Intervention de François Pillet

Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques — Réunion du 24 mars 2015 à 21h10
Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission spéciale, amendement 895

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

L'article 20 bis réécrit les prérogatives des experts-comptables. Ceux-ci sont soumis, pour les activités autres que comptables, à la règle du double accessoire : ils ne sont autorisés à pratiquer ces activités - consultation ou travaux administratifs, économiques, statistiques, juridiques - que si elles restent accessoires et si elles sont effectuées à l'occasion d'une mission comptable. L'article 20 bis, introduit à l'initiative du Gouvernement, lève cette seconde contrainte, sauf pour les prestations juridiques. Nous relançons la guerre du chiffre et du droit ! L'amendement n° 895 précise que les experts-comptables peuvent « effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique et administratif et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise » - déjà, ils ont le droit de faire des déclarations fiscales.

L'amendement n° 895 est adopté.

Les amendements n° 195, 575, 615, 658, 713, 798, 576, 799, 755, 714 et 756, sont sans objet.

L'amendement n° 111 remet en cause le droit actuel en liant deux conditions actuellement alternatives pour autoriser l'exercice, par les experts comptables, de prestations juridiques. Avis défavorable.

L'amendement n° 111 n'est pas adopté.

L'article 20 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les trois articles suivants concernent la réforme des sociétés professionnelles. Le Gouvernement demandait une habilitation pour la réaliser par ordonnance. Les députés ont préféré inscrire dans la loi des dispositions d'application directe. Une telle démarche est souvent utile, mais, dans le cas présent, elle s'est avérée problématique, parce que la complexité et le peu de lisibilité des rédactions proposées ont interdit tout débat de fond à l'Assemblée nationale. Or les dispositifs proposés aux articles 20 ter et 22 posent de réelles questions. Ils sont inspirés par le souci légitime de rénover notre droit en matière de société d'exercice libéral (SEL) et de société de participations financières de professions libérales (SPFPL), afin d'offrir aux professions du droit les possibilités de s'associer plus librement et de développer entre elles des prises de participations croisées. Tels avaient d'ailleurs été les objectifs de la réforme de 2011, entrée en vigueur seulement au premier semestre de 2014, en raison des difficultés liées à la rédaction des décrets d'application. Il faut trouver le juste équilibre entre les avantages de la multi-professionnalité, la capacité à attirer des capitaux et le maintien des garanties d'exercice des professionnels du droit, qui sont soumis à des exigences d'indépendance fortes.

Le dispositif actuel repose, s'agissant des SEL, sur plusieurs types de garanties : détention majoritaire des droits de vote et du capital par les professionnels en exercice dans la société ; limitation des possibilités de prise de participations ; garantie sur la présence au sein des instances exécutives de la société et des organes de contrôle de professionnels en exercice dans la société ; garanties liées, s'agissant des offices publics ou ministériels, au contrôle du garde des sceaux sur les cessions de parts sociales.

Les articles 20 ter et 22 suppriment la quasi-totalité de ces garanties. Je l'ai dit au cabinet du ministre : cette rédaction est inaboutie. Ainsi, des sociétés d'avocats pourraient être détenues à 99 % par des notaires, et inversement. Les associés minoritaires de ces sociétés, ou les professionnels en exercice au sein de celles-ci, seraient privés de la maîtrise de leurs conditions de travail. Une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) réunissant des notaires et des experts-comptables pourrait détenir, en plus de sociétés d'exercice libéral (SEL) correspondant à ces deux professions, la totalité des parts sauf une d'une SEL d'avocat, dont la dernière part serait attribuée à un avocat sous la responsabilité duquel travaillerait un nombre indéterminé d'avocats salariés. La question de la maîtrise des droits de vote et du capital n'est pas anodine, elle détermine la répartition des bénéfices.

Je ne remets nullement en question l'existence de ces sociétés. Il faut simplement que le Gouvernement revoie son texte. Outre les problèmes déontologiques, je note que les professions du droit sont moins bien traitées que les professions du chiffre, auxquelles est garantie la détention, pour les experts-comptables, d'au moins les deux tiers des droits de vote dans les sociétés qui les emploient, et pour les commissaires aux comptes, d'au moins les trois quarts. Or les missions de service public qui s'attachent aux officiers publics et ministériels méritent au moins autant de garanties que celles des professions du chiffre. Les amendements présentés ne comblent pas toutes ces lacunes. Même s'ils étaient adoptés, rien n'interdirait à une société d'experts-comptables - dont la majorité du capital, mais pas des droits de vote, serait détenue par une banque - d'être actionnaire majoritaire, via une holding, d'un cabinet d'avocats. Je vous propose donc de supprimer les articles 20 ter et 22. Il ne s'agit aucunement d'une fin de non-recevoir de ma part. Une réforme est attendue. Mais il est nécessaire que le Gouvernement propose un projet comportant plus de garanties : s'il ne souhaite pas modifier son texte, je vous proposerai des amendements avant l'examen en séance publique.

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