Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Hervé Marseille, rapporteur spécial, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et entend une communication sur son contrôle budgétaire concernant le coût de l'organisation des élections.
La réunion est ouverte à 9 h 02.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » porte les moyens alloués aux préfectures et sous-préfectures, les crédits relatifs au financement de la vie politique, ainsi que les crédits des fonctions support du ministère de l'intérieur, pour un total de 2,5 milliards d'euros en 2016. À périmètre constant, ces crédits sont en baisse de 1,7 % par rapport à 2015.
La mission est concernée par la mise en place du plan de lutte contre le terrorisme, qui entraînera 19,3 millions d'euros de dépenses nouvelles, principalement destinées à sécuriser le système informatique et de télécommunications du ministère de l'intérieur et à financer de nouveaux diplômes universitaires et programmes de recherche en islamologie.
S'agissant du programme 307, soulignons que le mouvement de transformation de l'organisation et des missions de l'administration préfectorale se poursuivra et s'amplifiera en 2016. La réduction du nombre de préfectures de région, de 22 à 13 en France métropolitaine, induira des regroupements de services au sein des futurs chefs-lieux de région, comme ceux relatifs à la gestion des ressources humaines et à la gestion des budgets opérationnels de programme. 337 agents devraient être concernés par une mobilité géographique ou fonctionnelle. Subsistent encore des incertitudes quant aux modalités pratiques de cette réorganisation et ses conséquences budgétaires : elle pourrait induire des coûts transitoires qui ne figurent pourtant pas dans les documents budgétaires qui nous ont été communiqués.
Par ailleurs, la révision de la carte des sous-préfectures se poursuivra en 2016 avec pour objectif de rationaliser la présence infra-territoriale de l'État. Cette évolution va de pair avec le développement de nouvelles modalités d'accès aux services publics sur les territoires par la création de Maisons de l'État regroupant des services de proximité de l'État ou de Maisons de services au public : trente Maisons de l'État ont déjà été créées et d'autres projets sont en cours d'élaboration.
Les missions des préfectures continueront d'évoluer dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » présenté par le ministre de l'intérieur le 9 juin 2015, qui poursuit le désengagement des préfectures des missions de guichet relatives à la délivrance de titres, comme les certificats d'immatriculation des véhicules ou les permis de conduire, grâce au recours à des tiers de confiance, à des procédures dématérialisées et à la création de plateformes régionales d'instruction des demandes de titres. Cette réduction des activités de guichet doit permettre de renforcer quatre missions identifiées comme prioritaires : la sécurité et l'ordre public, le contrôle de légalité et budgétaire des collectivités territoriales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale de la mise en oeuvre des politiques publiques.
Ces évolutions auront pour effet la réduction des effectifs de l'administration préfectorale, avec 200 suppressions de postes en 2016. Elles concerneront les services préfectoraux départementaux ; les services régionaux verront eux leurs effectifs augmenter.
Par ailleurs, l'équilibre financier de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) restera fragile en 2016, en raison de coûts de production élevés du permis de conduire et du passeport biométrique. L'ANTS engagera une renégociation des conditions tarifaires conclues avec l'Imprimerie nationale afin de maîtriser ces dépenses.
Le programme 232 enregistre une baisse de 77 % de ses crédits de paiement, qui s'établissent à 101 millions d'euros, en raison de l'absence d'élections générales en 2016. Toutefois, en raison du report des élections régionales de mars à décembre 2015, certaines dépenses ne seront mises en paiement qu'en 2016, ce qui induira des reports de crédits non-exécutés. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de maintenir le volume de l'aide publique aux partis à son montant de 2015, de 67,8 millions d'euros, ce qui est une bonne chose.
Enfin, le programme 216, qui finance les moyens logistiques du ministère de l'intérieur, voit ses crédits augmenter de + 6,9 %. Cette hausse résulte toutefois du transfert des effectifs exerçant des missions de sécurité routière sur ce programme ainsi que des dépenses supplémentaires dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. À périmètre constant, les crédits de ce programme baissent de 1,7 % en raison de la maîtrise de la masse salariale et de la suppression de 94 postes en 2016. Par ailleurs, les crédits dédiés aux dépenses de contentieux du ministère de l'intérieur connaissent une nette diminution en 2016, alors que ces dépenses font l'objet d'une sous-dotation budgétaire chronique qui se traduit par des écarts répétés entre prévision et exécution. Il existe donc un risque important de dérapage de ces dépenses en cours d'exécution.
Enfin, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), chargé de l'agrément, du contrôle et du conseil des entreprises de sécurité privées, voit sa subvention budgétaire maintenue à 16,8 millions d'euros, alors que ses compétences s'élargiront en 2016 à 800 nouveaux organismes de formation de sécurité privée.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
J'en viens maintenant aux conclusions du contrôle budgétaire que j'ai mené sur le coût de l'organisation des élections. Ce coût, supporté tant par l'État que par les communes, est significatif. En 2012, d'après les données du programme 232 qui regroupe les crédits associés à l'organisation des élections, les élections présidentielles et législatives ont représenté pour l'État une dépense totale d'environ 342 millions d'euros. En prenant en compte certaines dépenses non retracées, en particulier les dépenses relatives au personnel mobilisé lors des scrutins, ce coût s'élèverait, d'après l'Inspection générale de l'administration (IGA), à 437 millions d'euros. L'effort financier réalisé par les communes lors de la tenue de scrutins ne fait pas l'objet d'un suivi par le ministère de l'intérieur mais a été estimé à 200 millions d'euros en 2012 par l'IGA.
Afin de compenser une partie des coûts supportés par les communes lors de la tenue de scrutins, l'État leur verse à chaque élection des frais d'assemblée électorale. Mais cette subvention ne couvre qu'une faible partie des dépenses effectivement engagées par les communes, 15 % en moyenne. À titre d'exemple, la ville de Paris a dépensé 1 million d'euros lors des élections européennes de 2014 et a reçu de l'État une subvention de 165 000 euros. Surtout, le montant de cette subvention, calculé en fonction du nombre de bureaux de vote et d'électeurs inscrits, n'a pas évolué depuis 2006, alors que le taux d'inflation a été en moyenne de 1,5 % par an. Il y a donc bien un désengagement financier de l'État au détriment des communes, qui n'est pas acceptable.
Il existe plusieurs déterminants de la dépense électorale. Le poste le plus important est constitué par les dépenses liées à la propagande électorale, qui ont représenté plus de la moitié de la dépense électorale totale en 2012, soit 180 millions d'euros. Elles recouvrent les dépenses de mise sous pli et d'envoi des professions de foi et des bulletins de vote, ainsi que les remboursements aux candidats de leurs frais d'impression. Le second poste de dépenses est constitué par les remboursements forfaitaires aux candidats de tout ou partie de leurs dépenses de campagne, pour 83 millions d'euros. Il existe plusieurs autres déterminants de la dépenses électorale, dont les montants mis bout à bout sont significatifs, qu'il s'agisse des coûts associés à la révision des listes électorales, à la gestion des procurations ou à l'impression et à l'envoi des cartes électorales.
L'administration ne dispose pas de tous les leviers pour maîtriser la dépense électorale, puisque celle-ci dépend notamment du nombre d'électeurs, de candidats ou encore du montant des dépenses électorales de ces derniers. Toutefois, j'ai pu identifier des marges de manoeuvre qui permettraient de réduire le coût d'organisation des scrutins.
Premièrement, je propose d'expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale à l'occasion de l'élection présidentielle de 2017. Le Gouvernement a proposé à deux reprises de dématérialiser la propagande pour les élections européennes de 2014 puis pour les élections départementales et régionales de 2015. Ce projet a été rejeté, à juste titre, par le Parlement, car il risquait de provoquer une inégalité d'accès à l'information électorale entre les citoyens. Surtout, il paraissait inopportun de supprimer l'envoi papier de la propagande en 2015 alors que le mode de scrutin des élections départementales et le périmètre des cantons venaient d'être modifiés.
Pourquoi alors proposer la dématérialisation de la propagande à l'occasion d'une élection présidentielle ? Contrairement aux autres élections, l'élection présidentielle jouit d'une forte couverture médiatique qui assure aux candidats une publicité suffisante de leurs propos et de leurs programmes. Dématérialiser la propagande électorale dans ces conditions, en publiant les professions de foi des candidats sur un site Internet dédié et en informant les citoyens sur ces nouvelles modalités de consultation, ne remettrait pas en cause l'égale information de tous les électeurs. En revanche, je reste attaché à l'envoi papier de la propagande électorale s'agissant des élections locales, qui sont par nature moins médiatisées.
Deuxièmement, je considère qu'il est nécessaire de créer un répertoire national unique regroupant l'ensemble des électeurs. Actuellement, chaque commune gère sa propre liste électorale et l'INSEE tient un fichier général afin de s'assurer de la cohérence des listes entre elles et d'éviter les doubles inscriptions. Mais il existe des écarts importants entre les listes locales et le fichier général, qui concerneraient selon l'IGA 2,5 % du corps électoral, soit environ un million d'électeurs. Créer un répertoire unique, dont les listes électorales communales seraient extraites, permettrait de remédier à cette situation. En parallèle, je préconise de supprimer, à terme, les commissions de révision des listes électorales qui sont actuellement chargées de statuer sur les demandes d'inscription au cours de la période de révision des listes, mais qui se contentent le plus souvent d'avaliser le travail préalablement effectué par les services municipaux et dont le coût de fonctionnement n'est pas anodin.
Troisièmement, il conviendrait d'achever la dématérialisation totale du processus de vote par procuration, qui a été lancée en 2013 mais qui peine à aboutir. L'objectif est de permettre aux mandants de remplir le formulaire de procuration en ligne avant de venir s'identifier auprès des autorités habilitées à établir les procurations. Puis, ces autorités enverraient les formulaires par voie dématérialisée aux communes concernées. Il s'agit d'une mesure de simplification et d'économie qui me paraît bienvenue.
Quatrièmement, je propose de supprimer l'envoi aux électeurs de documents peu utiles. Il s'agit, d'une part, des bulletins de vote des candidats envoyés au domicile de chaque électeur, qui présentent peu d'intérêt puisqu'ils sont de toute façon disponibles dans les bureaux de vote. Or, ils représentent un coût important : le ministère de l'intérieur avait estimé les gains attendus d'une telle suppression à 5,9 millions d'euros pour les élections départementales de 2015. D'autre part, je m'interroge sur l'utilité des cartes électorales, qui ont avant tout une fonction symbolique, mais qui ne sont ni nécessaires ni suffisantes pour pouvoir voter, puisque les électeurs doivent obligatoirement présenter une pièce d'identité le jour du scrutin. Elles ont certes pour intérêt de permettre aux électeurs de connaître la localisation de leur bureau de vote. Toutefois, il pourrait être envisagé d'expérimenter leur suppression, en prévoyant d'informer les électeurs de leur lieu de vote par affichage en mairie ou sur Internet.
