Intervention de René Beaumont

Réunion du 6 mai 2010 à 9h30
Lutte contre la piraterie et police de l'état en mer — Discussion d'un projet de loi

Photo de René BeaumontRené Beaumont :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ces dernières années ont vu l’essor d’un nouveau fléau : nous assistons en effet à l’augmentation des actes de piraterie. C’est un nouveau défi auquel la Communauté européenne et notre pays en particulier doivent faire face. C’est aussi tout l’enjeu du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui.

Il devenait urgent de mettre en place un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie en s’appuyant sur la convention de Montego Bay, d’une part, et en reprenant les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, d’autre part.

Grâce à ce texte, la France disposera d’un cadre légal pour intervenir, appréhender et détenir éventuellement les pirates. Surtout, la France ne pourra plus faire l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut le cas en 2008 avec l’arrêt Medvedyev.

À mon sens, l’adoption de ce texte correspond également à l’envoi d’un double message.

Le premier s’adresse à nos partenaires européens, qui pourront ainsi constater l’attachement de la France au respect des institutions et du droit européens. L’adoption de ce texte démontre la volonté française de s’y conformer totalement.

Le second message s’adresse aux pirates eux-mêmes. Si l’arrêt, justifié, de la Cour européenne des droits de l’homme a pu être interprété comme un laissez-passer, alors l’adoption de ce projet de loi par la France peut apparaître comme un sévère avertissement.

Les pirates laissent planer une menace sur les 25 000 navires qui croisent chaque année au large des côtes somaliennes. Ces actes de kidnapping sont d’autant plus odieux qu’aucune distinction n’est faite entre les bateaux de plaisance, les navires commerciaux ou les navires du programme alimentaire mondial à destination des populations démunies pour qui ces cargos sont, bien évidemment, vitaux.

À cette menace s’ajoutent l’angoisse d’une demande de rançon et l’incertitude sur l’avenir des cargaisons, dont la valeur marchande atteint souvent plusieurs millions d’euros.

Les conséquences de ce pic de dangerosité se traduisent par une très forte augmentation des assurances pour les armateurs, qui n’ont pas toujours d’autres choix que de transiter par le golfe d’Aden ou l’océan Indien.

Nous nous souvenons tous du Sirius Star : la cargaison était estimée à 100 millions de dollars et les demandes de rançon s’élevaient 25 millions d’euros !

Bien qu’il demeure difficile de dresser un profil type des pirates et de leur appartenance à certains réseaux ou groupes mal identifiés, il apparaît clairement que le trafic maritime représente pour ces individus une manne financière illimitée. J’irai même plus loin, c’est là un fonds d’investissement qui leur permet d’acquérir de véritables arsenaux militaires, lesquels font désormais partie intégrante de la parfaite panoplie du pirate du XXIe siècle.

D’ailleurs, lorsque l’on observe l’état de leurs embarcations – les « bateaux-mères » – s’élançant à l’assaut de supertankers, on ne peut que constater que leur témérité n’est pas si éloignée de celles des flibustiers ou des boucaniers des siècles passés !

Sur ce sujet, je me réjouis de l’adoption de l’amendement de mon excellent collègue André Trillard permettant aux autorités de saisir et de détruire les embarcations.

L’adoption de ce projet est primordiale pour notre pays. Comme certains d’entre vous l’ont rappelé, la France est un acteur majeur, au sein de la Communauté européenne, dans la lutte contre la piraterie maritime. Nous avons la lourde responsabilité d’élaborer un cadre juridique le plus précis possible qui lui permettra d’accomplir cette mission.

Par ailleurs, si l’on prend en compte le fait que les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la planète et que 90 % du transport de marchandises passe par les voies maritimes, nous aurons un rapide aperçu du chemin qu’il reste à parcourir aux États pour assurer la sécurité totale des navires.

À terme, nous pouvons craindre la mise en place « d’opérations de maintien de la sécurité maritime », menées par les acteurs de la PSDC et les alliés.

Enfin, je souhaiterais également attirer votre attention sur le détournement des cargaisons et les catastrophes écologiques, humanitaires et économiques qui peuvent en résulter.

Certes, les pirates n’ont aucun avantage à détériorer les cargaisons, bien au contraire, mais les risques d’accidents demeurent. C’est en particulier le cas lors d’attaques de supertankers – le Sirius Star transportait 2 millions de barils de pétrole – ou de bateaux-citernes, qu’ils contiennent des produits chimiques ou du gaz.

Ces détournements de supertankers, qui transportent des matières énergétiques en des temps où celles-ci tendent à se raréfier et où leur prix s’envole, nous poussent à nous interroger sur les « transports de marchandises stratégiques ». Les conséquences sur les marchés des matières premières sont loin d’être négligeables. Le problème de l’assurance a d’ailleurs été évoqué.

Bien sûr, ces enjeux ne sauraient tous être traités dans le projet de loi qui nous occupe ce matin. Toutefois, ce texte permettra à la France de réprimer les actes de piraterie et de juger désormais légalement leurs auteurs, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

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