Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentats du 7 janvier 2015 ont entraîné le déclenchement de l’opération Sentinelle. Avant cette série d’attaques terroristes islamistes, au cours desquelles ont été tués des journalistes, des policiers et des clients d’une supérette casher, nous avions déjà connu l’horreur, au mois de mars 2012, quand, au nom du djihad, à Montauban et à Toulouse, trois militaires, ainsi qu’un professeur et trois jeunes élèves d’une école juive, avaient été assassinés.
Depuis quelques jours, la France est en guerre. Les actes commis dans la nuit du vendredi 13 novembre sont en effet des actes de guerre. Ces attaques constituent une agression contre notre pays, contre nos valeurs, contre notre jeunesse, contre notre mode de vie. L’ennemi a franchi une nouvelle étape.
À l’extérieur, les OPEX engagent la France. Je tiens à saluer l’action de nos forces, de nos 10 000 soldats présents au Sahel, en Centrafrique et en Irak. Je tiens également à rendre hommage aux victimes, tuées et blessées, de la prise d’otages de Bamako. Par ailleurs, depuis le 27 septembre, notre pays procède à des frappes en Syrie afin de contrer Daech.
En 1918, Georges Clemenceau disait : « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais toujours la guerre. »
Ainsi, la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2016 n’a plus rien à voir avec la politique de programmation militaire des années 2009 à 2014, remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements pris à l’égard de Bruxelles de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. En 2015, l’effort de défense représente la moitié du déficit.
Le projet de budget que nous examinons doit être à la mesure des enjeux nationaux et internationaux. Les années passées, nous engagions des restructurations et une réduction des effectifs militaires. Il s’agit désormais de conforter nos effectifs et nos moyens techniques.
C’est avant tout sur le personnel militaire que notre politique de la défense repose. Solliciter nos troupes pour renforcer notre sécurité à chaque instant ne nous exonère pas de tenir compte de la surchauffe et de l’épuisement de nos soldats. Bercy doit comprendre que la masse salariale n’est ni compressible ni aliénable. Il faut être lucides : après des réductions d’effectifs constantes, nos troupes sont juste suffisantes et notre matériel est surutilisé.
Il faut veiller à ne pas trop multiplier nos engagements. Cela pourrait nuire à notre efficacité. Ce projet de loi de finances permet de conserver 18 750 postes, avec un déploiement d’effectifs sur le territoire national pour des opérations intérieures. Si nos militaires peuvent assumer cette mission ponctuellement, il ne leur appartient pas de le faire de manière pérenne.
D’autres fléchages sont possibles. Il faut veiller à ce que les effectifs de gendarmes et de policiers soient suffisants pour assurer pleinement la sécurité intérieure et limiter le déploiement de militaires aux compétences complémentaires.
Le programme 212 « Soutien de la politique de défense » regroupe notamment l’ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense. En 2016, ces dépenses devraient augmenter de 3 %.
On apprécie les efforts consentis pour l’augmentation des effectifs dans le domaine du renseignement « sécurité et défense », mais on peut regretter que les dépenses diminuent pour la marine et l’armée de l’air.
La question du surcoût des opérations extérieures a largement alimenté le débat ces dernières années. La provision destinée à couvrir ce surcoût n’est que de 450 millions d’euros, comme en 2015, alors que le dépassement s’élevait à plus de 650 millions d'euros cette année-là. Elle devrait donc de nouveau se révéler insuffisante.
De la même manière, le surcoût lié aux opérations intérieures devrait être largement supérieur aux 26 millions d'euros budgétisés au titre II. En 2015, il s’est élevé à 194 millions d'euros pour l’opération Sentinelle et il ne devrait pas baisser en 2016.
De plus, la question de la budgétisation et du financement des OPEX et des opérations intérieures crée une incertitude sur l’équilibre budgétaire.
Monsieur le ministre, en 2013, l’exécution de la loi de programmation militaire était mal engagée, étant donné l’existence d’une forte contrainte budgétaire, alors que débutaient les interventions au Mali. Nous constatons que vous avez su transformer d’aléatoires recettes extrabudgétaires en crédits budgétaires ; cela représente 9 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la période 2015-2019.
Les opérations extérieures ont fortement mobilisé l’ensemble de nos troupes. Le maintien de l’efficacité opérationnelle nécessite de prendre en considération les difficultés matérielles et morales auxquelles elles sont confrontées.
