Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 18 novembre 2015 à 14h30
Protection des forêts contre l'incendie dans les départements sensibles — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’elle aboutisse ou qu’elle disparaisse dans les ténèbres de la navette parlementaire, cette proposition de loi restera comme la première rustine collée sur la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », laquelle, en supprimant la compétence générale des départements et des régions, rend obligatoire l’énoncé exhaustif des compétences que l’on entend leur attribuer. Le risque, inévitable, est d’en oublier, ou bien d’oublier, par exemple, que les départements – en tout cas dans les zones où le risque est fort – sont, depuis longtemps, des acteurs majeurs de la lutte contre les incendies de forêt.

Multiformes, leurs actions vont de la surveillance des massifs à l’alerte, de l’intervention – à travers notamment, mais non uniquement, les services départementaux d’intervention et de secours, les SDIS – au financement de la prévention par la réalisation de pistes de défense de la forêt contre l’incendie, ou DFCI, de pare-feu et de l’entretien, à travers la diffusion du sylvopastoralisme et les chantiers d’insertion, sans parler de la restauration de la forêt brûlée.

Dans un certain nombre de départements, comme le Var, dont je suis élu, le conseil départemental, en liaison avec la région, a permis l’équipement des réserves communales de sécurité, connues chez nous sous le nom de comités communaux « Feux de forêts » ; ces réserves sont devenues un acteur de terrain essentiel en matière de prévention et d’aide tant aux pompiers qu’à la sécurité civile.

De cette volonté sont nés des outils communs, telle l’Entente pour la forêt méditerranéenne, établissement public regroupant vingt-neuf collectivités, dont quatorze départements.

Aucun texte n’obligeant les départements à intervenir en matière de prévention des incendies de forêt et la loi NOTRe leur ôtant la possibilité de le faire « dans tout domaine d’intérêt départemental », l’objet de cette proposition de loi est, corrigeant ce que je me contenterai d’appeler un « oubli », de permettre aux départements de « financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts afin, d’une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, de reconstituer les forêts ».

S’il s’agit d’une faculté, d’une compétence facultative, et en rien d’une charge supplémentaire pour les départements qui ne se sentent pas concernés par ce risque – j’y insiste –, il me semble nécessaire de permettre d’agir à tous les départements qui le souhaitent, même s’ils ne l’ont pas fait jusqu’à présent. Cela est d’autant plus nécessaire que les changements climatiques annoncés ne semblent pas aller vers un rafraîchissement de l’atmosphère. C’est pourquoi je proposerai un amendement permettant de l’exprimer plus clairement.

Vu le rôle des régions, notamment du Sud méditerranéen, en matière de lutte et de prévention contre les incendies de forêt, je vous proposerai aussi un amendement visant à écarter toute ambiguïté en ce qui concerne l’action possible des régions. S’il n’y a pas d’ambiguïté, je le retirerai.

Au cas, improbable – mais on ne sait jamais –, où quelques collègues douteraient de la pertinence et de l’urgence d’une loi visant à prévenir les incendies de et à lutter contre ceux-ci, je rappellerai que les inondations catastrophiques de ces dernières années dans le sud de la France ne doivent pas nous faire oublier ce que furent, il n’y a pas si longtemps, les grands incendies de la zone méditerranéenne.

Ainsi, en 1985-1986, plus de 40 000 hectares de forêt furent détruits ; plus de 50 000 hectares le furent en 1989-1990 et plus de 20 000 en 1995.

Ces incendies gigantesques ont été à l’origine d’une mobilisation générale qui a porté ses fruits puisque, en moyenne, le nombre d’hectares détruits par décennie a été divisé par deux, ce succès ayant été, il est vrai, favorisé par une météorologie favorable.

Ainsi, seulement 2 883 hectares ont été détruits en 2011 et 1 100 en 2013, année tout à fait exceptionnelle au regard des premiers chiffres que j’ai cités.

Cela signifie-t-il que le problème soit résolu ? Certainement pas. En effet, ces résultats sont le produit des efforts de l’État et des collectivités en matière de surveillance, d’alerte et d’intervention terrestres et aériennes. Qu’ils cessent, et on se retrouvera alors à la case « catastrophe » de départ, d’autant plus que, aujourd’hui encore, les actions de débroussaillement – quels que soient les moyens utilisés – et, plus généralement, d’entretien sont restées largement insuffisantes. Or une politique vraiment efficace de lutte contre l’incendie de forêt passe par là.

En effet, la forêt n’est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu’il suffirait de placer sous haute surveillance pour la faire tenir tranquille. Elle ressemble plutôt à un dépôt de gaz qui fuirait : la biomasse produite à chaque instant, si elle n’est pas détruite par l’homme, par l’animal ou par le feu, demeure sur place, augmentant d’autant le risque potentiel. Plus tardive sera la destruction, plus catastrophique sera l’incendie, qui ne manquera pas de se déclarer au terme d’une période de sécheresse un peu sévère, un jour de mistral déchaîné.

Croyez-moi, chers collègues, l’heure n’est pas à baisser les bras face à cette calamité, et encore moins à couper ceux des principaux acteurs de la lutte. D’où cette proposition de loi.

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