Monsieur le président, avec votre permission, je prendrai un peu plus de temps pour présenter l’amendement n° 14. L’argumentaire que je développerai vaudra également défense des amendements n° 15 et 16.
La présente proposition de loi a, certes, un objectif vertueux : faire davantage contribuer les entreprises françaises au respect des droits de l’homme et des normes sanitaires et environnementales, ainsi qu’à la lutte contre la corruption dans le monde. La commission des lois a cependant conclu à son rejet, pour trois séries de raisons.
En premier lieu, le texte comporte de nombreuses imprécisions et ambiguïtés juridiques : incertitude sur l’éventuelle portée extraterritoriale pouvant résulter de l’extension du plan de vigilance aux sous-traitants et fournisseurs étrangers ; imprécision des normes de référence du plan de vigilance et contenu insuffisant du décret prévu pour préciser les dispositions relatives au plan ; incertitudes sur la procédure permettant d’enjoindre une société à établir le plan, et surtout sur celle permettant au juge de prononcer une amende civile en cas de manquement ; incertitudes sur la portée réelle du régime de responsabilité prévu en cas de manquement, du fait de l’extension du plan aux sous-traitants étrangers ; instauration d’une forme d’action de groupe permettant aux associations, en cas de manquement, d’agir en responsabilité sans être victimes ; obligation d’ingérence des sociétés mères dans la gestion de leurs filiales et sous-traitants.
Ces imprécisions soulèvent des interrogations d’ordre constitutionnel quant à de possibles atteintes au principe de clarté de la loi, à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, au principe de responsabilité et au principe selon lequel nul ne plaide par procureur.
En deuxième lieu, alors que la portée des législations étrangères comparables est beaucoup plus limitée, ce texte, dépourvu d’évaluation préalable, risque de porter une atteinte disproportionnée à la compétitivité des entreprises françaises et à l’attractivité de la France.
Les entreprises étrangères intervenant sur le marché français ne seraient pas soumises aux mêmes obligations, ce qui créerait en outre des distorsions de concurrence sur le marché européen.
Ces obligations auraient des conséquences sur les PME françaises sous-traitantes, du fait de l’extension du plan de vigilance, et imposeraient à l’ensemble des chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises, en France et à l’étranger, des coûts de mise en œuvre et de contrôle du plan qui ne sont d’ailleurs pas évalués
En troisième lieu, l’Union européenne semble l’échelon pertinent pour traiter des préoccupations de ce texte, sur la base de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises. Cette directive prévoit que les entreprises doivent publier des informations sur leur politique de prévention des risques en matière sociale et environnementale, de droits de l’homme et de corruption, et rendre compte des procédures de diligence raisonnable qu’elles mettent en œuvre à cette fin.
Dans ces conditions, il n’est pas assuré que la proposition de loi soit un outil adapté pour atteindre efficacement l’objectif.
En conséquence, le présent amendement tend à supprimer l’article 1er de la proposition de loi.