Cinquièmement et enfin, il est nécessaire d'améliorer l'information des candidats sur les modalités de remboursement de leurs dépenses. En effet, nombre de comptes de campagne sont réformés à chaque élection par la Commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) du fait d'une mauvaise information des candidats ou de contradictions entre la jurisprudence de la Commission et les indications délivrées par les services préfectoraux. La CNCCFP dispose d'un véritable pouvoir d'appréciation. Il conviendrait donc de rédiger un nouveau guide détaillant avec précision les dépenses relevant de dépenses électorales. Par ailleurs, il conviendrait de clarifier par la loi les règles d'imputation des dépenses effectuées lors de primaires ouvertes dans les comptes de campagne des candidats, qui est un problème nouveau auquel la CNCCFP fait face.
Ainsi serait-il possible de moderniser l'organisation des élections en France, tout en garantissant le respect des exigences démocratiques.
Une remarque tout d'abord sur la nouvelle organisation territoriale. Comment va-t-on concilier la création de grandes préfectures de région et un déploiement des services sur différents sites ! Tout change mais rien ne change, nous dit-on...Comment les sites seront-ils spécialisés ? Comment les gens s'y retrouveront-ils ? Mystère.
Les services de l'État ont été réorganisés avant les élections régionales, mais ce n'est qu'après celles-ci que les régions restructureront leurs services. Il faudra mettre des cierges pour que tout cela corresponde !
Enfin, je suis persuadé que la lutte contre le terrorisme passe non seulement par un renforcement des moyens policiers mais aussi par une action psychologique, de réflexion, de compréhension, et de propagande. Bourses pour la formation des imams, recherche en islamologie, organisation de colloques, etc. : les crédits consacrés à cette action n'augmentent que de 400 000 euros. C'est bien mais c'est trop peu.
Dans les villes, lorsqu'une sous-préfecture ferme, elle est remplacée par une maison de l'État ou une maison de services au public. Les maisons de l'emploi qu'on ouvrait hier ferment aujourd'hui, à croire que toute nouvelle maison a vocation à devenir close. Cette floraison masque mal en réalité le recul de l'État, qui ne se résumera jamais à une « maison ».
Il ne faudrait pas non plus que l'État calque l'organisation territoriale de son administration sur la carte des grandes régions. Rien de tel pour éloigner l'État des territoires. L'échelon de proximité doit rester le département. De plus, en régionalisant l'administration de l'État, on renforce paradoxalement les directions régionales. Le préfet de région a beaucoup moins de contrôle sur les administrations régionales que le préfet de département sur les directions départementales. Voyez les DREAL, qui sont devenues quasi-autonomes !
Je salue le travail du rapporteur mais ne partage pas toutes ses recommandations, en particulier sur la dématérialisation de la propagande électorale et des bulletins de vote. Sans doute, dira-t-on, est-ce paradoxal pour un écologiste, mais je place la démocratie au-dessus de l'écologie ! Il est bon que les électeurs reçoivent les bulletins à leur domicile : cela évite de montrer, dans le bureau de vote, qu'on ne les prend pas tous... La propagande électorale est une forme d'information sur le scrutin. À supprimer tous les documents, on accroît le risque d'abstention. Certains jeunes dans les quartiers n'hésitent pas à brandir leur carte d'électeur avec fierté en cas de contrôle d'identité, comme marque de leur citoyenneté. D'autres choisissent de renvoyer leur carte en signe de protestation. Ne sacrifions pas cela à des mesures de petites économies.
Il y a deux ans, on a réduit le financement public des partis politiques, les dotations par parlementaire ont été réduites. Veut-on que les citoyens financent eux-mêmes directement les partis ? Il y a une perversion à fonder le financement des partis sur le nombre de voix au premier tour des législatives : depuis l'inversion du calendrier électoral, le taux de participation aux législatives a chuté de 10%. Autant de moins pour les partis ! La présidentialisation et le fonctionnement à deux tours favorisent la bipolarisation, au détriment de l'équité. Il est malsain de réduire les ressources des partis en cours de mandat. Plutôt que de nous faire hara-kiri, n'ayons pas peur d'affirmer que la démocratie vit de subventions publiques. Les financements privés ou des militants ne doivent pas être prépondérants.
Souvenez-vous des péripéties autour de l'installation de machines pour prendre des photos sécurisées dans les mairies. C'était gratuit, cela marchait. Puis les photographes sont montés au créneau, on a fait machine arrière, réhabilité les photographes de quartier et les photomatons. C'était ridicule. Cette fois, on tombe dans l'absurde en demandant aux photographes d'établir une liaison sécurisée avec l'ANTS. Combien cette fantaisie nous coûte-t-elle ?
Votre quatrième recommandation propose de généraliser l'externalisation des mises sous pli de la propagande électorale et de l'envoi des bulletins. À chaque fois qu'on a tenté de le faire en Seine-Saint-Denis, cela a été une catastrophe. Les personnes, qui sont payées une misère, se désintéressent du travail. Cette mesure ne vise qu'à économiser les quelques subsides accordés aux fonctionnaires communaux. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Je suis inquiète des conséquences de la nouvelle organisation des services de l'État sur la vie préfectorale. Dernièrement, nous avons voulu organiser dans ma ville une simulation d'évacuation de la population, en prévention du risque d'inondation. Les services de l'État nous ont dit qu'ils n'avaient pas les outils pour le faire. C'est pourtant la vocation de l'État de jouer le rôle de coordinateur ! Ni les petites communes, ni les intercommunalités, ne sont armées pour cela. Il faut laisser aux préfectures les moyens de répondre aux besoins des territoires.
Je partage les préoccupations d'André Gattolin sur le financement des partis politique. Il est aussi important de conserver la carte d'électeur : pour beaucoup de nos concitoyens, la recevoir alerte sur la tenue prochaine d'élections. Ne prenons pas le risque d'augmenter encore l'abstention. Les documents papier ont le mérite de servir de support à la discussion, à l'échange, notamment dans les quartiers populaires. Pour le moment, la dématérialisation me paraît prématurée. Il faut privilégier tout ce qui contribue à intéresser l'électeur à l'élection, c'est une question de démocratie.
Les crédits liés aux dépenses de contentieux du ministère de l'intérieur baissent de 25 %. Est-ce pour financer la lutte contre le terrorisme ? Serait-ce sinon de l'insincérité budgétaire, sachant que ces dépenses sont systématiquement sous-dotées ?
Le rapporteur ne propose que d'expérimenter la dématérialisation des documents électoraux. Je suis volontaire pour tenter à Massy l'expérience de la suppression de la carte d'électeur. Comme motif de fierté, Monsieur Gattolin, la carte nationale d'identité fait très bien l'affaire ! Je suis très attaché à l'idée d'un répertoire national des électeurs car beaucoup se trouvent inscrits dans deux communes, l'Insee n'enregistrant pas toujours les radiations. Croyez-moi, c'est le bazar. Mieux vaudrait que cela soit automatique.
Plus personne ne croit que la refonte de la carte régionale sera source d'économies. Là où l'ancienne préfecture disparaîtra, on créera l'équivalent avec une maison de l'État, sans économies à la clef.
Supprimer la carte d'électeur ne me paraît pas une bonne idée : recevoir sa carte rappelle l'imminence de l'élection. N'en déplaise à André Gattolin, je ne crois pas que les jeunes l'utilisent comme document d'identité, mais il s'agit bien d'un élément d'appartenance au corps électoral.
Toutes les formations politiques préconisent de diminuer le nombre de parlementaires. Mais passer à 400 députés et 200 sénateurs signifierait réduire le financement des partis politiques de 13 millions d'euros !
À titre personnel, je ne voterai pas les crédits de cette mission. La nouvelle carte régionale maltraite l'histoire, la géographie et le bon sens, sans permettre de réaliser la moindre économie puisque les services seront maintenus. Pour ce qui est de l'Île-de-France, on ne sait plus trop où en est le Grand Paris. L'échec de la région est patent tandis que les départements de la grande couronne sont devenus des départements relégués.
Je suis aussi scandalisé par le manque de moyens des préfectures. On ne trouve plus un seul ingénieur dans la préfecture d'un département d'un million d'habitants. Nous avons besoin des services de l'État. Quand il y a des averses violentes, les automobilistes font de l'aquaplaning sur les autoroutes de l'État, faute de moyens pour entretenir les évacuations d'eau ; on n'a pas davantage les moyens de contrôler la sécurité sur les ponts des autoroutes. Diminuer encore les moyens, c'est courir à la catastrophe. Enfin, que deviendront les sous-préfectures en cas de fusion de communes pour créer des agglomérations ? J'aimerais que le Gouvernement réponde à ces questions plutôt que de nous faire miroiter des économies auxquelles personne ne croit.
Les crédits des anciennes directions départementales de l'équipement ne relèvent pas de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
En Picardie, certaines préfectures ont été spécialisées. C'est le cas en particulier pour l'accueil des étrangers : les habitants de l'Aisne doivent ainsi se rendre dans l'Oise, à la préfecture de Beauvais, pour accomplir leurs démarches. S'ils n'ont pas de voiture, il leur faut prendre le train et passer par Paris, ce qui est ubuesque. Avec les grandes régions, on va encore éloigner le service public des citoyens alors que nous avons plus que jamais besoin de conforter le lien social dans les territoires. Soyons vigilants.
Avec Alain Anziani, j'avais rédigé il y a quelques années un rapport sur le vote électronique. Où en est-on sur ce sujet ? Des expérimentations sont-elles prévues ?
Je voulais aussi interroger le rapporteur sur le vote électronique. En outre, une clarification des compétences et des responsabilités des préfectures à l'égard des services départementaux d'incendie et de secours serait nécessaire, car elles décident des dépenses mais ne contribuent pas au financement.
Les Français de l'étranger ont l'habitude du vote électronique et cela marche de mieux en mieux. Je regrette que le ministère de l'Intérieur y soit hostile pour la métropole. La création d'un répertoire national unique permettrait aussi de remédier aux problèmes de double inscription, qui se posent notamment pour les Français de l'étranger. Je soutiens ces propositions qui vont dans le sens d'un système moderne.
