Séance en hémicycle du 27 octobre 2015 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNCTR
  • conservation
  • l’étranger
  • renseignement
  • terrorisme
  • électroniques

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales (proposition n° 6, texte de la commission n° 98, rapport n° 97, avis n° 100).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons ce soir vient parachever le travail global que nous avons entrepris ensemble depuis 2012 sur le renseignement.

Après les députés Patricia Adam et Philippe Nauche, qui ont pris l’initiative de déposer ce texte, je tiens à remercier chaleureusement les sénateurs qui y ont apporté, par leurs travaux et leurs remarques, une contribution tout à fait essentielle. Vous me permettrez de saluer à cet égard le président et rapporteur Philippe Bas et l’ensemble de la commission des lois, le président Jean-Pierre Raffarin ainsi que la commission des affaires étrangères et de la défense, en particulier son rapporteur Michel Boutant. Ensemble, ils ont enrichi ce texte, et je me félicite qu’il existe aujourd’hui un terrain d’entente, sur l’essentiel, entre la proposition de votre commission des lois et le vote de l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi répond à un besoin urgent, compte tenu des enjeux de sécurité nationale que vous connaissez. Vous me permettrez de rappeler ici ce qu’elle contient.

Dans le cadre de la loi relative au renseignement, le Parlement avait voté, fin juin, une disposition qui définissait le régime légal de la surveillance des communications électroniques internationales. Ce régime est nécessairement distinct de celui des interceptions de sécurité, qui ne peut s’appliquer qu’aux personnes situées sur le territoire national. Dans sa décision du 23 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que ce régime légal n’était pas suffisamment détaillé par le législateur et qu’il renvoyait trop largement à des textes réglementaires sur les points suivants : les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et les conditions du contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, de la légalité des autorisations délivrées et de leurs conditions de mise en œuvre.

Le Conseil constitutionnel a donc censuré cette disposition, mais sur un motif qui ne touche pas au fond du texte que le Parlement a adopté. Il a par ailleurs donné des indications qui ont permis d’orienter le travail du législateur pour remédier à la censure. C’est tout l’objet de la proposition de loi, qui répond au grief d’« incompétence négative » en intégrant dans la loi elle-même nombre de règles qui étaient destinées à figurer dans les décrets d’application.

Au titre des conditions d’exploitation, la proposition de loi précise que la surveillance des communications internationales ne vise que des personnes ou entités situées à l’étranger. Elle explicite clairement que les communications échangées entre des numéros ou identifiants rattachables au territoire national qui seraient interceptées seront immédiatement détruites, y compris si elles transitent par des territoires étrangers. On ne peut donc soupçonner que, par ces dispositions, nous mettions en place le moyen détourné de surveiller des Français, comme je l’ai parfois lu.

Toujours pour répondre à l’exigence de précision s’agissant des conditions d’exploitation, la proposition de loi organise et détaille les trois niveaux d’intervention du Premier ministre pour décision : la désignation des systèmes ou réseaux de communications que les services sont habilités à intercepter ; les autorisations d’exploitation non individualisée des données de connexion ; les autorisations d’exploitation individualisée des communications, c’est-à-dire, comme le précise la loi, de l’ensemble formé par les correspondances et les données de connexion associées.

S’agissant des conditions de conservation, la proposition de loi fixe les durées maximales de conservation des différentes catégories de données qui peuvent être recueillies. Elle précise aussi les conditions de destruction des renseignements recueillis et des informations exploitées qui peuvent en être tirées, en renvoyant pour cela au droit commun.

En ce qui concerne le contrôle, comme l’exige le Conseil constitutionnel, le texte détaille les prérogatives qui permettront à la CNCTR de s’assurer de la légalité des autorisations délivrées par le Premier ministre – relevons au passage que le Conseil constitutionnel n’exige pas, dès lors, de contrôle préalable à la délivrance de celles-ci – ainsi que des conditions de mise en œuvre de ces autorisations.

Enfin, la proposition de loi organise un contrôle juridictionnel des mesures de surveillance internationale, en prévoyant que le Conseil d’État pourra être saisi par la CNCTR, et même par seulement trois de ses membres, si le Premier Ministre ne donnait pas suite à l’une de ses recommandations relative à un manquement au texte ou s’il n’y donnait suite que de façon insuffisante à ses yeux.

L’ensemble des garanties que le Gouvernement s’apprêtait à faire figurer dans les textes d’application de la loi relative au renseignement sont donc intégrées, grâce à la proposition de loi, au niveau législatif, ce qui remédie au vice identifié par le Conseil constitutionnel. Il était important, au vu notamment de l’urgence de la situation sécuritaire, que cette correction soit effectuée le plus rapidement possible, et je veux remercier à nouveau le Sénat d’avoir contribué à cet important travail.

Au terme des travaux de vos commissions, je me réjouis donc qu’un accord émerge entre les deux assemblées sur les grands principes de cette proposition de loi. Les différences entre la version du texte votée par l’Assemblée nationale et celle établie par votre commission des lois sont essentiellement d’ordre légistique et rédactionnel. Vous me permettrez de signaler les trois points les plus significatifs.

Le premier concerne la possibilité pour le Premier ministre de déléguer sa signature pour la désignation des réseaux de communications interceptées : votre texte supprime cette possibilité. Ce n’est pas très orthodoxe au regard du principe de séparation des pouvoirs, l’organisation administrative relevant du pouvoir exécutif. Je me souviens des propos tenus à ce sujet par le président Bas lors de l’examen du projet de loi précédent, et je sais à quel point il est attaché à ce principe.

Le Conseil d’État, dans son avis sur la proposition de loi déposée par Philippe Bas, qui présente nombre de similitudes avec la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, a considéré que les décisions en cause étaient suffisamment stratégiques et peu nombreuses pour que l’exclusion de toute délégation ne pose pas de difficulté d’ordre constitutionnel. Bien que ce choix ne soit pas nécessairement le plus opportun, le Gouvernement, dans ces conditions, n’entend pas proposer d’amendement tendant à revenir au texte initial.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le deuxième point a trait à la durée de conservation des correspondances. La version de la commission la réduit à dix mois à compter de la première exploitation, au lieu des douze mois prévus dans le texte initial.

Il me semble important de rappeler que les durées retenues par la proposition de loi tiennent compte d’un équilibre entre les exigences opérationnelles et la protection de la vie privée. Cet équilibre est différent de celui retenu pour les communications nationales. Il est en outre, de façon raisonnable et proportionnée, plus favorable aux besoins de la défense et de la promotion de nos intérêts fondamentaux. C’est logique, car ce régime concerne des personnes surveillées à l’étranger et qui ne sont donc pas sous la juridiction des pouvoirs publics français, lesquels ne peuvent pas exercer sur elles les mêmes prérogatives de puissance publique que sur les personnes surveillées en France.

Il faut par ailleurs considérer que, dans le champ des communications internationales, outre les problèmes de traduction, il est normal que puisse s’écouler un temps plus long entre le recueil et la première exploitation puisqu’il n’est pas possible, pour les pouvoirs publics français, d’adresser au fil de l’eau et quand ils en ont besoin des réquisitions aux opérateurs de télécommunications utilisés par les personnes qu’on entend surveiller pour accéder à leurs communications. Il faut donc procéder autrement, et cela explique l’écart temporel entre l’interception et l’exploitation.

Enfin, il est très important, tout particulièrement s’agissant des personnes surveillées à l’étranger, de conserver les données suffisamment longtemps, afin de pouvoir reconstituer des parcours individuels et des réseaux. Les récents événements dramatiques qu’a connus notre pays nous ont montré que certaines menaces pouvaient rester dormantes pendant plusieurs années avant de redevenir actives. Le recul historique est donc essentiel. Cela étant rappelé, le Gouvernement ne fera pas un point dur de ce passage de douze à dix mois.

Le troisième point porte sur une disposition permettant d’assurer aux opérateurs de télécommunications que les opérations matérielles rendues nécessaires pour la mise en œuvre des mesures prévues par ce chapitre seront exécutées par leurs agents, lorsque cela sera pertinent. Le Gouvernement est favorable à cet ajout et le complétera d’ailleurs par un amendement visant à faire référence à l’article L. 871-7. Ainsi, les opérateurs seront assurés, mais cela résultait de toute façon de la Constitution elle-même, d’obtenir une compensation financière en cas de surcoûts nés de la mise en œuvre du présent chapitre.

Pour conclure, je tiens à souligner la grande importance de cette proposition de loi qui nous rassemble, puisqu’elle offre un cadre légal à une activité essentielle à la préservation des intérêts fondamentaux de notre pays, tout en contribuant à la défense des libertés publiques comme à la protection des agents de nos services de renseignement.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un débat que nous pensions avoir achevé au mois de juillet dernier et qui a été relancé par la décision du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé que les choix retenus contrevenaient à des droits fondamentaux ; il a considéré que le Parlement n’était pas allé au bout de l’exercice de sa compétence législative et qu’il ne pouvait pas laisser le soin au Gouvernement de préciser par décret en Conseil d'État le régime de la collecte de renseignements concernant d’autres pays que la France. L’objet de la proposition de loi dont nous débattons ce soir est donc de combler le vide juridique créé par cette censure du Conseil constitutionnel.

Les mesures de surveillance des communications électroniques internationales recouvrent des capacités techniques déployées sur décision du pouvoir exécutif à la fin des années 2000 et mises à la disposition des services spécialisés de renseignement. Toutefois, cette technique de recueil de renseignements a été mise en œuvre sans évolution du cadre légal, à savoir la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité. L’initiative prise par nos collègues députés Patricia Adam, présidente de la commission de la défense et des forces armées, et Philippe Nauche, est donc la bienvenue.

Afin de nous prémunir contre tout risque d’inconstitutionnalité et d’effectuer un travail sûr d’un point de vue juridique, j’ai déposé une proposition de loi tout à fait similaire à celle de nos collègues députés et proposé au président du Sénat, en application de l’article 39 de la Constitution, qu’il saisisse le Conseil d'État pour qu’un examen approfondi puisse avoir lieu dans le temps même où l’Assemblée nationale délibérait, et ainsi ne pas faire prendre de retard à la délibération parlementaire. L’avis rendu par le Conseil d'État le 15 octobre dernier a achevé de lever les doutes que nous aurions pu avoir, non seulement sur la constitutionnalité du dispositif, mais aussi sur sa conventionalité, c'est-à-dire sur sa conformité aux conventions internationales, notamment à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans son avis, le Conseil d'État a estimé que le législateur allait jusqu’au bout de sa compétence. Il a également estimé que la différence de traitement entre les communications interceptées à l’étranger et les techniques de renseignement mises en œuvre sur le territoire national n’était pas manifestement déséquilibrée et qu’aucun principe constitutionnel n’était par conséquent violé par ces dispositions législatives.

Si la surveillance à l’étranger ne donne pas lieu aux mêmes voies de recours que les techniques de renseignement déployées sur le territoire national, le Conseil d'État a observé que des recours étaient possibles dans les deux cas. En effet, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont le texte prévoit qu’elle soit informée de toutes les décisions d’autorisation prises par le Premier ministre, dispose de tout pouvoir pour vérifier les conditions de mise en œuvre de ces autorisations. Elle peut également saisir le Conseil d'État en cas de doute sur la légalité d’une autorisation, cette saisine pouvant intervenir à la demande de trois de ses membres seulement.

Loin d’être dépourvu de contrôle, le système français sera donc très protecteur des droits de la personne. Je ne me suis pas livré à un examen exhaustif, mais je ne connais pas d’État étranger ayant un grand service de renseignement intervenant dans d’autres pays qui ouvre sur son territoire, à l’égard de sa propre juridiction ou d’instances de contrôle, des possibilités de faire ainsi protéger le droit au respect de la vie privée et familiale de personnes s’estimant irrégulièrement surveillées.

Ce régime est bien sûr dérogatoire, mais si l’on considère que les utilisateurs de dispositifs de communication ayant des identifiants étrangers sont moins protégés que les utilisateurs de dispositifs nationaux sur le territoire national, n’oublions pas que, à l’étranger, ils sont protégés par leur propre État. Le régime de nos interventions pour recueillir des renseignements à l’étranger se fait par hypothèse en dehors de la légalité prévue par ces pays, mais la réciproque est vraie !

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Par conséquent, nous n’avons pas à nous préoccuper de la protection des droits des personnes surveillées à l’étranger autant que de celle de nos nationaux. Chacun chez soi, et tout ira bien, pour ne citer que partiellement le vieil adage manchois que j’ai coutume d’utiliser !

Permettez-moi également de souligner qu’un certain nombre de modifications de fond sont proposées par la commission des lois. Monsieur le ministre, j’ai apprécié que, après avoir mûrement pesé l’intérêt de ces modifications, vous soyez favorable à certains d’entre elles et que vous ne vous opposiez pas aux autres. Cela simplifie à l’évidence notre travail, mais croyez bien que si tel n’avait pas été le cas nous aurions accepté la discussion et su faire évoluer certaines de nos positions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

M. André Reichardt. Il ne fallait pas le dire !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les deux assemblées devraient pouvoir s’entendre au cours d’une commission mixte paritaire qui pourrait être réunie rapidement. Elles s’entendront sur un dispositif simple, qui comporte trois branches.

Premièrement, lorsque les dispositifs de surveillance interceptent des flux d’échanges concernant des utilisateurs de dispositifs de télécommunication qui sont tous nationaux, ces informations ne sont tout simplement pas prélevées. Un automatisme que la CNCTR peut vérifier le garantit.

Deuxièmement, quand il s’agit d’un flux mixte, c'est-à-dire qu’au moins l’un des deux interlocuteurs utilise un émetteur ou un récepteur avec un identifiant se rattachant au territoire national, la surveillance s’effectue selon le régime de droit commun applicable aux techniques mises en œuvre sur le territoire national.

Troisièmement, le système est allégé lorsque les flux interceptés concernent deux utilisateurs et deux terminaux, téléphoniques ou informatiques, dont les identifiants sont étrangers. La surveillance est alors déclenchée par une autorisation du Premier ministre, qui, sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, porte sur une zone géographique, sur des organisations, voire sur des personnes. Libre au Premier ministre d’exclure de la surveillance un certain nombre d’identifiants. Ce n’est pas parce qu’on ne dit pas que c’est possible que cela devient impossible ! C’est même parfois obligatoire, si l’on se réfère à certains engagements politiques pris par la France à l’égard des autres pays membres de l’Union européenne ou aux immunités diplomatiques relevant des conventions internationales.

Mes chers collègues, le dispositif tel qu’il a été conçu me semble assez complet. Je me suis rendu à deux reprises dans les locaux de la Direction générale de la sécurité extérieure, où j’ai pu constater que les conditions de contrôle de la CNCTR étaient bien réunies. Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en me confiant la préparation d’un avis sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans l’esprit du principe qui a imprégné ses travaux sur le projet de loi relatif au renseignement – principe de juste équilibre entre la protection de la vie privée et des libertés de nos concitoyens, d’une part, et la garantie de leur sécurité, d’autre part – m’a demandé de vérifier deux points.

Premièrement, la proposition de loi répond-elle aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet dernier annulant les dispositions de la loi relative au renseignement consacrées à la surveillance internationale, au motif, comme l’a rappelé le rapporteur, que, en laissant trop de latitude au pouvoir réglementaire, le législateur n’était pas allé au bout de ses compétences ?

Deuxièmement, la réponse apportée par la proposition de loi ne réduit-elle pas à l’excès les capacités des services spécialisés de renseignement pour exécuter leur mission, dont on connaît l’importance pour prévenir, déjouer et empêcher les actions hostiles aux intérêts fondamentaux de notre pays et assurer ainsi la sécurité nationale ?

S’agissant du premier point, le dépôt parallèle d’une proposition de loi au Sénat par le rapporteur Philippe Bas, qui reprenait à quelques détails près le texte déposé à l’Assemblée nationale, et la décision du président du Sénat de demander un avis au Conseil d’État ont facilité cette vérification.

Le Conseil d’État, dans son avis rendu le 15 octobre en assemblée générale, note que la proposition de loi – celle de Philippe Bas, mais on peut raisonner par analogie – répond aux exigences de la décision du Conseil constitutionnel, car elle définit tant « les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de l’article L. 854-1 » du code de la sécurité intérieure que « les conditions de contrôle par la CNCTR de la légalité des autorisations délivrées en application de cet article et de leurs conditions de mises en œuvre ». Les « différences substantielles » du régime proposé pour la surveillance des communications électroniques internationales par rapport au régime de surveillance des communications nationales « sont justifiées à la fois par la différence de situation entre les personnes résidant sur le territoire français et celles résidant à l’étranger, par la différence corrélative des techniques de surveillance qui doivent être employées, ainsi que par la nature propre des missions de surveillance qui sont exercées à l’étranger ». Ce régime n’en assortit pas moins « la surveillance internationale de nombreuses conditions et garanties ».

Le Conseil d’État considère dès lors que « la proposition de loi assure, sur le plan constitutionnel, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, les nécessités propres aux objectifs poursuivis, notamment celui de la protection de la sécurité nationale, et, d’autre part, le respect de la vie privée et le secret des correspondances protégés […] par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Ces garanties permettent de « regarder l’ingérence dans la vie privée » occasionnée par les mesures prévues « comme étant nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité nationale et à la prévention des infractions pénales au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Il admet de surcroît que l’absence de règles indifférenciées selon la nationalité des personnes situées en dehors du territoire français, à l’exception du cas de celles qui utilisent des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national, ne méconnaît pas des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.

Le Conseil d’État observe que, « eu égard aux exigences inhérentes à tout système de surveillance, […] eu égard par suite à la nécessité d’instituer une intermédiation préservant le secret de ces activités, eu égard enfin à la circonstance que la procédure juridictionnelle est pleinement contradictoire à l’égard de la CNCTR », le texte institue « une conciliation, qui n’est pas manifestement déséquilibrée, entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours effectif et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, dont participe le secret de la défense nationale ». Il juge enfin qu’il ne méconnaît pas davantage le droit reconnu par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Vous noterez le rôle important de la CNCTR dans ce régime, puisque toutes les autorisations délivrées lui sont communiquées. Un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, ainsi qu’aux renseignements collectés, aux transcriptions et aux extractions lui est ouvert. La CNCTR peut ainsi procéder à toutes les vérifications nécessaires. En cas d’irrégularité, elle adressera une recommandation au Premier ministre pour mettre fin à cette surveillance et, s’il n’y donne pas suite, le Conseil d’État pourra être saisi.

S’agissant du second point, relatif aux capacités des services spécialisés de renseignement, trois aspects méritent votre attention.

Tout d’abord, le texte comporte deux mesures absolument nécessaires pour rechercher les profils et comportements suspects et cartographier des réseaux, avant de passer à la troisième phase plus classique, mais aussi plus intrusive, d’exploitation des correspondances et des données de connexion : la présence d’un système différent d’autorisation, comprenant des autorisations collectives pour ce qui concerne la désignation des réseaux de communication sur lesquels les interceptions seront réalisées ; l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d’un an renouvelable, désignant notamment les traitements automatisés pouvant être mis en œuvre, en précisant leur objet.

Ensuite, il m’apparaît important que le texte reprenne la position du Conseil d’État, qui, dans son avis, a précisé que la référence aux termes « réseaux de communications électroniques » n’avait ni pour objet ni pour effet de modifier le champ d’application des mesures de surveillance, tel qu’il avait été défini par la loi relative au renseignement, sur laquelle nous nous sommes prononcés en juin dernier. Cela permet notamment de maintenir les mesures prises pour assurer, aux seules fins de la défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne hors du champ d’application de ces dispositions, comme c’était déjà le cas dans la législation applicable antérieurement, c’est-à-dire la loi de 1991. En effet, ces mesures sont nécessaires à notre posture de défense et au contrôle des théâtres d’opération où sont engagées nos armées.

Enfin, il était indispensable, compte tenu de la nature des données collectées, que les durées de conservation soient plus longues que dans le régime mis en œuvre pour le territoire national. En effet, la surveillance des communications électroniques est le seul moyen d’obtenir ou de confirmer des informations, alors que des moyens complémentaires d’investigation peuvent être engagés sur le territoire national. En outre, il se trouve que les données collectées sont souvent en langue étrangère, parfois dans des langues rares, et des délais de traduction sont nécessaires pour les exploiter. Les données doivent permettre de reconstituer a posteriori des parcours individuels et des réseaux. Ces analyses demandent du temps et du recul, notamment lorsque l’on a affaire à des ennemis qui savent utiliser toutes les techniques de la dissimulation, et dont il ne faut sous-estimer ni l’intelligence ni la détermination.

Les conditions posées étant vérifiées, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l’adoption par le Sénat de cette proposition de loi.

La commission des lois a par la suite estimé utile d’apporter des modifications sur quelques points, qui ont été rappelés à l’instant par le président-rapporteur Philippe Bas et M. le ministre de la défense. Ces modifications sont la limitation au seul Premier ministre de la possibilité de délivrer les autorisations désignant les réseaux sur lesquels les interceptions peuvent être réalisées, la réduction de douze à dix mois de la durée de conservation des correspondances, la suppression de la possibilité pour le Premier ministre d’exclure certains numéros d’abonnement ou identifiants techniques de toute surveillance ou encore la mise en place pour certains d’entre eux de conditions particulières d’accès aux communications. Enfin, la commission a souhaité prévoir le régime des opérations matérielles pour la mise en œuvre des mesures d’interception quand elles sont effectuées par les opérateurs de communications électroniques.

Il ne s’agit pas de différences insurmontables, comme l’a indiqué M. le ministre lui-même. Même si je n’ai pas eu l’occasion de consulter de nouveau la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce point, il ne me semble pas, à titre personnel, que ces modifications puissent changer le sens de son avis.

Au terme de ce travail législatif, que l’on peut qualifier de constructif, et pour lequel l’initiative parlementaire n’aura pas fait défaut, la France disposera d’une législation moderne, complète et équilibrée, respectueuse des droits et libertés. Ce dispositif fournira à nos services spécialisés de renseignement la sécurité juridique nécessaire à leurs actions et un cadre clair pour l’exercice de leur mission de service public, témoignant ainsi de la maturité de notre démocratie, qui pourra s’en prévaloir sur la scène internationale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte de nos collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen de l’Assemblée nationale, Patricia Adam et Philippe Nauche, consacré à la surveillance des communications électroniques internationales et dont l’objet est de corriger des dispositions de la loi relative au renseignement censurées par le Conseil constitutionnel. Ces dispositions ont été censurées, je le rappelle, au motif qu’elles ne comportaient pas suffisamment de garanties pour les citoyens, s’agissant notamment des conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que du contrôle par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Comme pour le projet de loi relatif au renseignement, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée, conduisant ainsi à un examen expéditif de cette proposition de loi, sans véritable discussion. Or ce texte menace incontestablement les droits fondamentaux de nos concitoyens et des citoyens étrangers, notamment le droit au respect de leur vie privée et de leurs correspondances.

Le président-rapporteur de la commission des lois a décidé de déposer une proposition de loi ayant le même objet. M. le président du Sénat, quant à lui, a décidé d’interroger le Conseil d’État sur ce texte, afin que celui-ci en évalue les risques constitutionnels. Beau paradoxe ! Quand la gauche suit sans s’interroger la pente glissante ouverte par la loi relative au renseignement, au nom de la lutte contre le terrorisme, c’est la droite sénatoriale qui s’inquiète de la sauvegarde de nos libertés...

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le texte dont nous débattons confère un cadre juridique officiel à des pratiques de surveillance internationale déjà en cours. Rappelons ne serait-ce que le décret secret de Nicolas Sarkozy autorisant, en 2008, la DGSE à espionner les communications internationales transitant par les câbles sous-marins reliant l’Europe au reste du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce texte confie également au Premier ministre le pouvoir d’autoriser la surveillance de certaines communications émises ou reçues à l’étranger, comme c’est le cas dans la loi relative au renseignement pour les communications nationales.

Le groupe écologiste considère que le champ d’application de ces dispositions est bien trop large et que celles-ci donnent aux services de renseignement une marge de manœuvre excessive. Ces derniers pourront en effet collecter massivement des données de connexion et des communications émises ou reçues à l’étranger, au motif, notamment, de la défense des intérêts majeurs de la politique étrangère, des intérêts économiques ou industriels de la France ou encore de la prévention du terrorisme.

