La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
J’appelle chacun à respecter son temps de parole.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, aujourd'hui président de la COP 21.
Monsieur le ministre, nous voici entrés dans la dernière ligne droite puisque, au plus tard demain soir, un accord universel sur le climat devra être trouvé par les 195 pays représentés depuis dix jours au Bourget.
Bien sûr, l’hypothèse d’une absence d’accord existe toujours ; mais ce qui est plus probable encore, c’est que nous débouchions sur un mauvais accord. Or, comme l’a souligné hier le Président de la République, « il ne s’agit pas de signer n’importe quel accord qui ne serait pas à la hauteur de l’enjeu », avant d’ajouter que nous avions progressé, même s’« il y a encore des résistances ».
Monsieur le ministre, qu’est-ce qu’un bon accord ? Surtout, en prend-on le chemin ?
Si des avancées notables semblent d’ores et déjà acquises et font l’objet d’un consensus, des points de blocages et non des moindres demeurent.
Tout d’abord, le texte final retiendra-t-il une formulation ambitieuse qui situe le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés en 2100 ?
Par ailleurs, une autre interrogation concerne la « différenciation », autrement dit la répartition des efforts de chaque pays, particulièrement en ce qui concerne la réduction des émissions des gaz à effet de serre.
Enfin, le troisième point d’achoppement est bien évidemment le financement de la lutte contre le réchauffement climatique et la part prise par les pays développés, par les pays émergents, voire également par ceux qui sont en voie de développement.
À ce stade des discussions, et alors que les négociateurs planchent sur une troisième version du texte, passé de quarante-trois à vingt-neuf pages et où demeurent de nombreux crochets qui sont autant d’options, pouvez-vous, monsieur le ministre, informer le Sénat et procéder à un état des lieux de la situation ? Un accord ambitieux est-il toujours envisageable ?
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur, le travail se poursuit sans relâche au Bourget, jour et nuit. Je veux donc vous présenter les excuses de M. Laurent Fabius, président de la COP 21, qui ne peut être présent aujourd'hui, car il est en pleine négociation.
Le texte présenté hier par M. Laurent Fabius a permis d’enregistrer des avancées, en particulier sur l’adaptation aux impacts du changement climatique, sur la question de la transparence – c'est-à-dire en matière de contrôle de la mise en œuvre du futur accord – ou encore sur le développement et les transferts de technologies. Cela montre que la démarche suivie, reposant sur la recherche de compromis et sur une méthode de travail collective, associant notamment des ministres facilitateurs issus de tous les continents, porte ses fruits. Cette méthode inclusive de négociation est celle qui permettra de déboucher sur un accord.
Je salue la qualité de l’organisation et le succès que représente pour notre pays la bonne tenue de cette COP 21. Je me félicite également de la mobilisation et de la prise de conscience des chefs d’État et de Gouvernement, qui se sont exprimés très massivement lors de la séance d’ouverture. Ce fait a marqué les esprits.
Je me réjouis par ailleurs des très nombreuses initiatives qui ont été prises, qu’il s’agisse des collectivités locales, des entreprises ou de la société civile, c’est-à-dire de l’agenda des solutions qui a émergé pendant la Conférence des parties.
Dorénavant, l’objectif est de parvenir à un accord, « un bon accord », comme vous l’avez dit. Il reste encore du travail à fournir, des résistances à lever, des points de la négociation à faire avancer.
Il y a notamment le niveau d’ambition de l’accord, la question de la différenciation des efforts demandés aux pays selon leur niveau de développement et le sujet du financement.
À la lumière des dernières consultations, un nouveau texte devrait être présenté aujourd’hui. Il devra être le plus proche possible de l’accord final auquel nous souhaitons parvenir demain, comme cela était prévu.
L’exigence de succès doit accompagner les dernières heures de la COPS 21, elle doit être à l’esprit des ministres, des chefs de délégation, des négociateurs, qui, en responsabilité, doivent accélérer encore les discussions et les échanges afin de se mettre d’accord et de trouver les meilleurs points d’équilibre.
Les dernières heures de négociations seront longues, encore difficiles, mais nous sommes sur le bon chemin. La présidence française met tout en œuvre pour favoriser l’adoption d’un accord contraignant, universel et équitable, un accord qui permette d’enrayer le réchauffement climatique et de le limiter à moins de 2 degrés d’ici à la fin du XXIe siècle. Nous voulons un accord ambitieux afin d’éviter les drames écologiques et humains qu’entraîne le changement climatique. Le Président de la République l’a dit, l’instant est décisif. Il est également historique !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. En conclusion, permettez-moi d’adresser ce modeste message aux négociateurs et aux décideurs de la COP 21, en leur rappelant ces propos du Mahatma Gandhi : « le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles » !
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.
Ma question s’adresse à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale. Elle concerne l’engagement du Gouvernement pour l’éducation à l’environnement et au développement durable, à laquelle la COP 21 a consacré une journée, et dont l’accord des Parties mentionnera l’importance.
Madame la ministre, vous y avez défendu une pédagogie de projet et vous avez insisté sur l’importance du savoir être.
Petit sujet, grandes conséquences pour de futurs adultes responsables et solidaires : par exemple, c’est autour des éco-écoles du Japon, associées à la démarche de l’UNESCO, que la mobilisation des élèves a permis la plus grande prise en charge des victimes après le séisme de 2011.
Les initiatives remarquables en matière d’éducation à l’environnement ne manquent pas, mais elles sont souvent entravées par des obstacles tels que le défaut d’information, l’insuffisant volet pratique de la formation initiale, le manque de temps et de lieux pour accueillir les concertations et la formation continue avec les partenaires.
Par ailleurs, elles s’accompagnent de tracas administratifs : organisation des sorties, zèles sanitaires abusifs à propos du jardinage, des élevages, des ateliers cuisine, du compost.
N’oublions pas que nous préparons les élèves à la vraie vie. §Tous les ressorts de motivation sont précieux et utiles pour façonner les gestes, et inviter aux sciences.
Comment le ministère va-t-il faciliter cette éducation et la rendre plus exhaustive ?
De nombreux pays s’engagent : comment la France va-t-elle, en prévision des quatrièmes assises internationales, dès février 2017, amplifier les dynamiques locales avec les collectivités, les parents, les associations, et favoriser l’éducation en prévision de la COP 22 ?
Enfin, nombre d’établissements se sont investis et ont préparé la venue de leurs ambassadrices et ambassadeurs du climat. Alors que des jeunes du monde entier ont participé à la COY, Conference Of Youth, comment les élèves et les étudiants français, consignés par l’interdiction de déplacement organisé, ont-ils pu être associés à la démarche ?
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la sénatrice, je partage votre conviction que l’éducation a un rôle majeur à jouer dans ces enjeux fondamentaux que sont le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas un hasard, en effet, si vendredi dernier, à la COP 21, l’événement que nous avions organisé autour de l’éducation au développement durable a rencontré un tel succès : de très nombreux ministres de l’éducation nationale venant du monde entier étaient là pour discuter des moyens mis en œuvre afin d’atteindre cet objectif.
Vous faites partie de ceux qui ont insisté, et je vous en remercie, pour inscrire l’éducation au développement durable et à l’environnement dans le code de l’éducation. Aujourd'hui, tout cela prend forme. La révision récente des programmes scolaires a permis que soit désormais intégré le développement durable, et ce dans plusieurs disciplines. Il ne s’agit pas d’une discipline à part entière, j’insiste sur ce point, car une telle transversalité est importante. De plus, la réforme du collège, qui introduit des enseignements pratiques interdisciplinaires, a prévu précisément un programme consacré au développement durable.
Enfin, la pédagogie de projet permet de développer, du plus jeune âge au plus élevé, l’éducation au développement durable, qu’il s’agisse des jardins pédagogiques, des sorties scolaires dans la nature, des concours comme celui qui est consacré au développement durable, de la labellisation des établissements scolaires qui prennent le plus d’initiatives en la matière. Pour donner plus de force à tout cela, j’ai nommé quarante-quatre coordonnateurs académiques sur la question de l’éducation au développement durable, qui sont chargés d’être proactifs dans tous les établissements scolaires.
Pour conclure, je suis la première à regretter que les scolaires n’aient pu se rendre à la COP 21. Il s’agissait néanmoins d’une question de sécurité, chacun le comprendra ici. Nous avons considéré, au vu de la situation, qu’il n’était pas prudent d’envoyer plusieurs milliers de jeunes élèves au Bourget. Pour autant, dans tous les établissements scolaires concernés, de nombreuses activités ont été organisées. Je vous ferai partager avec grand plaisir le résultat de ces initiatives.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Le monde du travail a vraiment le sentiment depuis quelque temps de ne plus être entendu ni reconnu, et cela s’est traduit dimanche par une forte abstention, entre autres.
