Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, mes chers collègues, Mme Catherine Tasca a parfaitement résumé la genèse de ce texte qu’elle a pris l’initiative de déposer et que nous examinons aujourd’hui. Elle me permet ainsi de concentrer mon propos sur les travaux de la commission, qui a élaboré son texte le 4 novembre dernier.
La commission des lois a revu les incompatibilités professionnelles applicables aux membres des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie, celles qui ont été décidées en 2013 sur l’initiative de l’Assemblée nationale soulevant de réelles difficultés de mise en place.
Le texte adopté en commission a retenu le principe proposé par Mme Tasca conduisant à exclure du champ de l’incompatibilité les emplois publics extérieurs à la Nouvelle-Calédonie, rendant ainsi possible le choix des membres de l’autorité locale de la concurrence parmi des fonctionnaires exerçant en métropole.
Ce texte correspond à une position équilibrée et respectueuse de la Constitution.
Tout d’abord, il est équilibré car il prend en compte l’avis émis par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 28 septembre 2015, à la suite de la saisine du président du Sénat, conformément à l’article 77 de la Constitution.
Le Sénat me semble exercer pleinement son rôle de représentant des collectivités territoriales de la République en accordant une attention particulière à l’expression des élus calédoniens.
La majorité du congrès de la Nouvelle-Calédonie souhaitait que le champ de l’incompatibilité professionnelle soit encore plus réduit que celui qui est proposé par Mme Catherine Tasca, en ne visant plus les fonctionnaires d’État exerçant localement. En complément, le congrès de la Nouvelle-Calédonie suggérait d’instaurer un délai de carence afin d’empêcher la désignation de personnes ayant exercé les fonctions rendues incompatibles.
Votre commission des lois a fait droit à cette seconde demande et a partiellement satisfait la première. Elle n’a pas souhaité totalement exclure les fonctionnaires d’État de l’incompatibilité, car il est délicat d’imaginer un haut fonctionnaire ou un haut magistrat affecté en Nouvelle-Calédonie qui exercerait parallèlement la présidence d’une autorité administrative indépendante locale. C’est un moyen de prévenir tout conflit d’intérêts mais également d’éviter une confusion des pouvoirs et des compétences.
En revanche, cette hypothèse a paru envisageable pour les autres membres de l’autorité qui seront, s’agissant de l’autorité locale de la concurrence, au nombre de trois.
C’est pourquoi la commission a adopté mon amendement dont l’objet est de distinguer la situation du président de l’autorité administrative indépendante des autres membres, l’incompatibilité étant plus exigeante pour le premier que pour les seconds. Le président serait soumis à une incompatibilité professionnelle plus rigoureuse puisqu’il ne pourrait exercer, comme le prévoyait la rédaction initiale du texte, aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie. En revanche, les autres membres pourraient exercer parallèlement un emploi public, mais uniquement au sein de l’État, notamment au sein des juridictions ou de l’université, conformément aux vœux du congrès de la Nouvelle-Calédonie et du député Philippe Gomes.
Ce faisant, votre commission des lois a opté pour une solution qui est conforme au principe d’égalité, car le président est, par rapport aux autres membres, dans une situation différente, ce qui appelle un traitement différent.
Contrairement à ce qui s’était passé en 2013, le législateur organique exerce sa compétence alors que le congrès de la Nouvelle-Calédonie a déjà adopté la loi du pays qui crée l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Nous savons donc que le président de cette autorité est appelé à des fonctions importantes puisqu’il exercera ses fonctions à plein temps ; je rappelle également qu’il sera celui auquel les autres membres devront faire état d’éléments de nature à entraîner un conflit d’intérêts.
Aussi, je me félicite du fait que ce texte qui manifeste, comme le soulignait Mme Tasca, un souci du compromis soit rédigé ainsi. Lorsque le président de la commission des lois rapportait, en juin 2015, le dernier projet de loi organique ayant trait à la Nouvelle-Calédonie, il s’était engagé auprès de Mme Tasca à permettre l’adoption de la disposition organique dont nous débattons aujourd’hui. Il a concrétisé son engagement en proposant, dès septembre, à la commission de me désigner comme rapporteur. M. le président du Sénat a consulté, dès le mois d’août, le congrès sur cette proposition de loi organique, lui permettant ainsi de s’exprimer en temps utile.
Ces dernières semaines, j’ai pu sereinement cheminer, en étroite collaboration avec l’auteur de la proposition de la loi organique, vers une rédaction de compromis. Cette dernière a été soumise, en toute transparence, à M. Philippe Gomes, rapporteur d’une proposition de loi organique sur le même sujet qu’il a déposée à l’Assemblée nationale, ainsi qu’à M. René Dosière, qui avait rapporté la loi organique du 15 novembre 2013, à l’origine de la rédaction actuelle. Des échanges fructueux ont permis d’aboutir à une approche convergente.
L’amendement que je vous présenterai vise, dans cet état d’esprit, à lever toute ambiguïté sur l’intention de la commission des lois du Sénat. Ce matin même, en examinant le texte déposé par notre collègue député Philippe Gomes, la commission des lois de l’Assemblée nationale a retenu, sur le fond, la même rédaction que celle qui vous est proposée ce soir.
Pour parachever ce rapprochement, je vous invite donc à adopter la proposition de loi organique ainsi que l’amendement que je vous présenterai. Vous contribuerez par ce vote, mes chers collègues, à lutter de manière décisive contre la « vie chère » – cela a été rappelé par Mme Tasca, auteur de la proposition de loi organique – dans cet archipel et à répondre ainsi à une préoccupation quotidienne de la population locale.