Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer votre initiative, monsieur Collombat. Cette proposition de loi tend en effet à préserver et à conforter les actions conduites par les départements dans le domaine de la protection des forêts contre l’incendie, actions qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Le problème auquel nous sommes confrontés est celui de la suppression de la clause de compétence générale des départements, qui remet en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions de surveillance et d’alerte, d’entretien et d’aménagement des massifs forestiers.
Celles-ci sont pourtant des actions de prévention et d’équipement ambitieuses destinées à prévenir le risque de feux de forêt, mais aussi à faciliter les actions de lutte contre les incendies ou de reconstitution des forêts.
Mon département, celui de l’Aude, assure par exemple des actions de communication s’adressant au grand public et aux professionnels, visant à réduire le nombre de départs de feux et à limiter la vulnérabilité des populations.
Il contribue largement au dispositif de prévention active, par la gestion et la maintenance des infrastructures de guet et par l’aide à l’animation – par quelque 700 bénévoles – des comités communaux de feux de forêt.
Il intervient également au titre de l’aide à la lutte contre les incendies, par la création et la préservation des coupures de combustible, ou coupures vertes, ainsi que de pistes et de bandes de sécurité débroussaillées, ou de points d’eau, moyens indispensables de cette lutte.
Je pourrais aussi évoquer l’Entente pour la protection de la forêt méditerranéenne, mais vous l’avez déjà fait avec talent, madame la rapporteur.
Bref, dans les régions dites « sensibles », les départements contribuent à prévenir les incendies par différentes initiatives.
Dès lors, à défaut de l’adoption de cette proposition de loi, et de la clarification juridique qu’elle prévoit, des pans entiers de ces politiques de prévention à haute utilité publique tomberaient.
Rien ne serait plus dommageable ou préjudiciable, car les départements disposent d’un savoir-faire reconnu en matière de protection des forêts contre les incendies. Ces dernières années, l’ensemble des actions engagées dans ce domaine ont d’ailleurs permis une augmentation significative de l’extinction des feux naissants, et donc une réduction du nombre global des feux et des surfaces brûlées.
Or chacun sait qu’un tel progrès aurait été impossible sans les efforts conjugués de l’État et des collectivités locales, parmi lesquelles les départements, pour prévenir les incendies de forêt.
Cela est nettement avéré, reconnu, confirmé.
Mettre un terme à ces collaborations entre l’État et les collectivités aurait, pour les régions les plus vulnérables, des conséquences extrêmement graves, d’autant plus préoccupantes que le réchauffement climatique – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre – provoquera sans doute possible l’aggravation de la nature des feux – en particulier sur le pourtour méditerranéen, où le réchauffement est déjà une réalité, et produira, selon les experts, des effets particulièrement importants.
Le bassin méditerranéen constitue ce qu’on appelle un hotspot : on y prévoit une augmentation de la température supérieure à la moyenne des prévisions planétaires.
Il sera par conséquent le théâtre d’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes, et notamment de sécheresses intenses et répétées.
Ce qui risque d’arriver, mes chers collègues, a d’ailleurs déjà commencé.
Autre problème : l’augmentation récente de la fréquence et de la longueur des épisodes de sécheresse, conjuguée à la multiplication des incendies, conduit immanquablement à un effondrement du fonctionnement biologique de l’écosystème dans les parties ravagées.
Une sécheresse persistante, après un feu, ralentit, voire interrompt, la régénération de la forêt. Inversement, l’impact d’un incendie est d’autant plus grave qu’il affecte un milieu venant de subir une période de sécheresse prolongée.
Le changement climatique, en intensifiant cette conjonction de feux et de sécheresses, ne peut donc que fragiliser ces écosystèmes.
Or, toujours selon les experts, si le changement climatique n’est pas contenu, la côte méditerranéenne pourrait voir ses périodes caniculaires – c’est-à-dire les jours où la température excède trente-cinq degrés Celsius – s’allonger de six semaines.
Les départements de l’arc méditerranéen, mais aussi d’autres zones, pourraient donc être menacés par des feux de forêt pendant la quasi-totalité de l’année.
Nous sommes nombreux, ici même, à souhaiter le succès de la COP 21, et sa traduction par des engagements fermes, chiffrés, vérifiables, au travers d’un accord contraignant, permettant la mise en œuvre de plans d’action et de lutte efficaces contre l’émission de gaz à effet de serre, et donc contre le réchauffement et le dérèglement climatiques.
Bien qu’il soit très difficile d’évaluer de façon précise le montant des contributions, « en nature » ou financières, de chaque partenaire, les chiffres témoignent du rôle essentiel des départements en matière de défense de la forêt contre les incendies : ceux-ci assument une part très majoritaire de l’effort des différentes collectivités territoriales – effort qui s’élève, en région méditerranéenne, hors financement des SDIS, à environ 100 millions d’euros.
Cela ne veut d’ailleurs pas dire que le rôle des communes, des EPCI et des régions, soit négligeable, même si l’implication de ces dernières est très contrastée.
L’adoption de cette proposition de loi est donc décisive. Il y va de la protection de nos forêts, véritable patrimoine et poumon vert de nos régions. Il y va également de la préservation de la biodiversité dans les zones vulnérables. Il y va enfin de la sécurité de nos concitoyens.
Le groupe socialiste votera donc ce texte, afin de clarifier et de sécuriser le cadre juridique permettant aux départements d’assurer ces missions, « en prévoyant explicitement […] la faculté d’intervention des conseils départementaux dans le champ de la défense des forêts contre l’incendie », selon votre expression, monsieur Collombat.