Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 28 octobre 2015 à 14h30
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Laurence Rossignol, secrétaire d'État :

Vous connaissez mon attachement à ce qu’une seule et même instance couvre l’ensemble des âges de la vie. Les problématiques auxquelles je suis confrontée dans le cadre de mes fonctions me montrent chaque jour la pertinence d’une réponse transversale, spécifique et intergénérationnelle.

Avec près de 4 millions de proches aidant les personnes âgées, comment pourrait-on concevoir les politiques publiques en faveur de ces dernières en dehors de la sphère familiale dans laquelle elles s’inscrivent ? Comment pourrait-on engager l’adaptation de notre société au vieillissement en ne faisant reposer la réflexion que sur une partie seulement de la population ? Comment pourrait-on développer une vision novatrice pour notre société sans intégrer les dynamiques intergénérationnelles qui la traversent et sans les soutenir ?

Il ne s’agit pas de remettre en cause la spécificité de l’âge, ni même l’intérêt d’une instance de réflexion sur ce sujet. Il s’agit avant tout de considérer les personnes âgées dans leur environnement. Il est impératif d’ancrer le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans la réalité du terrain, si nous voulons faire en sorte qu’il puisse animer utilement le débat public et apporter une expertise pertinente aux pouvoirs publics.

Cette dimension intergénérationnelle ouvre une formidable perspective sans pour autant remettre en cause les avancées que vous souhaitez apporter avec le Haut Conseil de l’âge. Au contraire, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge les prendra pleinement en compte, puisqu’il donne d’ores et déjà à ses membres des compétences identiques.

Les personnes âgées seront évidemment parties prenantes de ce haut conseil et leurs besoins spécifiques entendus. La formation spécialisée du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge qui sera dédiée aux personnes âgées n’est pas un Haut Conseil de l’âge dégradé. Je tiens à insister sur ce point, car j’ai cru comprendre que certains d’entre vous éprouvaient des craintes à cet égard. Ce haut conseil préservera les missions de l’actuel Comité national des retraités et personnes âgées, le CNRPA, tout en lui donnant une nouvelle envergure. Sa composition sera ouverte à l’ensemble du secteur des personnes âgées, établissements et services à domicile. Il comptera également des experts, dont la contribution apportera un éclairage qui n’est à ce jour donné aux pouvoirs publics que lorsque ces derniers le demandent. Les aidants y auront aussi toute leur place, compte tenu de leur rôle dans l’accompagnement de nos aînés, mais aussi parce qu’il s’agit d’un sujet qui traverse toutes les générations. Les associations qui luttent contre l’isolement des personnes âgées seront aussi représentées.

Placé au sein du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, qui comprendra notamment l’actuel Haut Conseil de la famille, l’ex-CNRPA sera en mesure de faire entendre à l’ensemble des générations les spécificités de ceux qu’il représente.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement présentera un amendement de rétablissement du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.

Le troisième sujet que je souhaite aborder concerne les établissements.

Les députés ont voté le mois dernier la réforme de la tarification des EHPAD que je leur ai proposée. Les relations des EHPAD avec les autorités de tarification devaient être modernisées, et l’autonomie des gestionnaires accrue, dans la logique de simplification que suit le Gouvernement.

La mise en place dès 2017, de manière progressive, des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens pluri-EHPAD pouvant intégrer d’autres établissements pour personnes âgées ou handicapées en est le symbole.

Cette modernisation s’assortit d’une réforme de la tarification des soins en EHPAD. Elle a également été pensée sous l’angle de la visibilité et de la simplicité. Cette réforme de la tarification traduit aussi un engagement du Gouvernement de dimensionner les crédits accordés aux besoins de chaque EHPAD, en prenant en compte la dépendance et l’état de santé des personnes accueillies. C’est un engagement fort, qui permettra de renforcer les moyens humains de près de 85 % des EHPAD.

Enfin, en première lecture au Sénat, nous avions eu à débattre longuement des résidences services en copropriété, mais aussi du modèle global. Votre assemblée avait marqué le souhait de pouvoir disposer d’un cadre juridique, en proposant une première définition des résidences seniors.

Lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé de compléter cette définition par un cadre normatif pour les résidences services, notamment pour les personnes âgées. Ce nouveau cadre sécurisera les pratiques contractuelles entre les gestionnaires et les résidants, s’agissant en particulier des contrats de bail et de services associés. Il donnera de la visibilité à cette offre nouvelle, dont le développement est croissant, car elle répond aux besoins d’une partie des personnes âgées.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur des personnes âgées et des familles. Ce sont plus de 650 millions d’euros qui viendront financer les mesures nouvelles du projet de loi, grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. C’est un choix politique fort.

Nous pourrions, bien sûr, toujours nous concentrer sur ce qui manque dans ce texte – vous y trouverez certainement des lacunes –, sur les financements supplémentaires qui pourraient venir abonder de nouvelles mesures. Toutefois, je souhaite vous rappeler que ce projet de loi constitue une étape remarquable dans la prise en charge et la prévention de la perte d’autonomie, une étape qui a le mérite d’avoir été annoncée, concertée et mise en œuvre, et qui aura l’intérêt d’améliorer concrètement le quotidien de nos concitoyens.

S’agissant du financement, la commission des affaires sociales du Sénat a souhaité, de nouveau, affecter les recettes de la CASA aux différentes mesures de ce projet de loi, avec un fléchage très précis.

Si je comprends votre intention, j’appelle cependant votre vigilance sur le fait que cette répartition pourrait se révéler contre-productive et qu’elle soulève, d’ores et déjà, des difficultés opérationnelles.

L’article 38 prévoyait initialement l’affectation d’un pourcentage du produit de la CASA au financement de la réforme de l’APA à domicile, mais le dispositif réintroduit par votre commission va beaucoup plus loin, en figeant dans la loi des pourcentages sur des dispositifs nouveaux, qu’il s’agisse de la conférence des financeurs ou du droit au répit, qu’il est difficile, à ce stade, de quantifier davantage que nous ne l’avons fait au travers du projet de loi et dont l’évolution est encore inconnue.

La fixation de tels pourcentages n’est, à mon sens, pas opportune, car elle est source de fortes rigidités. Cette répartition en « tuyaux d’orgue », si vous me passez cette expression, empêche d’ajuster les affectations en fonction de la sous-consommation ou de la surconsommation de certaines dépenses, de l’augmentation des besoins ou encore du dynamisme de la recette. Cela pose un véritable problème au moment où nous partageons tous le souci d’engager les dépenses publiques à bon escient et de la manière la plus efficiente.

Plutôt que de sécuriser les départements, cette répartition pourrait, au contraire, alourdir considérablement la gestion des concours versés par l’État au titre de l’APA. Les fractions du produit de la CASA affectées aux trois volets de la réforme de l’APA et au soutien du secteur de l’aide à domicile viendraient complexifier une compensation qui fera l’objet d’un unique concours aux départements.

En tout état de cause, devant les besoins existants, j’ai souhaité mettre en œuvre dès 2015 des mesures d’anticipation de la mise en œuvre du projet de loi et du financement de la prise en charge de la perte d’autonomie.

Nous allouons ainsi, cette année, 25 millions d’euros de concours APA supplémentaires aux départements pour compenser le coût de la revalorisation salariale de la branche de l’aide à domicile, 100 millions d’euros pour alimenter le plan pluriannuel d’aide à l’investissement pour 2015-2017, dont les deux tiers seront consacrés aux personnes âgées, 20 millions d’euros au profit de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, pour adapter 15 000 nouveaux logements à la perte d’autonomie, 5 millions d’euros pour abonder les fonds départementaux de compensation du handicap, notamment au profit des personnes handicapées vieillissantes, 4 millions d’euros pour financer le soutien aux aidants et la préfiguration de la conférence des financeurs et, enfin, 2, 9 millions d’euros pour la poursuite de la réhabilitation des logements-foyers.

Vous le voyez, le Gouvernement et moi-même sommes pleinement mobilisés afin de relever le défi du vieillissement de la population, sans doute l’un des plus beaux que notre société ait à affronter. À l’occasion de cette deuxième lecture, je suis certaine que le Sénat apportera une contribution importante et constructive en ce sens, et que nous aurons de nouveau un débat à la fois exigeant et utile à nos concitoyens.

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