Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 3 novembre 2015 à 21h45
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Article additionnel après l'article 8

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

La règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut » est une règle prétorienne fixée par le Conseil supérieur de la magistrature et réaffirmée dans chacun de ses rapports. Sa mise en œuvre se concrétise par l’avis défavorable qu’émet le CSM sur les propositions de nomination dans une juridiction ultramarine de magistrats déjà en poste en outre-mer. Ces derniers, lorsqu’ils souhaitent changer d’affectation ou réaliser une promotion, doivent en principe demander un poste en métropole. Toute mobilité géographique en équivalence ou en avancement dans une juridiction ultramarine, même distante de plusieurs milliers de kilomètres de celle où il exerce, est fermée à un magistrat en poste outre-mer.

Le Conseil supérieur de la magistrature accepte des dérogations à cette règle pour des motifs graves, familiaux ou de santé, ou pour des impératifs de bonne administration de la justice. Il tient ainsi compte de la nécessité, pour le garde des sceaux, dans l’exercice de son pouvoir de proposition, de faire face à une pénurie de candidats pour certains postes.

Le Conseil supérieur de la magistrature affirme avec constance que « le respect de cette règle permet d’assurer les conditions d’un bon exercice des fonctions juridictionnelles hors de la métropole ».

Quant au Conseil d’État, il consacre également cet adage en énonçant, dans un arrêt du 29 octobre 2013, que « le Conseil supérieur de la magistrature s’attache, au titre de sa mission générale d’avis sur les nominations des magistrats du siège, à promouvoir la mutation ou la promotion en métropole des magistrats en poste dans les départements et collectivités d’outre-mer afin d’assurer le bon fonctionnement des juridictions, tout en prenant en compte les impératifs liés à la situation personnelle du magistrat ou aux considérations de bonne administration de la justice ».

Cette règle signifie-t-elle que le magistrat qui poursuit une carrière outre-mer perd sa capacité à exercer son métier avec compétence et impartialité ? Considère-t-on que les magistrats exerçant outre-mer n’appliquent pas le droit avec compétence et rigueur ? Qu’ils prennent de mauvaises habitudes d’exercice professionnel, au point qu’un retour régulier en métropole soit indispensable afin de leur permettre de se corriger avant de rejoindre une nouvelle affectation ultramarine ?

Cette règle, que l’on peut qualifier de discriminatoire, a pour effet de nuire à une exigence déontologique des magistrats, à savoir l’exigence de mobilité géographique, laquelle constitue pourtant, selon les termes mêmes du Conseil supérieur de la magistrature, une garantie d’impartialité du magistrat.

Nous proposons donc d’abroger la règle « outre-mer sur outre-mer ne vaut », ce qui aurait pour conséquence de garantir la qualité des magistrats exerçant outre-mer ayant acquis une expérience des règles spécifiques qui y sont appliquées, de permettre la mobilité géographique des magistrats et de pourvoir les postes dans les juridictions ultramarines désertées.

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