Intervention de Jean-Jacques Lasserre

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 novembre 2015 à 14h30
Loi de finances pour 2016 — Mission « agriculture alimentation forêt et affaires rurales » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques LasserreJean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis :

En dépit d'une bonne année céréalière, les cours mondiaux sont en baisse. Quant à l'élevage, la situation actuelle se passe de commentaires et les dispositifs mis en place n'ont pas eu les effets escomptés, en particulier pour la production porcine : les prix n'ont pas augmenté.

Comme l'a constaté M. César, pour la cinquième année consécutive, ce budget est en baisse. Les aides européennes compensent ces réductions de crédits, notamment grâce au transfert du premier pilier sur le second pilier. En outre, le Casdar pallie les déficiences du budget. Les agriculteurs, quant à eux, demandent beaucoup plus de régulation et de simplification. Ce budget nous laisse donc un peu sur notre faim.

Quatre points me semblent très préoccupants : d'abord, les assurances et la gestion des risques. Cette question ne relève que partiellement de la loi de finances. Le fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA) n'est toujours pas doté de crédits d'État. La loi de finances prévoit de diviser par deux la taxe additionnelle aux primes d'assurance versées par les agriculteurs pour alimenter ce fonds. Certes, il s'agit d'un allègement de charges, mais aussi d'un affaiblissement du FNGRA qui a rendu de grands services.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ponctionne de 255 millions d'euros les réserves du FNGRA. La loi de finances pour 2016 ne comporte plus de crédits en faveur des assurances. La prise en charge du soutien à la souscription d'assurances par les agriculteurs est totalement transférée au deuxième pilier de la PAC : le désengagement de l'État est donc patent. Nous devons dépasser la seule logique de la couverture des risques climatiques, sanitaires et environnementaux, risques auxquels répondent l'assurance récolte et le fonds national.

En outre, je m'inquiète de l'évolution de la politique agricole aux États-Unis : pour les dix prochaines années, le nouveau Farm Bill sera doté de 955 milliards de dollars sur 10 ans pour soutenir la consommation mais surtout la production. La plupart des spécialistes estiment que cette politique aura une influence considérable sur les marchés mondiaux. Le soutien à notre agriculture est donc indispensable.

S'agissant de l'assurance, le contrat socle gagnera en souplesse, ce qui est positif : il pourra ainsi couvrir les pertes fourragères. Nous devons tout faire pour généraliser l'assurance et en réduire le coût. Jusqu'à présent, nous avons difficilement atteint 65 % de taux de subvention : à nous d'être vigilants, d'autant que nous ne savons pas quelle sera l'évolution du budget européen.

La section assurance du FNGRA n'était dotée cette année que de 97 millions d'euros alors que les besoins ont été nettement supérieurs : 2016 risque donc de poser problème. Pour soutenir l'assurance et tenir l'engagement de subventionner la souscription à hauteur de 65 % du montant de la prime, il faudrait relever les moyens du premier vers le second pilier.

Même avec le contrat socle, nous n'allons pas assez loin dans la mise en place d'une logique assurantielle. Ce contrat ne couvrant que les évènements climatiques, il ne prémunit pas contre une baisse des cours aux origines purement économiques. Il en va de même pour la déduction pour aléas (DPA) qui est inchangée pour 2016, mais les conditions d'utilisation, compliquées, expliquent son relatif insuccès. Il convient donc de faire évoluer cet instrument pour permettre aux agriculteurs de l'utiliser. Le chantier de la gestion des risques en agriculture reste donc entier pour l'année prochaine.

J'en viens à la sécurité sanitaire qui fait l'objet du programme 206. Nous connaissons la situation des départements touchés par la fièvre catarrhale ovine (FCO). Cette fièvre restreint les mouvements d'animaux alors qu'un million d'ovins est exporté. D'autres menaces se profilent, notamment la tuberculose bovine. Quant aux productions végétales, l'arboriculture et la viticulture, il semblerait que des attaques virales, qui n'existaient pas jusqu'à présent dans notre pays, se précisent. Les budgets prévus ne sont pas suffisants. Il s'agissait jusqu'à présent d'une compétence départementale, mais nous ne savons pas ce qu'elle va devenir : soyons vigilants, car l'année à venir risque d'être difficile.

On nous annonce une pénurie de vaccins contre la fièvre catarrhale alors que nos laboratoires ont des capacités de production importantes. C'est pour le moins étonnant.

Ma troisième remarque a trait au Casdar : ce compte n'est plus alimenté par l'État mais par des prélèvements sur l'activité agricole, d'où des recettes directement tributaires de la production agricole. L'architecture des financements actuels n'en garantit donc pas la pérennité.

Les crédits consacrés à la forêt atteignent un plancher historique, en passant sous la barre des 300 millions d'euros. Les trois-quarts des crédits sont alloués à la gestion des forêts publiques qui représentent un quart de la forêt française, mais 40 % des coupes de bois. Le point principal tient au maintien du versement compensateur et de la subvention d'équilibre de l'État à l'ONF.

S'agissant du contrat d'objectifs et de performances (COP) qui vient d'être signé, nos auditions ont démontré que l'ONF allait mieux gérer les coupes et les ventes de bois. Pour leur part, les communes forestières qui ont mené une légitime offensive ont obtenu satisfaction. En contrepartie, elles se sont engagées à augmenter les coupes et à se regrouper, ce qui permettra à l'ONF de réaliser des économies d'échelle.

En ma qualité de rapporteur pour avis, j'émets un avis de sagesse sur l'adoption des crédits de cette mission et un avis favorable à l'adoption des crédits du Casdar.

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