Je m'attacherai à présenter l'évolution de l'architecture de la dotation forfaitaire des communes, avant de laisser la parole à Claude Raynal, qui vous présentera celle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le projet de loi de finances pour 2016 propose de réformer en profondeur la dotation forfaitaire des communes, en proposant une nouvelle architecture, fondée sur une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité, complétée par une enveloppe « majoration et tunnel », qui correspond à ce qu'il reste des composantes figées de la dotation forfaitaire ancienne, et qui disparaîtra avec la baisse des dotations en 2016 et 2017.
Sachant que la loi de finances pour 2015 a fondu l'ensemble des composantes de la dotation forfaitaire en une seule dotation, et cristallisé, ce faisant, les effets de l'ancienne architecture, c'est à l'architecture de la dotation forfaitaire 2014 qu'il convient de comparer cette architecture nouvelle.
On peut noter que la somme de la dotation de base, de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité n'est pas très éloignée de la somme de l'ancienne dotation de base et de l'ancienne dotation de ruralité.
Tandis que l'ancienne dotation de base prévoyait une majoration du montant par habitant pour les communes les plus peuplées à travers un coefficient logarithmique croissant avec la population, c'est un montant unique, de 75,72 euros par habitant, que retient la nouvelle dotation de base.
La dotation de centralité est, quant à elle, calculée au niveau intercommunal, avec application d'un coefficient logarithmique. Cette dotation est répartie entre l'EPCI et les communes : la part revenant à l'EPCI étant égale à son coefficient d'intégration fiscale (CIF), dans la limite de 40 %. La répartition entre les communes de la part leur revenant serait fonction du rapport entre leur population et celle de l'ensemble intercommunal, porté à la puissance 5. Sont également prévus des modes répartition dérogatoires : à la majorité des deux tiers du conseil communautaire, il peut être décidé d'une répartition en fonction du CIF entre l'EPCI et les communes, puis entre les communes en fonction des dépenses d'équipement, sans qu'il soit cependant possible de diminuer la part de l'EPCI ou d'une commune de plus de 30 % par rapport à la répartition de droit commun. Si l'unanimité du conseil communautaire est réunie, le mode de répartition peut être librement décidé. Il s'agit là de la seule part territorialisée du dispositif.
L'éligibilité à la dotation de ruralité sera fonction de la densité de population, le montant national de la dotation étant déterminé à partir de la population éligible, et réparti en fonction de la population et de la densité. Ce montant devrait être proche de celui de la dotation de superficie de 2014, pour 25 611 communes éligibles. La dotation sera plafonnée à quatre fois la dotation de base, soit 303 euros par habitant. Ce plafonnement devrait concerner 139 communes. Les communes accueillant un parc national bénéficieront, pour la répartition, d'une majoration de leur population.
Le nombre de communes percevant à la fois une dotation de centralité et une dotation de ruralité devrait être de 15 039.
J'en viens à la majoration et au « tunnel ». Le montant de la dotation forfaitaire 2016, avant contribution au redressement des finances publiques, sera égal au montant de la dotation forfaitaire 2015. Or, la différence entre la dotation forfaitaire spontanée 2016 - dotation de base, dotation de ruralité et dotation de centralité - et la dotation forfaitaire 2015 est de 2,85 milliards d'euros. Il faut donc ajouter ce montant à la dotation forfaitaire spontanée. Cette majoration est répartie au prorata de la dotation forfaitaire spontanée, étant entendu que la dotation forfaitaire d'une commune ne pourra s'écarter de plus de 5 % de la dotation forfaitaire 2015 : c'est le « tunnel ». Autrement dit, la dotation forfaitaire 2016 d'une commune sera égale à 95 % de la dotation forfaitaire 2015 si la dotation spontanée cumulée à la majoration est inférieure à 95 % de la dotation forfaitaire 2015, ce qui serait le cas pour 5 878 communes ; tandis que pour 27 424 communes, elle sera égale à 105 % de la dotation forfaitaire 2015, si la dotation spontanée cumulée à la majoration est supérieure à 105 %.
Les composantes dites figées, soit les compensations et le complément de garantie, seront progressivement supprimées, au fil de la baisse des dotations.
Je vous rappelle que les compensations correspondent à l'ancienne compensation de la « part salaires » de la taxe professionnelle, supprimée en 1999, ainsi qu'à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001 ; quant au complément de garantie, il était destiné à assurer qu'aucune commune ne voie sa dotation diminuer à l'occasion de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 2004. Son montant était égal à la différence entre le montant de la dotation forfaitaire perçue en 2004 et la somme de la dotation de base et de la dotation de superficie perçue en 2005.
Ces deux dotations pouvaient faire l'objet d'une minoration pour alimenter la hausse de la péréquation verticale et la hausse spontanée de la dotation de base du fait de l'augmentation de la population. Les compensations étaient minorées d'un pourcentage identique pour chaque commune. Le complément de garantie était minoré uniquement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen. Entre 2010 et 2014, les compensations, passées de 1 840 millions d'euros à 1 331 millions d'euros, ont reculé de 28 % et le complément de garantie, passé de 5 123 millions d'euros à 4 732 millions d'euros, de 8 %.
Qu'en est-il de l'écrêtement et de la contribution au redressement des finances publiques (CRPF) ?
Pour financer la hausse de la péréquation verticale, la dotation forfaitaire des communes sera écrêtée, dans la limite de 3 %, comme cela est le cas aujourd'hui. Sont écrêtées les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen par habitant, soit plus de 18 000 communes en 2016. L'écrêtement est réparti en fonction de la population et de l'écart relatif de potentiel fiscal par habitant.
Quant à la CRPF, elle restera calculée en fonction des recettes réelles de fonctionnement et viendra s'imputer sur la dotation forfaitaire, dans la limite de 50 %.
Nous avons pris l'exemple de deux communes, pour illustrer ce que seront les évolutions au fil du temps. L'une, avec une dotation forfaitaire 2015 de 1,5 million d'euros et une dotation spontanée pour 2016 de 500 000 euros, l'autre avec une dotation forfaitaire 2015 de 500 000 euros et une dotation forfaitaire pour 2016 de 1,5 million d'euros. Au titre de la CRFP, elles verront leur dotation forfaitaire baisser de 14 % en 2016 et de 17 % en 2017, ce qui correspond à la baisse moyenne. Elles ne seront pas écrêtées. La baisse de la dotation forfaitaire de la première sera lissée, du fait du « tunnel », sur 16 ans, et la hausse de celle de la seconde sur 31 ans.
Tout cela est plus simple qu'il n'y paraît, mais il faut prendre le temps de s'y pencher.