Ce dispositif concerne en outre un nombre considérable d’individus et de communications. Il implique la collecte par défaut des communications entre les personnes dont les identifiants sont rattachables au territoire national, mais dont les communications passent par l’étranger, via Google, Skype, Hotmail, WhatsApp, que nous utilisons quotidiennement. De plus, les renseignements collectés seront détruits à l’issue de délais contestables, pouvant atteindre six ans pour les données de connexion et huit ans pour les données chiffrées.

La CNCTR dispose d’un mince pouvoir. En effet, elle ne sera informée des mesures de surveillance qu’a posteriori. Le Défenseur des droits a pourtant insisté sur la nécessaire mise en place d’un contrôle effectif a priori, lequel, pense-t-il, « constituerait indéniablement une garantie supplémentaire permettant d’écarter, en amont, la mise en œuvre de toute atteinte qui serait disproportionnée au droit au respect de la vie privée, ainsi que tout risque d’abus de la part de l’exécutif ».

Plusieurs associations, dont Amnesty International France, ont, elles aussi, critiqué ce texte. Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a lui-même émis des craintes et des réserves dans une interview accordée à la radiotélévision suisse SRF.

Difficile à amender, tant ses dispositions sont délibérément floues, cette proposition de loi, au lieu de protéger la sécurité de nos concitoyens, risque plutôt de conduire à l’instauration d’un climat social délétère, faisant de chacun d’entre nous un suspect potentiel et justifiant la mise en place d’une surveillance de masse, que nous avions pourtant tous dénoncée après les révélations d’Edward Snowden.

Les écologistes voteront donc contre ce texte au potentiel liberticide patent. D’aucuns pourraient en effet un jour l’utiliser à d’autres fins que la lutte contre le terrorisme.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous revenons aujourd’hui sur un texte dont l’intérêt pour notre pays est fondamental, puisqu’il concerne la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation.

En juin dernier, nous avons adopté la loi relative au renseignement, un texte que notre pays attendait depuis longtemps, tant notre législation avait besoin d’évoluer pour permettre à nos services de renseignement de remplir efficacement leurs missions face aux nouveaux modes de communication et d’interception, ainsi qu’aux nouvelles menaces qui se font jour. Il faut le reconnaître, l’exercice était difficile, l’adoption d’un tel texte soulevant des craintes légitimes quant à la protection des libertés individuelles et des données personnelles de nos concitoyens. Cependant, nos méthodes de travail d’alors, qui ont consisté à encadrer toutes les mesures de garde-fous d’autant plus importants que lesdites mesures étaient intrusives, ont permis de voter, je le crois, un texte équilibré. La grande majorité de ces dispositions a d'ailleurs été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, à l’exception de l’article relatif aux mesures de surveillance internationale. C’est la raison pour laquelle nous examinons, ce soir, cette proposition de loi.

Force est de le constater, en estimant « que le législateur n’avait pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », les Sages de la rue Montpensier ont censuré la forme, mais pas le fond du texte. Il revient donc aujourd'hui au législateur de définir dans la loi les dispositions concernant les communications internationales qui devaient l’être par décret. Plus précisément, il nous faut énoncer les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction de ces renseignements, ainsi que les conditions du contrôle de la légalité des autorisations délivrées et de leur mise en œuvre par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. C’est ce à quoi s’attache cette proposition de loi, qui reprend, tout en les précisant, les principes édictés dans la loi que nous avions votée afin de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel.

Il est essentiel que notre appareil juridique couvre de manière précise la surveillance des communications électroniques internationales. Les interventions de nos forces armées pour lutter contre le terrorisme au Sahel et au Proche-Orient ont suscité une agressivité accrue à l’encontre de notre pays. Les menaces se sont multipliées, et la France doit se donner tous les moyens d’y faire face.

Les individus actifs à l’étranger qui représentent une menace pour le territoire national pourront être surveillés, qu’ils soient Français ou non. Cela autorisera la surveillance de nos ressortissants partis rejoindre les rangs de Daech et dont le nombre a, malheureusement, plus que doublé au cours des quinze derniers mois.

La proposition de loi reprend aussi les principaux garde-fous prévus dans la loi relative au renseignement. Comme pour les communications nationales, la procédure et le contenu des autorisations de mise en œuvre des mesures de surveillance internationale délivrées par le Premier Ministre sont explicitement détaillés. La commission a ajouté que seul le Premier ministre désignerait les réseaux de communications électroniques pouvant faire l’objet d’une interception.

Les conditions de conservation des données sont, cette fois, clairement énoncées. La durée est, certes, supérieure à celle qui est applicable aux communications nationales, mais cela s’explique par les difficultés inhérentes au traitement de données en langues étrangères, parfois rares, et par l’absence d’alternative pour vérifier ou croiser les informations.

La commission des lois et son président-rapporteur Philippe Bas ont proposé de réduire de douze à dix mois la durée de conservation des correspondances interceptées, jugée excessive. Cela montre une nouvelle fois l’attachement de la Haute Assemblée à la défense des libertés individuelles.

Enfin, les modalités du contrôle exercé par la CNCTR sur les surveillances internationales sont clairement définies dans la proposition de loi. Si son contrôle ne s’exerce qu’après la délivrance de l’autorisation du Premier ministre, contrairement au régime de droit commun, ses prérogatives significatives témoignent de notre attachement au contrôle nécessaire exercé par cette commission indépendante.

Ce texte répond donc à un véritable besoin de nos services de renseignement et vient combler le vide juridique laissé par la censure du Conseil constitutionnel. Dans la mesure où cette proposition de loi répond dans le détail aux attentes du Conseil constitutionnel et qu’elle respecte l’esprit d’équilibre atteint pour la loi relative au renseignement, les sénateurs du groupe UDI-UC, dans leur majorité, la soutiendront.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales connaît un parcours parlementaire assez singulier. En effet, elle a pour origine une décision du Conseil constitutionnel, qui, au mois de juillet dernier, a censuré l’article de la loi relative au renseignement consacré aux mesures de surveillance des communications « émises ou reçues à l’étranger ».

Nous pouvons comprendre que, face à la gravité et à l’ampleur des menaces terroristes, le Gouvernement ait eu besoin de trouver rapidement – avant la publication des décrets d’application – une parade à cette censure pour permettre une entrée en vigueur rapide de l’ensemble du dispositif. Néanmoins, nous lui reprochons d’avoir utilisé le biais d’une proposition de loi sur une matière aussi régalienne que l’action de l’État à l’étranger, qui relève donc du pouvoir exécutif, pour éviter, finalement, une étude d’impact juridique et économique qui nous aurait certainement éclairés. Nous déplorons également le recours à la procédure accélérée s’agissant d’un texte qui a trait aux libertés fondamentales.

J’ai voulu rappeler les raisons et l’enchaînement qui ont conduit au dépôt de cette proposition de loi pour faire comprendre que l’hostilité de notre groupe à son encontre ne tient pas à la forme – encore que certains points soient tout à fait contestables. Comme nous l’avons rappelé en commission la semaine dernière, notre désaccord porte essentiellement sur le fond, c’est-à-dire sur les questions posées et sur la façon dont la proposition de loi y répond.

Ainsi, avec ce texte sur la surveillance des communications internationales, plus encore qu’avec la loi relative au renseignement qui s’applique au territoire national, les techniques choisies et autorisées de collecte massive et indiscriminée des données entraînent de facto une surveillance de masse disproportionnée par rapport aux besoins. Nous estimons, en conséquence, que cette collecte massive de données est dangereuse pour les libertés fondamentales et individuelles.

Nous trouvons pertinent de parler à nouveau de surveillance de masse – que nous avions évoquée lors du débat sur la loi relative au renseignement –, car ces techniques et cette méthode, que certains spécialistes des services appellent « pêche au chalut », nous font bel et bien passer à une autre conception du recueil de renseignements pour défendre l’intérêt national !

L’un des reproches que nous pouvons adresser à ce système de surveillance est de ne pas discriminer suffisamment, voire pas du tout, ses cibles. Il est, de surcroît, peu fiable et d’une efficacité douteuse dans la lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, quand on sait qu’une grande partie du trafic internet mondial passe par les câbles sous-marins français, on comprend facilement que notre pays s’inscrirait de facto dans un système de surveillance mondial.

J’appuierai mon argumentation sur deux exemples.

Le premier se réfère à une discussion en commission des lois au cours de laquelle notre président-rapporteur Philippe Bas a justifié la longueur des délais de conservation des données recueillies par le fait que, la masse d’informations étant excessive par rapport aux besoins réels, il fallait appliquer de nombreux filtres afin d’arriver à des informations réellement utiles. Cela nous paraît de nature à nous interroger sur la fiabilité de ces systèmes qui utilisent des algorithmes permettant peut-être d’identifier ce que l’on cherche mais parmi une masse de données considérables et exploitées dans des conditions tout à fait discutables.

Mon second exemple, encore plus concret, vient du système dit « Skynet », dont se servent les États-Unis pour abattre, au moyen de drones, des individus soupçonnés de terrorisme au Pakistan. Ce programme, utilisé par l’une des multiples agences américaines de renseignement, la NSA, fonctionne sur une très complexe analyse algorithmique de données collectées par les compagnies de téléphonie mobile. Au-delà de l’éthique et de la légitimité de telles pratiques, il faut, en plus, constater que, en matière de lutte contre le terrorisme, les résultats du programme Skynet sont loin d’être efficaces et ont surtout occasionné – malheureusement ! – des erreurs de cibles, des dommages collatéraux irrémédiables. Ce système est de même nature que celui qui serait mis en œuvre si le texte soumis à notre examen était adopté.

Enfin, si l’on raisonne en termes d’efficacité de lutte contre le terrorisme, la collecte massive de données personnelles est tout à fait aléatoire. Or les praticiens du renseignement sont nombreux à considérer que, en matière de recueil des données, la clé de la réussite est avant tout la capacité d’analyse. J’estime donc que, de ce point de vue, cette proposition de loi, qui repose sur une autre logique du renseignement, n’augmente en rien nos capacités dans le domaine de l’analyse.

Un autre point de critique porte sur le fait que ce texte étendrait la surveillance de masse dans des conditions floues, dépourvues de garanties – ou de recours –, ce qui serait extrêmement dangereux pour les libertés fondamentales et individuelles.

Je ne ferai qu’évoquer les aspects les plus contestables de ce texte. Par exemple, il ne détaille pas les modalités d’interceptions autorisées. Ainsi, les contrôles sont plus faibles que pour les données collectées sur le territoire national, ce que le Conseil d’État n’a d’ailleurs pas manqué de relever dans son avis, et ce qui risque – peut-être – de poser des problèmes au regard du droit européen.

À ce propos, ayons présent à l’esprit que la jurisprudence européenne s’est prononcée sur l’accord Safe Harbor, qui régissait l’exploitation commerciale des données privées des Européens vers les États-Unis. Elle en a suspendu la mise en œuvre en indiquant que le régime de protection des données n’était pas satisfaisant. On peut craindre qu’il en soit de même en l’absence de contrôle a priori et de contrôle portant sur le fonctionnement des fichiers. Je pense donc que le mécanisme de contrôle instauré par le texte est insuffisant puisque la CNCTR ne pourra agir qu’après la décision unique du Premier ministre.

Les communications reçues à l’étranger, depuis le territoire national vers un identifiant étranger, le moteur de recherche Google, par exemple, pourront être surveillées sur la base du régime défini dans la proposition de loi. Or chacun utilise quotidiennement ces outils. Toutes les communications sont donc concernées. J’estime que cela donne à nos services de renseignement des pouvoirs trop étendus et disproportionnés par rapport aux missions qui sont les leurs.

Enfin, la durée de conservation des données est injustifiée. Elle est excessive et semble contredire les principes posés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 8 avril 2014 invalidant la directive sur la conservation des données.

D’une façon générale, suivant la même démarche que la loi relative au renseignement, ce texte vise à légitimer des pratiques mises en place par les services de renseignement, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, que nous pensons contraires aux droits civils humains. Notre groupe votera donc contre la proposition de loi, parce qu’il estime que celle-ci porte une atteinte disproportionnée aux libertés publiques au regard des impératifs de la sécurité nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales vient parachever le texte relatif au renseignement, dont nos assemblées ont largement débattu au printemps.

L’ensemble des dispositions de la loi du 24 juillet 2015 a été validé par le Conseil constitutionnel, à l’exception d’un point : le renvoi à un décret au Conseil d’État des dispositions relatives aux conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en matière de communications électroniques internationales, ainsi que les conditions de contrôle de la CNCTR. L’article 34 de la Constitution prévoit en effet que la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques relève du domaine de la loi.

