Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 novembre 2015 à 21h30
Justice du xxie siècle — Article 19

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président de la commission des lois :

Le point de départ est le traumatisme lié à la dérive des actions de groupe aux États-Unis qui, à grand renfort de publicités relayées par les médias, ont mis en péril des entreprises acculées à des transactions extrêmement coûteuses et très préjudiciables, alors même que les dommages allégués n’étaient nullement établis et que les actions de groupe étaient engagées de façon précoce et par anticipation.

S’il est question d’action de groupe à la française depuis 2007, si des projets se sont développés dès le précédent quinquennat, des difficultés tenant à la transposition de cette formule ont toutefois retenu le législateur pendant longtemps, jusqu’à ce que la loi relative à la consommation, adoptée il y a maintenant deux ans, introduise l’action de groupe.

Cependant, il est essentiel d’avancer avec prudence.

Dans le domaine de la santé, nous avons eu l’occasion de délibérer de cette question extrêmement délicate grâce au travail accompli par Mme Deroche dans les semaines qui ont précédé nos présents débats.

Même si de nombreuses pages de ce projet de loi portent sur un dispositif général, il s’agit en réalité surtout d’appliquer la méthode de l’action de groupe en l’encadrant à la lutte contre les discriminations, sujet qui réunit tous les Français.

La lutte contre les discriminations, ce n’est rien d’autre que l’application du principe d’égalité devant la loi, une égalité qui doit s’appliquer, comme le prévoit la Constitution, sans distinction de race, d’origine, de croyance ou d’opinion.

La lutte contre les discriminations a justifié la création, en 2004, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, que nous avons regroupée en 2011 avec le Médiateur de la République pour créer le Défenseur des droits, un Défenseur qui assume aujourd’hui sa fonction avec une certaine vigueur.

La lutte contre les discriminations, c’est aussi la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. C’est également la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le Président Jacques Chirac.

La lutte contre les discriminations, ce sont donc de nombreuses mesures, chaque majorité ayant apporté sa pierre à l’édifice.

Je salue également la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a donné lieu à un vote très large au Sénat de tous les groupes composant notre assemblée.

Cette lutte contre les discriminations peut effectivement être un point d’application intéressant pour des actions de groupe, mais à une condition : que les modalités de l’action de groupe nous prémunissent contre les dérives que l’on a pu constater aux États-Unis.

La commission des lois, après s’être donné le temps de la réflexion, a donc émis un avis favorable sur de très nombreux amendements visant à bien encadrer cette action de groupe pour mieux lutter contre les discriminations.

La commission a ainsi donné un avis favorable sur un amendement relatif à l’agrément national des associations pouvant mener une action de groupe.

Elle a également été favorable à la restriction des actions de groupe aux préjudices de caractère individuel, ainsi qu’à un amendement visant à limiter l’action aux personnes physiques, à l’exclusion des représentants d’intérêts collectifs - pêcheurs à la ligne, joueurs de pétanque, amateurs de corrida et autres philatélistes.

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