Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 4 novembre 2015 à 21h30
Justice du xxie siècle — Articles additionnels après l'article 15

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Le présent amendement vise à combler une lacune du droit en matière de discrimination. Il s’agit de punir pénalement l’exercice abusif, par une personne exerçant une fonction publique, du droit de préemption, fondé notamment sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou encore sur l’orientation ou l’identité sexuelle.

Ce vide juridique a été illustré par deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation des 17 juin 2008 et 21 juin 2011, dans lesquels le juge a considéré que l’exercice d’un droit ne peut constituer un acte discriminatoire, et ce même si l’exercice de ce droit est abusif.

En l’espèce, un maire s’était vu reprocher d’avoir évincé d’une vente de biens immobiliers des acquéreurs en raison de la consonance de leur patronyme, qui laissait supposer leur origine étrangère ou leur appartenance à l’islam, en usant de son droit de préemption à leur encontre. Dans les deux affaires, la volonté du maire avait été démontrée.

Cet amendement vise donc à compléter par un nouvel alinéa l’article 432-7 du code pénal qui sanctionne le délit de discrimination commis par une personne exerçant une fonction publique.

Ainsi, le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’exercer un droit de préemption afin d’empêcher une personne de se porter acquéreur en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code précité serait puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Il s’agit d’un amendement de bon sens. J’ajouterai que son adoption permettrait d’appliquer concrètement la proposition n° 4 du rapport relatif à la lutte contre les discriminations que j’ai rendu avec mon ancien collègue Jean-René Lecerf, proposition qui préconise d’« introduire dans le code pénal une disposition incriminant l’usage abusif du droit de préemption à des fins discriminatoires ».

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