Lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en mars dernier, j’avais ouvert mon propos en rappelant l’ambition qui sous-tend ce texte : changer notre regard sur le vieillissement.
Cette ambition fait l’objet d’un consensus sur toutes les travées de cet hémicycle, comme l’a montré le vote à l’unanimité du Sénat sur ce projet de loi en première lecture. Elle est également partagée par nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont confirmé, lors de leur deuxième lecture, en septembre dernier, la majeure partie des modifications que le Sénat avait adoptées.
Alors que nous entamons, à notre tour, une deuxième lecture qui va bien naturellement se concentrer sur les différences entre les textes issus des deux assemblées, ne perdons pas de vue cette ambition commune, ni le fait que de grandes lignes de convergence ont été d’ores et déjà définies avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’une trentaine d’articles ont été adoptés conformes par les deux assemblées et, sur la soixantaine restant en discussion, plus de la moitié ont été approuvés par la commission des affaires sociales du Sénat sans modification ou moyennant des amendements rédactionnels. Notre discussion devrait donc se concentrer sur un nombre restreint d’articles.
Voilà plus d’un an que le parcours législatif de ce projet de loi a débuté. Le Premier ministre souhaite que la loi soit appliquée au début de l’année 2016. Vous avez déclaré, madame la secrétaire d’État, que les décrets d’application étaient en cours de préparation depuis plusieurs mois déjà. Je me réjouis de l’accélération du calendrier, qui ne dépend pas forcément des parlementaires, car nous savons tous combien cette loi est attendue par les personnes âgées, leurs proches aidants, mais aussi l’ensemble des personnels des établissements d’accueil et de soins.
Avant que ne s’exprime mon collègue Gérard Roche, avec qui j’ai pris plaisir à travailler selon une formule peu habituelle de cohabitation entre un rapporteur de la majorité sénatoriale et un rapporteur de l’opposition, je souhaiterais évoquer plus particulièrement deux sujets qui font l’objet soit d’un désaccord, soit au contraire d’un rapprochement de vues entre le Sénat et l’Assemblée nationale : la gouvernance de la politique à l’égard des personnes âgées et la clarification des cadres juridiques pour les résidences d’hébergement de personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes.
Les enjeux de gouvernance, tout d’abord, font l’objet, avec l’Assemblée nationale, à la fois d’un désaccord sur le périmètre du Haut Conseil de l’âge au niveau national et d’une pleine convergence de vues sur les instances créées à l’échelon local que sont les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, les conférences des financeurs ou encore les maisons départementales de l’autonomie.
Pour ce qui concerne le Haut Conseil de l’âge, institué à l’article 46 du projet de loi, le Sénat souhaite qu’il soit spécifiquement dédié à la politique de l’âge, comme le prévoyait le texte initial, afin de donner à l’article 1er sa pleine consistance, de faire de l’adaptation de la société au vieillissement un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques. L’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, a étendu sa compétence aux politiques de la famille et de l’enfance.
Cette formule doit permettre le rapprochement de trois politiques certes liées, mais elle va à l’encontre d’un autre rapprochement, plus pertinent à nos yeux, entre les personnes âgées et les personnes handicapées autour de l’enjeu de l’autonomie. C’est ce rapprochement qui est opéré depuis l’entrée en application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et qui doit conduire, à terme, à la création d’un cinquième risque « dépendance » de la sécurité sociale. C’est ce rapprochement, madame la secrétaire d’État, que vous réalisez au niveau départemental avec la création, à l’article 54 bis, des CDCA, dont nous nous félicitons. La commission des affaires sociales a donc rétabli, sur ce point, en reprenant toutefois la simplification rédactionnelle opérée à l’Assemblée nationale, le texte qui avait été adopté par le Sénat en première lecture. Les voies d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat seront recherchées en commission mixte paritaire.
Nous sommes, en revanche, pleinement satisfaits de la rédaction de l’article 3 concernant les conférences des financeurs, très attendues dans les territoires ; elle est désormais adaptée au fait métropolitain. De même, le Sénat a été entendu sur la nécessité d’encadrer la procédure de création des maisons départementales de l’autonomie, à l’article 54 ter, en soumettant celle-ci à l’accord préalable des maisons départementales des personnes handicapées. L’affirmation du rôle pilote des départements dans la prise en charge des personnes âgées, introduite par le Sénat en première lecture à l’article 52 A, a également été confirmée par l’Assemblée nationale.
Nos deux assemblées se sont également rapprochées sur la question des cadres juridiques des résidences hébergeant des personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes.
Grâce au travail de votre commission, les intitulés de ces catégories de résidences sont désormais sans ambiguïté : les foyers-logements deviennent les « résidences autonomie », dans un cadre fixé à l’article 11 ; les résidences-services de première génération, dont le cadre juridique a été profondément rénové par l’article 15, sont désormais appelées « copropriétés avec services » ; enfin, les résidences-services de deuxième génération, que le Sénat avait souhaité doter d’un statut juridique, défini à l’article 15 bis A, peuvent poursuivre leur développement sous le nom de « résidences-services ».
Cette clarification des intitulés correspond également, et surtout, à une clarification des règles régissant ces structures, qui devrait permettre d’éviter les dérives que nous avons pu connaître par le passé.
Concernant les résidences autonomie, la commission a instauré un droit d’option, pour les établissements percevant déjà le forfait de soins courants, le FSC, entre ce forfait et le forfait autonomie, permettant de financer des actions de prévention de la perte d’autonomie. Il ne nous paraît pas opportun d’exclure a priori toutes les résidences autonomie percevant le FSC, alors qu’elles pourraient bénéficier d’un montant de forfait autonomie plus élevé. Je rappelle qu’une enveloppe annuelle de 40 millions d’euros est prévue au titre de ce forfait autonomie ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Le statut des copropriétés avec services ne fait plus l’objet de divergences entre les deux assemblées, l’Assemblée nationale ayant confirmé la liberté laissée aux copropriétés existantes de choisir entre l’ancien cadre juridique et le nouveau. Le souci du Sénat de ne pas déstabiliser les copropriétés existantes dont la gestion satisfait pleinement leurs occupants a donc été entendu.
Enfin, je me félicite que l’amendement relatif à la création du statut des résidences-services adopté par le Sénat en première lecture ait porté ses fruits. Ces structures disposent désormais d’un cadre, issu d’une étroite concertation avec les professionnels, leur permettant de poursuivre leur développement ; nous savons qu’elles représentent une solution d’avenir.
Pour conclure, je souhaiterais aborder trois derniers sujets que le Sénat avait soit évoqués, soit introduits dans le texte au cours de la première lecture, et qui ont fait l’objet d’une confirmation de l’Assemblée nationale.
J’évoquerai, d’abord, la question du répit des proches aidants.
En première lecture, j’avais défendu un amendement visant à instaurer un droit d’expérimentation de solutions d’accueil associant à l’hébergement temporaire pour personnes dépendantes un séjour de vacances pour leurs proches aidants. Je me réjouis que cette disposition se retrouve finalement à l’article 45 du projet de loi.
Ensuite, l’article 16 ter, introduit par le Sénat afin d’instaurer une priorité pour l’attribution aux personnes âgées de logements adaptés dans le parc social, a également été confirmé par l’Assemblée nationale. Le dispositif a été adapté pour assurer une meilleure coordination avec le droit au logement des personnes défavorisées, mais la voix du Sénat a été entendue sur cette question.
Enfin, je souhaiterais revenir sur l’article 55 A, qui permet la récupération des prestations d’aide sociale sur les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie.