Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de la deuxième lecture par le Sénat du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, il faut souligner les mérites d’une procédure normale d’élaboration de la loi, par comparaison avec la procédure accélérée, si souvent employée, comme pour la loi de modernisation de notre système de santé. En particulier, nous avons pu procéder avec vous, madame la secrétaire d'État, à des ajustements importants, apporter des précisions par rapport au texte initial.
En première lecture, le Sénat avait adopté un assez grand nombre de modifications au texte, comme l’ont rappelé les rapporteurs, dont je salue la finesse de l’analyse. Une grande partie d’entre elles ont été acceptées par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
Un certain nombre de points restent en discussion et vous-même, madame la secrétaire d'État, souhaitez procéder encore à quelques modifications. C’est le jeu normal du parcours législatif, et je suis persuadé que l’on pourra aboutir à un large consensus.
Le principal reproche que l’on peut faire à ce projet de loi reste, malgré tout, son manque d’ambition.
Si ce texte comporte plusieurs avancées, on peut regretter qu’il s’agisse d’une réforme a minima : il n’aborde que la question du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie. La seconde étape de la réforme, qui vise à rendre les maisons de retraite plus accessibles sur un plan financier, ne sera pas mise en œuvre prochainement. En se limitant à ce premier volet relatif à la prévention et au maintien à domicile, le projet de loi laisse pour compte le délicat problème du reste à charge pour les familles, du coût souvent disproportionné du séjour par rapport aux ressources de la personne âgée concernée. C’est un véritable problème de société, et nous élus recevons fréquemment, dans nos permanences, des personnes habitées d’un sentiment de culpabilité et de désespoir.
Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré que le Gouvernement ne disposait pas des marges budgétaires nécessaires pour effectuer cette seconde étape. Or, si l’espérance de vie augmente, ce temps gagné correspond malheureusement souvent à des mois passés en mauvaise santé, et de plus en plus de personnes âgées n’ayant pas de ressources suffisantes pour intégrer un établissement se retrouvent en situation de perte d’autonomie à leur domicile. Cela est particulièrement fréquent en milieu rural, où la pudeur et la discrétion sont de tradition. Dans ces conditions, le maintien à domicile a ses limites.
C’est un constat partagé, cette réforme manque d’ambition financière : le produit de la CASA devrait représenter un peu plus 650 millions d’euros cette année, alors que les départements versent l’APA à plus de 1, 2 million de bénéficiaires, pour un montant de plus de 5, 5 milliards d’euros. À l’échelle nationale, la dotation globale aux personnes dépendantes représente environ 22 milliards d’euros. Selon les projections de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, la prise en charge publique de la perte d’autonomie s’élèverait, à l’horizon 2060, à 35 milliards d’euros.
Il est évident que le financement par la CASA ne sera pas suffisant. Le RDSE aurait préféré la mise en place d’une cinquième branche de la protection sociale, fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale. Nous estimons, et je pense que nous ne sommes pas seuls dans ce cas, que la prise en charge de la dépendance ne doit pas s’inscrire dans une logique assurantielle qui aggraverait les inégalités entre les plus aisés et les plus modestes.
Pour autant, ce texte comporte quelques avancées pratiques ; c’est un premier pas dans la prise en compte du vieillissement par notre société.
Les modifications positives que le Sénat a apportées en première lecture et que la commission des affaires sociales a proposées en vue de la deuxième lecture ont amélioré le dispositif.
Je pense notamment à la gouvernance des politiques de l’autonomie et au déploiement des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées, mesure introduite sur l’initiative de ma collègue Hermeline Malherbe en première lecture.
Je pense également à la convergence des régimes d’autorisation et d’agrément des services d’aide à domicile vers un seul régime d’autorisation. Cette disposition permettra aux départements de refuser une demande d’autorisation qui entraînerait pour eux des charges injustifiées ou démesurées et d’avoir une visibilité sur l’ensemble de l’offre de services d’aide à domicile sur leur territoire.
Il reste malgré tout quelques divergences, à propos notamment de l’utilisation du produit de la CASA. En première lecture, le Sénat avait conforté le financement du dispositif du projet de loi en fléchant l’ensemble des dépenses au sein du budget de la CNSA. L’Assemblée nationale n’a pas souhaité que la loi mette en place un tel fléchage, préférant laisser au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités d’utilisation du produit de la CASA. Je me félicite que la commission des affaires sociales ait maintenu sa position en deuxième lecture. En effet, il nous appartient d’indiquer de quelle façon la CASA doit être utilisée.
En revanche, concernant la mise en place du haut conseil chargé du pilotage, à l’échelon national, de la politique liée à l’adaptation de la société au vieillissement et à la perte d’autonomie, le groupe RDSE, moi y compris, soutient la position du Gouvernement, …