Vu l'enthousiasme que mettent nos concitoyens à se rendre aux urnes, je crois qu'il faut envisager toute modification de notre système électoral avec une main tremblante. Dans mon village, recevoir son bulletin de vote, préparer l'enveloppe, se rendre au bureau de vote, tout cela est fondamental. Peut-être en va-t-il différemment pour les Français de l'étranger, mais évitons les mesures générales. Il n'y aurait pas meilleure façon de décourager encore davantage la participation.
Merci à tous. Ne refaisons pas le débat sur la réforme territoriale. Cette mission concerne l'organisation territoriale de l'État. Pour l'instant, c'est le statu quo. Les plans de mobilité des personnels ne sont pas achevés, il n'y a pour l'instant aucune économie en vue, c'est pourquoi les crédits évoluent peu. Ce budget vise précisément à maintenir la présence territoriale de l'État.
La difficulté majeure concerne le maintien des sous-préfectures, qui jouent un rôle essentiel dans les territoires ruraux ou éloignés des centres administratifs. L'expérimentation d'une rationalisation de la carte des sous-préfectures qui a été conduite en Alsace et en Moselle va se poursuivre dans d'autres régions, mais cela se fait avec mesure et très lentement car le sujet est sensible. En zones urbaines, un certain nombre de sous-préfectures sont remplacées par des maisons de l'État. La présence infra-territoriale de l'État est nécessaire pour l'accueil des étrangers. En revanche, les autres missions de guichet des préfectures diminuent en raison de la dématérialisation des procédures de demande et d'instruction des titres.
S'agissant du contrôle sur le coût des élections, je rappelle que je n'ai fait que proposer d'expérimenter la suppression de la carte d'électeur. À l'heure où les budgets diminuent, il est délicat de réclamer plus de moyens pour les partis politiques. Leurs dotations ont été maintenues, c'est déjà bien.
Difficile de réclamer à la fois une baisse du nombre de parlementaires et plus d'argent pour les partis !
J'ai proposé de dématérialiser la propagande pour l'élection présidentielle car elle représente une dépense importante. Chacun connaît le nom des candidats à ces élections, même dans les villages les plus reculés. Il en va différemment pour les élections locales. Je rappelle toutefois qu'une expérimentation de dématérialisation partielle a été menée lors des dernières élections départementales dans l'Allier, l'Aude, l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique et la Savoie, et qu'il n'y a eu aucun problème.
Chacun a en tête les péripéties qui ont entouré l'installation, puis le démontage, des appareils photographiques sécurisés dans les mairies. Nul ne sait d'ailleurs à qui appartient le matériel, qui a fini à la cave...
La question se reposera pour la création de cartes d'identités sécurisées. L'idée de l'État est de veiller à ce qu'il y ait une interface entre les photographes et l'ANTS.
On a manqué de courage politique et on a cédé au lobby des photographes...
J'ai reçu les représentants des professionnels de la photographie et les ai félicités pour leur lobbying. Ils suggèrent maintenant d'étendre l'interface avec les services de l'État à la carte Vitale. Cela supposerait de travailler avec les organismes de l'assurance maladie, un exercice de spéléologie administrative loin d'être gagné...
Je note la candidature de Massy pour une expérimentation de la suppression de la carte d'électeur.
L'État cherche à réduire les dépenses de contentieux, notamment pour refus de concours de la force publique, dont le coût est élevé. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que ce coût soit pour quelque chose dans la récente détermination de l'État à faire appliquer les décisions d'expulsions ! Parmi les principaux contentieux, notons aussi ceux liés aux étrangers, à la protection fonctionnelle des fonctionnaires ou aux accidents de la route.
Je n'ai eu aucune information sur les orientations de l'État en matière de vote électronique.
S'agissant de l'externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale, je rappelle que les dépenses de mise sous pli se sont élevées à 25 millions d'euros en 2014, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros de frais d'acheminement. Il y a donc une volonté de rationaliser cette dépense par le recours à des prestataires extérieurs. Certaines communes ont toutefois des difficultés à trouver des entreprises prêtes à effectuer cette tâche.
Merci. En tant que rapporteure spéciale de cette mission, j'avais estimé que la régionalisation donnerait un rôle accru aux préfets de départements car c'est vers eux que se tourneront les élus en cas de difficulté. Il faut avoir confiance dans l'organisation territoriale de l'État et dans sa capacité à se réorganiser. Si peu d'économies apparaissent, c'est que les préfectures se sont déjà réorganisées et ont supprimé des postes ces dernières années.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
La commission des finances donne acte de sa communication à M. Hervé Marseille et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
présidente, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - En l'absence d'Albéric de Montgolfier, empêché, je vous présente les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
La mission « Conseil et contrôle de l'État » se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Sur l'enveloppe budgétaire de 639,2 millions d'euros consacrés à la mission, en progression de 0,4 % par rapport à 2015, plus de 60 % des crédits sont consentis à la justice administrative et près de 34 % aux juridictions financières.
Par ailleurs, en raison des spécificités des institutions qui la composent, la mission bénéficie de dérogations en matière de contrôle financier et de règles d'exécution budgétaire.
S'agissant du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », ses crédits augmentent de 1 % par rapport à 2015, avec 386,9 millions d'euros.
En 2016, le programme bénéficiera, comme en 2015, de 35 équivalents temps plein supplémentaires, dont 29 postes de magistrats administratifs. Ces créations s'opéreront principalement en faveur des tribunaux administratifs et du traitement du contentieux de l'asile.
Cette politique de création d'emplois se poursuit dans un contexte de progression continue des entrées. Le nombre d'affaires enregistrées dans toutes les juridictions administratives augmente effectivement : + 11 % pour les tribunaux administratifs, + 3,4 % pour les cours administratives d'appel, + 26 % pour le Conseil d'État et + 7,5 % pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) sur l'année 2014. Cette tendance devrait se poursuivre en 2016 avec la mise en place de plusieurs réformes, sans qu'il soit possible d'en évaluer l'impact budgétaire précis à ce stade : réforme du droit d'asile, du droit des étrangers, projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, dépénalisation du stationnement payant etc. Il faudra que les juridictions s'organisent pour faire face à ces nouvelles missions.
2016, sera ainsi une année particulière pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui devra face à un double défi : une adaptation de son organisation à la réforme du droit d'asile, qui impose notamment de nouveaux délais de jugement et un déstockage des dossiers en instance à l'OFPRA, qui pourrait entraîner une augmentation sensible des recours. Dans ce contexte, la CNDA devra connaître une dégradation prévisible de son délai de jugement à 7 mois et 7 jours en 2016, supérieur au délai de 5 mois fixé par le législateur dans le cadre de la réforme du droit d'asile.
Néanmoins, les autres juridictions administratives devraient stabiliser, voire poursuivre la réduction de leur délai de jugement, qui est bien inférieur à un an.
Quant au CESE, son budget s'établit, pour 2016, à 38,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 0,4 % par rapport à 2015. Cette maîtrise s'opère sur tous les titres.
Le CESE poursuit la réduction de son plafond d'emplois qui s'établit désormais à 150 Équivalents Temps Plein Travaillés (ETPT). S'agissant de ses dépenses d'investissement - qui concernent principalement des travaux de rénovation du Palais d'Iéna - le Conseil parvient à les financer pour une partie importante grâce à des ressources propres de valorisation du Palais, estimées à 1,7 million d'euros pour 2016.
Dans moins d'un mois, le 15 novembre, le CESE verra ses membres renouvelés. Anticipant cette perspective et souhaitant assurer la pérennité du régime de sa Caisse de retraites au-delà de 2020, le bureau du CESE a adopté une série de mesures complémentaires à la première réforme engagée en 2011. La pension servie pour un premier mandat sera ainsi divisée par deux : d'environ 700 euros brut à 350 euros par mois.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est, quant à lui, doté de 213,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un budget en légère diminution (0,3 %) par rapport à 2015. Cette baisse s'observe sur les dépenses de personnel, qui diminuent de 0,2 million d'euros.
La réforme des juridictions financières, engagée en 2012, a été menée à son terme. Son coût total a été réévalué à la baisse (6,15 millions d'euros sur la période 2012-2016) et le coût pour 2016 est faible (0,12 million d'euros). Toutefois, la restructuration des chambres régionales des comptes se poursuit, avec la réforme territoriale de 2015, relative à la délimitation des régions, qui impose la réduction du nombre des CRC métropolitaines de 15 à 13 afin d'adapter les ressorts des juridictions aux nouvelles régions. Cette réforme - non intégrée au projet de loi de finances pour 2016 - nécessitera à l'instar de la précédente, de nouvelles dépenses permettant l'accompagnement du personnel et la réalisation des travaux nécessaires : un budget de 4 millions d'euros, pour 2016, sera nécessaire selon les estimations de la Cour des comptes.
Enfin, le dernier programme est consacré au Haut Conseil des finances publiques. Le budget alloué à ce programme a été réajusté aux besoins de l'institution : soit une baisse de 0,82 million d'euros à 0,62 million d'euros en 2016. Le plafond d'emplois est néanmoins resté stable avec 3 ETPT, pour lesquels 370 000 euros sont prévus.
En conclusion, le rapporteur spécial propose à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.
Je regarde toujours avec intérêt l'évolution des crédits de la Cour des comptes, si prompte à donner des leçons. L'an dernier, j'avais attiré l'attention sur l'augmentation de ses crédits de fonctionnement - le discours s'était d'ailleurs fait plus mesuré. Cette année, les crédits baissent... de 0,3 %. Que la baisse des dotations aux collectivités locales soit aussi modérée ! Nous serions les plus heureux des élus ! D'autant que si l'on ajoute les fonds de concours attendus en 2016, le total des crédits s'établit en réalité à 214,8 millions.
Le précédent rapport, que nous avons examiné ce matin, soulignait la baisse des effectifs des préfectures et des sous-préfectures ; celui-ci, très pédagogique, détaille les crédits considérables affectés à des juridictions certes très respectables mais qui ne sont pas en lien direct avec les citoyens et les élus. Y a-t-il des pistes de réflexion sur une mutualisation des juridictions ? Les rapports du CESE sont-ils tous utiles ? N'y a-t-il pas des doublons entre les rapports des juridictions financières et l'expertise des directions des finances publiques ?
L'activité de la justice administrative s'accroît, du fait de dispositions que nous avons adoptées, à commencer par le principe de précaution qui encourage les recours des associations. En revanche, des mesures contre les recours abusifs ont été prises, j'aimerais savoir si elles ont été efficaces. Le nombre d'arrêts rendus à ce titre est-il de nature à limiter le recours à la juridiction administrative ?
Si la Cour des comptes est exemptée des régulations budgétaires, c'est pour la protéger de toute pression de l'exécutif. Ses missions se sont accrues alors que ses crédits sont stables : la certification des comptes des hôpitaux se fait à périmètre constant, et les demandes émanant des assemblées parlementaires sont en hausse. Nous avons là un auxiliaire précieux pour nos travaux, ne soyons pas obnubilés par son coût. Par rapport à nombre de pays étrangers, la Cour fonctionne avec des crédits raisonnablement encadrés.
Personne ne semble envisager de réduire le nombre de membres du CESE. On pourrait s'interroger sur l'utilité de leurs déclinaisons régionales, les CESER, dont l'apport à la réflexion et à la décision publique n'est peut-être pas fondamental en période de restriction budgétaire.
Je comprends bien l'utilité du Conseil d'État et de la Cour des comptes, même si je regrette l'augmentation des contentieux administratifs, liée à la multiplication des textes législatifs. En revanche, je prône depuis longtemps la suppression du CESE : les 40 millions d'euros qui lui sont consacrés sont à mes yeux 40 millions de trop. Je doute que nous soyons très nombreux à nous servir de ses rapports.
Je rejoins Michel Bouvard ; mon groupe a d'ailleurs déjà proposé de supprimer les CESER.
Les chambres régionales des comptes (CRC) sont actuellement au nombre de vingt, dont cinq en outre-mer. Cela nous donne l'occasion d'un vrai tour de France, depuis Noisiel, petite ville de Seine-et-Marne où est implantée la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France, jusqu'à Mamoudzou à Mayotte ! Je trouve d'ailleurs très bien d'avoir implanté la CRC d'Ile-de-France dans une petite ville.
Je ne sais si les rapports du CESE sont lus, mais que dire de l'absence de réponse du Gouvernement aux rapports réalisés dans le cadre des pouvoirs de contrôle du Parlement ? J'ai récemment cosigné avec Jean-Pierre Leleux un rapport sur le financement de l'audiovisuel public ; la seule réponse que nous ayons eue de la ministre a été par voie de presse, pour dire que nous proposions une BBC à la française, ce qui est faux. Il n'y a eu aucune réponse officielle.
Si je ne prône pas la suppression du CESE, on pourrait sans doute se passer des CESER. Je veux en revanche dénoncer une anomalie, voire une tromperie démocratique : les listes en vue du prochain renouvellement du CESE et du Comité économique et social européen sont concoctées entre les partenaires sociaux et certains partis politiques, et il a été matériellement impossible à la commission des affaires européennes du Sénat de donner son avis, qui a été sollicité en plein été ! C'est fort dommageable.
Je proposerai un avis négatif lorsque sera levée la réserve sur les crédits de la mission « Immigration et asile », car la hausse des effectifs de la CNDA est loin d'être suffisante pour faire face à ses nouvelles obligations. Vu le nombre de dossiers, le déstockage va rallonger les délais de traitement entre l'OFPRA et la CNDA, a fortiori si l'on accepte des réfugiés qui passeront par la procédure du droit d'asile en 2016-2017.
Supprimer les CESER, voire le CESE ? Je vous rappelle qu'il figure, comme le Sénat, dans la Constitution.
Comme le note Michel Bouvard, la Cour des comptes voit effectivement son champ de compétences s'étendre, avec l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales prévue par la loi NOTRe et certainement le contrôle des établissements sociaux, médicaux-sociaux et de santé privés inclus dans projet de loi de modernisation de notre système de santé en cours d'examen. Une précision pour notre collègue Jean-Claude Boulard : les fonds de concours et attributions de produits de la Cour des comptes proviennent pour l'essentiel des mandats des commissaires aux comptes d'organisations internationales.
Concernant la remarque d'André Gattolin relatif à l'absence de réponse du gouvernement sur les rapports de contrôle, j'appelle votre attention sur l'article 60 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), selon lequel « lorsqu'une mission de contrôle et d'évaluation donne lieu à des observations notifiées au Gouvernement, celui-ci y répond, par écrit, dans un délai de deux mois. » Je vous encourage à saisir l'exécutif !
La présidente ou le rapporteur général de la commission pourraient en faire l'objet d'une question au Gouvernement, ce serait un signal fort.
Il faudrait faire le bilan des rapports sénatoriaux qui ont donné lieu à de telles observations. Je vous précise, par ailleurs, que j'ai adressé au Premier ministre nos rapports d'information sur le e-commerce et sur l'économie collaborative et leurs observations, que je jugeais particulièrement importants.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Enfin, la commission procède à un débat d'orientation sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal prévue par le projet de loi de finances pour 2016.
Je m'attacherai à présenter l'évolution de l'architecture de la dotation forfaitaire des communes, avant de laisser la parole à Claude Raynal, qui vous présentera celle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le projet de loi de finances pour 2016 propose de réformer en profondeur la dotation forfaitaire des communes, en proposant une nouvelle architecture, fondée sur une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité, complétée par une enveloppe « majoration et tunnel », qui correspond à ce qu'il reste des composantes figées de la dotation forfaitaire ancienne, et qui disparaîtra avec la baisse des dotations en 2016 et 2017.
Sachant que la loi de finances pour 2015 a fondu l'ensemble des composantes de la dotation forfaitaire en une seule dotation, et cristallisé, ce faisant, les effets de l'ancienne architecture, c'est à l'architecture de la dotation forfaitaire 2014 qu'il convient de comparer cette architecture nouvelle.
On peut noter que la somme de la dotation de base, de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité n'est pas très éloignée de la somme de l'ancienne dotation de base et de l'ancienne dotation de ruralité.
Tandis que l'ancienne dotation de base prévoyait une majoration du montant par habitant pour les communes les plus peuplées à travers un coefficient logarithmique croissant avec la population, c'est un montant unique, de 75,72 euros par habitant, que retient la nouvelle dotation de base.
La dotation de centralité est, quant à elle, calculée au niveau intercommunal, avec application d'un coefficient logarithmique. Cette dotation est répartie entre l'EPCI et les communes : la part revenant à l'EPCI étant égale à son coefficient d'intégration fiscale (CIF), dans la limite de 40 %. La répartition entre les communes de la part leur revenant serait fonction du rapport entre leur population et celle de l'ensemble intercommunal, porté à la puissance 5. Sont également prévus des modes répartition dérogatoires : à la majorité des deux tiers du conseil communautaire, il peut être décidé d'une répartition en fonction du CIF entre l'EPCI et les communes, puis entre les communes en fonction des dépenses d'équipement, sans qu'il soit cependant possible de diminuer la part de l'EPCI ou d'une commune de plus de 30 % par rapport à la répartition de droit commun. Si l'unanimité du conseil communautaire est réunie, le mode de répartition peut être librement décidé. Il s'agit là de la seule part territorialisée du dispositif.
L'éligibilité à la dotation de ruralité sera fonction de la densité de population, le montant national de la dotation étant déterminé à partir de la population éligible, et réparti en fonction de la population et de la densité. Ce montant devrait être proche de celui de la dotation de superficie de 2014, pour 25 611 communes éligibles. La dotation sera plafonnée à quatre fois la dotation de base, soit 303 euros par habitant. Ce plafonnement devrait concerner 139 communes. Les communes accueillant un parc national bénéficieront, pour la répartition, d'une majoration de leur population.
Le nombre de communes percevant à la fois une dotation de centralité et une dotation de ruralité devrait être de 15 039.
J'en viens à la majoration et au « tunnel ». Le montant de la dotation forfaitaire 2016, avant contribution au redressement des finances publiques, sera égal au montant de la dotation forfaitaire 2015. Or, la différence entre la dotation forfaitaire spontanée 2016 - dotation de base, dotation de ruralité et dotation de centralité - et la dotation forfaitaire 2015 est de 2,85 milliards d'euros. Il faut donc ajouter ce montant à la dotation forfaitaire spontanée. Cette majoration est répartie au prorata de la dotation forfaitaire spontanée, étant entendu que la dotation forfaitaire d'une commune ne pourra s'écarter de plus de 5 % de la dotation forfaitaire 2015 : c'est le « tunnel ». Autrement dit, la dotation forfaitaire 2016 d'une commune sera égale à 95 % de la dotation forfaitaire 2015 si la dotation spontanée cumulée à la majoration est inférieure à 95 % de la dotation forfaitaire 2015, ce qui serait le cas pour 5 878 communes ; tandis que pour 27 424 communes, elle sera égale à 105 % de la dotation forfaitaire 2015, si la dotation spontanée cumulée à la majoration est supérieure à 105 %.
Les composantes dites figées, soit les compensations et le complément de garantie, seront progressivement supprimées, au fil de la baisse des dotations.
Je vous rappelle que les compensations correspondent à l'ancienne compensation de la « part salaires » de la taxe professionnelle, supprimée en 1999, ainsi qu'à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001 ; quant au complément de garantie, il était destiné à assurer qu'aucune commune ne voie sa dotation diminuer à l'occasion de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 2004. Son montant était égal à la différence entre le montant de la dotation forfaitaire perçue en 2004 et la somme de la dotation de base et de la dotation de superficie perçue en 2005.
Ces deux dotations pouvaient faire l'objet d'une minoration pour alimenter la hausse de la péréquation verticale et la hausse spontanée de la dotation de base du fait de l'augmentation de la population. Les compensations étaient minorées d'un pourcentage identique pour chaque commune. Le complément de garantie était minoré uniquement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant était inférieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen. Entre 2010 et 2014, les compensations, passées de 1 840 millions d'euros à 1 331 millions d'euros, ont reculé de 28 % et le complément de garantie, passé de 5 123 millions d'euros à 4 732 millions d'euros, de 8 %.
Qu'en est-il de l'écrêtement et de la contribution au redressement des finances publiques (CRPF) ?
Pour financer la hausse de la péréquation verticale, la dotation forfaitaire des communes sera écrêtée, dans la limite de 3 %, comme cela est le cas aujourd'hui. Sont écrêtées les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen par habitant, soit plus de 18 000 communes en 2016. L'écrêtement est réparti en fonction de la population et de l'écart relatif de potentiel fiscal par habitant.
Quant à la CRPF, elle restera calculée en fonction des recettes réelles de fonctionnement et viendra s'imputer sur la dotation forfaitaire, dans la limite de 50 %.
Nous avons pris l'exemple de deux communes, pour illustrer ce que seront les évolutions au fil du temps. L'une, avec une dotation forfaitaire 2015 de 1,5 million d'euros et une dotation spontanée pour 2016 de 500 000 euros, l'autre avec une dotation forfaitaire 2015 de 500 000 euros et une dotation forfaitaire pour 2016 de 1,5 million d'euros. Au titre de la CRFP, elles verront leur dotation forfaitaire baisser de 14 % en 2016 et de 17 % en 2017, ce qui correspond à la baisse moyenne. Elles ne seront pas écrêtées. La baisse de la dotation forfaitaire de la première sera lissée, du fait du « tunnel », sur 16 ans, et la hausse de celle de la seconde sur 31 ans.