Les opérations menées de front par l’armée française ne pourront se poursuivre sur le long terme sans effectifs supplémentaires, d’autant que l’étendue des théâtres d’opérations est parfois considérable.
La France s’est investie au-delà de ses capacités. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle assume ses responsabilités. Pourrons-nous durablement poursuivre toutes les opérations extérieures en cours ?
Les OPEX démontrent la nécessité d’une Europe de la défense, nécessité dont le groupe UDI-UC est absolument convaincu, car nous sommes désormais en état de guerre, ce qui signifie que nous devrons faire des sacrifices.
Le terrorisme international utilise tous les moyens médiatiques pour séduire, convaincre, tromper, terroriser, notamment à partir des réseaux sociaux. Nous devons gagner la bataille du cyberespace, car la cybernétique est à la source d’une réelle menace, qui ne cesse de croître en se perfectionnant.
Le déploiement d’effectifs est une réponse objective au besoin d’un corps militaire nouveau. Nous en sommes très satisfaits.
J’évoquerai maintenant les moyens techniques. Avec la menace terroriste, tant à l’intérieur de nos frontières qu’à l’international, le contexte a radicalement changé.
Le monde s’arme vite et lourdement. Plus que jamais, nous vendons dans le monde entier des armes terrestres, maritimes ou aériennes. Le montant des commandes annuelles d’armement français a été multiplié par trois, passant de 5, 1 milliards d’euros en 2010 à 15 milliards d’euros en 2015.
Nous saluons la réussite à l’exportation de l’avion de combat Rafale, en Égypte, au Qatar et, prochainement, en Inde. La construction de frégates permet également d’optimiser la charge des chantiers navals concernés.
Ces succès à l’export soulagent le budget de la défense. Une bonne partie de cette manne contribue à améliorer le traitement des militaires et une autre à remplacer et à moderniser nos équipements.
Nos excellents résultats à l’exportation ont un effet favorable à court terme, mais ils placent la barre très haut pour les prochaines années. Au rythme où évoluent nos besoins, ne faudra-t-il pas, à moyen terme, trouver encore de nouvelles recettes pour assurer le financement pérenne des programmes militaires et celui des OPEX ?
Nos armées soutiennent nos industriels à l’exportation. Leurs prestations sont facturées. En 2013, l’armée de terre a ainsi reçu 1, 3 million d’euros et l’armée de l’air 6, 3 millions d’euros. Ces montants sont-ils à la hauteur des services rendus ? Sur ce point, monsieur le ministre, il nous semble qu’une analyse fine s’impose. Dans un contexte budgétaire tendu, toute recette est importante. N’y a-t-il pas lieu de réévaluer le règlement des prestations militaires au bénéfice de nos industriels ?
Les crédits du programme 146 « Équipement des forces » passent de 16, 7 milliards d’euros à 17 milliards d’euros. Les actions déjà engagées par les armées françaises rendent urgent l’engagement des dépenses d’équipement prévues par la Direction générale de l’armement. Ce programme connaît de fortes tensions de trésorerie, car les crédits budgétaires sont mis tardivement à disposition du délégué général pour l’armement.
L’intensité de l’engagement des armées sur les théâtres extérieurs et sur le territoire national représente une lourde charge pour le programme 178 et risque d’entraîner d’importants problèmes de trésorerie.
Les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » sont en baisse. Nous approuvons que la priorité soit donnée aux activités opérationnelles.
Au-delà de ce projet de budget, notre diplomatie doit renouer un dialogue ferme avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, qui, du fait d’intérêts divergents, reprennent d’une main ce qu’ils nous concèdent d’une autre.
La France joue un rôle clé en Syrie et en Irak, mais surtout en Europe. Les frontières à l’Est et les frontières en Méditerranée sont d’une importance stratégique essentielle. La mise en place d’un bouclier européen doit se concrétiser. La France seule ne peut pas tout : elle doit agir avec l’OTAN et le Conseil de sécurité des Nations unies.
Pour conclure, nous constatons avec satisfaction, monsieur le ministre, que le projet de budget pour 2016 traduit des changements attendus. Les ressources du ministère de la défense sont accrues et mieux sécurisées. Elles s’établissent à près de 32 milliards d’euros, soit une hausse de 1, 8 % par rapport à 2015. Les ressources exceptionnelles sont remplacées par des crédits budgétaires, afin de sécuriser le budget de la défense. L’effort de défense exige un effort de dépense !
Les sénateurs UDI-UC voteront à l’unanimité ce projet de budget.