La nouvelle rédaction qui nous est proposée doit, dès lors, répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Qu’en est-il réellement ?

Avant toute chose, j’aimerais rendre un hommage appuyé à la démarche du président Philippe Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

En déposant lui-même une proposition de loi identique à celle de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, il a fait le nécessaire auprès de M. le président Gérard Larcher pour que nous puissions bénéficier d’un avis du Conseil d’État sur un texte touchant à un sujet particulièrement sensible, à savoir les libertés publiques. L’analyse juridique du Conseil d’État ne nous exonère en aucun cas de notre travail législatif, mais nous pouvons avec plus de sérénité examiner les tenants et aboutissants de ce texte, sachant qu’ils sont plutôt conformes à nos principes constitutionnels et aux engagements internationaux de notre pays.

La proposition de loi a pour objet de permettre de prélever des informations sur des systèmes de communications internationales auxquels la France est reliée. Ne sont concernées que les communications électroniques internationales : il ne s’agit que de pouvoir surveiller les identifiants dont la source comme la réception sont étrangères. Seuls ces identifiants répondent au dispositif de la proposition de loi, qui est inspiré du régime des interceptions de sécurité mais s’en distingue en quelques points cruciaux du fait de l’échelle internationale du champ d’intervention.

Certes, une complémentarité indéniable existe entre ces deux outils. Pour autant, une interception de sécurité vise une personne en particulier, sur le territoire national et sur le fondement d’éléments connus. En revanche, la surveillance des communications internationales a plutôt pour objet de surveiller des individus dont on ne connaît pas à l’origine les noms, des zones dans lesquelles agissent des groupes qui menacent notre pays ou encore des organisations terroristes identifiées. La distinction entre ces deux types de contrôle implique donc des aménagements évidents, auxquels nous avons prêté attention.

La commission des lois a apporté au texte quelques modifications substantielles qui ne posent pas de souci majeur. Celles-ci ont déjà été évoquées ; je n’y reviendrai donc pas trop longuement.

Outre quelques amendements purement rédactionnels, la commission a adopté une mesure visant à remplacer la notion de « systèmes de communication » par celle de « réseaux de communications », semble-t-il plus précise. Elle a également confié au seul Premier ministre la faculté de désigner les réseaux sur lesquels les interceptions sont autorisées et elle a diminué de douze à dix mois la durée de conservation des correspondances interceptées au titre de la surveillance internationale. Enfin, elle a rendu applicable le régime juridique des opérations matérielles à la mise en œuvre des interceptions de communications électroniques internationales quand celles-ci sont effectuées par des opérateurs de communications électroniques.

À titre personnel, face aux grands dangers auxquels notre pays est confronté, à l’heure de la menace terroriste que nous connaissons toutes et tous et compte tenu des ramifications internationales des réseaux djihadistes, je ne peux que me féliciter de cette mesure de surveillance internationale que nous appelions de nos vœux dans les conclusions de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, que j’ai eu l’honneur de coprésider avec ma collègue Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Le rapport rédigé par notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur au nom de cette commission avait été présenté en séance le 12 mai dernier. Nous y préconisions un renforcement des moyens d’action accordés aux acteurs de la lutte antiterroriste.

Après la loi relative au renseignement, je me félicite que cette proposition de loi y contribue. Elle répond d’autant plus à cette attente que nous savons tous à quel point cette problématique dépasse largement le cadre de nos frontières nationales, le phénomène terroriste étant désormais largement mondialisé, tout comme d’ailleurs d’autres menaces auxquelles notre pays peut être amené à faire face, telles que les trafics internationaux de marchandises en tout genre – stupéfiants, armes, biens culturels, contrefaçons –, voire les trafics de données dans les secteurs de l’industrie, de la recherche et de l’informatique avec le développement des nouvelles technologies.

Pour avoir rencontré dans le cadre de cette commission d’enquête, à Washington, le directeur de la CIA, M. John Brennan, je peux attester de la formidable attente exprimée par ce dernier à l’égard de la convention qui devait lier – à l’époque, elle n’avait pas encore été signée – les États-Unis et la France en matière de lutte contre le terrorisme et de l’échange de données que cette convention impliquait en la matière. Je me réjouis donc personnellement, formellement et sincèrement du dispositif que nous examinons aujourd’hui : il propose un cadre juridique clair et apporte toutes les garanties nécessaires en matière de libertés publiques, tout autant pour les agents des services de renseignement que pour l’ensemble des citoyens.

Pour toutes ces raisons, cela ne posera aucun souci au groupe auquel j’appartiens de soutenir et de voter cette proposition de loi importante et, au final, consensuelle. Il ne s’agit certes que d’une clarification juridique rendue nécessaire par la censure de forme du Conseil constitutionnel – elle ne révèle rien de fondamentalement nouveau, les grands principes ayant été largement débattus dans notre hémicycle et à l’Assemblée nationale au printemps et expliqués ultérieurement à nos concitoyens –, mais il était indispensable d’effectuer une telle clarification pour que nos services de renseignements puissent disposer d’un panel large et complet d’interventions au service de la surveillance du territoire et des intérêts fondamentaux de la nation.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons d’abord l’horreur du terrorisme : si l’on ne commence pas ainsi, on ne peut pas comprendre pourquoi ces textes sont proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

André Reichardt a fait allusion à l’instant au rapport que nous avons rédigé ensemble dans le cadre de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes. Il est clairement apparu au terme de nos travaux que le renseignement était sans doute l’une de nos meilleures armes pour combattre le terrorisme, qui peut frapper quiconque, partout, n’importe quand.

Face à ce fléau terrible, les démocraties doivent réagir, tout en protégeant les libertés. Ce serait en effet la victoire des terroristes que de nous faire renoncer à nos libertés. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à tous ceux, militaires et civils, qui œuvrent dans les services de renseignement, souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Nos collègues qui siègent au sein de la délégation parlementaire au renseignement le savent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette proposition de loi est nécessaire dans la mesure où elle vient compléter la loi relative au renseignement. Le groupe socialiste pense donc qu’il convient de l’adopter dans le même esprit. Nous considérons en particulier que les finalités de la surveillance internationale relèvent strictement de l’article L. 811–3 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 2 de la loi relative au renseignement.

J’ai entendu l’une de nos collègues, parlant au nom du groupe écologiste, déclarer que ce texte créait un « climat social délétère » et qu’il était « liberticide ». Je ne sais pas si l’on peut dire aux victimes des attentats que ce texte crée un climat délétère... Ne serait-ce pas plutôt le terrorisme ?

Je tiens à saluer les garanties présentes dans ce texte, qu’il s’agisse des autorisations, des conditions d’exploitation, de la conservation et de la destruction des données. Il est vrai que nous avons rencontré le directeur de la CIA, mais les logiques à l’œuvre sont à l’évidence différentes : nous mettons en œuvre des procédures extrêmement respectueuses des libertés tout en tenant l’autre bout de la chaîne, à savoir l’indispensable efficacité des services de renseignement.

M. le ministre Le Drian a annoncé au Sénat, lors du débat sur la loi relative au renseignement, que la plate-forme nationale de cryptage et de décryptement serait contrôlée par la CNCTR. Cela n’avait jamais été dit auparavant. Je tiens aussi à rappeler que la DGSE fonctionnait jadis sans qu’il y eût l’encadrement législatif que nous proposons aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne sais pas si cette absence de législation, et donc de contrôle, était liberticide ou si elle créait une situation délétère. À chacun de réfléchir à cette question...

De même, je rappelle que, dans le texte qui nous est soumis ce soir, la protection des magistrats, des avocats, des journalistes et des parlementaires est explicitement prévue.

Pour ce qui est des algorithmes – ce n’est pas un mot diabolique ! –, il est prévu que tout ce qui ne serait pas nécessaire à la surveillance organisée dans les conditions de la loi serait détruit. À l’évidence, lorsqu’on fait appel à des algorithmes, on peut détecter des données qui ne relèvent pas de l’objet même de la surveillance.

Je veux aussi rappeler que la CNCTR disposera d’un accès permanent, complet et direct – cela est issu d’un amendement adopté au Sénat, ne l’oublions pas ! – aux dispositifs de traçabilité portant sur les communications internationales interceptées ainsi qu’aux renseignements collectés et aux transcriptions et extractions réalisées ou relevées. Tout cela est très important !

À ceux qui se demandent à quoi bon lutter contre le terrorisme, puisqu’il peut frapper partout et n’importe quand, et qui considèrent que c’est presque un travail de Sisyphe, je répondrai en citant un auteur auquel je suis très attaché, comme sans doute beaucoup d’entre vous.

À la fin de La Peste, Albert Camus écrit que ce livre est « le témoignage de ce qu’il avait fallu accomplir et que, sans doute, devraient accomplir encore, contre la terreur et son arme inlassable […], tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d’admettre les fléaux, s’efforcent cependant d’être des médecins ». À nous de faire tout notre possible, dans le respect des libertés, pour lutter contre le fléau du terrorisme !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC. – MM. Jacques Mézard et André Reichardt applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir à la proposition de loi à proprement parler, je formulerai quelques observations.

Il faut espérer – c’est la première observation – que ce texte représente le dernier jalon d’un processus qui modernise un cadre législatif jusqu’alors plutôt léger. Le Livre blanc de la défense de 2008 et celui de 2013 ainsi que les lois de programmation avaient besoin d’une traduction législative spécifique pour prendre le relais de la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité. Cette loi était devenue obsolète : elle ne couvrait plus qu’une faible partie d’un champ très élargi par les différentes innovations technologiques de ces vingt-cinq dernières années.

L’objectif de la loi relative au renseignement que nous avons votée assez unanimement le 24 juin dernier répondait donc à une quadruple exigence : passer le cap imposé par les révolutions technologiques en matière de technique de renseignement, notamment la prise en compte du cyberespace ; tirer les conséquences d’un contexte où la menace sécuritaire est devenue plus que jamais transnationale – la situation que nous vivons valide évidemment le concept de continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, toutes deux indissociablement liées aujourd'hui aux yeux de tous, et impose une force nouvelle à la fonction stratégique connaissance-anticipation, et par là aux questions liées au renseignement – ; poser un cadre législatif aux services de renseignement ; garantir – ce n’est pas le plus simple – un équilibre entre impératifs de sécurité, découlant d’une situation qui, hélas ! ne relève plus de l’exception, et nos libertés publiques, véritable sel de notre régime républicain.

Sur ces deux derniers points, contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre çà et là, le Parlement – c’est la deuxième observation – consolide et œuvre en faveur de l’État de droit qui est le nôtre.

D’ailleurs – c’est la troisième observation –, le Conseil constitutionnel, dans sa décision à laquelle répond la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, rappelle qu’il appartient au législateur d’autoriser et d’encadrer les techniques de renseignement : le législateur n’a pas déterminé « les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Je note au passage que les Sages ont validé le reste de la loi relative au renseignement, mais qu’ils ont considéré, pour une fois, que le législateur n’était pas suffisamment intervenu en matière de surveillance internationale, afin que l’État de droit puisse être garanti. D’habitude, ce sont plutôt les empiètements sur le domaine réglementaire qui sont reprochés...

Venons-en aux garanties. Nous considérons que cette mise en forme législative de ce qui était prévu dans les décrets offre précisément des garanties supplémentaires.

Il en va ainsi de l’exclusion du champ de la surveillance internationale des communications ou identifiants rattachables à l’échelon national, à l’exception des personnes faisant d’ores et déjà l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité dans le cadre de leur présence sur le territoire national ou présentant un danger avéré pour les intérêts nationaux.

Il en va également ainsi des délais de conservation précisés, car ces délais doivent être nécessairement plus longs : dix mois au moins, comme le préconise le rapporteur de la commission des lois, ou douze mois selon le texte initial. Les difficultés liées à l’exploitation de ces données les justifient largement. C’est non pas un luxe, mais une question de pragmatisme.

Il en va encore ainsi du rôle du Premier ministre, dont la qualité d’autorité est précisée, d’une part, dans la délivrance des autorisations visant la surveillance de tel ou tel système de communication, pour une durée d’un an renouvelable, mais aussi en tant qu’autorité organisatrice des dispositifs d’interception, et, d’autre part, du point de vue organique avec la possibilité qui lui est donnée de déléguer ou non sa signature à un nombre limité de collaborateurs. La délégation ne retire rien à la responsabilité engagée du Premier ministre.

Il en va en outre ainsi du contrôle exercé a posteriori par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur les décisions du Premier ministre. En recevant toutes les autorisations délivrées par le Premier ministre, en disposant d’un accès aux renseignements collectés, cette instance est en mesure de veiller à ce que les techniques employées le soient dans les conditions fixées par le législateur. En cas de refus du Premier ministre de suivre sa recommandation, elle pourra opérer une saisine du Conseil d’État.

Il en va enfin ainsi de l’existence pour le justiciable du droit de saisir en dernier ressort la CNCTR.

Une fois effectives, ces dispositions constitueront un faisceau de garanties consolidant l’État de droit dans un domaine où celui-ci était jusqu’alors pratiquement inexistant.

En résumé, ce texte parachève un édifice qui construit peu à peu une politique publique du renseignement. Alors qu’elle avait accusé un retard considérable sur le plan législatif, en trouvant un savant équilibre entre impératif de sécurité et respect des libertés publiques, la France fait non seulement œuvre utile pour elle-même, mais également pour les autres États européens ; des collègues parlementaires, notamment ceux de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, observent avec attention le travail que nous sommes en train d’accomplir sur le plan législatif en matière de renseignement. Elle évite aussi les excès engendrés aux États-Unis par le Patriot Act à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Je salue le travail accompli en commission des lois, qui a eu le mérite d’améliorer notablement la rédaction de ce texte et de débattre de manière salutaire sur des points tels que les délais de conservation des données ou la délégation ou non de la signature du Premier ministre.

Naturellement, le groupe socialiste votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu’il est souvent reproché au Parlement d’empiéter sur le pouvoir réglementaire, il nous est au aujourd’hui permis de réparer l’incompétence négative du législateur.

Cela a été souligné, le Conseil constitutionnel a censuré l’article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure instauré par la loi relative au renseignement, qui concerne les mesures de surveillance des communications électroniques internationales, mesures renvoyées jusque-là à deux décrets en Conseil d’État. Plus précisément, les Sages ont considéré que cette lacune contrevenait à l’article 34 de la Constitution, le législateur n’ayant pas, aux termes de la décision du 23 juillet dernier, « déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

Pour ma part, soucieux du respect des prérogatives du Parlement, ce motif pourrait suffire à emporter mon adhésion, ainsi que celle du RDSE, à cette proposition de loi. C’est en effet un bel exemple qui poursuit une jurisprudence visant à faire respecter « la réserve de la loi ». Par conséquent, ce texte est sans aucun doute bienveillant sur la forme, car il redonne au législateur la plénitude de ses compétences, de surcroît sur un sujet sensible.

Sur le fond, il s’agit avant tout d’étoffer un régime spécifique pour les activités de surveillance des communications électroniques internationales, dont les grandes lignes avaient été posées par la loi relative au renseignement votée au mois de juin dernier. Je souligne que ce régime diffère de celui des interceptions de sécurité, ce dernier ne s’appliquant qu’aux personnes situées sur le territoire national, tandis que le premier vise par nature les communications électroniques émises ou reçues à l’étranger.

Du fait de son champ opérationnel international, le dispositif a été aménagé en conséquence. L’Assemblée nationale, puis la commission des lois du Sénat ont conservé l’essentiel des dispositions de l’article L. 851-1 tout en répondant aux griefs du Conseil constitutionnel. L’objet des mesures de surveillance est détaillé. Les modalités de déclenchement des autorisations et les conditions de leur contrôle sont précisées. La traçabilité des actions est renforcée.

Je me réjouis de deux apports nouveaux de la proposition de loi.

Le premier concerne la protection de l’exercice des professions dites « protégées » et des mandats parlementaires. Nous avons largement insisté sur ce point au mois de juin dernier…

Le second apport a trait à l’extension des conditions dans lesquelles la CNCTR peut saisir la justice administrative, même si, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de précédents débats, je regrette que ce soit le juge administratif qui soit chargé de la protection des libertés individuelles, devenant ainsi le juge de droit commun en matière de voies de fait.

Mes chers collègues, toutes ces mesures participent du projet global qui consiste in fine à garantir la sécurité de nos concitoyens. On ne peut que les soutenir au regard, d’une part, des évolutions technologiques facilitant la cybercriminalité et, d’autre part, du nouveau contexte de menaces, notamment le développement de filières djihadistes et la radicalisation de citoyens français, entraînant des attentats dramatiques sur notre sol.

En 2013, la prévention du terrorisme a représenté 28 % des interceptions réalisées. Si la lutte antiterroriste n’est qu’une des sept finalités définies par la loi qui autorisent les services spécialisés de renseignement à mettre en œuvre les techniques de renseignement, elle n’en constitue pas moins un axe majeur de la politique de sécurité nationale.

Dans cette perspective, le Livre blanc de 2013 et la loi de programmation militaire ont fait du renseignement une priorité. Les ressources humaines, qu’elles soient civiles ou militaires, ont été abondées. Pour autant, si je partage la volonté générale d’améliorer le cadre juridique d’exercice des activités de renseignement, je ne retire pas les réserves que j’ai exprimées avant l’été. Elles intéressent d’autant plus le volet des communications électroniques internationales que celui-ci peut être davantage sujet au rempart du secret-défense, l’instrument ultime d’un arrangement avec la légalité.

Bien sûr, je ne méconnais pas la difficulté à trouver le juste point d’équilibre entre le respect des libertés individuelles et les impératifs de sécurité, entre le principe de protection de la vie privée et le besoin d’efficacité des services. Toutefois, il me semble que l’on aurait pu faire plus s’agissant des garde-fous que l’on est en droit d’attendre quand il s’agit d’encadrer par le droit des activités qui flirtent par contrainte avec les fondamentaux de la démocratie. Je pense en particulier au fait qu’un avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement n’est pas requis pour l’autorisation de surveillance délivrée par le Premier ministre en matière de surveillance internationale ; il s’agit d’un contrôle a posteriori, donc un régime distinct de celui qui est prévu pour les interceptions intérieures. Ne pouvait-on pas lier un peu plus la responsabilité du Premier ministre aux recommandations de la CNCTR ?

Et que dire des limites du caractère consultatif de l’avis de la CNCTR, qui régit l’ensemble des interceptions, qu’elles soient nationales ou internationales ? Car s’il y a le droit qui encadre, il y a aussi la pratique ! Or celle-ci peut se révéler plus ou moins soucieuse du respect des libertés, d’où la nécessité d’avoir un avis pesant sur l’exécutif. À cet égard, je fais miens les propos de Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, que j’ai eu le plaisir d’auditionner récemment dans le cadre de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes. Il a affirmé que la loi relative au renseignement, d’une part, et les techniques de saisine, d’autre part, ne donnaient pas les garanties d’un contrôle suffisant. Je n’en dirai pas plus...

Mes chers collègues, monsieur le ministre, vous connaissez l’attachement du RDSE aux valeurs qui fondent le pacte républicain, parmi lesquelles se trouve le respect des libertés publiques. Cependant, nos concitoyens ont aussi droit à une sécurité qui leur permette justement d’éprouver cette liberté sans entrave, sans risque. Aussi, parce qu’il y a peu de marge entre le possible et le souhaitable, la majorité des membres du RDSE votera la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre V du livre VIII est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Des mesures de surveillance des communications électroniques internationales

« Art. L. 854 -1. – Dans les conditions prévues au présent chapitre, peut être autorisée, aux seules fins de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3, la surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l’étranger.

« Cette surveillance, qu’elle porte sur des correspondances ou sur des données de connexion, est exclusivement régie par le présent chapitre.

« Les mesures prises à ce titre ne peuvent avoir pour objet d’assurer la surveillance individuelle des communications de personnes utilisant des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national, à l’exception du cas où ces personnes communiquent depuis l’étranger et, soit faisaient l’objet d’une autorisation d’interception de sécurité, délivrée en application de l’article L. 852-1, à la date à laquelle elles ont quitté le territoire national, soit sont identifiées comme présentant une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l’article L. 811-3.

« Sous réserve des dispositions particulières du troisième alinéa du présent article, lorsqu’il apparaît que des communications électroniques interceptées sont échangées entre des personnes ou des équipements utilisant des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national, y compris lorsque ces communications transitent par des équipements non rattachables à ce territoire, celles-ci sont instantanément détruites.

« Art. L. 854-2. – I. – Le Premier ministre désigne, par une décision motivée, les réseaux de communications électroniques sur lesquels il autorise l’interception des communications émises ou reçues à l’étranger, dans les limites fixées à l’article L. 854-1.

« II. – Sur demande motivée des ministres, ou de leurs délégués, mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2, le Premier ministre, ou l’une des personnes déléguées mentionnées à l’article L. 821-4, peut autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées.

« L’autorisation désigne :

« 1° La ou les finalités poursuivies parmi celles mentionnées à l’article L. 811-3 ;

« 2° Le ou les motifs des mesures ;

« 3° Le ou les services mentionnés à l’article L. 811-2 en charge de cette exploitation ;

« 4° Le type de traitements automatisés pouvant être mis en œuvre, en précisant leur objet.

« L’autorisation, renouvelable dans les mêmes conditions que celles prévues au présent II, est délivrée pour une durée maximale d’un an.

« III. – Sur demande motivée des ministres, ou de leurs délégués, mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2, le Premier ministre ou l’un de ses délégués peut également délivrer une autorisation d’exploitation de communications, ou de seules données de connexion, interceptées.

« L’autorisation désigne :

« 1° La ou les finalités poursuivies parmi celles mentionnées à l’article L. 811-3 ;

« 2° Le ou les motifs des mesures ;

« 3° Les zones géographiques ou les organisations, groupes de personnes ou personnes concernés ;

« 4° Le ou les services mentionnés à l’article L. 811-2 en charge de cette exploitation.

« L’autorisation, renouvelable dans les mêmes conditions que celles prévues au présent III, est délivrée pour une durée maximale de quatre mois.

« Art. L. 854-3. – Les personnes qui exercent en France un mandat ou une profession mentionné à l’article L. 821-7 ne peuvent faire l’objet d’une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l’exercice du mandat ou de la profession concernée.

« Art. L. 854-4. – L’interception et l’exploitation des communications en application du présent chapitre font l’objet de dispositifs de traçabilité organisés par le Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Premier ministre définit les modalités de la centralisation des renseignements collectés.

« Art. L. 854-5. – Sous réserve des dispositions particulières de l’article L. 854-8, les renseignements collectés en application du présent chapitre sont détruits à l’issue d’une durée de :

« 1° Dix mois, à compter de leur première exploitation, pour les correspondances, dans la limite d’une durée de quatre ans à compter de leur recueil ;

« 2° Six ans à compter de leur recueil pour les données de connexion.

« Pour ceux des renseignements qui sont chiffrés, le délai court à compter de leur déchiffrement. Ils ne peuvent être conservés plus de huit ans à compter de leur recueil.

« Dans une mesure strictement nécessaire aux besoins de l’analyse technique et à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées, les renseignements collectés au titre du présent chapitre qui contiennent des éléments de cyberattaque ou qui sont chiffrés, ainsi que les renseignements déchiffrés associés à ces derniers, peuvent être conservés au-delà des durées mentionnées au présent article.

« Par dérogation au présent article, les renseignements qui concernent une requête dont le Conseil d’État a été saisi ne peuvent être détruits. À l’expiration des délais prévus au même article, ils sont conservés pour les seuls besoins de la procédure devant le Conseil d’État.

« Art L. 854-6. – Sous réserve des dispositions particulières de l’article L. 854-8, les renseignements collectés en application du présent chapitre sont exploités par le ou les services mentionnés à l’article L. 811-2 désignés par l’autorisation.

« Les renseignements ne peuvent être collectés, transcrits ou extraits pour d’autres finalités que celles mentionnées à l’article L. 811-3.

« Les transcriptions ou les extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées à l’article L. 811-3.

« Les opérations de destruction des renseignements collectés, les transcriptions et les extractions sont effectuées par des agents individuellement désignés et habilités et font l’objet de relevés.

« Art. L. 854-7. – Les conditions prévues à l’article L. 871-6 sont applicables aux opérations matérielles effectuées par les opérateurs de communications électroniques pour la mise en œuvre des mesures prévues au I de l’article L. 854-2.

