Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enseignement des savoirs et la recherche participent à la transmission d’un modèle de valeurs qu’il importe plus que jamais de défendre. L’enjeu est majeur, et il convient d’analyser les moyens alloués à ce titre par l’État.
Cette mission semble ne pas subir les réductions budgétaires que d’autres connaissent. Au cours de la première lecture à l’Assemblée nationale, un abondement supplémentaire de 100 millions d’euros a été introduit par voie d’amendements pour tenir compte des conditions de la rentrée universitaire. Un autre amendement présenté par le Gouvernement augmente les crédits de la recherche, mais il s’agit en fait d’une opération technique neutre.
Le niveau des crédits nous préoccupe, car, récemment, nous avons pu constater qu’entre l’affichage d’un budget et la réalité de son exécution, il pouvait exister plus qu’un simple écart.
S’agissant des universités, la loi Fioraso de 2013 n’entendait pas remettre en cause l’autonomie des établissements instituée par la loi de 2007. Nous nous en sommes réjouis, mais nous avons vite déchanté : nous assistons à une recentralisation insidieuse qui s’est notamment manifestée par le prélèvement sur les fonds de roulement des universités et des écoles qui disposaient de quelques réserves. Grâce à cela, le Gouvernement a pu distribuer généreusement quelques subsides à des universités en difficulté.
Ce jeu de vases communicants organisé par l’État en 2014 est tout à fait discutable.
Aujourd’hui, nous constatons toujours que l’État se désengage du volet « enseignement supérieur, recherche » des contrats de plan État-régions, bloquant ainsi nombre de projets structurants pour les établissements. La politique que votre gouvernement conduit à l’égard des collectivités territoriales prive aussi nos universités de soutiens locaux indispensables.
Notre visibilité sur l’exécution du budget de 2015 n’est pas très claire. Si les crédits de la recherche culturelle et de la culture scientifique augmentent de 4, 8 %, tous les autres programmes sont en baisse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez renoncer à de nouveaux prélèvements – du moins sur les universités –, mais vous n’évoquez pas le sort des grandes écoles. Le doute subsiste.
En application de la loi de 2013, les universités sont désormais regroupées en communautés d’universités et d’établissements. Sur les 1 000 emplois que vous destinez à ces COMUE, un tiers environ sont déjà destinés à la gestion administrative. Les fusions ambitionnent de mieux rationaliser les fonctions support, mais la tâche est bien plus complexe pour les communautés d’universités en réseau, pour lesquelles l’éloignement géographique demeure un obstacle.
Afficher des ensembles de taille imposante n’est pas une garantie de pertinence en matière d’efficacité.
Dans un contexte budgétairement contraint, ces recompositions structurelles et ces flux nouveaux interrogent sur les moyens qu’il convient de fournir aux acteurs publics et privés de l’enseignement supérieur.
Les universités ont plus que jamais besoin d’autonomie. Elles doivent être en mesure de développer des stratégies locales adaptées à leur territoire pour atteindre les objectifs que vous leur assignez. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, les priver de marges de manœuvre et les exhorter à optimiser leurs moyens et à développer leurs ressources propres, notamment via la formation professionnelle continue.
Nous regrettons également que les universités soient plongées dans l’incertitude quant aux évolutions, promises mais jamais précisées, du modèle d’allocation des ressources en fonction de leur activité et de leurs performances. Il s’agit de respecter leurs démarches lorsqu’elles préparent, par exemple, leur projet d’établissement, étape clé de la contractualisation avec l’État. Cela permettrait aussi un suivi parlementaire mieux éclairé quant à la stratégie que l’État poursuit dans le domaine de l’enseignement supérieur.
Pour en revenir au contexte spécifique de cette rentrée 2015, les augmentations d’effectifs que les universités doivent assumer mériteraient d’être mieux renseignées tant elles ne semblent pas toujours correspondre à une évolution de la démographie locale des lycées. Nous souhaitons une analyse plus précise de cette situation.
Ces flux nouveaux, qui doivent se poursuivre au cours des années à venir, conduisent vers les universités des publics dont il nous paraît nécessaire de mieux connaître les aspirations, les profils et les parcours. Plus que jamais, ces flux exigent un travail majeur sur l’orientation et la liaison entre le lycée et l’université, tout autant que sur l’adaptation des formations, notamment aux besoins des entreprises.
Nous aimerions être convaincus que des solutions concrètes sont engagées. Il ne s’agit pas d’autoproclamer l’attractivité de l’université. Les jeunes doivent pouvoir réussir une insertion professionnelle, car l’échec nourrit des frustrations, des tensions et des sentiments d’exclusion.
La bourse au mérite ne nous rassure pas sur l’accompagnement que vous entendez accorder aux plus méritants de nos étudiants. Après avoir suspendu le dispositif, vous avez créé l’illusion de son rétablissement sous la pression de la société civile et des sénateurs, mais en réduisant drastiquement -de moitié -, leur montant. Un réel soutien social aux étudiants est pour nous incontournable. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire.
Nous nous inquiétons également quant aux droits d’inscription des étudiants. Nous en débattrons, entre autres, dans le cadre de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la STRANES.
S’agissant de la recherche, on ne peut que regretter l’absence d’une stratégie à long terme, qui constitue un frein à l’innovation et ne peut que creuser encore le retard de notre pays par rapport à ses partenaires étrangers. Ainsi, le numérique se développe dans tous les domaines, mais les moyens des organismes de recherche français ne permettent pas de développer suffisamment de projets d’avant-garde, alors que nous en avons pourtant la compétence.
Dans le domaine scientifique, nous manquons d’opportunités pour les jeunes chercheurs, qu’il s’agisse du recrutement ou du signal donné aux futurs doctorants. L’Agence nationale de la recherche, acteur national majeur pour le financement sur projets, conserve le niveau de ses crédits pour 2016, mais elle avait subi de fortes baisses qui l’ont fragilisée, en 2014 comme en 2015.
Par ailleurs, il convient de renforcer la protection des universités – et je veux me faire ici l’écho de l’hommage qui est rendu en cet instant même aux victimes des attentats de ces dernières semaines.
Protéger les universités a un coût. Ainsi, Cergy-Pontoise a déjà déboursé 180 000 euros en janvier, après les premiers attentats. À Créteil, le renfort est estimé à 8 000 euros par jour depuis les attentats du 13 novembre. Or l’état d’urgence est prolongé de trois mois. Les universités qui ont engagé des moyens supplémentaires pour la sécurisation de leurs sites assurent que, sans une aide de l’État, elles ne pourront pas la financer. Elles ne disposent pas des moyens budgétaires pour faire face à cette situation.
Monsieur le secrétaire d’État, quels moyens l’État est-il prêt à dégager pour la sécurisation de nos universités dans ce contexte d’état d’urgence prolongé ?
Pour finir, nous sommes surpris que l’amendement du Gouvernement voté en première lecture par l’Assemblée nationale soit un mouvement technique interne au budget concernant les financements de l’État pour le démantèlement d’installations nucléaires, pour un montant de 321 millions d’euros, un transfert des missions qui ne saurait constituer des moyens supplémentaires pour la recherche.
Toutes ces imprécisions confortent nos interrogations et nos inquiétudes sur le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Pour ces raisons, le groupe UDI-UC sera attentif à la suite du débat et au vote des amendements pour arrêter une position définitive. À ce stade, notre groupe est plutôt enclin à s’abstenir.