Le patronat, le MEDEF en tête, comme le Gouvernement ne manquent pas une occasion de vanter les mérites du dialogue social, mais, en réalité, c’est à un monologue social que nous assistons. Les patrons imposent leurs volontés ! Lorsque le gouvernement auquel vous appartenez annonce un nouveau code du travail d’ici à 2018, Pierre Gattaz jubile parce que lui veut le liquider !
De toutes parts montent des attaques violentes contre le code du travail. On lui reproche à la fois d’empêcher les entreprises d’embaucher et de licencier. Mais s’attaquer au code du travail, c’est s’en prendre aux salariés et à ceux qui les défendent.
Le monologue social, on l’a vu à l’œuvre chez Air France : ce sont les salariés qui ont fait de la compagnie ce qu’elle est, mais ils apprennent par les médias la suppression de 3 000 emplois. Quelle violence !
Lorsque tout ne se passe pas comme l’entend le patron, ce dernier n’hésite pas à s’attaquer aux agents de l’État.
Ainsi, une inspectrice du travail qui a remis en cause la légalité d’un accord sur les trente-cinq heures chez Tefal est menacée de changer de secteur, le tout avec l’appui de sa hiérarchie.
Une inspectrice du travail, un informaticien de Tefal et cinq salariés d’Air France ont désormais un point commun : ils ont été renvoyés devant la justice. Leurs crimes ? Simplement défendre les droits des salariés. La liste des salariés traînés en justice pour leurs actions risque de s’allonger parce que des salariés en lutte pour leur emploi, il y en a et il y en aura ! Je pense aux 200 emplois qui sont menacés chez Sidel du groupe Tetra Pack en Seine-Maritime, comme m’en a informé mon ami Thierry Foucault. Je pense également à Sanofi où les nuages noirs s’amoncellent.
Madame la ministre, dans ce contexte de violence sociale et de criminalisation de l’action des salariés, allez-vous abandonner le dynamitage du code du travail que vous vous apprêtez à mettre en œuvre ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le sénateur, je ne vous laisserai pas dire ici que le Gouvernement prend parti pour les entreprises, contre les salariés et les syndicats ou qu’il cautionne une quelconque criminalisation du fait syndical.
La liberté syndicale de même que le droit d’expression et le droit de grève sont des principes constitutionnels. Il est hors de question de les remettre en cause.
Vous citez des exemples concrets. Abordons-les avec honnêteté.
Pour ce qui concerne Air France, tout d’abord, vous avez fait référence au droit des salariés à s’exprimer. C’est évidemment un droit fondamental. Vous l’avez d’ailleurs pu voir que même l’état d’urgence n’a pas bâillonné le mouvement social. L’appel de la CGT à manifester a en effet été suivi de cinquante-cinq rassemblements de soutien aux salariés d’Air France, lesquels ont été autorisés malgré le contexte de l’état d’urgence.
Ce sont près de 4 700 personnes qui se sont mobilisées.
Pour ce qui concerne l’affaire Tefal, une décision de justice est en effet intervenue que je n’ai pas à commenter, pas plus que je ne l’ai fait pour celle qui concerne Air France.
Ce que je peux vous dire, c’est que je suis particulièrement attachée à l’indépendance de l’inspection du travail. Le Directeur général du travail l’a d’ailleurs écrit au procureur d’Annecy dans le cadre de cette affaire.
Mme Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail chargée du dossier Tefal, rencontrera la semaine prochaine le Directeur général du travail afin qu’ils réfléchissent ensemble à la façon dont elle pourra mener sa mission, dans les conditions les plus sereines possible.
La liberté syndicale, bien sûr, est un droit essentiel.
Comment pouvez-vous prétendre que ce gouvernement ne protège pas la liberté syndicale, alors que j’ai rassemblé en décembre, à la suite de la réunion entre le Premier ministre et les partenaires sociaux le 20 novembre, l’ensemble de ces partenaires sociaux ? Ils ont pu faire remonter du terrain les tensions causées par les décisions prises, au cas par cas, par les préfets, s’agissant des manifestations et des rassemblements.
Ces réunions, qui se renouvelleront tout le temps que durera l’état d’urgence, visent à faire un point sur les tensions ou sur la non-acceptation de certaines décisions.
Par ailleurs, sachez que je n’ai d’injonction à recevoir de personne, ni des organisations patronales ni des organisations syndicales. Mettre en place la négociation collective, cela relève justement d’une certaine conception de la démocratie sociale.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous ne sommes pas pour le contournement des syndicats. Mais il me semble essentiel, alors même qu’il n’y a pas de majorité sur le sujet, de réécrire le code du travail.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Pierre Bosino. Ce que constatent aujourd’hui les salariés, madame la ministre, c’est que l’on entend davantage les patrons que les salariés et leurs organisations syndicales.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, les attentats qui ont meurtri la France en novembre dernier ont fortifié notre détermination à lutter fortement contre le terrorisme. Notre sécurité intérieure a été renforcée grâce à la mise en place de l’état d’urgence, qui mobilise nos gendarmes, nos policiers et nos soldats. Cependant, il convient également d’être réaliste, car ces actions terroristes ont été préparées en dehors de nos frontières nationales.
De ce fait, accélérer la coopération européenne pour lutter efficacement contre le terrorisme devient nécessaire. C’est tout l’enjeu de l’adoption le plus rapidement possible, au niveau européen, d’un fichier des passagers aériens, dit PNR, qui puisse concilier la protection des données personnelles et celle de l’ordre public.
Pour ce faire, le Conseil des ministres de l’Union européenne est parvenu, mercredi 2 décembre, à un compromis, satisfaisant la volonté du Parlement européen en matière de libertés, tout en conservant la trace des déplacements en avion des voyageurs. Les conditions strictes que le Gouvernement français avait posées ont été largement reprises : le Conseil a ainsi fixé les garanties nécessaires pour assurer la protection de la vie privée des citoyens européens en optant pour un délai de conservation des données personnelles pendant six mois.
La commission parlementaire chargée des libertés civiles au sein du Parlement européen devait se prononcer aujourd’hui sur le compromis proposé par les États, avant un vote des eurodéputés en séance plénière au début de 2016. Si elle est adoptée, la directive, qui est proposée depuis 2011, devra ensuite être transposée dans tous les États membres.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire en quoi le fichier PNR permettra concrètement d’intensifier la mise en place des partenariats et des outils susceptibles de lutter efficacement contre le terrorisme ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur, le PNR, c’est-à-dire le registre européen des données des passagers aériens accessible aux services de police et de renseignement dès la réservation des billets d’avion, est un outil indispensable dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne.
Les attaques du 13 novembre dernier ont souligné l’urgence de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des mesures du plan d’action adopté le 12 févier 2015, à Bruxelles, par les chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République au lendemain des attentats de Paris du mois de janvier 2015.
Aujourd’hui même, une étape vient d’être franchie puisque la commission des libertés du Parlement européen a adopté, à une très large majorité, le projet de directive concernant le PNR, une adoption que je salue.
Nous attendons désormais l’adoption définitive en séance plénière par le Parlement européen, dans les meilleurs délais, de cette directive. Ce vote est conforme sur son contenu à l’accord que les ministres de l’intérieur avaient eux-mêmes approuvé lors de la réunion de vendredi dernier, à laquelle vous avez fait allusion et où Bernard Cazeneuve nous représentait.
C’est un succès pour la France, qui a été constamment à l’initiative sur ce sujet, auprès de ses partenaires comme auprès du Parlement européen. Le ministre de l’intérieur et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des parlementaires européens, à Bruxelles et à Strasbourg, pour les convaincre de la nécessité d’adopter ce texte.
Le Premier ministre lui-même s’est fortement mobilisé en s’adressant à la fois au président du Parlement européen, au président de la commission responsable et au rapporteur de ce texte.
Avec l’adoption de cette directive, nous disposerons d’un PNR européen efficace et opérationnel, car les trois conditions posées par la France ont été reprises : une durée de conservation des données de cinq ans, avec une procédure simplifiée de consultation des données après leur masquage, qui intervient au bout de six mois, comme aux États-Unis ; l’inclusion des vols intra-européens et des vols charters, que nous avons obtenue grâce à l’engagement de tous les États membres sans exception ; enfin, l’inclusion dans le champ de la directive des infractions nationales, et pas seulement transnationales.
