Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 reprend pour l’essentiel l’architecture de la nouvelle DGF qu’ont proposée Mme Pires Beaune et Jean Germain : une dotation de base, une dotation de centralité et une dotation de ruralité, le tout accompagné d’un dispositif de garantie visant à lisser les effets de la réforme dans le temps.
Il est indéniable que les simulations réalisées sur ce fondement font apparaître quelques dysfonctionnements – c’est du reste leur rôle : certains, simples effets de bord, sont aisément corrigibles, mais d’autres, plus préoccupants, appellent sans doute un travail de révision.
Parmi les effets de bord figure une conséquence du blocage à la baisse de la dotation de base à hauteur de 50 % de son montant, soit 37, 50 euros par habitant : certaines communes très riches ne percevant logiquement plus qu’une DGF résiduelle devraient se voir rembourser, aux frais, bien entendu, des autres collectivités territoriales, une part de leurs contributions au redressement des comptes publics de 2014 et 2015. Citons également la suppression en un an de la dotation nationale de péréquation, la DNP, alors que, par le passé, toute sortie d’une dotation de péréquation était toujours étalée sur quatre ans.
Parmi les aspects nécessitant sans doute d’être revisités figure la répartition de la dotation de centralité selon un indice de population porté à la puissance 5 qui ne permet pas de tenir compte de centralités secondaires au sein d’un même EPCI, tout en valorisant anormalement les structures défensives qui entourent celui-ci. Cette même dotation de centralité aurait pu connaître des fluctuations importantes du fait de la nouvelle carte des intercommunalités issue de la mise en œuvre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, raison pour laquelle le Premier ministre a fort sagement retardé d’un an la mise en application de cette réforme.
Lors donc que nous disposons d’un peu de temps pour affiner cette réforme, peut-être serait-il utile d’en réinterroger quelques attendus. Ainsi, alors que l’enveloppe globale de la dotation diminue, notre priorité ne doit-elle pas être d’en faire une dotation avant tout très fortement péréquatrice, qui corrige les écarts de richesse, notamment économique, entre des communes supportant des charges de même nature ? Dès lors, les transferts réalisés au titre du FPIC ne peuvent-ils pas être gelés et intégrés au calcul de la répartition de la DGF ?
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque nous parlons de la dotation globale de fonctionnement, nous parlons d’une réalité bien différente d’une collectivité territoriale à une autre : ressource majeure, du moins significative, pour nombre d’entre elles, la DGF présente, pour certaines autres, un caractère secondaire, voire insignifiant. Mais nous parlons aussi, au-delà des chiffres, de faits beaucoup plus intimes et personnels ; je veux parler de l’idée que se fait chaque maire de son rapport avec l’État. Songez, mes chers collègues, à la joie ou à l’incompréhension que ressent un maire selon qu’il se sent soutenu ou, quelquefois, abandonné par l’État, et à la déception de celui qui ne perçoit aucune dotation de centralité alors qu’il se bat depuis vingt ans pour convaincre l’État qu’il organise une centralité dans sa commune ! Souvenons-nous que la DGF, ce n’est pas seulement de l’argent ; c’est aussi une dimension du lien qui unit une collectivité territoriale à l’État.
À tous les maires et présidents d’EPCI, nous devons deux choses essentielles : la lisibilité et l’équité. Nous leur en devons aussi une troisième : la rapidité. C’est pourquoi je voterai, à l’instar de nos collègues députés, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016, malgré ses imperfections, dont j’ai mentionné certaines. Sortons de la posture facile du rejet et choisissons la voie beaucoup plus constructive de l’élaboration collective !
N’est-ce pas d’ailleurs le rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales, …