La proposition de loi prévoit un principe général protecteur pour les professions sensibles les excluant de la surveillance. Toutefois, ce principe comporte des conditions qui laissent ouvertes des possibilités de surveillance lorsque les personnes n’exercent pas en France, lorsqu’elles font l’objet d’une surveillance qui n’est pas menée individuellement, mais sur plusieurs personnes, ou lorsque la surveillance n’est pas motivée en raison de l’exercice de leur profession.
Si ces conditions peuvent être fondées, elles peuvent aussi s’avérer problématiques dans certains cas. Il est nécessaire que les services de renseignement, lorsque le Premier ministre leur en fait la demande, ne puissent pas être empêchés de surveiller des individus dangereux au motif qu’ils exercent des professions particulières. Le ministre a cité, à l’Assemblée nationale, le cas d’un journaliste nord-coréen. On pourrait penser à celui d’un avocat lié à l’État islamique ou à celui d’un parlementaire d’un pays belliqueux à l’égard de la France. Il n’y a pas de débat sur ce point.
Néanmoins, en tant que législateurs, nous avons la responsabilité de ne pas aborder un texte sous un seul angle. Nous devons aussi avoir à l’esprit que l’utilisation dévoyée des moyens de renseignement existe même en France. Ces dernières années, la justice française a établi que des méthodes de surveillance irrégulières avaient été mises en œuvre dans l’affaire des écoutes de l’Élysée ou dans celle des fadettes du quotidien Le Monde.
Il importe dès lors de considérer les possibilités de surveillance qui persistent pour les professions sensibles. Je pense notamment aux citoyens français qui n’exercent pas en France. Mon collègue a cité le député européen exerçant à Bruxelles, qu’il soit français ou allemand, le correspondant de RFI ou de l’AFP à Londres ou à Bangui, l’avocat français travaillant pour une ONG basée à l’étranger.
L’écriture de l’alinéa 24 sous-tend que l’on puisse distinguer les communications privées des communications professionnelles. Or cela est techniquement impossible à moins de définir une méthode arbitraire qui risquerait de ne pas recouper la réalité des situations consistant, par exemple, à opérer une distinction sur des horaires de travail et de temps libre.
On peut aussi penser au cas où serait délivrée une autorisation-prétexte sur un motif d’ordre non professionnel pour mener une surveillance en réalité dirigée vers des informations liées à l’activité sensible.
Dans le cadre actuel, lorsque le contrôle de la CNCTR sera mis en œuvre et que l’irrégularité sera éventuellement constatée, l’atteinte au secret aura déjà été effectuée. C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer un contrôle préalable de la CNCTR lorsque les techniques de renseignement visent, à l’international comme sur le territoire national, des personnes exerçant des professions sensibles. Ce contrôle sera non contraignant et n’empêchera pas le Premier ministre d’autoriser la mise en œuvre des techniques de surveillance.