Tout cela est plus simple qu'il n'y paraît, mais il faut prendre le temps de s'y pencher.
Simple mais complexe à expliquer. Qu'en est-il de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ? Vous savez que dans le système actuel, le montant de la dotation d'intercommunalité varie selon le type d'EPCI : entre les communautés de communes et les métropoles, les montants par habitant sont très différents. La dotation de compensation vise, quant à elle, à rééquilibrer les transferts au moment de la création de la communauté et à compenser la part salaires de la taxe professionnelle, étant entendu que celle des communes de la Métropole du Grand Paris, qui était jusqu'à présent versée aux communes sera transférée, à l'avenir, aux EPCI.
Au regard de cela, le dispositif proposé pour 2016 se compose d'une dotation de péréquation, d'une dotation d'intégration, fondée sur le CIF, de la dotation de centralité, dont on a vu que 60 % minimum reviendront aux communes, ainsi que de garanties et d'un tunnel, selon une même logique de variation maximale de 5 % que pour les communes.
La dotation de compensation, de 4,5 milliards d'euros, était, en 2015, composée d'une part compensation de la « part salaires » (CPS) et d'une part relative aux baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) intervenues entre 1998 et 2001. Vous savez que les élus n'aiment pas trop la notion de compensation, qui sert souvent de variable d'ajustement. De fait, la part CPS est écrêtée chaque année pour financer la hausse de la population et l'achèvement de la carte intercommunale.
Quant à la dotation d'intercommunalité de 1,9 milliard d'euros, des enveloppes pour chaque catégorie d'EPCI étaient définies, à partir d'un montant par habitant : de 20,05 euros par habitant pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle à 60 euros par habitant pour les communautés urbaines (CU) et les métropoles. La répartition entre EPCI d'une même catégorie, hors communautés urbaines et métropole, où elle s'élevait à 60 euros par habitant, se faisait, pour 30 %, via une dotation de base, en fonction de la population pondérée par le CIF et, pour 70 %, via une dotation de péréquation, en fonction du potentiel fiscal et de la population pondérée par le CIF.
Le projet de loi de finances pour 2016 propose de fusionner dotation de compensation et dotation d'intercommunalité, pour créer une DGF des EPCI composée de trois dotations.
En premier lieu, une dotation de péréquation, dont le montant global correspond à 49 euros par habitant, soit 3,4 milliards d'euros. Y seraient éligibles les EPCI dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal moyen de leur catégorie. Elle serait répartie en fonction de la population, de l'écart de potentiel fiscal ci-dessus mentionné et du coefficient d'intégration fiscale.
En deuxième lieu, la dotation d'intégration, de 21 euros par habitant, soit un montant national de 1,5 milliard d'euros. Y seraient éligibles tous les établissements. Elle serait répartie en fonction de la population et du coefficient d'intégration fiscale. Il s'agit, vous l'aurez compris, d'encourager l'intégration.
En troisième lieu, enfin, la part « EPCI » de la dotation de centralité s'élèverait à 650 millions d'euros. Y seraient éligibles tous les EPCI, excepté ceux à fiscalité additionnelle, sauf dérogation adoptée à la majorité qualifiée. Elle serait répartie entre les communes membres et l'EPCI en fonction du coefficient d'intégration fiscale, dans la limite de 40 %.
J'en viens aux mécanismes de garantie et de plafonnement. Il est prévu, en 2016, un abattement de 50 % pour les EPCI n'ayant pas perçu de dotation de compensation ou de dotation d'intercommunalité en 2015 et qui percevraient une DGF égale à la moitié de leur DGF spontanée. Cet abattement limite, pour ces EPCI, la hausse de DGF résultant de la réforme.
Le montant de la DGF 2016, avant contribution au redressement des finances publiques, est égal au montant de la DGF 2015. Or, la différence entre la DGF spontanée 2016 - dotation de centralité, dotation de péréquation, dotation d'intégration - et la DGF 2015 est de 1,7 milliard d'euros. Il faut donc ajouter ce montant à la dotation spontanée.
S'y ajoute une garantie, qui veut que bénéficient d'une DGF au moins égale au montant de l'année précédente les EPCI dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 50 % à celui de leur catégorie - aucun ne serait concerné en 2016 - et les EPCI dont le CIF est supérieur à 0,5 - 32 EPCI seraient concernés.
En vertu du mécanisme du « tunnel », enfin, la DGF par habitant perçue par un EPCI ne pourrait être inférieure ou supérieure de 5 % à celle perçue l'année précédente. En 2016, 211 EPCI bénéficieraient de la garantie des 95 %, et 1 808 EPCI verraient leur DGF plafonnée à 105 %.
Pour ce qui concerne la contribution des EPCI au redressement des finances publiques, le montant et la répartition resteraient les mêmes qu'en 2015 : 621 millions d'euros répartis en fonction des recettes réelles de fonctionnement, hors recettes exceptionnelles et flux croisés. Une nouveauté cependant : la minoration de dotation ne pourrait excéder 50 % du montant de la DGF. Ce système de minoration, qui s'appliquera chaque année, évitera les cas de DGF « négatives ».
Il n'est pas inutile d'évoquer les évolutions de la péréquation verticale. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit la suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP), afin d'abonder la dotation de solidarité rurale (DSR) de 453 millions d'euros et la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) de 341 millions d'euros. En outre, la péréquation verticale est majorée de 297 millions d'euros.
Je reconnais, au terme de cette présentation, qu'il nous a fallu quelques jours pour appréhender ce dispositif. J'ajoute que la commission des finances a reçu les simulations en deux temps, les secondes étant plus détaillées que les premières et permettant notamment de mesurer les effets à terme du « tunnel ».
Le rapporteur général devrait vous apporter des précisions, cet après-midi, sur ces simulations.
Quand on voit la réforme appliquée à des cas concrets, on la comprend mieux.
Notre débat de ce matin est l'occasion de demander à nos rapporteurs, que je remercie pour leur travail, de nous éclairer sur les points qui nous restent obscurs.
Quelques précisions de calendrier. La commission des finances de l'Assemblée nationale examinera les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les articles qui lui sont rattachés les 4 et 5 novembre, et l'examen en séance publique est prévu le 9 novembre au soir. Notre commission procèdera à leur examen le 12 novembre, et la séance publique devrait avoir lieu le 25 novembre.
Cette réforme est présentée au nom de la simplification. Inutile de dire que l'objectif est parfaitement rempli ! Je me suis longtemps senti bien seul lorsque j'ai entrepris d'alerter sur les difficultés de ce projet, mais je m'aperçois, depuis quelque temps, que mon sentiment est partagé. Les effets cumulés sur certains territoires du recul des dotations de l'État, du financement de la péréquation et des conséquences de la réforme seront très difficile à supporter. Alors que le périmètre des intercommunalités est en cours de modification, on peut se demander s'il n'y aurait pas matière à reporter l'exercice. Bien des collègues partagent désormais mon sentiment d'inquiétude. D'autant que ce ne sont pas les territoires les plus puissants qui seront touchés, mais les petites villes et les villes moyennes. Le Sénat devrait s'en préoccuper. Il ne me semblerait pas illégitime de se donner un an de plus, afin de s'appuyer sur des simulations solides et de mesurer les effets de la réforme après modification de la carte intercommunale, quitte à fixer des principes dès cette année.
Si, néanmoins, cette réforme devait se poursuivre, il serait bon, pour le moins, que soit pris en compte le ratio d'effort fiscal, c'est-à-dire le rapport entre le produit de l'imposition directe locale et le revenu moyen par habitant. Il serait paradoxal de prélever des ressources dans des communes où ce ratio est largement supérieur à la moyenne au profit de communes où il est inférieur.
Le « tunnel » ? Outre que l'on peut se demander quand on en sortira, j'observe que si l'on y intégrait, non seulement les effets de la réforme mais également le repli des dotations et le financement de la péréquation, cela atténuerait un peu le prélèvement sur les territoires - et l'on sait qu'aujourd'hui, en matière financière, un peu moins de douleur c'est presque du bonheur.
Dernière observation, on évoque un amendement gouvernemental qui majorerait la dotation des métropoles. Ce ne serait pas cohérent avec l'esprit de la réforme qui vise à dénouer le lien entre la dotation et le statut juridique de l'intercommunalité. De plus, dès lors que l'on est dans une enveloppe fermée, toute modification en faveur des uns se fait au détriment des autres.
Je remercie nos rapporteurs d'avoir fait oeuvre de pédagogie, ce qui n'est pas inutile sur un sujet aussi complexe.
Nous attendions une grande réforme, que nous étions unanimes à souhaiter. Je pensais qu'elle intégrerait celle des dotations de péréquation, devenues illisibles. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas y toucher, sauf pour la DSU. C'est regrettable. On va continuer à corriger les effets de la DGF à travers la DSU, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France. Autrement dit, on ne fait le boulot qu'à moitié, une fois de plus.
Je le dis très clairement : je n'achèterai plus de lapin dans un sac. En 2010, on nous a fait valoir que ce serait se comporter en mauvais parlementaire que de se préoccuper des effets du FPIC sur nos propres territoires, et qu'il convenait de voter en confiance. Ce que l'on a fait, comme un seul homme. On ne m'y reprendra plus.
J'observe qu'à nouveau, notre rapporteur général et notre présidente ont eu le plus grand mal à obtenir les simulations. Cela étant, ainsi que l'a rappelé Jean-Claude Boulard, ces simulations ne valent rien. Car dès lors que la dotation de centralité prend une part importante, il est clair que la carte intercommunale à venir va les bouleverser. Nous avons des chiffres, donc, mais ils ne valent rien. Sans compter que pour la Métropole du Grand Paris - qui ne représente jamais que 12 % de la population nationale - on nous dit que les mécanismes retenus ne peuvent pas s'appliquer, sinon à accorder à la ville de Paris un véritable jackpot au nom de la centralité. On navigue donc à l'aveugle.
Le Sénat devrait être le premier à dire que l'on ne peut voter une réforme dans de telles conditions. Nos grands électeurs, et les maires en particulier, nous en tiendraient grief. On ne peut voter ce texte en l'état : il faut attendre l'achèvement de la carte intercommunale.
