Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le parcours législatif du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement que nous examinons en deuxième lecture a commencé voilà un peu plus d’un an.
C’est un long cheminement pour un texte attendu depuis longtemps, mais, si nous aboutissons, en commission mixte paritaire, à un accord sur un texte réellement enrichi par les deux assemblées, il n’aura pas été trop long.
La dépendance et l’ambition de l’autonomie poussée le plus loin possible pour les personnes âgées nous placent face à un grand défi national. Plusieurs dispositions votées au Sénat, telles la création d’un régime unique d’autorisation des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou la substitution des conventions d’objectifs et de moyens aux conventions tripartites, ont finalement été reprises et améliorées par l’Assemblée nationale, avec le soutien et l’expertise du Gouvernement.
Si les quelques points qui font encore débat sont loin d’être négligeables, nous pouvons raisonnablement espérer rapprocher et concilier les positions. C’est en tout cas dans cet esprit que nous abordons cette deuxième lecture.
Un texte permettant aux personnes âgées de prévenir la dépendance et à la société d’accompagner la perte d’autonomie était attendu et annoncé depuis longtemps, mais rien n’avait abouti sous le quinquennat précédent. François Hollande s’était engagé, lors de la campagne présidentielle, à reprendre le sujet. Par ce projet de loi, il tient sa promesse.
Ce texte est guidé par une philosophie de la vie en société et par une conception, que nous partageons, de la dignité de la personne. Cette même approche avait déterminé la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Paulette Guinchard-Kunstler, qui préside aujourd’hui le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, était alors au Gouvernement, et je souhaite lui rendre hommage. Je n’oublie pas non plus Jean-Pierre Sueur, autre acteur important dans la naissance de l’APA, dont le rapport intitulé L’aide personnalisée à l’autonomie : un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité, remis en 2000, donc peu avant qu’il ne nous rejoigne sur ces travées, a servi de socle aux travaux législatifs.
Le principe d’égalité est essentiel en la matière.
À l’époque, il s’agissait de réformer un dispositif mis en place sous le gouvernement de M. Juppé, la prestation spécifique dépendance, ou PSD, qui présentait le grave inconvénient de mal remplir ses objectifs et de placer les personnes âgées dans des situations très différentes selon les territoires.
Le succès de l’APA vient de ce qu’elle était porteuse de ce souci d’égalité, les critères d’aides étant fondés sur le degré de dépendance et la situation pécuniaire des personnes à partir d’évaluations nationales. Je suis heureuse que le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture donne à ce dispositif un nouveau souffle et soit porteur d’un « acte II » de l’APA.
Le souci de l’égalité et de la justice doit toujours nous guider. La vieillesse est diverse : chaque personne âgée est d’abord ce qu’elle est en tant que personne singulière et ne saurait être réduite aux spécificités dont son âge peut être porteur. C’est d’ailleurs vrai de tous les âges de la vie. Le lien avec la famille est essentiel pour promouvoir cette approche qui respecte chaque être humain dans sa singularité.
Chacune, chacun se construit avec ses espoirs et ses souvenirs. Toutes les solidarités sont là les bienvenues. La famille joue un rôle important dans leur formation. C’est pourquoi nous croyons profondément à la pertinence et aux promesses du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, tel que vous le proposez, madame la secrétaire d’État.
Les problèmes des aînés concernent leur famille. Toutes les générations doivent être responsabilisées les unes à l’égard des autres.
Mais si la vieillesse est heureusement diverse, elle l’est aussi de manière inquiétante lorsqu’elle creuse les inégalités.
Les sujets dont nous devons encore débattre ont trait à la question essentielle des moyens : la nécessité d’un déploiement effectif des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes conduit à réfléchir à une sanction significative et utile en cas de non-respect de cette disposition.
Nos rapporteurs ont souhaité un fléchage précis pour l’affectation des produits de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. Je suis sensible à cette démarche, qui vise à donner tout son rôle au Parlement et qui tire les leçons de l’évolution du financement de l’APA, mais j’attends aussi beaucoup des échanges que nous aurons sur ce sujet.
Plus de 650 millions d’euros sont mobilisés pour mettre en œuvre les mesures figurant dans ce projet de loi, sans prélèvement nouveau, ce qui doit être salué, dans le contexte économique difficile que nous connaissons.
Ces points, dont nous allons débattre dans quelques minutes, doivent être mis en perspective tant avec les enjeux auxquels répond ce projet de loi qu’avec les avancées dont il est porteur.
D’ici à 2035, notre pays connaîtra un important vieillissement de sa population, en raison de l’arrivée progressive à l’âge de soixante ans des générations de la fin du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Selon certaines études, en 2060, environ un tiers des Français auront plus de soixante ans et près de 5 millions de personnes devraient être âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans.
