L'ADAMI, société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens, est une société de gestion collective des droits des artistes. Moi-même artiste-interprète, j'en suis le président depuis trois ans. C'est un métier que l'on choisit par souci de liberté, ce qui ne va pas sans un besoin d'égalité, d'équité et de fraternité dans le partage de la valeur. Loin d'être une utopie, la notion de gestion collective est précieuse. Interface entre l'oeuvre et le public, l'artiste porte en lui quelque chose qui le dépasse : les attentats du 13 novembre, qui ont visé des artistes et leur public, en sont la preuve. Le mot « artiste » apparaît 52 fois dans le projet de loi : j'espère que c'est pour mieux les prendre en considération, car trop souvent on ne fait appel à eux que lorsqu'on en a besoin.
Les revenus du streaming, au coeur de nos préoccupations, alimentent d'abord l'État, puis les plateformes, les auteurs, les distributeurs et les producteurs, qui rémunèrent l'artiste. La plupart du temps, l'exploitation en streaming n'est pas un choix mais une obligation imposée aux artistes - pour se permettre de la refuser, il faut s'appeler Francis Cabrel ou Jean-Jacques Goldman.
Marc Schwartz a été missionné par la ministre de la culture et de la communication pour un travail préalable à l'élaboration du projet de loi. Le protocole d'accord qu'il nous a proposé est cependant trop incomplet pour que nous puissions le signer. À croire que l'on a du mal à entrer dans le XXIe siècle : on en reste à un dispositif correspondant plus à l'exploitation physique que numérique. Ainsi, proposer un système d'avances revient à faire vivre les artistes à crédit, alors que les producteurs éprouvent des difficultés de trésorerie.
La proposition de l'ADAMI, qui a été signée par tous les artistes-interprètes en Europe, prévoit un droit complémentaire à celui versé par le producteur, sur le modèle de l'audiovisuel. Les musiciens américains ne tarissent pas d'éloges sur le système français de gestion collective. Je regrette la dérive américaniste qui se dessine dans notre branche, notamment en ce qui concerne les moyens de diffusion. Quelle sera la nationalité des plateformes dans quelques années, voire quelques mois ? La législation devrait être le contraire de la loi du plus fort. Nous avons besoin d'une juste régulation. Vous seuls pouvez nous la donner.