C’est donc un outil clef de la lutte contre le terrorisme au niveau européen qui va voir le jour.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Depuis dimanche soir, on ne parle que du Front national. C’est légitime, mais c’est injuste car, dans ce triste panorama, on oublie qu’un miracle s’est produit : dans toutes les régions, sauf une – la Bretagne, comme par hasard –, des élus de gauche qui se combattent durant toute l’année fusionnent allègrement leurs listes.
MM. Alain Gournac et Jean-Baptiste Lemoyne rient.
Monsieur le Premier ministre, vous répétez à l’envi que la croissance ne pourra pas revenir sans la confiance.
En avril 2014, vous aviez formulé un constat de bon sens. Vous disiez : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans […]. »
Fin 2015, malheureusement, votre constat est tout aussi fondé. La situation est encore plus calamiteuse, avec un record historique du chômage – 5, 4 millions de chômeurs –, avec une France vice-championne du monde des prélèvements obligatoires, avec une croissance en berne.
Vos initiatives existent, c’est vrai, notamment celles qui sont portées par M. Macron.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Mais elles sont férocement combattues, avec des arguments clairs, je le reconnais, par les élus frondeurs, les élus écologistes et le Front de gauche.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
C’est en effet depuis votre propre camp que vous êtes attaqué.
Ma question est très simple : alors que vous avez donné d’importants pouvoirs économiques aux régions, comment voulez-vous qu’un artisan, un créateur d’entreprise, un entrepreneur de PME vous fasse confiance, quand il y a manifestement une telle duplicité ?
Qui est sincère ? Le Premier ministre, qui prône le réalisme économique, ou le responsable politique que vous êtes, qui s’allie au dernier moment avec ceux qui le combattent ?
Qui croire, monsieur le Premier ministre ?
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président Zocchetto, voilà une question liée, me semble-t-il, à l’actualité politique et aux élections, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … une question sincère et sans aucune arrière-pensée, j’imagine, dans cet entre-deux-tours
Souriressur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Je vais essayer de vous répondre le plus directement possible.
et à juste titre, vu les scores qui ont été les siens, pas seulement dans trois régions, mais un peu partout. Cela doit nous amener tous à nous interroger et à porter des réponses à la hauteur des exigences, des colères, des souffrances de nos compatriotes.
Dans ces régions où le Front national peut l’emporter, j’ai pris, nous avons pris, la gauche a pris des positions claires.
Et Masseret ? sur les travées du groupe Les Républicains.
En général, monsieur Zocchetto – vous et moi, nous pouvons nous retrouver sans peine sur ce sujet –, la politique, surtout dans des moments historiques comme ceux que nous connaissons, exige non pas du « renvoi dos à dos », non pas du « ni-ni », mais de la clarté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je m’honore d’être le Premier ministre, le chef de la majorité qui a dit clairement les choses pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA et le Grand Est, car, dans ces moments-là, les Français ont besoin d’une position claire et nette, et chacun doit ainsi le recevoir.
Vous avez eu raison de dire que dans neuf régions sur les douze régions hexagonales – je n’évoque ni les quatre territoires d’outre-mer, qui sont aussi concernés par les élections régionales, ni la Corse –, le débat est particulièrement ouvert entre l’extrême-droite, la droite et la gauche rassemblée.
Aux électeurs de choisir dimanche prochain, et d’abord d’aller voter. Ici, dans cette enceinte, je veux en effet rappeler combien il est important, combien il est essentiel, que les Français aillent voter dimanche prochain, alors qu’un Français sur deux n’y est pas allé dimanche dernier, même si l’on a constaté un sursaut à l’occasion du premier tour des élections régionales. Il en va, à la fois, de l’avenir du pays, de son image et, bien sûr, de l’avenir des régions.
Puisque vous m’en offrez l’occasion, je le dis : oui, ils doivent aller voter, dans ces régions-là, pour les listes de gauche, pour la gauche qui s’est rassemblée. Il n’y a, de ce point de vue, aucune nouvelle information. Ces vingt et une régions sur vingt-deux étaient, jusqu’à maintenant, animées, gouvernées par la gauche rassemblée, et vous le savez parfaitement.
Nous avons été plusieurs à dire combien il était important, puisqu’il s’agissait de la gestion des régions, que ceux qui les avaient gouvernées puissent se retrouver ensemble dès le premier tour.
C’est à l’occasion du second tour que ce rassemblement…
M. Manuel Valls, Premier ministre. … s’est fait, dans les meilleures conditions possible.
Sourires
De ce point de vue-là, monsieur Zocchetto, je souhaiterais que, dans certaines régions – je pense à Rhône-Alpes ou à l’Île-de-France –, les idées qui sont les vôtres, celles que vous portez, l’idée du centre, l’idée d’un certain humanisme, l’idée du rejet de l’extrême-droite §Peut-être, à ce moment-là, y aurait-il davantage de clarté dans le pays !
J’ai été maire pendant douze ans, monsieur Zocchetto, et je suis toujours conseiller municipal d’une même majorité qui comprend des socialistes, des communistes et des Verts. C’est l’histoire !
Jamais, monsieur Zocchetto – et je le dis à d’autres qui se sont exprimés sur ce sujet ou qui ont fait certaines comparaisons, y compris parmi le patronat –, jamais je ne comparerai, au vu de l’histoire de mon pays, au vu de l’histoire de la France, l’histoire du parti communiste, sa place dans notre histoire, et celle de l’extrême-droite. Et je me suis toujours honoré, en tant que maire, de compter des communistes dans ma majorité. §De ce point de vue-là, que les choses soient claires pour chacun !
Ce qui me paraît essentiel, c’est que la ligne du Gouvernement soit affirmée, c’est qu’elle soit claire sur la nécessité de la croissance, de l’emploi, avec nos convictions et mes convictions.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que le partenariat entre l’État et les régions se fera sur le développement économique, l’apprentissage, les lycées, l’agriculture, le développement durable, les transports, les mobilités, comme nous l’avons fait dans le cadre des contrats de plan. Et c’est ainsi que nous allons continuer d’agir, fiers d’être de gauche et fiers d’être républicains !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. –M. Michel Le Scouarnec applaudit également.
M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, vous fustigez, comme nous, le Front national. Mais, dans le même temps, vous alimentez son fonds de commerce par ce qui est perçu, même si vous ne partagez pas ce point de vue, comme des arrangements.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la ministre, le 9 septembre 2012, le Président de la République annonçait l’inversion de la courbe du chômage à l’échéance d’un an et Pierre Moscovici, à la même époque, déclarait : « L’inversion est possible et elle va arriver à la fin de l’année, j’en ai la conviction, une conviction informée. »
À la fin de l’année 2013, le nombre de demandeurs d’emploi avait augmenté de 6, 5 %. Fin mars 2014, notre pays comptait plus de 5 millions de chômeurs. Trois ans après l’élection du Président de la République, en 2015, la France a atteint le niveau historique de 5, 7 millions de demandeurs d’emploi. Les derniers chiffres publiés du chômage, ceux du mois d’octobre, révèlent un bond sans précédent : on enregistre 42 000 chômeurs de plus en un seul mois.
Ces très mauvais résultats interviennent alors que l’euro est faible, que le cours du pétrole l’est également et que les taux d’intérêt sont au plus bas.
Tous les pays européens profitent de cette situation pour réformer et créer des emplois : l’Allemagne, la Grande-Bretagne, qui est quasiment en situation de plein emploi, l’Italie, dirigée par un gouvernement de gauche, l’Espagne, et même la Grèce. Tous, sauf la France !
Madame la ministre, combien faudra-t-il de chômeurs de plus pour que le Gouvernement prenne enfin conscience que les politiques qu’il mène sont plus destructrices que créatrices d’emplois, dans un pays qui a pourtant tant d’atouts, tant de créativité, tant de chefs d’entreprise audacieux ?
Le Président de la République a dit hier, en conseil des ministres, que l’important était de définir un cap. Madame la ministre, quel est ce cap ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI -UC.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, le cap, c’est bien sûr de permettre aux chômeurs actuellement en situation de détresse de retrouver le chemin de l’emploi.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour faire baisser durablement le chômage, deux préalables sont requis.
Le premier préalable, c’est la croissance. Elle s’établit à 1, 1 %, soit au-delà de nos prévisions, mais elle n’est pas suffisante pour absorber les entrées sur le marché du travail. En France, on compte chaque année 700 000 départs à la retraite en moyenne et 850 000 entrées sur le marché du travail ; en Allemagne, ces chiffres sont respectivement de 700 000 et de 660 000 : comparons donc ce qui est comparable !
