Madame la présidente, monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve. Chacun comprendra que, dans les circonstances du moment, le ministre de l’intérieur n’ait pu venir présenter la position du Gouvernement sur la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
J’interviens donc à sa place, même si j’ai, moi aussi, en tant que ministre chargé de la forêt, une responsabilité sur le sujet.
Ce sujet, dont nous avons débattu ensemble lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, me tient particulièrement à cœur. En effet, la prévention des feux de forêt est indissociable des questions du développement de la forêt, de son économie, de ses enjeux de multifonctionnalité. C’est une composante de la politique forestière.
La politique de prévention et de lutte contre les feux de forêt doit être menée de manière globale. Chacun doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités.
Madame la rapporteur, vous avez rappelé le rôle des propriétaires forestiers dans ce domaine. Pierre-Yves Collombat a, quant à lui, attiré l’attention sur la responsabilité agricole et agroforestière en la matière – nous veillons, d'ailleurs, à ce que l’agropastoralisme en zone forestière et en sous-bois soit aujourd'hui reconnu par la politique agricole commune. La politique de prévention engage également les collectivités territoriales et l’État.
En réalité, c’est le partenariat entre ces différents acteurs qui rend la politique de prévention efficace.
Si le dispositif national de prévention et de lutte contre les feux de forêt est un pilier de la politique forestière, c’est surtout un outil incontournable de la protection des biens et des personnes, compte tenu des risques que ceux-ci encourent en cas d’incendie de forêt.
Depuis une dizaine d’années, un bilan annuel des feux de forêt permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées – Mme la rapporteur l’a rappelé. Alors que, pour la période 1994-2003, plus de 26 000 hectares étaient incendiés chaque année en moyenne, nous avons divisé par plus de deux la superficie des surfaces brûlées au cours de la dernière décennie, en la ramenant à 10 700 hectares. C’est le résultat, encourageant, de la politique de prévention et d’action qui a été conduite. Nous devons absolument en tenir compte pour préparer l’avenir.
Pourtant, rien n’était acquis d’avance. On se rappelle, d'ailleurs, qu’il n'y a pas si longtemps, en 2003 – année de canicule –, 61 000 hectares avaient été brûlés et plus de 3 700 départs de feu avaient été constatés. Ces chiffres sont impressionnants.
Comme l’a indiqué Pierre-Yves Collombat, nous devons, face à cet enjeu, rester mobilisés et, surtout, continuer à nous sentir concernés.
C’est d’autant plus vrai compte tenu du défi que représente le changement climatique. Celui-ci est devant nous. Je ne reviendrai pas sur la COP 21, qui réunira, dans dix jours, des représentants de plus de cent pays, afin de lutter contre le réchauffement. Cette lutte nécessite que l’on prenne des mesures à la fois pour atténuer ce qui provoque ce réchauffement, mais surtout pour s’adapter à celui-ci et lutter contre ses conséquences, dont les feux de forêt font partie.
On sait que le réchauffement climatique pourrait étendre le risque d’incendies de forêt, qui, traditionnellement, concernait la zone méditerranéenne et le sud de la France, vers le nord de notre pays. Cette évolution nécessitera que l’on puisse offrir aux départements la possibilité d’engager des politiques de lutte contre les feux de forêt lorsque cela sera nécessaire, ainsi que Pierre-Yves Collombat vient de le demander.
Pour faire face aux enjeux de moyen terme liés au changement climatique, nous devons mener une réflexion globale sur l’ensemble des politiques qui ont été conduites.
Dans cette perspective, nous devons être capables de procéder à une évaluation de l’ensemble des mesures prises au cours des dix dernières années en matière de prévention et de lutte contre les incendies de forêt, de manière à distinguer celles qui ont été particulièrement efficaces, celles qu’il faut sûrement encore améliorer et celles qui doivent être corrigées en fonction de ce que l’on a pu constater sur le terrain.
Cela fait partie des objectifs que nous devons, ensemble, nous fixer.
À cet égard, j’estime que, au printemps 2016, un point devra être réalisé conjointement avec les collectivités locales et, bien sûr, l’Assemblée nationale et le Sénat, de manière à tirer toutes les conclusions utiles à la réflexion engagée.
Il s’agira d’évaluer les mesures prises ces dix dernières années. Il s’agira également de réfléchir à l’organisation de l’échelon zonal en zone sud et à la coopération de l’État avec les collectivités territoriales. Il conviendra encore d’ouvrir des perspectives sur un partage d’expériences entre la zone de défense Sud et l’Aquitaine. Il faudra, enfin, lister les actions qu’il pourrait être utile de déployer dans d’autres départements susceptibles d’être touchés à l’avenir en raison du réchauffement climatique.
Effectivement, pour ce qui concerne le court terme, il faut que l’on sécurise le cadre juridique de l’intervention des départements qui étaient déjà engagés dans la lutte contre les feux de forêt, selon les zones auxquels ils appartiennent. Comme Mme la rapporteur l’a rappelé, certains d’entre eux s’étaient déjà dotés de services et de fonctionnaires directement liés à cette lutte.
Je l’ai dit, les bons résultats des dix dernières années sont le fruit des efforts conjugués de toutes les collectivités locales et de l’État et du travail qui a été mené de manière conjointe ; je pense notamment à la diminution significative, de plus de moitié, des surfaces brûlées.
Dès lors, il faut lever les doutes qu’a fait naître l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, pour ce qui concerne la lutte contre les incendies de forêt, beaucoup de départements étant déjà engagés dans cette lutte en vertu de la clause de compétence générale.
La présente proposition de loi vise précisément à clarifier la nouvelle situation juridique issue de la loi NOTRe. Il s'agit de permettre aux départements déjà engagés dans la lutte contre les feux de forêt de continuer à agir, de manière coordonnée à l’échelle régionale et conjointement avec l’État.
Aujourd'hui, chaque région dispose déjà d’un certain nombre de compétences en la matière ; nous y reviendrons lorsque nous examinerons les amendements.
Toutefois, comme je l’ai rappelé en introduction, c’est la coordination de l’ensemble des acteurs concernés qui fait la réussite de la politique de lutte contre les incendies de forêt dans notre pays.