Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 18 novembre 2015 à 14h30
Autorités administratives indépendantes créées par la nouvelle-calédonie — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique qui nous est aujourd'hui soumise porte sur les institutions calédoniennes. Elle vise à faciliter la création d’une autorité administrative indépendante de la concurrence. En réalité, elle traduit des préoccupations économiques majeures des autorités calédoniennes, des partis politiques calédoniens et de l’opinion calédonienne.

Le constat est le même depuis plusieurs années – de nombreux rapports parlementaires s’en sont fait l’écho –, le secteur économique calédonien connaît des problèmes de concurrence pour la fourniture de biens et de services, dont le corollaire immédiat est le coût élevé des produits de première nécessité. Ce sont sur ces deux domaines qu’ont porté les efforts des acteurs économiques et des partis en présence.

Le premier point que j’aborderai concerne les prix. Les causes de leur niveau élevé sont bien connues : l’insularité, l’éloignement des circuits de distribution, les habitudes de consommation, les frais de transport, et des progrès qui doivent être accomplis en matière de concurrence.

Depuis 2012, le principe est la liberté des prix, assortie de deux exceptions : la liberté surveillée – les prix sont déposés auprès du service compétent du gouvernement calédonien au moins quinze jours avant leur entrée en vigueur – et la liberté contrôlée – les prix déposés sont soumis à l’accord préalable de ce gouvernement.

Deuxième point, qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui, le manque de concurrence a un impact évident sur les prix.

Les autorités calédoniennes ont modernisé l’arsenal juridique qui était à leur disposition. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté à l’unanimité la loi du pays du 14 février 2014 qui institue un contrôle des concentrations. Les autorités calédoniennes ont choisi de confier, à terme, la responsabilité des contrôles à une autorité administrative indépendante.

Cette création est d’ores et déjà possible. Répondant en effet au souhait du Comité des signataires, la loi organique du 15 novembre 2013, votée à l’unanimité, a permis au congrès de la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes.

La loi organique soumet les membres de ces autorités à un régime d’incompatibilité stricte, afin de renforcer leur indépendance et d’empêcher les conflits d’intérêts. Elle prévoit que « la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation ».

La loi du pays du 14 février 2014 a d’ores et déjà créé l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Elle doit « veiller au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie ». Elle comprendra un président et trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, parmi lesquels sera désigné un vice-président. Le président exercera ses fonctions à plein temps, les autres membres seront « non permanents ». Toutefois, cette instance n’a toujours pas été installée à ce jour.

Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fait connaître les difficultés qu’il rencontrait pour recruter des membres au regard des incompatibilités prévues par le législateur organique.

La proposition de loi organique de Mme Tasca et des membres de son groupe a pour but de remédier à ces difficultés.

Saisi par le président du Sénat, en application de l’article 77 de la Constitution, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a, le 28 septembre 2015, émis un avis favorable sur ce texte sous réserve d’une demande de complément et de modification.

D’une part, le congrès appelle à reprendre une rédaction plus souple de l’incompatibilité. Il propose de « limiter l’interdiction aux emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie, sous l’autorité des instances calédoniennes », envisageant que « des fonctionnaires d’État – magistrats financiers ou professeurs d’économie, par exemple – pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s’installer ».

D’autre part, le congrès s’interroge « sur la possibilité d’introduire un délai de carence d’au moins trois années s’agissant d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l’État ou d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l’âge de la retraite », appelant à retenir un « délai significatif ».

Le texte adopté par la commission des lois est une solution de compromis par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi organique et à l’avis exprimé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Les incompatibilités seraient différentes selon la nature des fonctions exercées au sein de la nouvelle autorité. Son président serait assujetti à une incompatibilité avec tout emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie, les autres membres à une incompatibilité avec tout emploi public exercé dans les institutions locales.

Un délai de carence de trois ans est prévu empêchant la désignation de ces membres s’ils ont exercé les fonctions couvertes par les incompatibilités professionnelles trois ans auparavant.

Notre groupe votera la proposition de loi organique telle qu’amendée par la commission des lois. Il y voit une nouvelle occasion de montrer son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à sa prospérité économique et sociale.

Nous souhaitons, bien sûr, qu’une approche consensuelle puisse être trouvée entre les deux assemblées, comme il est d’usage depuis de nombreuses années pour les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

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