Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire que je ne vous comprends pas. Vous voulez que nous légiférions vite et, dans le même temps, vous réclamez de pouvoir agir lentement. Cela a été le cas pour les tribunaux du contentieux social. C’est aussi le cas pour, disons-le, cette petite disposition.
Je rends hommage à la passion avec laquelle vous défendez la position du Gouvernement, mais il faut ramener les choses à leur juste proportion. L’article 13 bis vise seulement, dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice, à autoriser le président du tribunal de grande instance à affecter les fonctionnaires des greffes à une autre juridiction située dans la même ville. Voilà le contenu exact d’un article que la commission des lois a adopté sur la proposition de son rapporteur. Ce n’est tout de même pas une révolution !
Le Gouvernement se plaint de la lenteur du travail parlementaire. L’existence du Sénat vous gêne-t-elle ? Pourtant, vous avez pu constater avec la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, qui a été adoptée cet été, le risque que vous preniez à vouloir légiférer trop vite : la censure du Conseil constitutionnel a touché plus d’une dizaine d’articles, considérant qu’ils ne présentaient aucun lien avec l’objet du texte. C’est à juste titre que le Conseil constitutionnel ne l’a pas admis !
La question n’est pas de légiférer vite, mais de légiférer bien ! Pour cela, il faut laisser à la navette parlementaire le temps nécessaire pour que le « tamis » des délibérations des deux assemblées permette d’éviter les erreurs. Si nous avions eu une véritable navette parlementaire sur cette disposition, je suis convaincu que nous aurions pu l’améliorer. C’est faute d’une vraie navette que nous sommes obligés, nous aussi, d’introduire dans le texte que nous sommes chargés d’adopter des dispositions qui nous paraissent utiles et qui permettent de rehausser l’ambition de votre propre réforme. En changeant l’intitulé de ce texte, nous avons d’ailleurs voulu souligner que cette ambition nous paraissait insuffisante.
Madame la garde des sceaux, nous cherchons non pas à vous rallier à notre point de vue, mais à vous faire admettre, en ramenant cette disposition à sa juste proportion, que nous pouvons l’adopter. Il ne s’agit en effet que d’une modeste étape vers une meilleure gestion de nos tribunaux, au travers de la mutualisation limitée – à l’intérieur d’une même ville, je le répète – des moyens humains des différents greffes de juridictions qui se situent dans le périmètre du tribunal de grande instance. Je me permets à mon tour d’insister sans véhémence, croyez-le bien, non seulement pour que notre assemblée puisse adopter cette disposition, mais aussi pour que vous puissiez vous-même l’accepter.