« Art. L. 854-8. – Lorsque les correspondances interceptées renvoient à des numéros d’abonnement ou à des identifiants techniques rattachables au territoire national, elles sont exploitées dans les conditions prévues aux IV et V de l’article L. 852-1 et conservées et détruites dans les conditions prévues aux articles L. 822-2 à L. 822-4, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le délai de conservation des correspondances court toutefois à compter de leur première exploitation mais ne peut excéder six mois à compter de leur recueil. Les données de connexion associées à ces correspondances sont conservées et détruites dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 822-2 à L. 822-4.

« Art. L. 854-9. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication de toutes les décisions et autorisations mentionnées à l’article L. 854-2. Elle dispose d’un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité mentionnés à l’article L. 854-4, aux renseignements collectés, aux transcriptions et extractions réalisées ainsi qu’aux relevés mentionnés à l’article L. 854-6. À sa demande, elle peut contrôler les dispositifs techniques nécessaires à l’exécution des décisions et autorisations. Si la surveillance des personnes mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 854-1 n’a pas déjà fait l’objet d’une autorisation spécifique, leur identité est portée sans délai à la connaissance de la commission.

« La commission peut solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

« L’article L. 833-3 est applicable aux contrôles effectués par la commission en application du présent article.

« De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu’aucune mesure de surveillance n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, la commission s’assure que les mesures mises en œuvre au titre du présent chapitre respectent les conditions qu’il fixe ainsi que celles définies par les textes pris pour son application et par les décisions et autorisations du Premier ministre ou de ses délégués. Elle notifie à l’auteur de la réclamation qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre de mesures de surveillance.

« Lorsqu’elle constate un manquement au présent chapitre, la commission adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que le manquement cesse et que les renseignements collectés soient, le cas échéant, détruits. Lorsque le Premier ministre ne donne pas suite à cette recommandation ou que les suites qui y sont données sont estimées insuffisantes, le Conseil d’État, statuant dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, peut être saisi par le président ou par au moins trois membres de la commission.

« La commission peut adresser à tout moment au Premier ministre les recommandations et les observations qu’elle juge nécessaires au titre du contrôle qu’elle exerce sur l’application du présent chapitre. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L. 841-1, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières prévues à l’article L. 854-9 du présent code, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Au début du mois de juin dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, j’ai déposé un amendement visant à restreindre le champ des communications pouvant être rattachées au régime de la surveillance internationale, au motif que ce régime international comprenait moins de garanties et était imprécis concernant les contrôles des activités des services de renseignement. C’est sur ce dernier point que l'article du projet de loi relatif au renseignement a été censuré par le Conseil constitutionnel. Il revient aujourd’hui sous la forme de cette proposition de loi. Je tiens dès lors à effectuer quelques remarques avant l’examen des amendements.

Tout d’abord, il ne s’agit aucunement d’empêcher les services de renseignement de mettre en œuvre des techniques de surveillance lorsqu’ils ont des raisons légitimes de le faire. Il est indispensable qu’ils en aient les moyens, et cela ne saurait être remis en question lorsque les intérêts fondamentaux de la nation sont menacés. Il s’agit néanmoins, au regard de l’importance de l’atteinte à la vie privée que le texte autorise, à la fois de promouvoir les garanties permettant de s’assurer d’une stricte proportionnalité dans l’usage de ces techniques et de prévenir les usages dévoyés qui pourraient en être faits. En effet, tous les citoyens français sont concernés par cette loi. À partir du moment où ils se connectent à un site hébergé à l’étranger ou échangent un mail avec une personne installée dans un autre pays, leurs communications peuvent être surveillées sous ce régime international. Seules les communications et navigations sur internet strictement franco-françaises ne seront pas concernées par ce texte.

Ensuite, ce régime international est caractérisé par un contrôle allégé, qui ne s’effectue qu’a posteriori, c'est-à-dire après l’atteinte à la vie privée et au secret des correspondances.

Par ailleurs, les personnes qui exercent un mandat ou une profession sensible – les parlementaires, les journalistes, les avocats et les magistrats – peuvent faire l’objet d’une surveillance sous ce régime de contrôle allégé. Certes, le texte prévoit un principe général protecteur, mais il n’empêche pas les autorisations de surveillance très problématiques. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Enfin, et c’est là la principale nouveauté de ce texte par rapport à la loi relative au renseignement, l’utilisation des algorithmes, ces fameuses « boîtes noires », n’est plus limitée à la seule lutte contre la menace terroriste. Elle devient possible pour toutes les autres finalités. Ce point mérite d’être souligné et débattu avec attention, compte tenu du changement de paradigme qu’il instaure. En effet, ce dispositif permet la recherche de comportements suspects sur la base de traitements automatiques par analyse de régularités statistiques dans les données de citoyens qui ne sont pourtant pas identifiés comme présentant une menace.

Les amendements que plusieurs de mes collègues et moi-même présenterons viseront à discuter de ces problématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Duran, Mmes Bonnefoy et Bataille, MM. Cabanel et Durain, Mme Jourda, MM. Lalande et Leconte et Mmes Lienemann et Lepage, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

communications transitent

insérer les mots :

ou sont stockées

La parole est à M. Alain Duran.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Le texte prévoit la destruction instantanée des communications interceptées lorsqu’elles sont de bout en bout franco-françaises. Dans ce cas, elles ne doivent pas être rattachées au régime international. Le texte précise pour cela que les communications transitant à l’étranger sont exclues de cette catégorie.

Par cohérence, il convient d’ajouter que les communications franco-françaises qui sont stockées par des équipements situés à l’étranger sont également exclues de la catégorie des communications internationales. Compte tenu des usages et de la structure d’internet, une part considérable des communications des citoyens français est en effet stockée sur des serveurs installés à l’étranger. C’est ainsi le cas de nos mails, qui peuvent être conservés sur un webmail, nos données, qui peuvent être sauvegardées sur un cloud, et de nos échanges sur les réseaux sociaux. Tel qu’il est actuellement rédigé, le texte ne couvre pas nécessairement ces situations.

« Transiter » désigne le fait de traverser un espace géographique sans s’y arrêter, mais non le fait de s’arrêter sur un territoire étranger, ce qui est le cas d’une donnée stockée sur un serveur hébergé à l’étranger. La précision du transit n’est pas exclusive, mais les auteurs de la proposition de loi ont tenu à l’ajouter afin de dissiper les doutes. De la même façon, assurons-nous que les situations dans lesquelles les communications sont stockées sur un serveur étranger sont également couvertes. Cette précision est conforme à l’esprit du texte et au projet des auteurs de ne rattacher au régime international que les communications franco-étrangères et celles qui sont de bout en bout étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’alinéa 8 englobe nécessairement le stockage. Par conséquent, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

le Gouvernement émet le même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 10 à 23

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Les alinéas 10 à 23 visent notamment à prévoir que le Premier ministre peut autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées, sur demande motivée des ministres compétents. Il s’agit de prévoir des mécanismes d’interception massifs de données. Contrairement à ce qui était prévu dans la loi relative au renseignement, l’utilisation de ces mécanismes n’est plus limitée à la seule détection de menaces terroristes. Elle est étendue à l’ensemble des finalités.

Les systèmes de captation massifs de correspondances autorisés dans ces alinéas n’étaient pas prévus dans l’article de la loi relative au renseignement censuré par le Conseil constitutionnel. Ces dispositions sont un détournement du régime de droit commun. L’exploitation non individualisée des données de connexion associées à des communications internationales sera beaucoup plus largement autorisée que celle des données associées à des communications nationales. Ce n’est pas acceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Duran, Mmes Bonnefoy et Bataille, MM. Cabanel et Lalande et Mmes Lienemann et Lepage, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Avant les mots :

Le type

insérer les mots :

Pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme,

La parole est à M. Alain Duran.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Comme vient de le rappeler ma collègue Benbassa, l’autorisation de traitement automatisé des données personnelles pour des finalités autres que la prévention du terrorisme n’était pas prévue dans la loi relative au renseignement.

Le texte prévoit la possibilité d’intercepter des données personnelles et de les analyser par un traitement automatisé basé sur des régularités statistiques. Ce traitement par algorithmes visant à détecter des comportements suspects pourra notamment être appliqué aux données des citoyens français dès lors qu’elles sont échangées à l’international, ce qui n’est pas rare compte tenu de nos usages et du fonctionnement d’internet.

Cet amendement vise donc à limiter l’utilisation de ces techniques à la seule fin de prévenir des actes terroristes. Il vise à rappeler que de tels dispositifs n’ont été admis par le Parlement, après de longs débats, que face à la gravité des menaces terroristes, tant ils laissent craindre des dérives problématiques en termes de respect de la vie privée et des libertés individuelles.

À cet égard, permettez-moi de rappeler les dispositions de l’article 10 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés de 1978 : « Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d’une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Leconte et Duran et Mmes Lienemann et Bonnefoy, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette autorisation peut prévoir l'exclusion de certains numéros d'abonnement ou identifiants techniques de toute surveillance ou, pour certains numéros ou identifiants, des conditions particulières d'accès aux communications.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement vise à permettre que l’autorisation d’exploitation de communications ou de seules données de connexion, interceptées, peut « prévoir l’exclusion de certains numéros d’abonnement ou identifiants techniques de toute surveillance ou, pour certains numéros ou identifiants, des conditions particulières d’accès aux communications ».

Cette possibilité, qui figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale, a été supprimée par la commission des lois du Sénat. Le présent amendement vise donc à la réintroduire. En effet, elle permettrait de garantir le cadre des captations autorisées par le Premier ministre dans une zone géographique donnée et de ne pas y intercepter les communications de personnes qu’il souhaite exclure de cette surveillance.

Le principe de base dans les relations internationales étant la réciprocité, il est préférable de prévoir ce type de garanties pour l’action de nos services de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 8, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 23

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 854-2-1. Sur demande motivée des ministres, ou de leurs délégués, mentionnés au premier alinéa de l'article L. 821-2, le Premier ministre, ou l’un de ses délégués, autorise la surveillance individualisée d'une personne.

« L'autorisation désigne :

« 1° La ou les finalités poursuivies parmi celles mentionnées à l'article L. 811-3 ;

« 2° Le ou les motifs justifiant cette surveillance ;

« 3° Sa durée de validité ;

« 4° Le ou les services mentionnés à l'article L. 811-2 en charge de cette surveillance.

II. – Alinéa 38, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et à l’article L. 854-2-1.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement a pour objet de prévoir une procédure d'autorisation des mesures de surveillance individualisée. Si la surveillance individualisée est prévue par la proposition de loi, aux alinéas 7 et 24, aucun encadrement ni aucune mesure d'autorisation ne figure dans le texte, comme c’est le cas pour les mesures de surveillance non individualisées. Dès lors, le contrôle a posteriori prévu par la CNCTR sera rendu très difficile, pour ne pas dire totalement impossible.

Un tel vide n’est pas acceptable dans une proposition de loi ayant pour objet de donner un cadre législatif à l'activité des services de renseignement à l'étranger. C'est pourquoi cet amendement tend à prévoir que les mesures de surveillance individualisées sont prises sur autorisation du Premier ministre ou de l'un de ses délégués. L’amendement tend en outre à préciser que l’autorisation doit désigner la ou les finalités poursuivies, le ou les motifs justifiant cette surveillance, la durée de validité de l’autorisation et le ou les services mentionnés à l’article L. 811-2 en charge de cette surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’adoption de l’amendement n° 7 remettrait en cause l’objet même de ce texte, qui est de fournir un cadre légal à la mise en œuvre de techniques permettant d’intercepter de très nombreuses communications, non pas pour l’intérêt qu’elles pourraient toutes représenter, mais parce que c’est le moyen d’effectuer une sorte de zoom et de se rapprocher progressivement d’une réalité afin d’obtenir des renseignements utiles à la réalisation d’objectifs fondamentaux de la nation. La surveillance de communications non individualisées a priori traduit une exigence à la fois de sécurité et de recherche d’informations utiles, par exemple dans le domaine économique. Or il faut bien l’encadrer. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter cet amendement.

Restreindre, comme tend à le prévoir l’amendement n° 2 rectifié, aux seuls besoins de la prévention du terrorisme la mise en œuvre des techniques de renseignement de données non individualisées, c’est affaiblir les chances de la France de défendre ses intérêts. La commission des lois est hostile à une telle restriction dès lors que ces dispositifs sont encadrés et préservent le droit des nationaux au respect de leur vie privée.