Un mot de la DSU, seule dotation de péréquation qu'il est prévu de réformer. C'est déjà ça. On va partiellement sortir de la cristallisation décidée il y a quelques années. L'augmentation annuelle de la DSU est concentrée sur les communes les plus pauvres, les autres étant soit au régime de l'inflation, soit à celui de la stagnation. Or, les situations relatives ont changé. On sort de la cristallisation, ce qui est une bonne chose, mais uniquement pour l'augmentation de DSU, le reste demeurant cristallisé. C'est reproduire la même ânerie que l'on a faite dans le passé avec la DGF, en figeant la situation à l'année n-1. Les évolutions, soit positives, soit négatives, qu'ont connues les communes dans l'intervalle ne seront pas prises en compte. C'est regrettable. Il faudrait repartir de la situation des communes en 2015 ou 2016.
Le sujet est compliqué. Nous étions tous d'accord sur la nécessité d'une réforme. Mais faut-il la conduire à marche forcée, sans réelle étude d'impact, comme on nous le propose aujourd'hui ? Quand on a décidé, il y a quelque temps, d'une péréquation horizontale, le contexte n'était pas du tout celui que l'on connaît aujourd'hui, avec la baisse drastique des dotations décidée par le Gouvernement. Si l'on ne s'appuie pas, avant toute prise de décision, sur une étude d'impact globale, on s'expose à découvrir a posteriori des effets dévastateurs sur certains territoires. Il est déplorable qu'il faille tant insister pour obtenir des simulations. Je n'oublie pas que les ministres ont commencé par nous dire que l'on pouvait les consulter sans faire de photocopies !
Philippe Dallier a de surcroît souligné à juste titre que les chiffres qui nous sont transmis ne reflètent pas la réalité. Je suis échaudé par d'autres expériences avec Bercy : quand on décortique les simulations qui nous sont transmises, on s'aperçoit qu'elles comportent de grosses erreurs. J'appelle mes collègues à la plus grande vigilance.
Cette réforme vise, nous dit-on, à réduire les inégalités. Mais le fait-elle vraiment ? La dotation par habitant varie aujourd'hui de 1 à 2 pour les communes et de 1 à 11 pour les EPCI. La réforme, à défaut de simplifier, réduit-elle au moins cet écart ?
Je m'interroge, au-delà, sur le critère du CIF. On argue que l'intégration, pour les communautés d'agglomération, vise à réduire les dépenses. Je relève que la Cour des Comptes le conteste et considère que la création des intercommunalités a plutôt augmenté la dépense publique. Pourquoi pousser dans cette voie, sauf à vouloir la mort des communes ?
On a évoqué les DGF négatives. Cela me choque que l'État puisse ainsi prélever sur les territoires, et je me demande même si cela est constitutionnel. Il faut mettre une limite à la baisse des dotations, car les collectivités donnent aussi à l'État par le biais de la TVA - y compris sur une partie de l'investissement, car le Fonds de compensation pour la TVA ne couvre pas tout. Il faudrait prévoir un plancher, faute de quoi les élus n'auront d'autre solution que d'augmenter les impôts locaux.
Malgré l'effort de pédagogie des rapporteurs, je confesse que je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les subtilités de cette réforme.
Où est le problème à livrer des simulations ? De deux choses l'une, soit elles ne sont pas disponibles, ce qui veut dire que la réforme n'est pas mûre, soit elles le sont, et c'est parce qu'elles sont difficile à accepter qu'on ne nous les transmet pas.
Nous venons d'adopter la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), au cours duquel on nous a demandé de laisser de côté la question des ressources, pour ne pas se fâcher. Mais où est, avec ce texte qui nous arrive aussitôt après, la solution de continuité ? Comment nous demander de travailler à la fois sur les changements de périmètre prévus dans la loi NOTRe et sur cette réforme, dont on ne peut mesurer les effets sur les nouveaux périmètres ?
Nous sentons, sur le terrain, quelles que soient nos sensibilités politiques, une perte de confiance et une inquiétude de la part des élus locaux. Cette réforme n'est-elle pas de nature à la conforter ? Je n'oublie pas que le Président de la République, durant sa campagne, affirmait, sincèrement je le crois, vouloir un « pacte de confiance » entre l'État et les collectivités. Nous présenter, dans le moment présent, cette réforme, n'y participe pas. En quoi accompagne-t-elle les évolutions voulues par la loi NOTRe ?
Ce qui m'amène à une dernière question : on retient le critère du CIF pour favoriser les regroupements, et dans le même temps, on met en place une dotation de base uniforme quel que soit le territoire. Que recherche-t-on donc ? L'intégration ou l'uniformité ? Où est le point d'équilibre ? On ne le trouvera qu'en se penchant de près sur les simulations.
Oui, on ne peut en rester à un système de dotations devenu trop complexe et totalement opaque, mais ce qui nous est ici proposé n'est ni transparent, ni simplificateur.
Une fois encore, les simulations vous seront présentées dès cet après-midi par le rapporteur général.
Cette réforme est aussi redoutable que la baisse des dotations. Je partage le sentiment de mes collègues : nous ne sommes pas en état de la mener maintenant.
Une précision sur la dotation de ruralité. Sont-ce les parcs naturels dans leur ensemble ou les seuls parcs nationaux qui sont pris en compte ? Quid des parcs naturels marins ?
Je suppose que pour le critère de population, c'est la population au sens de la DGF qui est visée. Mais qu'en est-il de la densité ? C'est un critère qui peut, selon la manière dont on l'entend, recéler bien des pièges.
J'y insiste, cette réforme est une affaire redoutable, dont les conséquences peuvent être, au sens strict, formidables. Il faut vraiment s'assurer d'un consensus des élus.
Je salue l'investissement de nos rapporteurs.
Je mesure la difficulté de l'exercice. Réformer la DGF est un tel bouleversement que cela appelle à l'humilité. Cela dit, j'avoue que je partage les interrogations de mes collègues : le moment est-il bien choisi, alors que les intercommunalités sont en pleine recomposition ? Comment mesurer, en fonction de ce qu'elles vont mettre en commun, ce qu'il ressortira de la réforme ? Or, c'est un élément déterminant et, comme le dit Philippe Dallier, on nous fait acheter un lapin dans le sac. J'ajoute, dans le même registre, que s'il ne faut pas promener abusivement la vache, il faut tout de même savoir quelles sont ses capacités. Dans quel bonneteau se trouvera-t-on à l'arrivée ? On nous a présenté l'égalité de dotation par habitant comme un immense progrès, mais on voit bien, dans les simulations, que les territoires ruraux n'y gagnent pas autant qu'annoncé, tandis qu'à l'inverse, le sacrifice demandé, ce faisant, aux zones urbaines, sera largement compensé par la dotation de centralité.
Il est certes logique de prendre en compte les charges de centralité, mais où placera-t-on le curseur ? À quelles communes reconnaîtra-t-on des charges de centralité ? Nous manquons d'éléments pour nous éclairer sur ce point.
Ma deuxième interrogation porte sur les critères. Il ne faudrait pas que l'on en vienne à l'uniformité, car les territoires sont très différents, et pas seulement au regard de leur densité ou des charges de centralité. Je partage le constat de l'Association nationale des élus de montagne : la prise en charge des risques naturels, l'entretien des réseaux routiers, les surcoûts liés aux infrastructures publiques doivent être pris en compte.
Je veux également poser à nouveau le problème des stations de sports d'hiver. Quand les dotations, sans compter le FPIC, diminuent dans des proportions pouvant aller jusqu'à 400 000 euros, comment investir dans l'outil de travail, à hauteur de ce que font les stations suisses ou autrichiennes ? Et comment parvenir au chiffre de 100 millions de visiteurs dont le ministre des affaires étrangères estime, à juste titre, que la France pourrait l'atteindre dans les années qui viennent ? Il reste bien des zones d'ombre, qui demandent à être éclairées, notamment s'agissant des critères de population et de densité.
Comme Marie-Hélène Des Esgaulx, je m'interroge sur la prise en compte des parcs naturels dans la dotation de ruralité : les parcs régionaux sont-ils aussi concernés ?
Il en va de cette réforme comme des plans locaux d'urbanisme. Tout le monde est d'accord sur le principe, mais quand on entre dans le détail du zonage, les choses se compliquent, et l'on fait des mécontents. De là la difficulté à réformer dans notre pays.
Mon intervention ira dans le même sens que celles de Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Dominique de Legge et Marie-Hélène Des Esgaulx, sans oublier Jean-Claude Boulard. Il est normal que chacun recherche les conséquences concrètes de la réforme sur les communes et intercommunalités qu'il connaît. Or, l'exercice est impossible en l'absence de simulations. Philippe Dallier a dit qu'il n'achèterait pas un lapin dans un sac ; je lui ferai écho en disant, en bonne alsacienne, que je refuse d'acheter un chat dans un sac.
Un point sur le calendrier. Tout le monde appelle de ses voeux une réforme de la DGF, mais celle que l'on nous propose serait applicable dès 2016, alors que le périmètre des intercommunalités est encore sur le métier. Si bien que les simulations ne sont pas fiables. Les communes et les intercommunalités sont de surcroît en train de travailler sur leur budget pour 2016. Elles savent qu'il faudra les construire à la baisse, mais en ignorant dans quelles proportions - cela rend l'exercice d'autant plus difficile que chaque économie est devenue douloureuse.
Année après année, la date à laquelle elles sont informées sur les dotations recule. La perte de confiance est réelle, tant l'incertitude est grande. Je mets en garde, car à mener la réforme dans la précipitation, sans laisser le temps aux élus de vérifier ce qu'elle donnera sur leur territoire, on suscite un sentiment d'inéquité.
La présentation des rapporteurs en elle-même montre que la simplification n'est pas au rendez-vous.
La dotation de base présente au moins cet intérêt qu'elle prend en compte les plus petites communes, en particulier rurales, mais entreprendre, sur cette base, de faire évoluer l'ensemble du dispositif, c'est entrer dans un engrenage fort complexe. J'ai examiné la manière dont s'appliquera la dotation de centralité : entre une petite ville périphérique d'une grosse commune à l'intérieur d'une intercommunalité et une commune de la même taille extérieure à cette intercommunalité, le décalage sera énorme. J'ajoute qu'à aucun moment on ne tient compte de la situation des populations qui habitent ces communes, et donc des charges de la collectivité concernée. Prenez deux communes de 15 000 à 20 000 habitants, dont l'une compte des quartiers d'habitat social supposant des services, tandis que ce n'est pas le cas de l'autre, qui se trouve même en dessous de ses obligations : il pourra arriver que la seconde reçoive une dotation considérablement supérieure. Cette réforme devait pourtant mieux prendre en compte la réalité des situations !