Le second préalable, c’est que l’économie crée de l’emploi. Après plusieurs années de destruction d’emplois, nous avons enregistré, depuis un an, la création nette de 37 600 emplois. Ce n’est bien évidemment pas suffisant au regard du niveau du chômage. Nous constatons que les emplois créés sont, malheureusement, des emplois précaires, en intérim ou en contrat à durée déterminée. Cela explique que les chiffres connaissent des variations extrêmement fortes d’un mois à l’autre.
Certains secteurs créent des emplois – je pense notamment au secteur tertiaire –, mais d’autres, comme l’industrie ou le bâtiment, n’en créent pas assez ou en détruisent encore.
Devant cette situation, que faisons-nous ?
Nous n’attendons pas les bras croisés dans nos bureaux que tombent chaque mois les chiffres du chômage. Que faisons-nous ?
Par exemple, le Gouvernement a mis en place, vendredi dernier, la mesure relative aux particuliers employeurs, qui permettra de créer de nombreux emplois.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous mettons en place le prêt à taux zéro au bénéfice du secteur du bâtiment, afin de créer de l’emploi, et nous développons de façon prioritaire les formations qui permettront à des chômeurs d’occuper les emplois actuellement non pourvus. Bien évidemment, il faudra aller plus vite et plus loin !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe écologiste.
Madame la ministre, les bras m’en tombent !
Le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %, le nombre des contrats d’apprentissage est en baisse constante, on compte 800 000 chômeurs de longue durée. Le Gouvernement est-il sourd au message envoyé dimanche par les électeurs ?
« Je me bats pour l’emploi, c’est une volonté, une stratégie, une cohérence », disait, martial, le Président de la République. Ces mots résonnent aujourd’hui comme un terrible aveu d’échec !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI -UC.
La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Madame la secrétaire d'État, lundi prochain, le Sénat examinera, après l'Assemblée nationale aujourd’hui, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société française au vieillissement. Il faut le souligner, les représentants des deux assemblées sont parvenus à un accord sur ce texte.
Il convient de vous remercier, madame la secrétaire d'État, pour votre écoute, ainsi que le gouvernement de gauche que vous représentez pour le respect des engagements que le Président de la République avait pris sur cette grande réforme sociale, tant de fois repoussée depuis plus de dix ans. Il faut également remercier nos deux rapporteurs, Georges Labazée et Gérard Roche, pour leur implication et leur connaissance du dossier.
Cette réforme ambitieuse répond aux besoins des personnes âgées et de leurs proches, elle est responsable à l’égard des financeurs, notamment des départements, ce qui ne fut pas toujours le cas en d’autres occasions.
Le défi du vieillissement et de la dépendance est immense, sachant que, en 2060, plus d’un tiers de la population française aura plus de soixante ans et que les plus de quatre-vingt-cinq ans seront près de 5 millions, contre 1, 4 million aujourd’hui. Nous le savons, les personnes âgées souhaitent continuer à vivre chez elles. Les attentes sont nombreuses et les besoins sont grands en ce qui concerne l’accompagnement à domicile, le logement, le soutien aux aidants et la restructuration du secteur de l’emploi à domicile.
Madame la secrétaire d'État, quels moyens seront mis en œuvre pour répondre à ces attentes, et dans quels délais ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.
Monsieur le sénateur, c’est effectivement une belle nouvelle pour toutes les personnes âgées et leurs familles : la loi relative à l’adaptation de la société française au vieillissement sera définitivement adoptée la semaine prochaine.
C’était un engagement du Président de la République. Comme vous l’avez souligné, si nous avons pu parvenir à construire une aussi belle loi, c’est grâce à l’engagement des parlementaires. Il faut saluer en particulier, ici au Sénat, le travail mené en commun, sans sectarisme, par les rapporteurs Roche et Labazée. À l’Assemblée nationale, le même esprit a prévalu.
Cette loi est attendue, car elle va apporter des droits sociaux nouveaux. C'est l’acte II de l’allocation personnalisée à l’autonomie, qui va progresser. Une personne pourra bénéficier d’une heure supplémentaire par jour d’aide à domicile si elle est fortement dépendante et d’une heure par semaine si elle l’est moins. Par ailleurs, le reste à charge diminuera, ce qui signifie que le pouvoir d’achat des personnes âgées va augmenter.
Enfin, cette loi crée des droits sociaux nouveaux, en particulier le droit au répit pour les aidants. En effet, 4 millions d’hommes et de femmes accompagnent au quotidien une personne âgée dépendante, ce qui est lourd, difficile, épuisant pour eux. Nous instaurons pour ces accompagnants, pour ces proches aidants, une allocation annuelle qui leur permettra de financer un hébergement temporaire, de faire appel à davantage d’aide à domicile, de recourir à l’accueil de nuit ou à l’accueil de jour. Bref, nous allons leur permettre de souffler.
C’est une grande loi créant des droits sociaux immédiatement, mais c'est aussi une loi qui voit loin : elle permettra d’adapter la société au vieillissement, en mobilisant les départements et toutes les collectivités territoriales, en amenant chacun à se demander si, dans sa ville, les transports, la culture, le sport, l’urbanisme sont bien adaptés aux personnes âgées, …
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … si celles-ci sont bien accueillies et intégrées. Monsieur le sénateur, cette belle loi sera votée la semaine prochaine et appliquée dès le 1er janvier 2016.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse précise.
Nos concitoyens attendent avec impatience ces nouveaux droits, de même que le secteur de l’aide à domicile, qui favorise l’emploi dans nos territoires, comme chez moi dans le Tarn.
Enfin, la revalorisation de l’APA à domicile sera compensée aux départements, et une gouvernance locale pourra ainsi être mise en place.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.
Je vous félicite, mon cher collègue, pour la résolution de l’Union interparlementaire qui a été adoptée à l’unanimité dimanche dernier.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le président Larcher vient de l’évoquer, la Haute Assemblée s’est mobilisée voilà plus d’un an, sous son impulsion, pour la préparation de la COP 21 : l’ensemble des instances du Sénat – commissions, délégations, groupes d’amitié – ont participé à un travail qui a donc débouché sur l’adoption à l’unanimité d’une proposition de résolution présentée voilà quelques semaines par notre collègue Jérôme Bignon.
Par cette résolution, nous avons voulu rappeler notre attachement à la conclusion d’un accord universel, contraignant et différencié. Nous avons aussi voulu rappeler le rôle essentiel joué par les territoires et les collectivités dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Par son implication, le Sénat a également voulu mettre en exergue le rôle du Parlement dans ce combat. À cet égard, il faut rappeler qu’ici même, dimanche, près de 400 parlementaires du monde entier étaient réunis dans le cadre de l’Union interparlementaire.
Cette réunion s’est conclue par l’adoption d’une déclaration commune traduisant l’engagement de tous les parlements du monde en faveur d’actions concrètes contre les dérèglements climatiques.
Monsieur le Premier ministre, à quelques heures de la fin de la COP 21, pourriez-vous nous dire quelles sont nos chances d’arriver à l’accord ambitieux que nous appelons de nos vœux, c’est-à-dire un accord universel, contraignant et évolutif, avec un mécanisme de contrôle transparent. Quels sont les engagements financiers pris à ce jour, notamment dans le cadre du Fonds vert pour le climat ? Comment faire en sorte que cet accord, s’il est conclu, soit appliqué et respecté ? Enfin, comment faire pour que le Gouvernement associe davantage, à l’avenir, le Parlement à ce processus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent ?
Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur Maurey, je veux d’abord saluer à mon tour la mobilisation du Sénat, les travaux qu’il a conduits et l’adoption de la proposition de résolution que vous avez évoquée.
Vous l’avez rappelé, l’accent a été mis sur le rôle des territoires. Paris a reçu, en marge de la COP, des milliers d’élus locaux, de maires, de présidents de collectivité locale qui ont confirmé leur engagement à ce que leurs territoires contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je salue votre contribution au succès de cette rencontre parlementaire mondiale organisée sous l’égide de l’Union interparlementaire.
Nous sommes aujourd’hui parvenus à la phase finale de la négociation. Laurent Fabius va soumettre un nouveau texte en vue d’aboutir à un accord qui fasse une différence entre avant et après la COP 21.
L’après-COP 21 devra être marqué par l’engagement de la communauté internationale sur un accord ambitieux, contraignant, prévoyant des financements, des transferts de technologie, des mécanismes de suivi et des rendez-vous réguliers pour vérifier que nous sommes vraiment sur une trajectoire d’augmentation de la température limitée à 2 degrés au maximum.
En outre, il faudra que, dans chacun des pays, en particulier en France, les parlements nationaux veillent à la transposition dans la législation interne des engagements qui auront été pris, fassent en sorte que nous passions à une économie décarbonée, que nous financions l’amélioration de l’efficacité énergétique et la solidarité avec les pays en développement, que nous mettions en place des systèmes d’alerte, par exemple pour les pays les plus vulnérables.
