Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la situation de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale nous oblige, cette année, à mobiliser tout notre discernement.
On constate, en 2014, une stabilisation des accidents du travail et des maladies professionnelles et une diminution du nombre de journées d’incapacité temporaire ou permanente. Ces informations sont relativement bonnes, après des années difficiles, particulièrement pour les maladies professionnelles. Ces incontestables progrès sont dus aux interventions des pouvoirs publics, aux aides financières et aux conseils des caisses de sécurité sociale, aux organismes spécialisés, ainsi qu’aux employeurs et aux salariés, qui sont les premiers concernés.
La prévention est devenue une priorité, à travers notamment les plans de santé au travail, le troisième venant d’être adopté de manière consensuelle par le Gouvernement sur proposition des partenaires sociaux. Il est important de souligner les progrès accomplis depuis plusieurs années grâce à cette prise de conscience et ces efforts partagés.
Parallèlement, la gestion de la branche a été remise en ordre et est redevenue satisfaisante, ce qui doit être souligné compte tenu du contexte général. Après un excédent de 691 millions d’euros en 2014, il est prévu que la branche dégage un nouvel excédent, de 603 millions d’euros, en 2015.
Mes chers collègues, un tel excédent n’a pas manqué d’attirer l’attention, ce qui m’amène à évoquer deux points, madame la ministre.
Premièrement, à la suite de l’accord qui vient d’intervenir entre les organisations patronales et trois syndicats sur le financement des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO, il a été observé que la revalorisation des cotisations des employeurs prévue à cet effet serait intégralement compensée par une baisse des cotisations que ceux-ci acquittent sur la branche AT-MP en 2019.
Comme vous le savez, les associations de victimes et plusieurs de nos collègues députés se sont vivement émus de cette perspective. Je dois dire que je m’interroge moi-même à son sujet… Aussi, j’espère que vous pourrez nous donner un certain nombre d’informations sur ce point.
Je voudrais rappeler que, dans le rapport d’information que nous avons consacré à la question du financement de la branche AT-MP, Catherine Deroche et moi-même avions préconisé, pour le retour à l’équilibre de cette branche, une augmentation des cotisations patronales, mais nous avions suggéré qu’une diminution de celles-ci puisse intervenir lorsque la dette serait apurée et l’équilibre de la branche, assuré. Toutefois, nous n’avions pas imaginé que cette baisse puisse servir de compensation dans une négociation, notamment sur les retraites complémentaires.
On nous annonce un chiffre de 700 millions d’euros. Je veux rappeler qu’une augmentation d’un dixième des cotisations patronales sur la branche AT-MP représente 500 millions d’euros !
Deuxièmement, il est écrit, dans l’annexe B du projet de loi, que « compte tenu de la conjonction d’un déficit persistant de la branche maladie et, à l’opposé, d’un excédent croissant de la branche AT-MP depuis l’année 2013, un transfert de cotisations de 0, 05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général sera mis en place en 2016 puis en 2017, afin d’améliorer le solde de la branche maladie de 250 millions pour chacune de ces deux années, soit 500 millions au total ». Je dois dire que les arguments développés dans l’annexe ne m’ont pas totalement convaincu ; ils mériteraient certainement une étude plus approfondie.
La ponction prévue vient s’ajouter au reversement traditionnel de la branche AT-MP à la branche maladie, reversement justifié par la sous-déclaration systématique des accidents et de la non-reconnaissance de l’origine professionnelle de nombreuses maladies. Ce transfert, en hausse continue depuis 1997, s’élèvera encore cette année à 1 milliard d’euros. Je rappelle que, dans son rapport, Noël Diricq avait fixé un plafond à 1, 3 milliard d’euros.
Madame la ministre, ces trois prélèvements très importants sur une trésorerie saine depuis peu risquent de porter gravement atteinte à celle-ci. Il est de notre devoir de vous alerter sur ce point.
Je rappelle que, dans notre rapport d’information, Catherine Deroche et moi-même avions fait un principe de la préservation de l’équilibre de 1898. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser la date de sa conclusion, l’accord qui a alors été trouvé est tout à fait moderne. Il s’agit notamment d’assurer le financement par les entreprises, mais aussi de n’imputer à la branche que les dépenses qui lui incombent. Il me semble souhaitable que l’on s’en tienne là.
L’effort de prévention des accidents du travail ne doit pas être relâché, surtout si le travail atypique, générateur de beaucoup d’accidents, continue à se répandre.
Madame la ministre, je n’aurai pas le temps d’aborder le problème de l’amiante. Ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque ! Je veux quand même vous dire que nous approuvons le retour, après deux années de dotation nulle, d’une dotation de 10 millions d’euros pour le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, même si ce montant reste très largement en deçà des préconisations de la mission commune d’information du Sénat sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante. La dotation totale de la branche au FIVA atteindrait 430 millions d’euros, pour une dépense estimée à 525 millions d’euros.
Après avoir connu de grandes difficultés, qui avaient amené certains à programmer sa disparition, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, est revenu à l’équilibre. Il devrait même être en excédent de 12 millions d’euros en 2015.
Toutefois, le projet de loi prévoit un résultat négatif de 42 millions en 2016, malgré de nombreuses sorties du dispositif, la revalorisation quasi nulle des allocations en raison de la faible inflation, le non-versement du capital-décès aux ayants droit et la limitation de l’accès à la retraite anticipée par l’obligation d’avoir travaillé dans un établissement figurant sur une liste de sites.
La branche devra inévitablement supporter ces nouvelles charges, à moyen et à long terme.
C’est pourquoi je considère qu’il serait grandement imprudent de laisser une gestion annuelle du risque accidents du travail-maladies professionnelles s’installer ou, plus exactement, se réinstaller. Il importe surtout de ne pas distraire des finances de la branche les moyens nécessaires à la prévention et à l’amélioration de la réparation versée aux victimes.
Tel est notre objectif et je sais, madame la ministre, qu’il est aussi le vôtre. Soyez assurée que nous soutiendrons tous les efforts que vous consentirez pour parvenir à l’atteindre !