Je souscris à ce qu'a dit Philippe Dallier sur l'évolution des populations des communes attributaires de la DSU. J'ajoute que le critère du potentiel financier n'a jamais été revu, ce qui provoque, lorsque l'on regarde quelles sont les communes qui ont été attributaires de la DSU dans la dernière période, quelques surprises. Si l'on réforme, allons jusqu'au bout, et ne restons pas au milieu du gué, au risque de créer des difficultés.
Autre question : comment cette réforme s'articule-t-elle avec le FPIC ? Aucun élément ne nous permet de l'apprécier. Comme bien d'autres élus au sein du Comité des finances locales, où je siège comme représentante des communes de plus de 2 000 habitants, j'estime que l'on ne peut se déterminer sur cette réforme sans disposer des éléments d'appréciation qui nous garantissent que ses objectifs de départ sont bien pris en compte. J'ajoute que la proposition du Gouvernement ne tient pas pleinement compte des conclusions du rapport de Jean Germain et Christine Pires Beaune.
Pour moi, il est urgent de travailler plus au fond. N'allons pas voter en loi de finances une réforme dont nous ne savons pas où elle nous mène. Souvenons-nous de la réforme de la taxe professionnelle, qui a eu de lourdes conséquences.
Voilà quarante ans que nous plaidons pour une réforme des bases locatives, mais on ne la fait pas, parce que c'est difficile. Voilà vingt-cinq ans que nous voulons réformer les impôts locaux, au bénéfice de nos concitoyens, mais on ne le fait pas, parce que c'est difficile. De la même manière, nous faisons le constat unanime que la DGF est devenue injuste, et qu'il faut la réformer, et nous ne le ferions pas, parce que c'est difficile ?
Sur les finances des collectivités territoriales, nous faisons tous le même constat. Il existe des injustices flagrantes. Dans mon département, certaines communes ont un potentiel fiscal par habitant de plus de 3 000 euros, lié à la construction de centrales nucléaires, tandis que celui de petites villes supportant des charges de centralité et qui comptent une part importante de logement social ne dépasse pas 600 à 650 euros. Pouvons-nous continuer ainsi ?
Beaucoup de collectivités territoriales connaissent des difficultés financières. Et cela ne date pas d'hier ; déjà, il y a quelques années, une quinzaine de départements étaient à la limite du dépôt de bilan. Certaines communes investissent beaucoup, construisent du logement social, et leurs efforts ne sont pas reconnus par l'État. C'est de ces constats qu'est née la volonté de réformer la DGF.
Je partage certaines des observations qui ont été faites, mais il n'est pas juste de dire que la réforme ne simplifie pas. Voyez la DGF actuelle : personne n'est capable de s'y retrouver. Reconnaissons que cette réforme, en dépit de son caractère technique, rend les choses plus claires : une dotation de base, une dotation de centralité, qui répond à une demande générale, une dotation de ruralité. Ce n'est pas si complexe à comprendre. L'enveloppe est réaménagée pour tenir compte de l'intégration dans des intercommunalités, de la nouvelle réalité des villes mais aussi des campagnes. Plus de 80 % des communes rurales gagnent à cette réforme.
Il est vrai que les villes à l'intérieur des agglomérations intégrées y perdent, comme le soulignait Marie-France Beaufils, et c'est un vrai sujet. Il est également vrai que cette réforme intervient à un moment où le paysage intercommunal évolue et où la contribution au redressement des finances publiques pèse lourd : pour certaines communes, ce sera la double peine. Cela est difficile à accepter. Et là où les intercommunalités évoluent, les charges sont telles qu'elles ne s'en sortent pas.
On ne remédiera à rien en bricolant : il faut une cohérence d'ensemble. D'où le sentiment de mon groupe, qui juge que l'on ne peut souscrire à cette réforme en l'état. Nous manquons de simulations, et nous avons besoin d'aller plus au fond, pour nous forger des certitudes. Mais nous ne voudrions pas que par facilité électoraliste, certains refusent cette réforme tout de go en disant qu'ils en veulent une autre. Tenir un tel discours au congrès des maires en novembre prochain tout en vantant dans son département, comme je le vois faire par certains députés, les avantages que tireront les communes rurales de la réforme serait bien léger. Il faut être cohérent !
Ce n'est pas le moment de réformer, objectent certains : mais ce ne l'est jamais ! Pour nous, si mettre cette réforme en oeuvre dès 2016 peut poser plus de problèmes qu'apporter d'avantages, nous entendons aborder ce projet de nouvelle architecture de façon positive. Nous partageons tous ce constat que les injustices de la DGF sont flagrantes et que l'on doit y réintroduire de l'égalité : il faut aller de l'avant.
On ne peut contester le fait que certaines communes sont riches, mais jamais on ne verra un maire le reconnaître. La commission des finances doit assumer le fait qu'il existe des communes riches, voire très riches, et des communes pauvres, voire très pauvres. Nous devons être capables de faire évoluer cette réforme. S'il serait sans doute prématuré de la mettre en place en 2016, il faut avancer. Jean-Claude Boulard a évoqué l'amendement que le Gouvernement entend déposer à l'Assemblée nationale. Mais il ne l'a pas encore fait, et nous ne travaillons, ici, que sur des conjectures. À ma connaissance, il n'y a pas de texte débattu pour le moment au Parlement. À nous de faire évoluer les choses, en ne perdant pas de vue l'objectif d'équité qui doit nous guider.
Je partage l'essentiel de ce propos. Je remercie les rapporteurs de leur souci de pédagogie.
Le rapport de la mission conduite par Jean Germain et Christine Pires Beaune a montré que la DGF actuelle nous conduisait dans le mur. Les DGF négatives sont déjà nombreuses, et vont exploser dans les temps à venir si l'on n'y remédie pas. C'est là un constat technique ; quand un moteur ne fonctionne plus, il faut le réparer. C'est à quoi s'emploie le Gouvernement.
Le dispositif existant est éminemment complexe. Entreprendre de le simplifier ne signifie pas que tout va se résoudre par a + b. Comme l'a rappelé Didier Guillaume, le rapport de Christine Pires-Beaune et Jean Germain a révélé des inégalités qui durent depuis des décennies. Les laissera-t-on perdurer alors que l'on n'a de cesse de rappeler, et le débat d'hier en séance publique sur les langues régionales en a donné l'illustration, que la République doit assurer à ses citoyens un traitement identique ?
L'exercice n'est pas simple, mais il est indispensable. La transparence ne peut encore être totale, puisque les simulations sont encore en cours. Rappelez-vous que lors de la réforme de la taxe professionnelle, nous n'en avions aucune, et Philippe Marini était le premier à s'en plaindre. Il y a un net progrès.
Trois options étaient possibles. La plus simple à retenir aurait été celle d'une DGF communautaire laissant chacun se débrouiller pour répartir la galette. Une autre option aurait été, considérant que réformer la DGF est trop compliquée et crée inévitablement des mécontentements, de choisir la solution de facilité consistant à réformer les mécanismes de péréquation, pour réduire les inégalités. Mais ce faisant, on ne résout pas le problème : on ne touche pas à l'architecture et au bout de quelques années, les difficultés resurgissent. La troisième option, celle qu'a retenue le Gouvernement, était de rechercher une architecture simplifiée : dotation de base, dotation de centralité, dotation de ruralité. Il y a là une base de travail, même si l'on ne peut encore être totalement satisfait des résultats. Les uns et les autres ont dit leurs interrogations. Je pense qu'en travaillant sur les deux ou trois sujets évoqués, nous pourrions améliorer sensiblement la copie. Il serait bon de se pencher de près sur la question de l'effort fiscal. Le problème, évoquée par Marie-France Beaufils, des différences de traitement qui peuvent perdurer entre deux communes au sein d'une même intercommunalité mérite aussi d'être traité. Sur la dotation de ruralité, des questions méritent d'être éclaircies, notamment touchant au critère de densité.
Bref, nous avons bien conscience que des questions pertinentes sont posées. Le Gouvernement y travaille et le dialogue se poursuit. Pour moi, j'espère encore que ces questions puissent trouver réponse rapidement, pour une mise en oeuvre de la réforme en 2016. Cela suppose de la diligence.
Je remercie nos rapporteurs de leur effort de pédagogie mais je crains que les maires et les présidents de communautés de communes ne restent, comme nous, perplexes, pour ne pas dire plus. Ils ne connaissent pas le périmètre exact de leurs intercommunalités ; ils ne disposeront de simulations fiables qu'après leur regroupement, si bien qu'en pleine période d'élaboration des budgets, ils ignorent quelles seront leurs ressources.
Il est vrai que lors de la réforme de la taxe professionnelle, comme lors de celle des droits de mutation, nous n'avons appréhendé les règles du jeu qu'a posteriori - je ne suis pas même certain qu'elles soient encore bien établies, puisque l'on est souvent et contributeur et bénéficiaire. Nous courions, à l'époque, après les simulations. On nous en livrait toutes les heures et elles étaient aussi fausses les unes que les autres. Celles de la direction générale des collectivités locales et celles des finances publiques n'étaient pas même identiques. Ceci pour dire que je crains fort qu'il en aille de même des simulations que l'on va nous livrer. Quant à la simplification, il n'y en a aucune, comme en témoigne la complexité de cette période préparatoire.
Le vrai problème tient à la précipitation. On annonce pendant des années une réforme, sans rien préparer, et d'un seul coup, elle tombe, sans avoir été précédée d'un vrai travail de fond. La proposition est désormais sur la table, on peut l'améliorer, nous objecte-t-on. Didier Guillaume a beau nous dire qu'il semble difficile de mener ce travail à bien pour le mois de janvier, je suis convaincu que la pression va être telle que dans quelque temps, on entendra les voix socialistes nous dire que le Gouvernement a apporté les réponses, et qu'il faut voter la réforme.
Je m'inquiète, pour ma part, de la loi sur le cumul des mandats. Les parlementaires d'aujourd'hui sont pour beaucoup élus locaux. Qu'en sera-t-il demain, quand ils ne seront plus en prise avec le terrain ? On risque de voir le Parlement faire n'importe quoi. Que nos rapporteurs aillent donc dans les communes faire oeuvre de pédagogie : ils mesureront, à l'aune des rebuffades des élus auxquelles j'ai bien peur qu'ils ne se heurtent, combien cette réforme est incompréhensible sur le terrain. Les maires et les présidents d'intercommunalités se trouvent face à des difficultés insurmontables, et un certain nombre d'entre eux vont être dans l'obligation d'augmenter, de façon assez sévère, les impôts locaux.
Il ne s'agit pas de refuser systématiquement les réformes, mais donnons-nous un peu de temps pour aller au-devant de nos élus, nos relais sur le terrain, avec un projet présentable.
