Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 9 décembre 2015 à 14h30
Compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur :

Face à nous, des acteurs mondiaux de l’agroalimentaire se sont restructurés, ont investi : les Espagnols, par exemple, dans le secteur porcin ; dans le lait, ce sont les Allemands qui ont développé leurs outils de production. Les industries de transformation de la viande connaissent une forte pression concurrentielle. Or il ne faut pas perdre la bataille de l’industrie agroalimentaire, car le maillage industriel permet d’irriguer l’économie des territoires ruraux et de maintenir de la production agricole à proximité.

J’ai d’ores et déjà entendu plusieurs critiques de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je voudrais brièvement y répondre par avance.

Première critique : la stratégie de compétitivité serait déjà mise en œuvre. Certes, l’agriculture et l’agroalimentaire peuvent bénéficier de mesures générales comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ou la baisse des cotisations familiales. Les mesures d’allégement de charges pour les travailleurs occasionnels ont été maintenues. Toutefois, il faut aller plus loin et définir une vraie stratégie de compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires : encourager l’investissement, la montée en gamme ou encore l’allégement des normes et procédures.

Deuxième critique : les mesures proposées seraient inutiles ou de peu de portée : je ne partage pas cette attitude de dénigrement et je suis persuadé que nos débats permettront de mettre en évidence la nécessité des mesures contenues dans la proposition de loi.

Troisième critique : ce ne serait pas le moment, un an après l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, de voter une nouvelle loi agricole. J’estime que nous avons travaillé dans l’urgence, certes, mais pas dans la précipitation. J’ai pu mener en un mois pas moins de 26 auditions ; toutes m’ont renforcé dans l’idée qu’il y avait urgence à agir et que le pire serait d’attendre que la crise passe miraculeusement toute seule.

Avant d’évoquer les dispositions de la proposition de loi et les modifications que nous avons apportées en commission, je souhaite vous dire quelques mots de l’état d’esprit qui m’a animé en tant que rapporteur.

Tout d’abord, j’ai voulu écouter tout le monde, pour recueillir le maximum de témoignages sur l’état des filières animales et le maximum d’avis sur le texte soumis à notre examen.

Ensuite, j’ai souhaité rester réaliste : cette proposition de loi ne va pas changer la politique agricole commune, qui structure tout de même l’intervention économique de la puissance publique dans le secteur agricole. Avec tous ses défauts et parfois ses quelques qualités, la PAC s’applique en France, et ce n’est pas au Parlement que nous en changerons les règles, même s’il faudra chercher à peser sur leur évolution future.

J’en viens maintenant au contenu de la proposition de loi, telle qu’elle résulte de son examen par la commission des affaires économiques la semaine dernière.

Le texte comporte en réalité six catégories de mesures, centrées sur les enjeux économiques. À l’inverse des lois agricoles, il n’y a pas de dispositions sur le foncier, sur les baux ruraux, sur les questions sanitaires ou encore sur la forêt.

La première série de mesures vise à améliorer les relations à l’intérieur des filières pour que ces filières ne soient pas minées de l’intérieur par des conflits de répartition épuisants et destructeurs.

L’article 1er améliore la contractualisation en demandant que l’évolution des coûts de production joue un rôle dans le calcul des formules de prix qui figurent dans les contrats agricoles. En commission, nous avons précisé qu’il faudrait faire référence à des indicateurs d’évolution des coûts de production comme l’indice des prix d'achat des moyens de production agricole, l’IPAMPA, et non à des coûts de production individuels, qui peuvent être très variables.

Nous avons aussi confirmé que les indices d’évolution des prix qui devront être pris en compte sont des indices publics, connus de tous, pour renforcer la confiance dans les mécanismes de contractualisation.

L’article 2 instaure un rendez-vous annuel au sein de chaque filière agricole et alimentaire. En commission, nous avons aussi revu la rédaction de l’article 2 pour en faire un rendez-vous annuel destiné à examiner la stratégie de filière à mettre en œuvre, mais pas à définir des prix, car le risque encouru serait alors de ne pas respecter les règles européennes qui interdisent les ententes sur les prix.

La deuxième série de mesures porte sur la valorisation des productions françaises par l’information du consommateur : à l’article 3, la proposition de loi permet de contourner le règlement européen sur l’information du consommateur qui interdit d’imposer au niveau national un étiquetage de l’origine, en dehors des cas prévus par la législation européenne. Du coup, nous créons un droit pour le consommateur à être informé de l’origine a posteriori lorsqu’il ne l’est pas a priori par l’étiquetage. La complexité du circuit de réponse aux consommateurs devrait inciter distributeurs et transformateurs à mettre en œuvre volontairement l’étiquetage de l’origine et, bien sûr, à faire évoluer l’Union européenne.

La troisième série de mesures tend à permettre à l’agriculture de mieux gérer les risques financiers et économiques.

L’article 4 permet de plein droit de reporter ses échéances lorsqu’on est en crise. En effet, des exploitations viables peuvent se retrouver étranglées de charges financières qui correspondent à des emprunts destinés au financement d’investissements. L’année blanche proposée cette année dans le cadre du plan de soutien à l’élevage ne constitue qu’une mesure ponctuelle et négociée en situation de faiblesse. L’article 4 crée un droit pour l’agriculteur, afin de lui offrir une bouffée d’oxygène en cas de situation de crise.

L’article 6 améliore aussi le dispositif de la déduction pour aléas, transformée en réserve spéciale d’exploitation agricole, dont l’utilisation est plus facile, et sans pénaliser financièrement la réintégration des sommes épargnées. Le plafond de cette réserve est augmenté pour tenir compte de la taille des exploitations.

J’ai fait adopter par la commission un article 6 bis qui oblige également les jeunes agriculteurs suivant le parcours d’installation à souscrire une assurance contre les risques climatiques, car ne pas s’assurer, c’est s’exposer de manière excessive au risque de couler en cas d’événement grave sur l’exploitation.

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