Je vais donner l’avis de la commission des finances sur cette série d’amendements, qui concernent essentiellement le dispositif Dutreil.
L’amendement n° I–166 visant à supprimer ce dispositif, nous ne pouvons bien sûr qu’y être défavorables, puisque les amendements suivants n° I–29, I–30 et I–31 de la commission visent au contraire à améliorer ce dispositif, qui est utile pour la transmission d’entreprises. Le supprimer serait absolument catastrophique.
L’amendement n° I–193 présenté par notre collègue Philippe Dominati vise à supprimer l’ISF. Certes, je suis d’avis que cet impôt entraîne un certain nombre d’effets pervers. La France est d’ailleurs un des seuls pays à avoir une fiscalité de ce type sur le patrimoine, la plupart des États qui en avaient une l’ayant supprimée. C’est le cas de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Suède ou d’autres pays, qui ne disposent plus d’une telle fiscalité. Ce débat est légitime, mais le coût de cette suppression, qui est de 5, 6 milliards d’euros, est incompatible avec l’état actuel de nos finances publiques. La commission émet, pour cette raison, un avis défavorable.
L’amendement n° I–165 présenté par le groupe CRC tend à abaisser le seuil d’assujettissement à l’ISF de 1, 3 million d’euros à 800 000 euros, et à augmenter les taux du barème jusqu’à 1, 80 %.
À ce sujet, je me permets de faire un petit rappel historique. En 1982, année de création de ce que l’on appelait alors l’IGF, impôt sur les grandes fortunes, le taux marginal était de 1, 5 %, mais le taux de rendement des placements n’avait rien à voir avec celui que nous connaissons actuellement. §Par exemple, le taux de l’emprunt Mauroy devait être à 14 % ou 15 %, alors qu’aujourd’hui M. le secrétaire d’État ne cesse de nous rappeler la faiblesse des taux d’intérêt, en ce qui concerne tant les emprunts d’État que les autres placements.
Aujourd’hui, les rendements ont donc considérablement baissé. En revanche, les taux d’imposition se sont maintenus. Aussi, le renforcement du barème avec un taux à 1, 80 % serait tout à fait contre-productif, d’autant plus s’il est couplé à un abaissement du seuil. Les effets en seraient désastreux. L’ISF constituant déjà une exception française, il serait malvenu d’aller encore plus loin dans l’exception. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° I–170 présenté par le groupe CRC a pour objet d’inclure dans l’ISF les biens professionnels au-delà de 2 millions d’euros, si j’ai bien compris. Évidemment, nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement. Nous avons déjà parlé d’exil fiscal. Nous pouvons sans doute échanger des chiffres, sur lesquels nous ne sommes pas d’accord. Cependant, à mon sens, s’il y a vraiment un moyen pour faire fuir les entrepreneurs, c’est bien d’inclure l’outil de travail dans l’assiette de l’ISF.
Le principe de l’exonération n’a jamais été remis en cause depuis l’origine, et il serait tout à fait contre-productif de le faire aujourd’hui. Pour le coup, il n’y aurait plus beaucoup de créateurs d’entreprises en France.
L’amendement n° I–388 rectifié présenté par M. Delahaye et les membres du groupe UDI-UC vise à exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission des parts de société, sous réserve que l’héritier, le donataire ou le légataire conserve les parts pendant une durée minimale de dix ans. Les auteurs de cet amendement proposent d’aller plus loin que le dispositif Dutreil. C’est évidemment un vrai sujet, mais le coût, évalué à 500 millions d’euros, est assez élevé. C’est pourquoi la commission des finances a préféré proposer aux auteurs de se rallier à ses propres amendements, présentés précédemment, qui ont pour objet d’améliorer le dispositif Dutreil, en supprimant notamment un certain nombre d’obstacles ou de difficultés. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, compte tenu, je le répète, de son coût pour les finances publiques.
Les amendements n° I–194 et I–195, présentés par Philippe Dominati, concernent la résidence principale. C’est également un vrai sujet, car, comme l’ont dit plusieurs de nos collègues, le coût de l’immobilier, notamment à Paris et en région parisienne, s’est considérablement élevé. Or il y a quand même une différence de nature, d’ailleurs reconnue par la législation fiscale existante, entre l’ISF sur la résidence principale et celui qui est applicable aux autres biens : par définition, la résidence principale n’est pas productrice de revenus.
Par exemple, des contribuables ayant acheté leur appartement voilà quelques années peuvent se trouver désormais soumis à l’ISF du fait de la hausse des prix sans avoir pour autant les revenus permettant d’assurer le paiement de l’impôt. Cela fait une grande différence avec un placement en actions ou sur de l’immobilier locatif. Le contribuable propriétaire peut être victime, ou bénéficiaire, c’est selon, de la hausse des prix, mais il n’a pas pour autant plus de capacités contributives, c’est-à-dire des revenus assez élevés. Il n’est qu’à voir les prix d’un appartement de 100 mètres carrés à Paris pour se rendre compte qu’on peut très vite entrer dans l’ISF.
D’ailleurs, si la législation fiscale actuelle accorde un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale, c’est bien pour tenir compte du fait qu’il n’y pas de revenus afférents à ce bien immobilier.
L’amendement n° I–194, cosigné par un certain nombre de collègues, tend à exonérer totalement d’ISF la résidence principale. En l’espèce, il est permis de se demander s’il n’y a pas un risque d’inconstitutionnalité. Par ailleurs, une telle mesure aurait un coût de 1 milliard d’euros, ce qui est trop élevé pour nos finances publiques. Nous proposons donc le retrait de cet amendement, alors que nous avons émis un avis de sagesse sur l’amendement n° I–195, lequel vise, lui aussi, à répondre à la difficulté posée par la résidence principale non productrice de revenus. En l’occurrence, ses auteurs proposent de porter de 30 % à 50 % l’abattement que je viens d’évoquer. Cette mesure permettrait de tenir compte de la hausse des prix, singulièrement en Île-de-France, car il n’y a pas que les propriétaires de champs de pommes de terre de l’île de Ré qui sont concernés.
Je le répète, il peut y avoir des propriétaires qui n’ont pas de ressources suffisantes, et qui se retrouvent pénalisés simplement parce qu’ils sont détenteurs de leur résidence principale. On pourrait même considérer qu’il y a une forme d’iniquité à voir un propriétaire d’outil de travail totalement exonéré. Encore une fois, l’achat d’une résidence principale n’est pas un choix de placement immobilier. On a besoin de se loger et on subit de ce fait une imposition, qui devient parfois extrêmement élevée. L’idée d’augmenter le montant de l’abattement répond à cette problématique.
Eu égard au coût de cette mesure – il avait été estimé à 270 millions d’euros en 2011, mais peut-être M. le secrétaire d’État a-t-il des chiffres plus précis aujourd’hui –, la commission des finances s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
L’amendement n° I–279, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC, a pour objet de plafonner à 200 000 euros l’abattement de 30 % sur la résidence principale.