Merci à nos rapporteurs de leur implication. La tâche, sur ce dossier, reste immense. N'oublions pas que quel que soit le Gouvernement, le premier contributeur, c'est l'État, et l'État, c'est tout le monde.
Chaque maire reçoit des services de l'État une fiche de DGF, complexe à déchiffrer mais très intéressante, car elle donne tous les critères pris en compte dans chaque commune. Les situations sont très variables. Quand certaines voient leur dotation baisser, pour d'autres, elle reste stable, voire, dans certains cas, augmente. L'effort fiscal et le potentiel financier sont, comme l'ont rappelé certains collègues, des critères importants à prendre en compte. Autre exigence, qu'a rappelée Didier Guillaume, la remise à plat des valeurs locatives, qui est, à mon sens, indissociable de cette réforme.
Déchiffrer cette réforme est certes complexe, mais on n'en comprend pas moins la stratégie et les conséquences. Et pendant ce temps, les maires doivent manier le rabot. Ceci pour dire que l'étude d'impact doit être globale. Elle doit aussi prendre en compte la diminution des dotations, et son impact sur l'emploi. Quand on reçoit, dans nos communes, les chefs de petites entreprises, on mesure leur situation. La construction est en berne.
Nous avons fait tous les efforts possibles, nous avons réduit, ainsi que les préfectures ne cessent de nous y engager, la masse salariale. On en vient à présent à nous reprocher d'avoir des projets culturels. Nous reprochera-t-on, demain, de vouloir construire une crèche ? Car c'est ce qui nous pend au nez. Quand les moyens manquent, on supprime ! Et l'on continue d'aggraver le chômage local.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut revoir le scénario, mais il faudrait commencer par produire une étude d'impact sur l'emploi. Qu'est-ce qui crée aujourd'hui le plus d'emploi ? Les dotations aux collectivités ou le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Cela mériterait que l'on y regarde de près...
Un mot sur la région parisienne. Je suis maire d'une ville pauvre, dans un département qui n'est pas riche, et je peux vous dire que ce n'est pas simple à gérer. Or, le potentiel financier nous pénalise, car il ne prend pas en compte le coût de la vie en région parisienne - logement, transports... C'est pourquoi la DSU mise en place du temps de Michel Rocard et Michel Delebarre, un projet sur lequel nous avions beaucoup travaillé, était régionale. L'enveloppe normée est un piège, à l'intérieur duquel on est condamné à batailler les uns contre les autres. La péréquation devrait être régionale. On a vu ce qu'il s'est passé avec le FPIC. Entre ce que l'on reçoit de DSU et ce que l'on reçoit ou ne reçoit pas du FPIC, on n'y comprend plus rien ! Comme l'a dit le président Guillaume, travaillons à revoir les choses, avec en mains une vraie étude d'impact. Dans mon département, parmi les quatre villes qui vont toucher davantage, on trouve Roissy ! Si vous pensez que Roissy est une ville pauvre, et que ma commune de Franconville, qui se retrouve contributrice, est riche, je vais vous organiser une visite sur le terrain.
Je m'associe à l'hommage rendu aux rapporteurs. Tout le monde convient que la DGF est illisible et surtout injuste, comme l'a clairement démontré le rapport Pires-Beaune.
J'entends les arguments de ceux qui mettent en garde contre toute précipitation, en avançant des arguments fondés, comme la redéfinition de la carte intercommunale, mais le cumul de la DGF d'aujourd'hui et de la baisse des dotations de l'État rend cette réforme indispensable, sauf à asphyxier certains territoires. Oui, il faut préciser, affiner les simulations, mais on ne peut indéfiniment reporter la réforme. Il y va de l'avenir de certains territoires.
Je rappelle, avant tout, que nous avons fondé notre travail sur un article du projet de loi de finances, qui existe bel et bien.
Comme fiscaliste, je veux d'abord rappeler que la fiscalité n'est pas une matière simple. La DGF telle qu'elle existe ne l'est certainement pas et la nouvelle architecture envisagée n'est pas si complexe qu'on veut bien le dire. Elle serait d'ailleurs plus simple encore sans le tunnel, mais je crois que certains n'apprécieraient guère qu'on le supprime. Je vous rassure : il m'a tout de même fallu du temps pour déchiffrer les choses, et j'invite chacun à s'y consacrer de même.
Malgré tout, la réforme répond, à mon sens, aux objectifs poursuivis : gommer une sédimentation historique, proposer un système qui tienne compte de la richesse des collectivités et de leurs charges, en prévoyant un lissage qui rende les évolutions soutenables.
Même si cela n'est pas allé de soi, nous disposons, à présent, de simulations. Ce qui ne veut pas dire qu'elles sont faciles à lire. Je précise aussi qu'elles nous manquent pour Paris et les communes de la grande métropole.
Nous avons tenté de vous livrer une présentation objective, hors tout jugement de valeur. Sans anticiper sur notre rapport, je puis vous dire que nous avons, comme vous, fait un certain nombre d'observations. Nous aimerions ainsi voir l'effort fiscal pris en compte. Nous jugeons comme vous difficile d'appréhender une telle réforme en si peu de temps. Comme vous, nous relevons que les simulations sont difficiles à réaliser, d'autant que le futur périmètre des intercommunalités ne sera connu qu'au 30 juin 2016, ce qui n'est pas sans poser problème, sachant que la dotation de centralité est territorialisée. Il nous paraît donc difficile d'analyser finement les effets de la réforme et de proposer des améliorations en si peu de temps. J'ajoute que nous sommes dans un pays où manque un espace concret de gouvernance des finances publiques, qui serait pourtant nécessaire pour conduire une réforme d'une telle ampleur.
Marie-Hélène Des Esgaulx et Jean-Claude Requier s'interrogent sur la majoration de la dotation de ruralité attachée aux parcs naturels. Elle concerne les communes dont le territoire est situé pour tout ou partie sur le territoire d'un parc national, et les communes insulaires dont le territoire est, de même, situé au sein d'un parc naturel marin national.
Je reviens sur l'intervention de Bernard Delcros. La réforme intervient, en effet, en un temps où la contribution au redressement des finances publiques pèse lourd. Le critère retenu en 2014 des recettes réelles de fonctionnement n'avait pas soulevé d'objection parmi les associations d'élus. Mais quand au milliard et demi de 2014 viennent ensuite s'ajouter trois fois 3,67 milliards d'euros, il devient difficile de s'en tenir à cette règle, qui n'est pas sans comporter quelques biais. On sait ainsi que dans les villes, qui offrent de nombreux services de crèche, par exemple, les recettes de fonctionnement sont augmentées des recettes de ces crèches, alors même que ce sont en réalité des dépenses. Sur 12,5 milliards d'euros, un tel biais n'est plus indolore. L'idée de retravailler la DGF, pour aider les communes mises en difficulté par cet effort de contribution au redressement des finances publiques est venue de là.
Je me réjouis de la qualité de notre débat, mais j'insiste sur le fait que l'idée est bien de corriger la DGF le plus vite possible. On ne peut pas laisser les choses en l'état, sauf à subir des conséquences qui nous feraient regretter de ne pas avoir agi plus vite. On ne peut pas arguer que le système proposé est complexe. N'oublions pas que la DGF actuelle est illisible. Si chacun devait mettre sur le papier comment elle est constituée, je crains que l'on n'ait des surprises. Cela étant, que les critères soient complexes ne signifie pas qu'ils sont idiots. Chaque modification de la DGF a visé à prendre en compte de vrais sujets. C'est notamment la réforme de 2004 qui a conduit à modifier la DGF par habitant, pour protéger, en les forfaitisant, les communes qui perdaient de la population et des entreprises.
Ce que l'on entreprend aujourd'hui de faire, c'est de remplacer des critères illisibles par des critères compréhensibles : une dotation par habitant, une dotation de centralité, une dotation de ruralité, et un « tunnel » destiné à lisser les effets de la réforme dans le temps. Les maires peuvent parfaitement comprendre cette architecture.
Dans la dotation de base 2014, le montant minimal par habitant était de 64,46 euros, assorti d'un système logarithmique qui faisait varier ce montant en fonction de la population. Dans le système proposé, avec un montant uniforme de 75,72 euros par habitant, les plus petites communes sont nécessairement gagnantes. Ceux qui, comme Michel Bouvard, croient le contraire, mélangent cette dotation avec d'autres dotations que reçoivent certaines communes, notamment touristiques.
D'autre part, il faut mesurer l'effet conjoint de la réforme et de la baisse des dotations. Certaines communes sont, du fait de la réforme, gagnantes : elles perdent certes en raison de la contribution sur deux ans au redressement des finances publiques, mais beaucoup moins qu'elles n'auraient perdu en l'absence de réforme. J'ajoute qu'avec une marge de 5 % en « tunnel », une commune qui gagne 5 % du fait de la réforme en bénéficiera durant vingt ans, bien au-delà des deux années où elle est appelée à contribuer au redressement des finances publiques : il y a donc bien, au bout du compte, un gain, et qui peut être substantiel.
Dès lors que l'on admet la nécessité de remettre à niveau certaines communes, il y aura nécessairement des perdants. Seront-ce les grandes villes ? Les villes moyennes des intercommunalité ? Là est le débat. L'autre vrai sujet concerne la prise en compte de l'effort fiscal. Il faut en débattre.
Philippe Dallier a déploré la cristallisation de la DSU. Il a reconnu, cependant, que les futures augmentations, qui tiennent compte de la réalité des communes aujourd'hui, ne sont pas concernées. Si l'on voulait aller au-delà, et décristalliser l'existant, il faudrait prévoir, car on ne saurait modifier la donne de but en blanc, un tunnel significatif, ce qui créerait une complexité supplémentaire.
Je comprends mal les inquiétudes de Vincent Delahaye, qui juge qu'en retenant le critère du CIF, on veut la mort des communes. Là n'est pas la question. Il est normal que les intercommunalités, qui exercent un certain nombre de compétences, reçoivent une dotation en conséquence.
Marie-Hélène Des Esgaulx s'interroge sur la prise en compte de la densité. C'est la population au sens de l'INSEE qui est retenue pour son calcul et la « population DGF » pour sa répartition.
Marie-France Beaufils a raison de soulever le problème, que j'ai moi-même mis en évidence, des intercommunalités « défensives ». On doit pouvoir trouver des correctifs.
Francis Delattre a entrepris d'ouvrir un débat qui déborde le cadre de notre réunion. Ce n'est pas la réforme de la DGF qui aura un impact sur l'emploi, mais plutôt la baisse des dotations.
Merci à nos rapporteurs de leur travail, qui se poursuit.
La réunion est levée à 12 h 12.