Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, plus de dix ans ont passé depuis la mise en œuvre de la loi Borloo. Près de 9 milliards d’euros ont été investis, générant le triple de travaux, 340 000 logements ont été rénovés, 141 000 ont été construits. De nombreux quartiers ont changé de visage et beaucoup d’habitants s’en trouvent mieux.
Cependant, les chiffres de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles dessinent toujours un paysage sombre : une pauvreté trois fois plus élevée qu’ailleurs, un taux de chômage de près de 25 %, toutes générations confondues, une hausse du taux d’inactivité des femmes, quatre fois plus d’illettrés chez les 18-29 ans que dans le reste du pays et un an de retard scolaire en moyenne pour les enfants admis en sixième.
Ces politiques publiques ont été concentrées sur l’urbanisme – c’était une nécessité – et sur les questions sociales, mais en sous-estimant la problématique de l’intégration et celle des flux migratoires. La progression de l’islam radical a été ignorée, voire niée dans certains quartiers.
Plus que jamais, à la suite des attentats barbares du 13 novembre dernier et eu égard au risque que de tels événements se reproduisent, la politique de la ville est dans le collimateur. Elle ne pourra plus, cette fois, servir de formule magique ; il en a été ainsi, je vous l’accorde, pour tous les gouvernements au cours des quatre décennies écoulées. Sur le plan budgétaire, comment expliquer un tel décalage entre l’importance des moyens et la minceur des résultats obtenus ?
Dans le cadre de votre réforme de la politique de la ville, monsieur le ministre, 1 500 quartiers ont été reconnus prioritaires, car identifiés comme étant les plus pauvres du territoire français, avec un taux de chômage important, notamment pour les plus jeunes, et un grand nombre d’habitants peu ou pas qualifiés. Plus que jamais, il faut donc développer, renforcer les dispositifs favorisant la qualification, l’insertion professionnelle et la création d’entreprises.
Le 20 octobre 2015, le Président de la République a lancé l’Agence France Entrepreneur, qui assure la coordination et le guichet unique de tous les grands réseaux d’accompagnement de l’entreprenariat. C’est cette agence qui tiendra les cordons de la bourse : 3, 5 millions d’euros sont annoncés pour 2016. Toutefois, on peut légitimement craindre que ces crédits, si tant est qu’ils soient bien affectés à cette nouvelle agence, ne soient pas suffisants.
S’agissant du dispositif relatif aux zones franches urbaines, reconduit à compter du 1er janvier 2015 jusqu’au 31 décembre 2020, il est a priori plus favorable que le précédent, notamment parce qu’il conditionne le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices au respect d’une clause locale d’embauche. Nous dresserons un premier bilan dans un an.
J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que ces dispositifs n’auront d’impact sur le taux de chômage des habitants de ces quartiers que si une reprise économique se dessine à l’échelle nationale, sauf à espérer le développement d’une économie locale, innovante et solidaire, propre à ces quartiers et moins dépendante des cycles économiques nationaux.
Enfin, j’évoquerai le nouveau plan de rénovation urbaine, qui repose sur la contribution d’Action Logement, à hauteur de 3, 2 milliards d’euros de subventions, outre qu’un prêt de la Caisse des dépôts et consignations d’un montant de 1 milliard d’euros est nécessaire pour sécuriser sa mise en œuvre. Le dispositif semble donc déjà sous tension, avant même d’avoir été instauré.
Pourtant, les budgets de l’ANRU devraient être sanctuarisés, pour ne pas nourrir les inquiétudes à l’échelon local. En effet, les aides attribuées aux maîtres d’ouvrage publics – établissements publics de coopération intercommunale et communes – tiennent compte de leur situation financière, de leur effort fiscal et de la richesse de leur territoire. Il en résulte un classement des établissements publics de coopération intercommunale en six catégories, avec un taux maximal de subvention variant entre 10 % et 70 % de l’assiette.
Il va sans dire que ces nouvelles règles de financement risquent de réduire fortement l’ambition des projets de rénovation urbaine. Il pourrait en aller de même pour la reconstitution de l’offre de logements démolis, compte tenu de l’exigence de reconstruire en zones tendues des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires, ce qui pose immanquablement la question de l’arbitrage entre la priorité donnée à l’offre nouvelle, et donc au rattrapage au titre de la loi SRU, et la compensation des démolitions, qui ne seront plus financées qu’à 70 %, contre 100 % auparavant.
Nous attendons aujourd’hui davantage d’explications, monsieur le ministre, mais avant tout des décisions budgétaires en faveur de la rénovation urbaine inscrites dans la durée.