Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, le bilan annuel de la campagne Feux de forêt permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées : alors que, entre 1994 et 2003, la moyenne s’établissait à 26 600 hectares incendiés par an, elle était descendue à 10 700 hectares par an pendant la décennie suivante. Le nombre global de feux a ainsi diminué et le nombre d’extinctions des feux naissants a significativement augmenté.
Cette évolution positive ne doit rien au hasard, même si elle peut, selon les années, être renforcée par des conditions météorologiques favorables. Les efforts conjugués de l’État et des collectivités locales pour prévenir les incendies de forêt contribuent significativement à réduire le nombre d’hectares brûlés.
Le législateur a mis en place un ensemble de mesures protectrices adaptées. Le code forestier organise la défense et la lutte contre les incendies de forêt en modulant ses prescriptions selon l’intensité du risque sur le terrain : certaines mesures sont applicables à l’ensemble du territoire national, d’autres ne le sont qu’aux bois et forêts classés « à risque d’incendie » par le préfet, tandis que les territoires « réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie », la « troisième zone », font l’objet d’un traitement particulier.
La contrainte des obligations imposées aux propriétaires forestiers et à l’aménagement du territoire croît donc en fonction du danger.
Sont classées dans cette troisième zone les forêts situées dans les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et les départements de l’Ardèche et de la Drôme, à l’exclusion de celles qui sont situées dans des massifs forestiers à moindres risques et figurant sur une liste arrêtée par le préfet.
Sur ces territoires, un plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts contre l’incendie est élaboré sous l’autorité du préfet, pour assurer la cohérence des actions conduites sur le terrain par les différents acteurs, dont les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les services de l’État et les propriétaires fonciers.
Ce plan, soumis pour avis aux collectivités concernées, définit des priorités pour chaque territoire constitué de massifs ou de parties de massif forestier, dans l’objectif de diminuer le nombre de départs de feux, de restreindre les surfaces brûlées, de réduire les risques d’incendie et d’en limiter les conséquences.
L’action des collectivités locales sur les territoires menacés s’établit ainsi à deux niveaux : d’une part, elle s’inscrit dans le dispositif général de défense et de lutte contre les feux de forêt et, d’autre part, elle est formalisée – pour les territoires concernés – dans le cadre de l’Entente pour la forêt méditerranéenne.
Les collectivités locales des régions particulièrement exposées au feu ont contribué à prévenir les incendies par différentes initiatives qui ne reposaient pas sur une compétence obligatoire, mais résultaient de la volonté des élus, se fondant sur la clause de compétence générale.
C’est pourquoi leurs actions varient d’un territoire à l’autre, se traduisant principalement par des dispositifs estivaux de surveillance et par la réalisation d’équipements de terrain. Elles visent également à l’information des populations et à leur sensibilisation aux risques, actions auxquelles contribuent notamment les bénévoles des comités communaux.
L’Entente pour la forêt méditerranéenne, quant à elle, est un outil des collectivités territoriales dédié à la protection de la forêt méditerranéenne. C’est un établissement public local auquel peuvent adhérer les régions, les départements, les établissements publics de coopération intercommunale et les services départementaux d’incendie et de secours territorialement concernés.
Cette entente regroupe aujourd’hui vingt-neuf collectivités, dont quatorze départements et services départementaux d’incendie et de secours.
En dehors de ce cadre, la compétence des départements reposait sur leur habilitation à agir dans tout domaine d’intérêt départemental dès lors que cette matière n’avait pas été attribuée de manière exclusive à une autre collectivité. En supprimant la clause de compétence générale des départements, l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République remet en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions conduites pour protéger les forêts. Les départements ne peuvent plus intervenir que dans les domaines de compétence que la loi leur attribue, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
C’est pourquoi, afin de préserver les actions conduites par les départements, notre collègue Pierre-Yves Collombat propose de prévoir explicitement la faculté, pour certains conseils départementaux, d’intervenir dans la défense des forêts contre l’incendie.
Deux catégories de départements pourraient l’exercer : d’une part, ceux dont les bois et forêts sont, aux termes de l’article L. 133-1 du code forestier, « réputés particulièrement exposés au risque d’incendie » – ils sont au nombre de trente-deux – et, d’autre part, ceux sur le territoire desquels sont situés des bois et forêts classés « à risque d’incendie » par le préfet, en application de l’article L. 132-1 du même code.
Ces départements seraient habilités à financer ou à mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts dans un double objectif : d’une part, prévenir les incendies et faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, reconstituer les forêts.
Les actions ainsi entreprises devraient s’inscrire dans le cadre des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre les incendies, afin d’en garantir la cohérence.
Soucieuse de préserver la compétence acquise au fil des ans pour réduire le risque qui pèse sur les territoires boisés, la commission des lois, sous réserve d’une clarification rédactionnelle, a adopté avec conviction le texte qui lui était proposé.
Celui-ci n’instaure pas une nouvelle compétence obligatoire pour les collectivités, il n’institue qu’une simple faculté ouverte aux départements. Le support juridique proposé est cependant indispensable pour permettre aux conseils départementaux de poursuivre leurs actions, qui, indéniablement, ont pour effet de réduire le risque d’exposition au feu des forêts françaises.
C’est pourquoi la commission des lois invite le Sénat à adopter le texte qu’elle a établi.