Justement ! Un peu d’humilité…
Face à la baisse brutale de leurs ressources et avec des charges de fonctionnement contraintes, que peuvent faire les collectivités ?
Elles ne peuvent qu’augmenter les impôts locaux, qui explosent, réduire leurs investissements et couper dans la vie associative et culturelle. Dans quelle proportion ? C’est la question, madame la ministre, que je vous posais déjà l’année dernière. Votre réponse est très attendue, parce qu’elle seule donnera un aperçu crédible de l’évolution du financement national de la culture.
Cet effet de trompe-l’œil qui affecte les grandes masses de la mission se retrouve naturellement dans la ventilation de ses crédits.
Ainsi en est-il, par exemple, de la restauration des crédits des conservatoires, une mesure dont nous ne pouvons que nous réjouir et qui est hautement symbolique puisque, l’année dernière, le Sénat avait rejeté les crédits de la mission « Culture » du fait, justement, de la quasi-disparition de ces aides.
Entre temps, le Gouvernement a reconnu que cela avait été une erreur. Nous vous en donnons acte, madame la ministre. C’est courageux.
Le plan Conservatoires sera donc doté en 2016 de 13, 5 millions d’euros, 8 millions de plus que l’année dernière, mais deux fois moins qu’en 2012 ! Depuis, des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, et des familles ont renoncé à inscrire leurs enfants…
Encore une fois, l’analyse ne résiste pas à la mise en perspective pluriannuelle, ni territoriale, d’ailleurs, puisque, comme l’a très bien exprimé Jean-Claude Luche, avec la mise en place des schémas départementaux, des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires.
Autre exemple, les moyens du plan consacré à l’éducation artistique et culturelle augmentent de 45 %, mais cette hausse représente en réalité 4, 5 millions d’euros à l’échelle nationale, à diviser entre tous les départements ; je vous laisse faire le compte…
De même – cette fois, je reprends une démonstration de M. le rapporteur pour avis –, sur 3 millions d’euros d’actions nouvelles pour les arts plastiques, 1 million d’euros vont au déménagement du Centre national des arts plastiques et 1 million d’euros sont affectés à la tour Médicis de Montfermeil. Il ne reste donc plus que 1 million d’euros supplémentaires à partager entre les vingt-deux fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, les quarante-huit centres d’art conventionnés, le réseau des résidences et l’ensemble de la commande publique. Il y a par conséquent beaucoup d’effets d’affichage dans ces crédits…
Néanmoins, nous en convenons, il n’y a pas que cela. Ainsi, nous ne pouvons que nous réjouir de la poursuite de l’effort, pour la troisième année consécutive, en faveur des monuments historiques. De même, nous ne pouvons que nous féliciter des bons résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris.
Toutefois, tout cela ne peut pas dissiper l’impression de fragilité, d’incertitude qui se dégage de l’ensemble des orientations présentées, incertitude liée à l’absence de priorités clairement définies. Nous attendions du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine qu’il nous fasse sortir du paradigme du saupoudrage, mais ce texte ne semble pas, hélas, évoluer dans cette direction…
L’incertitude touche aussi l’articulation entre grands projets et politique des territoires. La précédente ministre de la culture avait déclaré que le temps des grands investissements était terminé et que l’heure était à l’accompagnement des collectivités. Nous savons que tel n’est pas le cas, de grands chantiers étant encore devant nous ; mais ceux-ci concernent principalement Paris et l’Île-de-France : rénovation du Grand Palais, restauration du château de Fontainebleau, modernisation du musée de Cluny. Dans ces conditions, quelle place restera-t-il à l’accompagnement des territoires, surtout quand on connaît la fâcheuse tendance du financement de ces grands travaux à déraper ?
Tout cela remet en cause la soutenabilité et la sincérité du budget. Cette remise en cause est en outre accentuée par le coup de rabot de 10 millions d’euros – excusez du peu – passé par l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission.