Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise fait suite à la suppression bien involontaire des dispositions sanctionnant les dons de personnes morales aux partis politiques dans la désormais fameuse loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
En 2013, l’Assemblée nationale avait introduit des dispositions relatives au financement de la vie publique dans ce texte qui en était dépourvu. Les règles de plafonnement des dons des personnes physiques aux partis politiques avaient alors été modifiées. Dans le même temps, le Sénat s’était saisi de la question du financement d’un parti politique par un autre micro-parti.
Le plafond annuel de 7 500 euros s’appréciait auparavant par parti politique, ce qui permettait à une même personne de donner cette somme la même année à plusieurs partis, y compris à des « micro-partis » collectant au profit d’un seul parti. L’Assemblée nationale avait proposé d’apprécier dorénavant ce plafond par donateur, et non par parti bénéficiaire, ce que le Sénat approuva.
Or un parti politique pouvait ignorer que le donateur avait effectué d’autres dons et que le plafond légal était ainsi dépassé. Les sanctions pénales prévues dans ce cas par la loi du 11 mars 1988 – une amende de 3 750 euros et un an d’emprisonnement, pour le donateur comme pour le parti bénéficiaire – n’étaient donc plus adaptées.
Au printemps 2015, dans le cadre d’une procédure judiciaire, des juges d’instruction se sont trouvés dans l’incapacité de poursuivre un parti politique pour financement par une personne morale.
Nous parlementaires avons ainsi réalisé que, lors de l’élaboration dans la précipitation, en moins d’un mois, de la loi relative à la transparence de la vie publique, nous avions omis de traiter la question du financement des partis politiques par une personne morale, étant mobilisés par les sujets centraux de ce texte, à savoir la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et les déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des personnalités publiques.
Cette impasse a eu un certain retentissement médiatique. De fait, en l’état nouveau du droit, seul le financement d’un parti politique par une personne physique au-delà du plafond légal peut faire l’objet d’une sanction pénale, le don d’une personne morale ne pouvant plus être sanctionné.
C’est donc cette malfaçon législative, ce loupé, cette bourde, cette imperfection, quel que soit le nom qu’on voudra lui donner, que notre collègue Jean-Pierre Sueur nous propose fort à propos de corriger pour l’avenir, selon le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Je ferai observer à Mme Benbassa qu’il convient de faire montre de prudence en matière de leçons de vertu. Pour ma part, je garde le souvenir de M. Thévenoud pointant un doigt accusateur vers certains bancs de l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique. On a vu depuis quelle était sa pratique personnelle de ses préceptes éthiques…
La commission des lois a suivi son rapporteur, qui a récrit l’article unique de manière plus précise, sans en changer la finalité.
Nous souscrivons à cette initiative, car elle nous paraît de nature, pour l’avenir, à prévenir tout dérapage fâcheux qui viendrait inévitablement encore nourrir la chronique inépuisable des relations entre l’argent et la politique.
En effet, et Mme la garde des sceaux y a fait référence, notre histoire politique est riche d’épisodes malheureux venus alimenter l’imaginaire collectif de notre pays, qui en est d’ailleurs parfois friand.
Nous pourrions également lire avec intérêt le rapport du Groupe d’États contre la corruption, le GRECO, organe du Conseil de l’Europe, dont les recommandations sur le financement des partis politiques me semblent intéressantes.
Enfin, je suis de ceux pour qui légiférer dans le calme, presque à contretemps du calendrier politique précipité ou contraint, est le meilleur moyen de légiférer juste.
En ce sens, je partage pleinement le viatique qui doit guider le législateur, en particulier la Haute Assemblée. Il faut moins de lois, précipitées ou bâclées, et plus de temps de préparation, ainsi que de précautions dans leur élaboration !