L’ambition du Gouvernement est aujourd’hui de remettre de la cohérence dans les politiques publiques, d’engager une dynamique et d’assurer l’égalité de tous les citoyens face au risque de perte d’autonomie.
Le projet de loi envisage la problématique du vieillissement dans sa double dimension : celle de l’anticipation, du « bien vieillir », et celle de la protection des plus vulnérables. Ce texte est ambitieux ; il apporte des réponses à l’ensemble des acteurs.
Dorénavant, le phénomène du vieillissement de notre société sera pris en compte dans l’ensemble des politiques publiques. C’est là une dimension essentielle de ce projet de loi. Il s’agira d’anticiper, de préserver au mieux l’autonomie des personnes âgées en leur apportant tout le soutien possible.
La prévention est érigée en priorité ; comme ma collègue Patricia Schillinger, qui était intervenue au nom du groupe socialiste et républicain en première lecture, j’y suis très sensible.
L’anticipation doit permettre de repérer et de combattre l’apparition des premiers facteurs pouvant conduire à une perte d’autonomie. Il s’agit, grâce à des moyens financiers dédiés, d’engager une politique de prévention qui facilite l’accès aux aides techniques et aux actions collectives, ainsi que de combattre l’isolement au travers, notamment, du programme de mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, ou MONALISA.
Ce programme est essentiel, sachant que le départ à la retraite est souvent un moment de rupture difficile pour les personnes concernées et que plus d’un million de nos concitoyens âgés de plus de soixante-quinze ans souffrent d’isolement relationnel.
Ce projet de loi tend à assurer un meilleur accompagnement des travailleurs en fin de carrière, à reconnaître et valoriser l’engagement citoyen des personnes âgées, à former le grand public au repérage des situations de fragilité.
En matière de prévention, il s’agit aussi de fournir des logements adaptés aux personnes âgées, quand leur maintien à domicile n’est plus possible, et de veiller au sérieux des prestations qui leur sont fournies.
La CASA permettra d’accompagner, de façon transitoire, la mise en œuvre, par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, d’un plan national d’adaptation de 80 000 logements privés, ainsi que d’un plan d’aide à l’investissement dans les résidences autonomie. Seront proposées, dans ces dernières, différentes prestations pour améliorer le quotidien, notamment des actions visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques des résidants. Ce type d’habitat, intermédiaire entre le domicile ordinaire et l’EHPAD, constitue une solution constructive pour les personnes n’ayant pas besoin d’être accueillies dans un établissement très médicalisé.
L’une des avancées majeures de ce texte concerne la revalorisation de l’APA, je l’ai déjà évoqué. L’« acte II » de cette allocation prévoit une augmentation du nombre d’heures d’aide à domicile pour les personnes âgées qui en ont le plus besoin.
Une réduction du niveau de participation financière – le ticket modérateur – est également prévue, ainsi qu’une exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Il s’agit ici de relever les plafonds pour l’ensemble des GIR, avec un effort accentué pour les cas de perte d’autonomie les plus graves, ainsi que de faire baisser le reste à charge des familles.
En résumé, les personnes âgées ayant une faible autonomie bénéficieront d’une aide plus importante, une moindre contribution leur étant demandée, alors que leur couverture sociale sera renforcée.
La création d’un droit au répit pour les aidants des personnes âgées est une autre mesure forte. Aujourd’hui, plus de 4 millions de personnes assistent régulièrement au moins l’un de leurs proches âgé de soixante ans ou plus, à domicile. Or 20 % des aidants présentent des symptômes de fatigue morale ou physique, ce qui a des conséquences sur leur santé : 40 % des aidants dont la charge est la plus lourde se sentent dépressifs et 29 % déclarent consommer des psychotropes. Il est donc essentiel de les accompagner et de les soutenir.
Des dispositifs de formation et d’accompagnement des aidants sont prévus, nous en parlerons encore. Il est important d’encourager toutes les formes d’accompagnement et de permettre aux aidants de concilier vie professionnelle et rôle d’aidant, comme le prévoit ce texte.
Toutes ces mesures, qui ne seront plus examinées globalement, car elles ont, pour l’essentiel, fait l’objet de votes conformes à l’Assemblée nationale et au Sénat, méritaient d’être rappelées, car elles montrent combien ce projet de loi appréhende le phénomène du vieillissement dans sa globalité, de manière responsable et ambitieuse, en total accord avec la réalité que connaissent nos concitoyens.
Ce projet de loi offre l’occasion de parler positivement du vieillissement dans notre pays. Réformer permettra à notre société de changer le regard sur le vieillissement et la vie des personnes âgées.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie du volontarisme et du souci du concret dont vous faites preuve au travers de ce texte, que nous soutenons pleinement, car il s’appuie sur la large concertation que vous avez su mener et il introduit les réformes nécessaires pour affronter les défis du XXIe siècle concernant le vieillissement de la population.