Le rôle du Sénat et de l’Assemblée nationale, comme celui de toutes les assemblées de l’ensemble des 195 États parties à l’accord, sera donc absolument décisif, comme il l’a déjà été pour aider le président de la COP, Laurent Fabius, à obtenir un accord.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. D’ores et déjà, nous devons nous préparer à respecter nos engagements et faire en sorte que tous les pays contribuent à la mise en œuvre de l’accord de Paris.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
M. Hervé Maurey. Nous resterons très vigilants sur ce sujet, et le Sénat entend jouer pleinement son rôle. Comme l’a indiqué M. le secrétaire d'État, c'est le Parlement qui ratifie les accords, qui vote les budgets et les dispositions législatives permettant l’application des mesures contenues dans ces accords. C'est aussi le Parlement qui contrôle l’action du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées de l'UDI -UC.
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Quasiment tous les indicateurs de la délinquance, présentés en octobre dernier, sont à la hausse, aux termes du premier bilan dressé par le nouveau service statistique ministériel de la sécurité intérieure.
En juin dernier, le Gouvernement a pris l’initiative de ne plus transmettre aux maires le rapport mensuel sur les chiffres de la délinquance, qui était adressé par les services de l’État aux communes qui en faisaient la demande.
La commune de Meyzieu, dont je suis maire, a mis en place en 2003 un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. En dix ans, la délinquance y a diminué de plus de 25 %, ce qui prouve que la coordination locale de sécurité a toute sa place.
Toutefois, sans statistiques par commune, sans statistiques par zone au sein de la commune, le pilotage par les maires d’une telle instance perd de son efficacité.
Quel est l’objectif du Gouvernement quand il prend la décision de ne plus communiquer aux maires les chiffres de la délinquance locale ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur Forissier, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, retenu à Londres par une réunion consacrée à la lutte contre le terrorisme.
La réforme des outils statistiques sur la délinquance constatée par les services de police et de gendarmerie permettra, monsieur le sénateur, de disposer de données améliorées et transparentes, …
… afin de pouvoir mieux piloter l’action des services et de mieux informer les pouvoirs publics, nos concitoyens, les parlementaires et les élus locaux.
Cette réforme repose sur une double exigence : exigence de rigueur, d’une part, avec la création d’un service statistique ministériel de la sécurité intérieure, labellisé par l’Autorité de la statistique publique, l’objectif étant de garantir la sincérité, la fiabilité, la « robustesse » de la production des chiffres de la délinquance ; exigence de précision, d’autre part, avec la mise en œuvre de nouveaux outils informatiques de rédaction des plaintes, dans la police comme dans la gendarmerie.
Ce retraitement scientifique des séries selon les méthodes de l’INSEE permet désormais de disposer de données fiables et comparables dans le temps, conformes aux standards de la statistique publique.
Il s’agit de pouvoir s’appuyer, à l’avenir, sur des chiffres de la délinquance tout aussi rigoureux que les statistiques économiques, comme celles du chômage, et de disposer enfin des outils nécessaires à la conduite et au contrôle des politiques de sécurité.
Cette réforme a entraîné très provisoirement la non-communication des chiffres de la délinquance, mais tous les indicateurs seront bientôt communiqués, y compris au niveau territorial.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir exposé votre théorie sur la statistique, mais permettez-moi de dire que le fait de masquer les chiffres de la délinquance à l’échelle locale pose problème au moment où, sur le plan national, on annonce des chiffres en hausse, par exemple un bond de plus de 10 % du nombre des vols avec arme…
Ce n’est pas une telle politique, qualifiée autrefois de politique de l’autruche, qui peut conduire les responsables publics à prendre les mesures nécessaires sur le terrain au niveau communal !
L’absence de transparence est source d’inquiétude pour nos administrés ! L’opacité des chiffres va encore augmenter les craintes, et cette perte de confiance se retrouve lors des consultations électorales.
Si vos nouveaux outils statistiques doivent conduire à diminuer les capacités d’analyse à l’échelon local, vous allez priver les maires de leviers d’action contre la délinquance ! Nous avons besoin de transparence, de chiffres précis et, surtout, d’une politique pénale efficace.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste et républicain.
C’est à la place de mon collègue Jacques Cornano, empêché, que j’interviens pour interroger Mme la ministre des outre-mer sur les conséquences des accords de libre-échange signés entre l’Union européenne et des pays tiers, en particulier le Vietnam, pour les sucres spéciaux.
Un quota de 20 000 tonnes de sucre serait accordé au Vietnam, sans qu’il soit précisé s’il s’agit de sucre blanc raffiné ou de sucre roux spécial.
La filière canne-sucre-rhum-bagasse est pourtant un pilier fondamental de la vie économique de nos départements d’outre-mer. Les sucres roux constituent pour eux un marché essentiel – de niche, certes, mais de haut de gamme. En 2014, 660 000 tonnes de cannes ont été produites en Guadeloupe, 166 000 tonnes en Martinique et 1, 763 million de tonnes à La Réunion. La France produit ainsi 120 000 tonnes de sucre roux, dont 90 000 tonnes en provenance de La Réunion.
Cette filière représente 23 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects et induits, dans des territoires où le taux de chômage dépasse parfois 30 %.
Les accords bilatéraux à venir, qui tendent à abaisser les barrières douanières pour le sucre, sont une menace très sérieuse pour nos planteurs, qui doivent respecter des normes environnementales et sociales beaucoup plus strictes que celles qui s’imposent à leurs concurrents.
Je sais, madame la ministre, la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier. D’ailleurs, M. le Premier ministre, comme il s’y était engagé à La Réunion en juin dernier, a revalorisé la prime bagasse.
Cependant, l’état actuel des négociations ne nous satisfait pas. La seule protection efficace de la filière des sucres spéciaux passe soit par son exclusion du champ de l’accord, soit par l’instauration d’un quota spécifique proportionné à sa part dans le marché global du sucre.
Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer où en sont les négociations avec la Commission européenne et le Vietnam.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la sénatrice, le Gouvernement suit avec la plus grande attention l’évolution des discussions avec le Vietnam et la Commission européenne concernant la filière canne-sucre-rhum-bagasse, qui est en effet très importante pour les outre-mer.
Depuis 2012, nous avons pris ce sujet à bras-le-corps. La nécessaire protection de cette filière s’est par exemple traduite par la revalorisation de la prime bagasse, que vous avez évoquée et qui permet accessoirement de diversifier la production d’énergies renouvelables dans les outre-mer.
Aujourd'hui, s’agissant de l’accord avec le Vietnam, nous sommes confrontés à une difficulté, tenant à ce que la fin des quotas sucriers n’avait pas été suffisamment anticipée, de sorte que le mandat donné à la Commission européenne n’excluait pas les sucres spéciaux, qui, comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, sont un marché de niche essentiel pour les outre-mer. La conséquence de cette importante erreur est que nous devons maintenant discuter pied à pied avec la Commission européenne alors que celle-ci n’est pas juridiquement contrainte de nous écouter.
Quoi qu’il en soit, nous avançons. Nous avons ainsi obtenu, voilà peu de jours, l’exclusion du champ des nouveaux accords de la ligne tarifaire qui permet de couvrir la quasi-totalité des expéditions de sucres spéciaux des départements d’outre-mer vers l’Union européenne. Vous le voyez, notre détermination est totale, et la filière des sucres roux de nos outre-mer demeure protégée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la ministre des outre-mer, la délégation sénatoriale à l’outre-mer a été alertée par les professionnels du sucre de La Réunion de la menace de plus en plus pressante que fait peser sur la filière canne la politique commerciale européenne.
Différentiel de compétitivité, fin des quotas sucriers en 2017 et accumulation des accords commerciaux mettent en grave danger la filière canne.
Cette filière, qui fait partie du patrimoine de nos départements d’outre-mer, représente quelque 40 000 emplois directs et indirects dans des territoires sinistrés par des taux de chômage record : c’est l’équivalent de 3 millions d’emplois pour l’Hexagone !
Il est impensable de laisser la Commission européenne sacrifier les économies de nos régions ultrapériphériques sur l’autel du libre-échange et de laisser prospérer une politique commerciale en contradiction totale avec les politiques régionale et agricole. À quoi sert d’octroyer et d’autoriser des aides qui ont permis une modernisation vertueuse de la filière si on prive parallèlement celle-ci de débouchés, en encourageant une concurrence à bas coût sur le marché européen ?
Je sais votre mobilisation et celle des services chargés du suivi des négociations en cours avec le Vietnam. Cependant, l’accord politique intervenu cet été résonne comme un coup de semonce pour la production sucrière de nos régions ultrapériphériques.
Comment est-il possible que l’on ait découvert au cœur du mois d’août que l’accord politique avait été finalisé sans alerte préalable des autorités françaises ? Le mandat de négociation donné en amont à la Commission a-t-il été suffisamment cadré ? Quelles garanties peut-on désormais espérer, alors que de nombreux autres accords commerciaux se profilent déjà ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur Magras, la question de l’avenir de la filière canne-sucre-rhum agite en effet beaucoup les outre-mer, étant donné la place qu’elle occupe dans leurs économies.
Cet accord entre l’Union européenne et le Vietnam représente pour nous un héritage qu’il nous a fallu assumer, ses conséquences n’ayant pas été suffisamment anticipées. Le mandat de négociation donné à la Commission européenne ne prenait pas en compte, en effet, les spécificités des outre-mer. Par conséquent, nous sommes maintenant en quelque sorte obligés de nous insérer dans les discussions pour faire entendre à la Commission européenne les difficultés que soulève la négociation en cours pour nos outre-mer.
Comme je l’indiquais à Mme Herviaux, nous avons obtenu une avancée positive avec l’exclusion du champ de l’accord de la principale ligne tarifaire d’exportation des sucres ultramarins. Cependant, les choses auraient été plus simples si la Commission européenne avait été alertée en amont.
Cela étant, nous mettons en œuvre tous les moyens pour continuer à avancer. Les sucres spéciaux seront ainsi bien exclus des accords à venir, comme celui qui est en cours de négociation avec l’Afrique du Sud.
Par ailleurs, nous allons déposer auprès de la Commission européenne une demande d’autorisation d’augmenter les aides de l’État à la filière canne-sucre, à hauteur de 30 millions d’euros. Le dossier a été préparé en liaison avec les organisations professionnelles ; il est maintenant bien étayé et prêt à être déposé.
D’autres difficultés se posent cependant. Nous avons ainsi reçu les représentants des salariés de l’entreprise Saint-Louis, qui met un terme à l’activité de raffinage des sucres.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous travaillons à sauvegarder cette filière sucrière dont nous connaissons tous l’importance pour les outre-mer.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la ministre, la stratégie actuelle de la France semble avoir atteint ses limites.
La délégation sénatoriale à l’outre-mer s’est saisie de cette question et a adopté ce matin à l’unanimité une proposition de résolution comportant une dizaine de préconisations aussi claires que précises, qu’il nous semble indispensable de mettre en place si nous voulons sauver les économies des régions ultrapériphériques. Nous attendons du Gouvernement et de la France une action plus ferme et plus efficace.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, porte sur le sommet France-Océanie, ainsi que sur la façon dont la situation des îles océaniennes a été prise en compte à l’occasion de la COP 21.
Le quatrième sommet France-Océanie s’est tenu à Paris les 25 et 26 novembre, juste avant la COP 21. Au dire même des dirigeants océaniens présents, ce fut un succès.
Instaurés en 2003 par le président Chirac, ces sommets devaient être des rendez-vous triennaux entre les gouvernements océaniens, les trois collectivités françaises du Pacifique et le Président de la République française. Le dernier avait eu lieu en 2009, et le suivant devait se tenir à l’été 2012. Hélas, il n’a pas été organisé !
Ces six ans d’absence française sont regrettables, sachant que, dans le même temps, les sommets États-Unis-Océanie, Chine-Océanie, Japon-Océanie, Inde-Océanie et autres, souvent annuels, se sont multipliés. L’Océanie est bien une zone stratégique.
Je souhaite donc savoir dans quelle mesure la France pourrait s’engager à organiser régulièrement des sommets France-Océanie, peut-être selon un rythme plus soutenu, par exemple tous les deux ans.
Par ailleurs, la COP 21, qui s’achève, a mis en lumière la tragédie qui attend l’Océanie. Si les réfugiés de guerre ont l’espoir de revoir un jour leur pays, les futurs réfugiés climatiques savent qu’ils quitteront leur terre, bientôt engloutie, sans espoir de retour.
C’est pourquoi je comprends et soutiens la revendication des pays de cette région de voir ramener l’objectif de réchauffement à 1, 5 degré.
La France, puissance océanienne par ses collectivités du Pacifique, dont j’aimerais savoir si elles pourront bénéficier du Fonds vert pour le climat, s’est-elle faite la porte-parole des Océaniens pendant la COP 21 et, si oui, de quelle manière ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI -UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur Laufoaulu, le quatrième sommet France-Océanie a marqué, comme vous l’avez dit, une nouvelle étape dans les relations de la France avec ses voisins océaniens, et permis de renforcer les liens non seulement d’amitié, mais aussi économiques, scientifiques et culturels, qui unissent nos peuples. Vous avez raison de rappeler que l’Océanie est une région absolument stratégique au regard des grandes questions internationales.
Ce sommet a été utile. Les pays de cette zone, qui sont très vulnérables au dérèglement climatique, ont pu y exprimer leurs demandes. Elles concernent principalement deux points, sur lesquels la France a apporté son soutien aux pays de l’Océanie tout au long de la COP 21 : premièrement, le niveau d’ambition de l’accord, en particulier la limitation de la hausse de la température à moins de 2 degrés, et plus précisément à 1, 5 degré, les petits États insulaires en développement, à l’instar de nombreux pays du Pacifique, étant particulièrement vulnérables à la montée des eaux, qui met en jeu leur survie ; deuxièmement, l’adaptation, ce que l’on appelle les pertes et dommages, c’est-à-dire les soutiens pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique.
La France, qui exerce la présidence de la COP, s’est faite l’avocate de ces pays et cherche une solution ambitieuse, étant très attentive aux demandes des pays vulnérables en général.
Ces deux sujets font l’objet de travaux ad hoc et de consultations spécifiques, qui se poursuivent aujourd’hui encore. La France promeut en outre la recherche de réponses concrètes à ces enjeux et une initiative pour le renforcement des systèmes d’alerte aux risques climatiques ; 80 millions d’euros ont été levés à ce titre.
Comme vous l’avez souligné, un dialogue continu et des réunions périodiques doivent permettre de resserrer encore nos liens avec les pays océaniens. Le Président de la République a donc fait part de l’engagement de l’État à organiser un cinquième sommet France-Océanie en 2018 et à tenir des dialogues biennaux de haut niveau entre la France et la présidence du Forum des îles du Pacifique.
Vous m’interrogez enfin sur l’éligibilité des collectivités françaises du Pacifique au Fonds vert pour le climat. Le bénéfice de celui-ci est exclusivement réservé aux pays en développement, mais des projets régionaux, ayant des effets positifs pour ces collectivités, seront évidemment développés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi prochain 15 décembre, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, de la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (texte n° 113, rapport n° 212, résultats des travaux de la commission n° 213).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre proposition de loi, élaborée avec Évelyne Didier et soutenue par notre groupe, a pour objectif de « maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité ».
Cette proposition de loi nous semble particulièrement utile et opportune, alors que la clôture de la COP 21 interviendra demain et que la communauté internationale s’engage à agir sur le climat afin de préserver l’existence même de l’humanité. Il nous semble donc plus que nécessaire de passer des paroles aux actes.
Nous savons que le secteur des transports est particulièrement émissif, puisqu’il est à l’origine de 27 % des émissions globales de gaz à effet de serre, comme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie l’a rappelé. La puissance publique assume donc d’une responsabilité particulière en matière de report modal, de manière à favoriser le rail, moins productif d’émissions de gaz à effet de serre que la route.
À titre d’exemple, la région Centre-Val de Loire, traversée par huit autoroutes, concentre des trafics routiers importants, internationaux pour moitié d’entre eux. L’agglomération de Tours est particulièrement touchée, avec une fréquence de 65 000 véhicules par jour. Par ailleurs, 94 % du tonnage du trafic régional de marchandises passe par la route. Le ratio rail-route, dans ma région, s’élève à 6, 2 % et continue de baisser.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le coût de cette pollution pour la nation a été chiffré à 100 milliards d’euros par an. Nous devons donc tirer les enseignements de tous ces chiffres, catastrophiques pour notre environnement. Ceux-ci nous montrent que les orientations prises pour le transport de marchandises ne doivent pas être retenues pour le transport de voyageurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
Tout d’abord, nous prenons acte aujourd’hui du fait que les régions sont l’échelon de référence en matière de politique de transport de personnes, hors offre de TGV et de transports urbains – c’est encore plus vrai depuis l’entrée en vigueur de loi portant nouvelle organisation territoriale la République, la loi NOTRe.
Depuis 2002, les régions assument cette compétence pour les transports d’intérêt régional, principalement les trains express régionaux, les TER. L’expérience est favorable, puisque la fréquence des trains n’a cessé d’être renforcée et les usagers sont de plus en plus nombreux.
Dans la région Centre-Val de Loire, le nombre de voyageurs par kilomètre a progressé de 16 % entre 2005 et 2012 et, aujourd’hui, chaque train transporte, en moyenne, 86 voyageurs, contre 71 au niveau national. Cet engagement a nécessité et nécessite toujours des budgets importants. La région y consacre ainsi 19 % de son budget, taux qui correspond à la moyenne nationale.
Or les régions dépendent, pour la quasi-totalité de leurs ressources, des moyens que l’État consent à leur attribuer, moyens qui diminuent dans le cadre des politiques d’austérité engagées par la droite et malheureusement poursuivies et amplifiées par le gouvernement actuel.
La compensation financière des transferts de charges n’a jamais été à la hauteur : l’État verse 2 milliards d’euros aux régions qui dépensent 3, 6 milliards d’euros ! Cet écart est important.
Il est particulièrement incohérent de promouvoir une décentralisation renforcée tout en octroyant toujours moins de ressources aux collectivités territoriales pour assumer de nouvelles compétences. Le respect de la démocratie passe donc par un arrêt des politiques de réduction des dotations aux collectivités. Il suppose aussi de reconnaître la nécessité de développer des sources nouvelles de financement des transports, au lieu d’amputer les financements actuels, comme cela vient d’être fait dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, avec le relèvement des seuils d’assujettissement au versement transport.
De plus, nous estimons que le financement par l’État du service public ferroviaire est fondamental. Le service public ferroviaire est, par nature, un service public national qui permet l’exercice d’un droit fondamental de nos concitoyens : le droit à la mobilité. Ce droit est souvent la condition de l’accès à un emploi, aux soins, à la culture, à l’éducation… L’État doit donc le garantir, y compris au moyen de son contrat d’objectifs avec la SNCF.
L’État doit aussi s’engager pour que le réseau ferroviaire soit efficient, ce qui suppose la reprise de la dette ferroviaire et la sanctuarisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Le maillage de l’ensemble du territoire, acquis des politiques de service public menées depuis des décennies, est un atout indéniable, mais il est aujourd’hui en danger. D’ailleurs, cette situation conduit les régions à prendre de nouvelles responsabilités, en lieu et place de l’État. Je veux citer un exemple : notre région est intervenue pour la modernisation de la ligne Tours-Chinon, qu’elle a financée à hauteur de 12 millions d’euros, contre 3 millions d’euros pour Réseau ferré de France, RFF, et seulement 1 million d’euros pour l’État.
Au-delà de ces considérations nationales, nous nous sommes plus précisément attachés, dans cette proposition de loi, à donner des moyens nouveaux aux régions pour les transports d’intérêt régional. Nous proposons, ainsi, l’instauration d’un versement transport régional.
Je rappelle que les régions sont actuellement les seules autorités organisatrices qui ne perçoivent pas de versement transport. Les collectivités territoriales situées en périmètre urbain en bénéficient, tout comme la région Île-de-France, qui dispose d’un régime spécifique. Il faut, nous semble-t-il, mettre fin à cette injustice.
Il paraît également opportun que l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, pour leurs salariés et leurs clients, de bonnes conditions de mobilité, s’engagent à participer à ce financement. Le discours libéral, qui fait de l’imposition des entreprises un frein à l’économie et que l’on l’entend très souvent dans cette enceinte, doit cesser. Les entreprises bénéficient des services publics ; il est donc normal qu’elles y contribuent.
C’est d’autant plus vrai que les salariés utilisant le transport public ferroviaire dans leurs trajets domicile-travail sont des personnels plus disponibles à leur poste de travail ! Notre journal local a tout dernièrement réalisé un reportage sur l’intérêt, pour les salariés, d’utiliser le transport régional.
Cet engagement n’apparaît pas non plus excessif, quand on sait que la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE, se traduira par une réduction d’impôts de 20, 3 milliards d’euros à l’échelon national en 2017. Le CICE pèsera sur les recettes de l’État et, par conséquent, sur les ménages et sur les collectivités locales. À l’inverse, avec la mise en place d’un versement transport régional, les régions bénéficieraient, elles, d’une ressource propre, pérenne et dynamique, permettant d’engager le nécessaire renouvellement du matériel ferroviaire et d’améliorer l’offre de transport collectif.
Notre proposition de loi va dans le sens de la transition écologique, puisqu’elle permet de maintenir une politique ferroviaire régionale comme alternative à la voiture.
Concrètement, le versement transport régional que nous proposons pourra être porté à un taux régional plafonné à 0, 3 % des salaires sur les zones situées en dehors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité – c’est ce que l’on appelait auparavant le périmètre de transports urbains –, avec un taux additionnel, dans le ressort territorial de cette autorité, plafonné, lui, à 0, 2 %.
Lors de la discussion sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, une autre version de ce versement transport avait été adoptée. Celle-ci consistait en un versement interstitiel, à hauteur de 0, 55 %, qui permettait de dégager 450 millions de ressources. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer cette mesure dans la loi de finances pour 2015.
Le choix d’une taxe additionnelle plutôt qu’interstitielle, avec des taux adaptés et faibles, permet d’assurer la péréquation nécessaire au niveau d’un même territoire régional, bénéficiant d’une offre cohérente et interconnectée, la région étant chef de file de l’intermodalité.
Le versement transport régional serait mis en œuvre par délibération du conseil régional et la ressource potentielle pourrait s’élever à plus de 700 millions d’euros.
Nous proposons également, à l’article 3, de revenir, pour les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, au taux de TVA dévolu aux produits de première nécessité, soit 5, 5 %, compte tenu de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Ce taux existait jusqu’en 2011. Il a été porté à 7 % par la loi de finances rectificative pour 2011, puis augmenté, en 2012, à 10 %. Revenir à la fiscalité de 2011 ne serait que justice.
Cette baisse du taux de TVA serait bénéfique pour l’ensemble des autorités organisatrices qui, par le fait des hausses précédentes, ont perdu près de 220 millions d’euros. Elles pourraient décider d’en faire profiter les usagers ou d’utiliser les sommes économisées pour régénérer le matériel ou améliorer l’offre.
Pour conforter ces mesures et la politique ferroviaire régionale, nous proposons la suppression de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières. En effet, nous considérons que cette libéralisation porte un coup brutal aux politiques régionales, en organisant une concurrence frontale avec l’offre ferroviaire, menaçant directement l’équilibre déjà précaire de ces lignes.
Il est fort à craindre qu’un mouvement s’engage et que de nombreuses lignes TER soient remplacées par des bus. Mais pour quel service ?
Je veux citer un exemple avant de terminer : le 1er décembre dernier, un des premiers Ouibus est annoncé à 15 heures 30 à Tours, pour rallier ensuite Poitiers puis Bordeaux, le trajet coûtant 5 euros pour aller de Tours à Poitiers. Le car arrive finalement à 16 heures 15, mais comme il était parti depuis quatre heures de Paris, les autoroutes A6 et A6 bis étant saturées, le chauffeur doit prendre une pause, …
… et le bus ne repartira finalement de Tours qu’après 17 heures, soit un quart d’heure après l’heure prévue pour son arrivée à Poitiers.
M. Macron nous avait bien prévenus que ce serait un moyen de transport pour les pauvres…
Mme Marie-France Beaufils. En tout cas, ce n’est pas ainsi que nous concevons le droit à la mobilité.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprimerai non seulement en tant que rapporteur de notre commission, mais aussi, vous le comprendrez, en tant que coauteur de cette proposition de loi.
Je voudrais expliquer la démarche adoptée par le groupe communiste, républicain et citoyen lorsqu’il a déposé cette proposition de loi. En effet, celle-ci s’inscrit dans une certaine vision des transports que nous avons toujours défendue et qui consiste à considérer le transport comme un service public et non comme un service marchand. Cela signifie que chaque citoyen doit pouvoir disposer du même service, quels que soient l’endroit où il habite et le lieu où il travaille. Il s’agit d’un point essentiel en termes d’aménagement du territoire.
Comme pour le déploiement du numérique, le développement des infrastructures routières, l’accès aux soins, les services postaux ou bancaires, c’est l’ensemble de notre territoire national qui doit être irrigué par des services de transport de qualité pour l’ensemble des citoyens.
Si l’on assimile le transport public à un service marchand, on laisse la logique de rentabilité et de recherche de profit prendre le dessus, avec les conséquences que l’on connaît : la notion de service public et les mécanismes de péréquation disparaissent, et seules les lignes de transport les plus rentables sont maintenues.
