pourra plus invoquer les freins que met l'administration aux dérogations.
Que Mme Lamure veuille bien m'indiquer les entreprises qui peinent à recruter des travailleurs handicapés : je les mettrai en relation avec des candidats. Le véritable problème, justifiant des financements spécifiques, est celui des travailleurs handicapés employés en milieu ouvert.
Quant à l'effet des ouvertures dominicales sur l'emploi, une étude d'impact a été commandée à France Stratégie par Emmanuel Macron. Attendons de voir comment se passe la négociation des accords. Il est en tout cas préférable que les touristes dépensent leur argent dans nos zones touristiques internationales que dans celles des pays voisins. Saint-Pancras offre actuellement le dimanche une ambiance toute différente de celle de la gare du Nord...
À Londres aussi ! Quant aux effets sur la société, nous ne parlons que d'exceptions au repos dominical. 25 % des Français travaillent déjà le dimanche, dans la fonction publique notamment. Nous ne changerons pas de paradigme en autorisant un peu plus d'ouvertures sur la base d'accords, surtout si nous faisons confiance au dialogue social. Le contrat de travail n'impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié : il est signé par deux personnes libres qui s'engagent mutuellement. Dans les situations de plein emploi, c'est même l'employeur qui recherche les salariés...
En effet : c'est le cas dans certains secteurs spécialisés. C'est pourquoi nous améliorons la formation.
J'avais souhaité, en tant que maire, ouvrir les piscines municipales le dimanche matin. Le débat avait été vif avec les maîtres-nageurs, qui ont reçu des compensations. L'ouverture est maintenant généralisée à tous les dimanches et fonctionne très bien. Si le service public n'est pas capable de s'adapter à la demande des usagers, il dépérira.
Si nous devons réformer l'inspection du travail par ordonnance, c'est qu'en 2014 les dispositions du projet de loi sur la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale qui la concernaient ont dû en être retirées. Je me suis engagé à mener cette réforme dans la lignée de mon prédécesseur, ce qui m'a valu les critiques simultanées du Figaro et de l'Humanité - j'ai dû trouver le bon chemin. Plus sérieusement, le texte que je présenterai reprendra la proposition de loi de Denys Robiliard.
Quant à l'insertion des personnes handicapées dans le monde du travail, nos résultats sont en voie d'amélioration. Les dispositions fiscales que nous avons prises vont dans le sens de ce que vous demandez.
La carte d'identification professionnelle des travailleurs du bâtiment sera financée par leurs caisses de congés payés : c'était une opportunité à saisir immédiatement. La sanction d'un éventuel défaut de présentation de cette carte, qui sera portée comme un badge, ne touchera pas le salarié, mais l'employeur. Dans les autres secteurs touchés par la fraude, il faut pour le moment faire confiance au contrôle. Les Allemands ont pris sur ce point une disposition très forte dans le secteur des transports. Observons son application afin de voir comment nous pourrions la reproduire. Il y aura sans doute une décision de la Commission européenne ; c'est très difficile pour le transit, mais l'on peut s'inspirer pour le cabotage de la proposition allemande.
J'ai passé, à l'invitation de la ministre allemande du travail, une journée à Berlin durant laquelle j'ai visité des centres de formation d'apprentis. J'en reviens convaincu que les problèmes de l'apprentissage en France ne tiennent pas à son coût pour les entreprises, mais à nos mentalités, et en particulier à celle de l'Éducation nationale, qui récemment encore ne voulait pas entendre parler d'ouverture aux entreprises. Les choses ont heureusement changé. Les entrepreneurs les plus réticents le sont souvent parce qu'ils craignent une administration trop rigoureuse. Nous sommes cependant sur la bonne voie, notamment dans le domaine des formations de haut niveau, comme celle d'ingénieur en alternance chez Orange. L'apprentissage est bien une voie d'excellence.
Oui, monsieur Vaugrenard, les peines complémentaires sont une bonne idée. J'y suis sensible parce que je ne comprends pas pourquoi nous nous dénigrerions alors que les pays étrangers ne font pas mieux que nous sur ces sujets difficiles. Pourquoi cette jubilation dans l'autoflagellation ? Continuons à protéger les salariés et n'oublions pas que c'est l'intérêt des employeurs parce que la productivité est meilleure quand les conditions de travail sont bonnes. Les start-up travaillent en open space : comment y réserver un bureau pour le délégué du personnel ? Maintenons les protections sans négliger les nécessaires souplesses.
Pour répondre à votre question sur les moyens du groupe et les PSE, je vous précise qu'il n'est juridiquement pas possible aujourd'hui d'appeler les moyens du groupe dans le cadre de la liquidation judiciaire d'un établissement.
Je n'ai pas bien compris la question de M. Bosino sur les maires. J'ai exercé cette fonction magnifique pendant deux mandats. Chaque maire fait un peu comme il l'entend. Pour ma part, j'étais très soucieux du dialogue avec les organisations syndicales, que je poussais à conclure un accord. Que nous laissions au maire toute latitude entre zéro et douze dimanches prouve la confiance que nous lui faisons. Néanmoins, il est important de prévoir l'intervention de l'EPCI au-delà du cinquième dimanche.
Nous ne professionnalisons pas les prud'hommes. Cette exception française souffre de délais de jugement inacceptables. La décision ne peut varier du blanc au noir selon les tribunaux pour les mêmes cas. Au demeurant les organisations syndicales et patronales ont plutôt bien accueilli l'idée d'un tronc commun de formation - des conseillers prud'hommaux issus d'organisations syndicales ont même demandé un référentiel commun.
Pourquoi prévoir l'intervention des Direccte ? Parce qu'il est bon que les inspecteurs de travail interviennent de manière plus collective contre le travail illégal, avec un objectif national, de manière à s'assurer que des suites sont données à leur intervention sans porter atteinte à leur liberté individuelle : mieux vaut une sanction administrative appliquée qu'une sanction pénale qui ne l'est pas. Les nouvelles promotions d'inspecteurs comprennent d'autant mieux cette approche collégiale de la lutte dans le travail illégal, qu'elles sont tout à fait sensibles à leur rôle de conseil et de soutien aux entreprises.
Un mot, enfin, du texte sur la modernisation du dialogue social. Il est normal que nous reprenions la main puisque la démocratie sociale a échoué. Nous repartons sur la base du document que j'avais transmis aux partenaires sociaux : une meilleure représentation des salariés, un dialogue social plus efficace et plus stratégique, évitant les réunions qui ne servent qu'à empêcher les vocations ; l'engagement des salariés dans l'entreprise encouragé ; plus de souplesse pour les entreprises, notamment les PME. Enfin seront également abordées la fusion de la prime pour l'emploi et du RSA activité dans une nouvelle prime d'activité et l'inclusion des annexes 8 et 10 dans la loi afin de stabiliser la situation des intermittents du spectacle et d'éviter les crises à répétition à chaque renouvellement de la convention d'assurance-chômage. Le projet sera transmis à la fin du mois au Conseil d'État et présenté en avril au conseil des ministres.
Je vous remercie, monsieur le Ministre, de nous apporter toutes ces précisions et de nous informer sur le travail futur. Commençons d'abord par ce texte-ci...
La réunion est levée à 19 h 30