Madame la présidente, madame la ministre, madame l’auteur de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’avis de M. Thani Mohamed Soilihi sur la loi du 21 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer avait mis en exergue l’épineux et récurrent problème de la vie chère dans les outre-mer, difficulté amplifiée par l’insularité, l’éloignement des circuits de distribution ou encore les frais liés au transport aérien ou maritime.
En plus de ces contraintes, et pour répondre à des problématiques spécifiques, la Nouvelle-Calédonie s’est dotée d’un dispositif antitrust afin d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché sur son territoire, où les structures historiques de l’économie locale rendent particulièrement complexes la préservation de l’ordre public économique.
En effet, et comme le constatait l’Autorité de la concurrence dans son rapport du 21 septembre 2012, la Nouvelle-Calédonie souffre à la fois d’un marché relativement étroit, qui limite les gains d’échelle possibles des activités locales, et de situations d’oligopoles. Ces situations quasi monopolistiques se voient renforcées par certaines dispositions, telles que des barrières tarifaires et réglementaires mises en place pour protéger les entreprises locales de la concurrence, ce qui affecte fortement les prix, comme c’est malheureusement bien souvent le cas dans les économies insulaires.
Fort de ce constat, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a profondément rénové et modernisé le cadre juridique de la réglementation économique sur son territoire en faisant le choix d’agir sur les structures de marché plutôt que de contrôler les prix.
Ainsi, les pratiques anticoncurrentielles feront l’objet d’un contrôle étroit, qu’il s’agisse de comportements illégaux – entente, abus de position dominante – ou de structures nuisant au marché, en particulier de concentrations.
Les autorités calédoniennes ont donc décidé de la mise en place d’une autorité de la concurrence afin que celle-ci qualifie, interdise, voire sanctionne ce type de comportement déloyal.
Le choix fait d’une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs décisionnels, imposait de modifier les dispositions organiques formant le statut de la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où celle-ci déléguait ainsi une part de ses compétences.
Dès lors, comme notre discussion porte sur la création d’une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, il faut bien entendu mettre celle-ci en perspective avec les travaux de la commission d’enquête créée à l’initiative du RDSE sur les autorités administratives indépendantes.
Les conclusions du rapport sur le sujet, présenté par le président Mézard, font apparaître que les autorités administratives indépendantes, qui disposent d’un pouvoir considérable dans des secteurs clés de la nation, risquent de devenir « un État dans l’État » si leur prolifération n’est pas canalisée et si leur contrôle n’est pas assuré.
Par conséquent, il nous semble que l’apparition d’une autorité administrative indépendante, fût-elle de la concurrence et instituée en Nouvelle-Calédonie, pourrait être porteuse de risques quant aux équilibres institutionnels sauf si, là aussi, un cadre juridique strict et un contrôle effectif sont mis en œuvre.
Il est nécessaire que l’indépendance et l’impartialité de cette autorité administrative, ainsi que celles de ses membres, soient assurées. Or il nous semble, après une étude minutieuse du texte d’origine et de ses évolutions, que la proposition de loi organique garantit ces aspects.
En effet, le consensus auquel sont parvenues autorités locales et nationales sur les incompatibilités personnelles et professionnelles des membres de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie paraît bien à même de garantir la prévention des conflits d’intérêts.
La coopération à l’échelon infra-étatique sera également déterminante ; je regrette de ne pas avoir plus d’information sur ce point. Peut-être pourrez-vous m’éclairer, madame la ministre, sur les relations qu’entretiendront les autorités de la concurrence nationale et locale. Comment collaboreront-elles ? A-t-on envisagé la possibilité de mettre en place un système de question préjudicielle ?
Non seulement les dispositions légales dotent l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de pouvoirs et d’une responsabilité considérables, mais son président sera en outre habilité à siéger seul dans certains cas. Il lui sera possible d’interdire des opérations économiques très importantes en termes financiers et d’infliger des sanctions financières aux entreprises mises en cause.
Bien sûr, un recours devant les instances juridictionnelles est prévu ; néanmoins, la durée de telles procédures devra également être prise en compte.
Enfin, comme le soulignait le rapport de Jacques Mézard, que rejoignent mes interrogations précédentes, il ne faut pas qu’il y ait de transfert de pouvoir sans transfert de responsabilité, notamment devant les instances démocratiques qui se sont délestées d’une partie de leurs attributions au profit de l’autorité en question.
Aussi, nous nous félicitons du fait que la loi organique prévoit que, en contrepartie de cette indépendance, les conditions du contrôle de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie par l’autorité politique soient prévues, notamment par la rédaction d’un rapport d’activité présenté annuellement devant le gouvernement et le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Il faut toutefois, madame la ministre, qu’il ne s’agisse pas d’un rapport de plus et que celui-ci contribue véritablement à mettre en exergue les améliorations possibles de la réglementation des pratiques anticoncurrentielles en Nouvelle-Calédonie.
Dès lors, comme cette proposition de loi organique fait l’objet d’une approche consensuelle, notre groupe est majoritairement favorable à l’adoption de ce texte.