Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 10 décembre 2015 à 15h00
Transport ferroviaire régional — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre proposition de loi, élaborée avec Évelyne Didier et soutenue par notre groupe, a pour objectif de « maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité ».

Cette proposition de loi nous semble particulièrement utile et opportune, alors que la clôture de la COP 21 interviendra demain et que la communauté internationale s’engage à agir sur le climat afin de préserver l’existence même de l’humanité. Il nous semble donc plus que nécessaire de passer des paroles aux actes.

Nous savons que le secteur des transports est particulièrement émissif, puisqu’il est à l’origine de 27 % des émissions globales de gaz à effet de serre, comme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie l’a rappelé. La puissance publique assume donc d’une responsabilité particulière en matière de report modal, de manière à favoriser le rail, moins productif d’émissions de gaz à effet de serre que la route.

À titre d’exemple, la région Centre-Val de Loire, traversée par huit autoroutes, concentre des trafics routiers importants, internationaux pour moitié d’entre eux. L’agglomération de Tours est particulièrement touchée, avec une fréquence de 65 000 véhicules par jour. Par ailleurs, 94 % du tonnage du trafic régional de marchandises passe par la route. Le ratio rail-route, dans ma région, s’élève à 6, 2 % et continue de baisser.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le coût de cette pollution pour la nation a été chiffré à 100 milliards d’euros par an. Nous devons donc tirer les enseignements de tous ces chiffres, catastrophiques pour notre environnement. Ceux-ci nous montrent que les orientations prises pour le transport de marchandises ne doivent pas être retenues pour le transport de voyageurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Tout d’abord, nous prenons acte aujourd’hui du fait que les régions sont l’échelon de référence en matière de politique de transport de personnes, hors offre de TGV et de transports urbains – c’est encore plus vrai depuis l’entrée en vigueur de loi portant nouvelle organisation territoriale la République, la loi NOTRe.

Depuis 2002, les régions assument cette compétence pour les transports d’intérêt régional, principalement les trains express régionaux, les TER. L’expérience est favorable, puisque la fréquence des trains n’a cessé d’être renforcée et les usagers sont de plus en plus nombreux.

Dans la région Centre-Val de Loire, le nombre de voyageurs par kilomètre a progressé de 16 % entre 2005 et 2012 et, aujourd’hui, chaque train transporte, en moyenne, 86 voyageurs, contre 71 au niveau national. Cet engagement a nécessité et nécessite toujours des budgets importants. La région y consacre ainsi 19 % de son budget, taux qui correspond à la moyenne nationale.

Or les régions dépendent, pour la quasi-totalité de leurs ressources, des moyens que l’État consent à leur attribuer, moyens qui diminuent dans le cadre des politiques d’austérité engagées par la droite et malheureusement poursuivies et amplifiées par le gouvernement actuel.

La compensation financière des transferts de charges n’a jamais été à la hauteur : l’État verse 2 milliards d’euros aux régions qui dépensent 3, 6 milliards d’euros ! Cet écart est important.

Il est particulièrement incohérent de promouvoir une décentralisation renforcée tout en octroyant toujours moins de ressources aux collectivités territoriales pour assumer de nouvelles compétences. Le respect de la démocratie passe donc par un arrêt des politiques de réduction des dotations aux collectivités. Il suppose aussi de reconnaître la nécessité de développer des sources nouvelles de financement des transports, au lieu d’amputer les financements actuels, comme cela vient d’être fait dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, avec le relèvement des seuils d’assujettissement au versement transport.

De plus, nous estimons que le financement par l’État du service public ferroviaire est fondamental. Le service public ferroviaire est, par nature, un service public national qui permet l’exercice d’un droit fondamental de nos concitoyens : le droit à la mobilité. Ce droit est souvent la condition de l’accès à un emploi, aux soins, à la culture, à l’éducation… L’État doit donc le garantir, y compris au moyen de son contrat d’objectifs avec la SNCF.

L’État doit aussi s’engager pour que le réseau ferroviaire soit efficient, ce qui suppose la reprise de la dette ferroviaire et la sanctuarisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Le maillage de l’ensemble du territoire, acquis des politiques de service public menées depuis des décennies, est un atout indéniable, mais il est aujourd’hui en danger. D’ailleurs, cette situation conduit les régions à prendre de nouvelles responsabilités, en lieu et place de l’État. Je veux citer un exemple : notre région est intervenue pour la modernisation de la ligne Tours-Chinon, qu’elle a financée à hauteur de 12 millions d’euros, contre 3 millions d’euros pour Réseau ferré de France, RFF, et seulement 1 million d’euros pour l’État.

