Il était donc normal que l’on institue des « amortisseurs » pour éviter que la concurrence ne soit totalement sauvage : c’est un peu comme si, pour la sécurité sociale, on instituait une concurrence en matière d’honoraires des médecins…
Un seul régime demeurera, ce qui permettra aux conseils départementaux de maîtriser la filière et leurs dépenses. Bien entendu – je pense qu’il revient à notre groupe d’en parler –, les entrepreneurs privés du secteur ont été assez virulents contre une évolution qui vient les bousculer, mais il faut tout de même rappeler que, après concertation, d’autres « amortisseurs » ont été introduits à leur bénéfice dans le texte. Tout d’abord, le marché leur reste ouvert : ils pourront solliciter leur agrément d’aide sociale jusqu’en 2022, ce qui leur laisse un certain temps pour se mettre en règle. Ensuite, ils ne seront plus limités dans le volume d’heures de prestations, ce qui est un point important. Enfin, si les conseils départementaux leur refusent l’agrément, ils devront motiver leur décision. Ces éléments me semblent suffisamment rassurants pour les acteurs privés et nous espérons qu’un juste équilibre pourra être atteint.
Autre disposition importante, l’article 40 bis vise à remplacer, pour les EHPAD, les conventions tripartites par des CPOM. Ces conventions tripartites étaient quelque peu compliquées et, à l’époque de leur mise en place, elles avaient donné lieu à un certain glissement du volet sanitaire au détriment des finances des conseils généraux, qui s’en étaient émus. Vous avez pris l’engagement, madame la secrétaire d’État, que les CPOM ne permettraient plus de tels glissements entre la partie dépendance et la partie sanitaire ; nous en prenons bonne note.
Bien entendu, tout n’est pas parfait, et nous avons un certain nombre de regrets, l’Assemblée nationale ayant supprimé des dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat. Les points de divergence avec les députés portent en particulier sur la sanctuarisation en pourcentage des recettes de la CASA au sein de la CNSA – il s’agit des articles 4 et 8 –, sur l’utilisation de la CASA pour financer l’APA, prévue à l’article 38, sur la création, à l’article 45 ter, d’une section VII dédiée à l’investissement au sein de la CNSA.
Ceux d’entre nous qui ont siégé à la CNSA ont pu constater qu’il existait des « tuyauteries », comme on dit dans le jargon ministériel, permettant d’orienter les ressources vers des affectations non prévues à l’origine, d’où l’extrême prudence dont a fait preuve à juste titre la commission des affaires sociales en la matière. Certes, le dispositif qu’elle a adopté manque de souplesse, mais l’affectation en pourcentage présente au moins l’avantage de la clarté.
Autre sujet de discorde, madame la secrétaire d’État, l’Assemblée nationale a rétabli, à l’article 46, le Haut Conseil de la famille et des âges de la vie, que nous avions remplacé par un Haut Conseil de l’âge. J’ai entendu votre argument selon lequel tous les stades de la vie, en particulier l’âge actif, sont concernés par l’horizon de la dépendance, mais on se demande tout de même ce que l’enfance vient faire dans le périmètre d’une telle instance… On a tellement l’habitude des structures envahissantes et mal pilotées que l’on peut craindre que ce haut conseil ne devienne un fourre-tout. Selon nous, le caractère primordial du problème de la dépendance et de son financement futur justifie la création d’un Haut Conseil de l’âge dédié uniquement à la réflexion sur les moyens d’améliorer l’existence des personnes âges et sur le financement de la dépendance. Voilà pourquoi nous avons rétabli cette dénomination en commission.
Malgré toutes les améliorations obtenues, en particulier à l’article 32 bis – honnêtement, quand nous avons abordé la première lecture, je ne pensais pas que nous parviendrions à un tel résultat, mais la concertation s’est révélée très efficace –, nous déplorons, comme je l’indiquais en préambule, le manque de souffle et de réflexion sur certains modes de financement possibles.
Sans être exhaustif, j’évoquerai quelques pistes en matière d’amélioration des financements.
Premièrement, en ce qui concerne les SAAD, la suppression de l’abattement de 15 % puis celle du calcul des cotisations au forfait ont complètement déstabilisé financièrement les acteurs du secteur. L’année dernière, nous avons voté un abattement de 1, 5 euro par heure, mais son application n’a pas été généralisée à l’ensemble des intervenants à domicile. Notre groupe prendra une initiative, lors de l’examen du projet de loi de finances, pour proposer une telle généralisation.
Deuxièmement, toujours en matière de services à domicile, notre groupe a demandé à un expert extérieur une analyse de la pertinence d’un éventuel assujettissement des prestations à domicile à la TVA au taux super-réduit. Les prestations salariées, n’étant pas assujetties à la TVA, sont soumises à la taxe sur les salaires. Si ces prestations étaient assujetties à la TVA, cela les exonérerait ipso facto de la taxe sur les salaires et permettrait aux prestataires, associations ou entreprises privées, de récupérer la TVA en amont, en particulier sur le matériel informatique, les véhicules et le carburant. Nous avons pensé qu’une telle démarche, financée par le groupe, était utile. Nous vous tiendrons informée, madame la secrétaire d’État, de ses conclusions ; nous aurons peut-être des surprises intéressantes en la matière.
Par ailleurs, pourquoi ne pas instaurer une seconde journée de solidarité par abandon d’un jour de RTT, comme je l’avais déjà proposé en première lecture ?