L’amendement n° 6 rectifié bis vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Or nous n’avons pas souhaité reprendre ce dispositif, parce que nous considérons qu’il va sans dire que le Premier ministre peut écarter de la surveillance un certain nombre d’identifiants ou de numéros d’abonnement. Je pense par exemple à l’application de la convention de Vienne, qui protège le secret des correspondances des diplomates. Nul n’est donc besoin d’apporter une précision qui pourrait donner lieu à une interprétation a contrario.

Enfin, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 8, qui est en réalité la conséquence de l’amendement n° 7. Mme Benbassa souhaite empêcher la mise en œuvre de systèmes permettant de procéder à l’interception de très nombreuses communications, mais elle accepterait la mise en place de systèmes d’interception individualisés. Pour notre part, nous pensons que de tels dispositifs ne sont pas suffisants pour défendre nos intérêts nationaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Les auteurs des amendements n° 7 et 2 rectifié ont raison de souligner que l’exploitation non individualisée des données de connexion associées à des communications internationales est permise plus largement que celle des données associées aux communications nationales. En effet, les traitements automatisés qui servent à l’exploitation non individualisée – laquelle est donc, je le souligne, moins attentatoire à la vie privée que l’exploitation individualisée – doivent avoir, s’agissant des communications nationales, pour seule finalité la lutte contre le terrorisme alors qu’ils peuvent répondre à d’autres fins pour les communications internationales.

Oui, c’est vrai, mais le Gouvernement assume, de même que les auteurs de la proposition de loi, ainsi que, manifestement, M. le rapporteur et la commission des lois du Sénat !

Sur ces points, comme sur d’autres, par exemple les durées de conservation ou le moment de l’intervention de la CNCTR, le régime de surveillance des communications internationales vise à préserver un équilibre entre exigences opérationnelles et protection de la vie privée plus favorable aux besoins des services que celui qui s’applique aux communications nationales. La justification en est simple : les personnes surveillées à l’étranger sont dans une situation différente de celle des personnes surveillées en France, comme l’a confirmé le Conseil d’État. Or il est très utile de pouvoir exploiter les données de connexion pour d’autres finalités que la prévention du terrorisme.

Il est essentiel de mettre en place des traitements automatisés des communications internationales afin d’identifier leur routage et de pouvoir effectuer ensuite des écoutes ciblées permettant de répondre à l’ensemble des finalités prévues par l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 24 juillet dernier. C’est l’une des raisons pour lesquelles le cantonnement des algorithmes à la seule prévention du terrorisme dans le champ des communications internationales n’est pas pertinent.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements. Je voudrais d’ailleurs préciser à Mme Benbassa qu’elle se trompe lorsqu’elle dit que la précédente version de la loi n’offrait pas cette possibilité d’exploitation non individualisée des données de connexion aux services. Cette possibilité était offerte, mais elle était moins encadrée. En effet, dans la version votée en juin, seuls deux niveaux d’autorisation étaient prévus, et l’exploitation des données de connexion était attachée à la première autorisation de captation des données. Le texte décompose désormais trois étapes d’autorisation. Le dispositif initial permettait cette possibilité, mais il est désormais plus encadré.

L’amendement n° 6 rectifié bis reprend le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis favorable. Étant donné la position de la commission des lois, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

En ce qui concerne l’amendement n° 8, je rejoins la position de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Il est clair, tout le monde l’a expliqué, que le terrorisme se développe et que les risques sont de plus en plus importants. Il est indispensable de recueillir des renseignements, il y va de la sécurité des Français.

Globalement, je voterai cette proposition de loi, mais il faudra vraiment prévoir un contrôle très strict des pratiques afin d’éviter les dérives, car les risques de dérive sont réels. Dans ce contexte, l’amendement n° 2 rectifié me paraît intéressant ; je m’abstiendrai.

L’amendement n° 6 rectifié bis vise à permettre que l’autorisation puisse prévoir l’exclusion de certains numéros d’abonnement ou identifiants techniques de toute surveillance ou, pour certains numéros ou identifiants, des conditions particulières d’accès aux communications. Cette disposition assurerait une meilleure sécurité. Le président Bas nous indique que c’est prévu, mais cela irait encore mieux en le disant. Pour ma part, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

En tant que cosignataire des amendements déposés par mon collègue Alain Duran, je souhaite insister sur l’importance de l’amendement n° 2 rectifié.

Cet amendement permet de mettre en exergue un point essentiel de la proposition de loi, qui représente une nouveauté majeure par rapport à la loi relative au renseignement et qui n’a pas encore été débattu.

L’utilisation de traitements automatisés pour l’analyse des données personnelles des citoyens est désormais autorisée pour toutes les finalités prévues dans la loi relative au renseignement, et non plus seulement pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme. À l’époque, les débats avaient pourtant été intenses lorsqu’il s’était agi de savoir s’il était préférable ou non d’entrer dans un paradigme nouveau, qui autorise désormais la recherche prédictive de comportements suspects sur le fondement de régularités statistiques. Il avait finalement été décidé qu’un tel dispositif, si contestable soit-il, constituait certainement un « mal nécessaire » au regard de la férocité des menaces terroristes qui pèsent actuellement sur notre pays.

Le 3 juin dernier, dans cet hémicycle, vous aviez indiqué, monsieur le ministre, que « seule la finalité de prévention du terrorisme justifie l’usage de ces dispositifs ».

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Au niveau national !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Souhaitons-nous désormais étendre l’utilisation de tels algorithmes pour repérer les comportements suspects au regard des engagements internationaux de la France ou de ses intérêts économiques ?

La question se pose lorsque l’on considère que ces algorithmes pourront être utilisés pour la surveillance des communications de tous les citoyens français, à partir du moment où ils se connectent à un site hébergé à l’étranger, appellent ou échangent un mail avec un correspondant étranger.

L’argument selon lequel les autres pays le font aussi ne suffit pas à épuiser le débat. Ce n’est pas être naïf que de le rappeler, c’est être respectueux des principes qui constituent un État de droit.

À ceux qui avanceront qu’il n’y a plus de débat dès lors que le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi relative au renseignement ou que le Conseil d’État n’a pas émis d’avis défavorable sur le dispositif similaire prévu dans la proposition de loi déposée par Philippe Bas, je répondrai : à quoi bon sert le Sénat ?

Enfin, peut-on techniquement faire autrement au niveau international ? Je n’ai certainement pas les moyens de le dire, mais si la réponse est négative, il sera difficile de plaider que la collecte de nos données n’est pas effectuée de manière massive.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaite suggérer à mes collègues et amis de groupe qu’une partie au moins de la motivation de leurs amendements présente une fragilité. Notre collègue Duran évoque les principes de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, conçus voilà quarante ans, pour refuser d’accorder des pouvoirs à la CNCTR. Je rappelle que ladite loi a toujours fait réserve des considérations de sécurité nationale ; il n’y a donc pas d’incohérence.

Quant à notre collègue et ami Jean-Yves Leconte, qui espère une réciprocité entre puissances internationales en matière d’encadrement des activités des services de renseignement, il me semble que son expérience gagnerait à être complétée.

Sourires.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Lepage, M. Yung et Mme Conway-Mouret, est ainsi libellé :

Alinéa 24

1° Remplacer les mots :

en France

par les mots :

soit en France soit à l’étranger pour le compte d’intérêts français

2° Après le mot :

communications

rédiger ainsi la fin de la phrase :

que dans les conditions les concernant sur le territoire national prévues au titre II du présent livre

3° Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :

La captation des communications des personnes qui exercent soit en France soit à l’étranger pour le compte d’intérêts français un mandat ou une profession mentionné à l’article L. 821–7 doit faire l’objet d’une information de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dans un délai de vingt-quatre heures. La Commission transmet alors un avis au Premier ministre qui, soit autorise la poursuite de cette captation soit ordonne la destruction immédiate de l’ensemble des données collectées relatives à ces personnes. La Commission et le Premier ministre ont respectivement chacun vingt-quatre heures afin de rendre leurs avis et décision.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il est logique, j’en conviens, monsieur le ministre, que les conditions de contrôle pour les interceptions de communications internationales ne soient pas les mêmes que pour les communications nationales. Toutefois, cela a été dit par notre collègue Duran, il existe des communications via Skype, les réseaux sociaux et certaines messageries dont on ne sait pas exactement si elles sont exclusivement nationales ou internationales. Les personnes qui travaillent à l’étranger ou qui se rendent à l’étranger de temps en temps méritent également des mesures de sécurité spécifiques.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à mieux protéger les personnes exerçant un mandat ou une profession dite sensible dans le cadre d’une surveillance internationale de leurs communications, qu’elle concerne un groupe de personnes dans le cadre d’une captation « globale », qui ne s’opère pas sur le territoire national de la même manière, ou qu’elle soit individuelle. Dans les deux cas, nous proposons d’étendre cette protection aux personnes exerçant à l’étranger pour le compte d’intérêts français, car il ne faut pas que la France fragilise ceux qui travaillent pour elle à l’étranger dans le cadre de leurs obligations de secret professionnel par rapport au pays où ils exercent leur activité.

L’amendement tend donc à aligner pour ces personnes le régime relatif à la surveillance individuelle des communications internationales sur celui des communications émises ou reçues sur le territoire national, dès lors qu’aucune raison ne préside à ce qu’une distinction soit opérée, compte tenu de ce que j’ai dit au début de mon intervention.

Enfin, ce dispositif permet de ne pas laisser sans information de la CNCTR et sans autorisation du Premier ministre une captation de communications internationales englobant, après constatation, celle d’une personne exerçant en France une profession protégée dans le cadre d’une communication internationale ou une profession protégée exerçant pour des intérêts français, mais à l’étranger. Je pense en particulier à des journalistes enquêtant à l’international pour des journaux français, à des avocats inscrits dans un barreau français qui exercent aussi à l’étranger et interviennent dans des procédures en France. Si une captation globale conduisait à des interceptions concernant ce type de professions, il conviendrait d’en informer automatiquement la CNCTR et d’obtenir l’autorisation du Premier ministre pour continuer ces interceptions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 9, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Après le mot :

communications

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

qu'après une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après l'avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement mentionné à l'article L. 821–1. Elles ne peuvent faire l’objet d’une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l’exercice du mandat ou de la profession concernée.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement a pour objet de prévoir la protection des personnes exerçant en France un mandat de parlementaire, la profession d'avocat, de magistrat ou de journaliste. Sont notamment concernés les avocats inscrits à plusieurs barreaux ou des journalistes travaillant en partie en France et en partie à l’étranger.

Ces personnes ne doivent pas être soumises aux mesures de surveillance internationale sans avis préalable de la CNCTR, dès lors qu'elles exercent habituellement sur le territoire français. Il s'agirait sinon d'un véritable détournement de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 3, présenté par M. Duran, Mmes Bonnefoy et Bataille, M. Lalande et Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes exerçant en France ou hors du territoire national un mandat ou une profession mentionné à l'article L. 821-7 ne peuvent faire l'objet d'une surveillance qu'après une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après l'avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement mentionné à l'article L. 821-1.

La parole est à M. Alain Duran.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

La proposition de loi prévoit un principe général protecteur pour les professions sensibles les excluant de la surveillance. Toutefois, ce principe comporte des conditions qui laissent ouvertes des possibilités de surveillance lorsque les personnes n’exercent pas en France, lorsqu’elles font l’objet d’une surveillance qui n’est pas menée individuellement, mais sur plusieurs personnes, ou lorsque la surveillance n’est pas motivée en raison de l’exercice de leur profession.

Si ces conditions peuvent être fondées, elles peuvent aussi s’avérer problématiques dans certains cas. Il est nécessaire que les services de renseignement, lorsque le Premier ministre leur en fait la demande, ne puissent pas être empêchés de surveiller des individus dangereux au motif qu’ils exercent des professions particulières. Le ministre a cité, à l’Assemblée nationale, le cas d’un journaliste nord-coréen. On pourrait penser à celui d’un avocat lié à l’État islamique ou à celui d’un parlementaire d’un pays belliqueux à l’égard de la France. Il n’y a pas de débat sur ce point.

Néanmoins, en tant que législateurs, nous avons la responsabilité de ne pas aborder un texte sous un seul angle. Nous devons aussi avoir à l’esprit que l’utilisation dévoyée des moyens de renseignement existe même en France. Ces dernières années, la justice française a établi que des méthodes de surveillance irrégulières avaient été mises en œuvre dans l’affaire des écoutes de l’Élysée ou dans celle des fadettes du quotidien Le Monde.

Il importe dès lors de considérer les possibilités de surveillance qui persistent pour les professions sensibles. Je pense notamment aux citoyens français qui n’exercent pas en France. Mon collègue a cité le député européen exerçant à Bruxelles, qu’il soit français ou allemand, le correspondant de RFI ou de l’AFP à Londres ou à Bangui, l’avocat français travaillant pour une ONG basée à l’étranger.

L’écriture de l’alinéa 24 sous-tend que l’on puisse distinguer les communications privées des communications professionnelles. Or cela est techniquement impossible à moins de définir une méthode arbitraire qui risquerait de ne pas recouper la réalité des situations consistant, par exemple, à opérer une distinction sur des horaires de travail et de temps libre.

On peut aussi penser au cas où serait délivrée une autorisation-prétexte sur un motif d’ordre non professionnel pour mener une surveillance en réalité dirigée vers des informations liées à l’activité sensible.

Dans le cadre actuel, lorsque le contrôle de la CNCTR sera mis en œuvre et que l’irrégularité sera éventuellement constatée, l’atteinte au secret aura déjà été effectuée. C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer un contrôle préalable de la CNCTR lorsque les techniques de renseignement visent, à l’international comme sur le territoire national, des personnes exerçant des professions sensibles. Ce contrôle sera non contraignant et n’empêchera pas le Premier ministre d’autoriser la mise en œuvre des techniques de surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L'amendement n° 5 rectifié vise notamment les avocats ou les journalistes exerçant leur profession à l’étranger pour le compte d’intérêts français.

Il faut savoir que si ces professionnels utilisent des micro-ordinateurs ou des téléphones avec des identifiants techniques ou des numéros d’abonnement français, ou bien s’ils communiquent avec les détenteurs de terminaux ayant des identifiants français, ils tombent soit dans le régime de droit commun, soit dans le régime supposant une autorisation spécifique.

La commission ne voit donc pas l’utilité de cet amendement, qui risque en revanche d’avoir des effets pervers. Protéger une profession est une bonne chose ; l’exposer à des intérêts opposés aux intérêts nationaux serait tout autre. Trop de protection finirait par se retourner contre ces professions. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 9. Nous savons que la présente proposition de loi est déjà très protectrice pour lesdites professions et il ne semble pas utile d’ajouter davantage de contraintes.

Pour des raisons analogues, la commission émet le même avis sur l’amendement n° 3.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

Comme je l’expliquais tout à l’heure, il existe une différence forte entre le régime des communications nationales et celui des communications internationales, et je ne vois pas pourquoi la loi devrait protéger spécifiquement les avocats ou les journalistes n’exerçant pas en France.

Je ne vois pas davantage de raisons de faire, pour ces professions, une entorse à la règle que la proposition de loi fixe, et qui figurait déjà dans le texte adopté au mois de juin, selon laquelle la CNCTR n’intervient pas, en amont des autorisations, dans le champ des communications internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

J’ai quelques inquiétudes au sujet de la profession d’avocat, que j’ai exercée pendant trente-cinq ans. N’oublions pas la nécessité de préserver le secret de l’instruction et la confidentialité de certaines informations. J’espère que les contrôles seront suffisants et que des garanties seront apportées pour cette profession qui reste « à part », monsieur le ministre.

Récemment, en France, nous avons connu des cas d’écoutes téléphoniques de conversations d’avocats, ce qui est tout de même problématique.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Nous parlons de communications internationales, ce n’est pas la même réglementation !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

S’agissant de l’amendement n° 3, nous gardons évidemment tous en mémoire les affaires des écoutes téléphoniques de l’Élysée ou des fadettes du journal Le Monde.

Pour ma part, je pense que les écoutes téléphoniques existent depuis longtemps, et qu’elles demeurent encore. J’espère qu’elles disparaîtront s’agissant des communications internationales. J’insiste toutefois sur la nécessité de mettre en place un contrôle très fort, puis de faire un bilan.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je voudrais réagir aux propos de M. le rapporteur.

Nous devons protéger l’intimité de certaines personnes et de certaines professions en général, et pas simplement certaines de leurs communications, parce qu’elles auraient lieu avec telle ou telle personne. Vouloir protéger un type de télécommunications seulement ou toutes les communications d’une personne, ce n’est pas la même chose !

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 5 rectifié : j’y insiste, nous ne voulons pas que certaines communications soient protégées, et d’autres non ; nous voulons protéger les communications de certaines personnes par principe et soumettre la surveillance éventuelle de celles-ci au préalable à l’avis de la CNCTR.

Dans le cadre de captations plus globales, qui pourraient permettre l’accès aux communications des personnes en question sans que cet accès ait été a priori recherché, nous voulons que la CNCTR soit obligatoirement informée, de manière qu’elle puisse transmettre un avis au Premier ministre qui prendra alors une décision.

Dès lors que l’on commence à distinguer différents types de communications, il n’y a plus de protection, puisqu’il faut d’abord avoir réalisé des interceptions pour constater qu’elles étaient hors du champ d’autorisation.

Il convient donc de protéger par principe un certain nombre de professions, même lorsqu’elles sont exercées à l’étranger, sauf à affaiblir les personnes qui travaillent au service de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je veux souligner un petit paradoxe dans votre position, mes chers collègues : concrètement, il n’existe aucun moyen, pour le service intéressé, de détecter qu’une communication internationale, au milieu du foisonnement immense des communications, émane d’un avocat français travaillant à l’étranger.

Pour que le système que vous proposez soit applicable, il faudrait en réalité que les avocats, les journalistes ou les parlementaires exerçant une partie de leur mission à l’étranger fassent une déclaration préventive auprès de la CNCTR, ce qui paraîtrait curieux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Non, l’amendement n’est pas rédigé en ce sens !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 10, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Après la première occurrence du mot :

leur

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

recueil, pour les correspondances ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à réduire les durées de conservation des données de correspondances prévues par la proposition de loi. Une période de quatre ans après le recueil de tels éléments paraît bien trop longue. Rien ne la justifie, notamment si on la compare à la durée de conservation des correspondances recueillies sur le territoire national prévue par la loi relative au renseignement, laquelle s’étale de trente jours à quatre mois après le recueil des correspondances.

Nous proposons donc, à travers cet amendement, de limiter à dix mois la conservation des données de correspondances internationales après leur recueil, et non après leur première exploitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Défavorable, monsieur le président. Le contexte est différent de celui du recueil de renseignements sur le territoire national. Les renseignements collectés sont, évidemment, beaucoup plus nombreux et les impératifs de traduction, notamment, exigent une durée de conservation des matériaux recueillis plus longue que sur le territoire national.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Même avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Remplacer la référence :

à l’article L. 871-6

par la référence :

aux articles L. 871-6 et L. 871-7

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Cet amendement a pour objet de rappeler l’exigence constitutionnelle selon laquelle les surcoûts que supporteraient les opérateurs du fait de la mise en œuvre des mesures prévues par le chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure font l’objet d’une compensation de la part de l’État.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Duran, Mmes Bonnefoy et Bataille, MM. Lalande et Leconte et Mmes Lienemann et Lepage, est ainsi libellé :

Alinéa 38, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dans un délai rapproché suivant leur délivrance, qui ne peut excéder sept jours

La parole est à M. Alain Duran.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Le présent texte prévoit, au regard des spécificités propres aux communications internationales et aux mesures de surveillance qui s’y appliquent, un dispositif de contrôle allégé de la CNCTR.

Pour mémoire, ce dispositif ne comporte pas d’avis préalable à la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignements, contrairement à la procédure applicable aux mesures de surveillance effectuées sur les communications franco-françaises qui reposent pour leur part sur un double contrôle, a priori et a posteriori.

Dans le cas de la surveillance internationale, le contrôle de la CNCTR est uniquement effectué a posteriori. Dès lors, il est important que cette commission soit prévenue rapidement après l’engagement des mesures de surveillance et l’atteinte à la vie privée.

Cet amendement vise donc à préciser que les autorisations de surveillance délivrées par le Premier ministre seront transmises à la CNCTR dans un délai rapproché après leur délivrance, lequel ne pourra excéder une semaine.

Cette précision tend à garantir à la CNCTR la possibilité de procéder rapidement à des vérifications de conformité. Par omission, la loi ne doit pas permettre une rétention de l’information sur laquelle doit s’exercer le contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le texte prévoit déjà un accès permanent, complet et direct aux renseignements collectés.

Par ailleurs, lorsqu’un délai maximal de sept jours est fixé, les services peuvent être tentés d’attendre le septième jour, alors que, dans bien des cas, un contrôle beaucoup plus précoce serait possible, voire même, parfois, nécessaire.

Cela étant, la commission souhaite obtenir l’avis du Gouvernement avant de se prononcer.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Si la Commission tardait à recevoir les décisions et autorisations, elle ne pourrait pas effectuer correctement son contrôle. Le système de contrôle retenu par la proposition de loi implique la communication immédiate ou quasi immédiate de ces informations.

Certes, le Gouvernement comprend l’intention des auteurs de cet amendement, mais il ne me semble pas que cet amendement serve la volonté qu’ils affichent. Comme l’a souligné M. le rapporteur, si l’on fait référence à un délai ne pouvant excéder sept jours, cette durée servira de référence alors que, dans la plupart des cas, la transmission des informations doit être plus rapide.

Par conséquent, je vous suggère, monsieur Duran, de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication des accords de coopération ou d'échange d'informations et de données entre les services mentionnés à l'article L. 811–2. Elle dispose d’un accès permanent, complet et direct aux informations et échanges d'informations opérés dans le cadre de ces accords.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’importance croissante de la coopération entre les services de renseignement implique un contrôle de la part de la CNCTR et une information systématique sur tout nouvel accord. La CNCTR doit également disposer d’un accès permanent, complet et direct aux informations et échanges d’informations opérés dans le cadre de ces accords.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L'amendement n° 12, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication des accords de coopération ou d'échange d'informations et de données entre les services mentionnés à l'article L. 811–2.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise uniquement un contrôle de la part de la CNCTR et une information systématique sur tout nouvel accord. Il s’agit d’une position de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a estimé que la mission de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement était de vérifier la légalité des autorisations qui sont délivrées par le Premier ministre pour mettre en œuvre des techniques de renseignement.

Avec ces amendements, il s’agirait d’une tout autre mission, qui consisterait à contrôler les accords d’État à État en matière de renseignement et à vérifier leur mise en œuvre. Cette mission n’a pas du tout été envisagée au moment où nous avons créé la CNCTR, dont la composition aurait dû, dans un tel cas, être nettement différente. De toutes les manières, les accords en cause, dont il n’est pas besoin de souligner le caractère secret – qu’il s’agisse de l’accord lui-même ou du contenu des informations échangées –, ne peuvent en aucun cas être examinés par une commission composée pour l’essentiel de magistrats et de parlementaires. Ce n’est pas le rôle de cette instance qui, de surcroît, serait inefficace pour exercer un contrôle sur des informations de cette nature.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je n’ai pas la même interprétation des amendements que M. le rapporteur. Je crois comprendre qu’il s’agit de permettre à la CNCTR de recevoir communication des accords entre services du premier cercle national.

Cependant, ces amendements laissent entendre que les services du premier cercle pourraient s’échanger les données recueillies grâce aux autorisations dont ils bénéficieraient en application de l’article L. 854-1 que la présente proposition de loi tend à insérer dans le code de la sécurité intérieure. Or si nous prenons le soin de nous assurer que les autorisations sont accordées à des services spécifiques à des fins elles-mêmes spécifiques, ce n’est pas pour permettre ensuite à ces services de s’échanger des données brutes comme ils le souhaitent, en toute illégalité.

En fait, la mesure proposée reviendrait à faire contrôler par la CNCTR une illégalité en quelque sorte autorisée. Ce n’est pas acceptable ! Par conséquent, je suis défavorable à l’amendement n° 11, comme à l’amendement n° 12.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

L’article L. 773-1 du code de justice administrative est complété par la référence : « et du chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 28 octobre 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :

Projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (694, 2014-2015) ;

Rapport de MM. Georges Labazée et Gérard Roche, fait au nom de la commission des affaires sociales (101, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 102, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.