Au-delà de ces considérations nationales, nous nous sommes plus précisément attachés, dans cette proposition de loi, à donner des moyens nouveaux aux régions pour les transports d’intérêt régional. Nous proposons, ainsi, l’instauration d’un versement transport régional.

Je rappelle que les régions sont actuellement les seules autorités organisatrices qui ne perçoivent pas de versement transport. Les collectivités territoriales situées en périmètre urbain en bénéficient, tout comme la région Île-de-France, qui dispose d’un régime spécifique. Il faut, nous semble-t-il, mettre fin à cette injustice.

Il paraît également opportun que l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, pour leurs salariés et leurs clients, de bonnes conditions de mobilité, s’engagent à participer à ce financement. Le discours libéral, qui fait de l’imposition des entreprises un frein à l’économie et que l’on l’entend très souvent dans cette enceinte, doit cesser. Les entreprises bénéficient des services publics ; il est donc normal qu’elles y contribuent.

C’est d’autant plus vrai que les salariés utilisant le transport public ferroviaire dans leurs trajets domicile-travail sont des personnels plus disponibles à leur poste de travail ! Notre journal local a tout dernièrement réalisé un reportage sur l’intérêt, pour les salariés, d’utiliser le transport régional.

Cet engagement n’apparaît pas non plus excessif, quand on sait que la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE, se traduira par une réduction d’impôts de 20, 3 milliards d’euros à l’échelon national en 2017. Le CICE pèsera sur les recettes de l’État et, par conséquent, sur les ménages et sur les collectivités locales. À l’inverse, avec la mise en place d’un versement transport régional, les régions bénéficieraient, elles, d’une ressource propre, pérenne et dynamique, permettant d’engager le nécessaire renouvellement du matériel ferroviaire et d’améliorer l’offre de transport collectif.

Notre proposition de loi va dans le sens de la transition écologique, puisqu’elle permet de maintenir une politique ferroviaire régionale comme alternative à la voiture.

Concrètement, le versement transport régional que nous proposons pourra être porté à un taux régional plafonné à 0, 3 % des salaires sur les zones situées en dehors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité – c’est ce que l’on appelait auparavant le périmètre de transports urbains –, avec un taux additionnel, dans le ressort territorial de cette autorité, plafonné, lui, à 0, 2 %.

Lors de la discussion sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, une autre version de ce versement transport avait été adoptée. Celle-ci consistait en un versement interstitiel, à hauteur de 0, 55 %, qui permettait de dégager 450 millions de ressources. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer cette mesure dans la loi de finances pour 2015.

Le choix d’une taxe additionnelle plutôt qu’interstitielle, avec des taux adaptés et faibles, permet d’assurer la péréquation nécessaire au niveau d’un même territoire régional, bénéficiant d’une offre cohérente et interconnectée, la région étant chef de file de l’intermodalité.

Le versement transport régional serait mis en œuvre par délibération du conseil régional et la ressource potentielle pourrait s’élever à plus de 700 millions d’euros.

Nous proposons également, à l’article 3, de revenir, pour les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, au taux de TVA dévolu aux produits de première nécessité, soit 5, 5 %, compte tenu de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Ce taux existait jusqu’en 2011. Il a été porté à 7 % par la loi de finances rectificative pour 2011, puis augmenté, en 2012, à 10 %. Revenir à la fiscalité de 2011 ne serait que justice.

Cette baisse du taux de TVA serait bénéfique pour l’ensemble des autorités organisatrices qui, par le fait des hausses précédentes, ont perdu près de 220 millions d’euros. Elles pourraient décider d’en faire profiter les usagers ou d’utiliser les sommes économisées pour régénérer le matériel ou améliorer l’offre.

Pour conforter ces mesures et la politique ferroviaire régionale, nous proposons la suppression de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières. En effet, nous considérons que cette libéralisation porte un coup brutal aux politiques régionales, en organisant une concurrence frontale avec l’offre ferroviaire, menaçant directement l’équilibre déjà précaire de ces lignes.

Il est fort à craindre qu’un mouvement s’engage et que de nombreuses lignes TER soient remplacées par des bus. Mais pour quel service ?

Je veux citer un exemple avant de terminer : le 1er décembre dernier, un des premiers Ouibus est annoncé à 15 heures 30 à Tours, pour rallier ensuite Poitiers puis Bordeaux, le trajet coûtant 5 euros pour aller de Tours à Poitiers. Le car arrive finalement à 16 heures 15, mais comme il était parti depuis quatre heures de Paris, les autoroutes A6 et A6 bis étant saturées, le chauffeur doit prendre une pause, …

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