Une telle situation entraîne deux effets : d’une part, sur le plan social, on laisse au bord du chemin tous ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter le long de ces axes considérés comme rentables ; d’autre part, sur le plan environnemental, on supprime une incitation à recourir au transport collectif, alors qu’il s’agit aujourd’hui de l’un des principaux leviers disponibles pour maîtriser nos émissions de CO2 et de polluants. En ces temps de COP 21, je pense que l’accent doit être mis sur ces questions.
C’est pour ces raisons que nous refusons la libéralisation des transports par autocar prévue par la loi « Macron » et que nous proposons de l’abroger, à l’article 1er de la proposition de loi, car cette réforme abandonne toute logique de péréquation dans l’organisation des transports collectifs. Les entreprises d’autocar pourront intervenir comme elles l’entendent, exploiter les lignes les plus rentables, engranger des profits sans se préoccuper des personnes qui habitent ou travaillent dans des territoires non desservis. Plus grave encore, cette libéralisation met frontalement en concurrence deux modes de transport – le mode ferroviaire et le mode routier – dans des conditions très inéquitables.
En effet, le mode ferroviaire, pourtant plus vertueux en termes de protection de l’environnement, de santé et de sécurité – et qu’il faudrait donc encourager – doit supporter des coûts importants liés à son infrastructure, au moyen des péages. Ces coûts sont encore aggravés par le poids de la dette de SNCF Réseau qui engendre des frais financiers importants.
Les autocars, quant à eux, contribuent à peine à l’entretien des infrastructures routières : ils ne paient des péages que sur les autoroutes qu’ils contribuent pourtant fortement à dégrader. De même, leur impact sur la qualité de l’air est loin d’être anodin.
Cette mise en concurrence déloyale risque d’écarter de nombreux usagers du mode ferroviaire et d’engager une spirale négative : la baisse de fréquentation va engendrer une perte de recettes pour les trains express régionaux et les trains d’équilibre du territoire, ce qui rendra ces transports ferroviaires encore plus chers, au moment même où ils seront moins utilisés. En conséquence, les autorités organisatrices seront moins encouragées à investir dans le domaine ferroviaire, ce qui dégradera la qualité du service public ferroviaire et écartera encore davantage d’usagers de ce mode de transport… Et ainsi de suite, jusqu’à la disparition de nombreuses lignes – qui a déjà commencé –, seules les plus rentables étant maintenues.
Je parle bien du présent, non d’un futur lointain, car certains craignent déjà l’abandon, par les régions, de services ferroviaires plus coûteux, au motif qu’ils sont désormais assurés par ces autocars privés. Ceux qui aspirent à diriger les régions devraient y réfléchir à deux fois avant de rejeter nos propositions !
C’est pour toutes ces raisons que nous souhaitons abroger la libéralisation des transports par autocar sans tarder, tant qu’il en est encore temps. Toutefois, nous sommes aussi conscients que le maintien d’un service public de qualité nécessite des moyens financiers. Or ceux-ci font cruellement défaut du côté des régions, pourtant devenues autorités organisatrices des transports ferroviaires régionaux en 2002.
Les régions ont été les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle. Par ailleurs, les transferts de compétences dont elles ont bénéficié n’ont pas été suffisamment compensés par l’État. Et je ne parle même pas de la baisse des dotations…
Or, si l’on pouvait avoir des doutes sur l’intérêt d’un transfert aux régions de ce service public national, force est de constater qu’elles ont pris la mesure de leurs responsabilités dans ce domaine.
En 2013, elles ont dépensé 6, 8 milliards d’euros au titre de leur compétence « transport ». Il s’agit de leur premier poste budgétaire. Au sein de cette enveloppe, près de 3, 9 milliards d’euros étaient destinés au transport ferroviaire régional, dont 2, 8 milliards d’euros pour l’exploitation des TER. Ces chiffres sont en constante augmentation au fil des ans. Les régions ont ainsi dû assumer une partie des augmentations successives de la TVA applicable aux transports qui est passée de 5, 5 % à 7 % en 2012, puis de 7 % à 10 % en 2014.
Je rappelle aussi que les régions vont récupérer, à partir de 2017, les compétences des départements en matière de transports, en application de la loi NOTRe. D’après l’Association des régions de France, cela représentera près de 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
Si une compensation de ce transfert est prévue, les régions auront tout de même besoin d’une recette supplémentaire, ne serait-ce que pour assumer leurs dépenses actuelles en matière de transport ferroviaire ou pour développer cette offre.
C’est la raison pour laquelle le Sénat avait instauré, dans la loi de réforme ferroviaire d’août 2014, un versement transport au profit des régions que Mme Beaufils a évoqué. Ce dispositif a malheureusement été supprimé par la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement, avant même sa mise en œuvre. Pour mémoire, mes chers collègues, nous avions adopté ce versement transport à l’unanimité…
Pour résorber les difficultés de financement que rencontrent les régions, nous proposons donc, à l’article 2 de cette proposition de loi, de rétablir un versement transport à leur profit, formé de deux composantes : d’une part, un versement transport additionnel, dans la limite de 0, 2 % des salaires, qui s’ajouterait au versement transport déjà perçu par les autorités organisatrices de la mobilité dans leur ressort territorial, ce qui rapporterait aux régions près de 475 millions d’euros ; d’autre part, un versement transport interstitiel, dans la limite de 0, 3 % des salaires, sur les territoires situés en dehors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce dernier versement, d’autant plus justifié que les régions vont désormais aussi intervenir sur ces territoires, rapporterait 228 millions d’euros.
La division de ce versement transport en deux composantes – un versement transport additionnel et un versement transport interstitiel – limite son impact financier sur les entreprises, puisque les plafonds de prélèvement autorisés, très bas – à savoir 0, 2 % et 0, 3 % de la masse salariale – ne sont pas de nature à mettre en péril quelque entreprise que ce soit. Par ailleurs, les entreprises ne peuvent pas se développer « hors sol » et continuer à demander toujours plus de services et d’interventions de la part des pouvoirs publics, sans jamais daigner participer à leur financement.
Enfin, nous proposons, à l’article 3 de la proposition de loi, un rétablissement du taux réduit de TVA de 5, 5 % sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs. Comme je vous l’expliquais voilà quelques instants, un tel taux ayant déjà été appliqué aux transports dans le passé, on ne pourra nous opposer sa non-conformité au droit européen.
Cette mesure s’inscrit dans la même logique, celle d’un desserrement de la contrainte financière pour permettre aux autorités organisatrices de transport de maintenir un service public de qualité, qui puisse être offert à tous les Français de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.
L’article 4 de la proposition de loi prévoit, pour compenser les pertes de recettes liées à cette réduction du taux de TVA, une baisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ce qui me semble un juste retour des choses.
La proposition de loi n’a malheureusement pas été adoptée par notre commission. Vous savez que je le regrette profondément, comme les autres membres de mon groupe.
Mme Éliane Assassi marque son approbation.
Permettez-moi pourtant d’insister, au-delà de nos divergences politiques, sur la nécessité de dégager de nouveau des marges de manœuvre financières pour les autorités organisatrices de transport, en particulier régionales, dont l’action en matière de promotion du transport ferroviaire est, je crois, reconnue par tous. Je rappelle qu’il s’agit d’un point essentiel pour le maintien des dessertes ferroviaires : si les régions font régulièrement le choix de l’autocar, je vous assure que nous pourrons nous faire du souci pour le chemin de fer !
C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette proposition de loi, même si, en tant que rapporteur, je dois préciser que ce texte n’a pas reçu l’aval de la commission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur, Évelyne Didier, qui, comme toujours, a manifesté ses convictions avec beaucoup de fermeté.
Je suis désolé de devoir aller à l’encontre de ces convictions en m’inscrivant dans la ligne qui est non seulement la mienne, mais surtout celle de la majorité de la commission, laquelle, comme l’a rappelé Mme Didier avec beaucoup d’honnêteté, n’est pas favorable à cette proposition de loi.
Par un heureux hasard de calendrier, nous avons examiné en commission, la semaine dernière, cette proposition de loi après avoir entendu, la veille, Emmanuel Macron. Comme il nous l’avait promis lors de l’examen du projet de loi portant son nom, M. Macron est venu évoquer un certain nombre de sujets relevant de la compétence de notre commission, qu’il s’agisse des autoroutes, de l’aménagement numérique du territoire ou du transport par autocar.
Cette audition lui a donné l’occasion de présenter un premier bilan très intéressant de l’ouverture à la concurrence des transports par autocars. Je crois que les nouvelles lignes mises en place constituent une véritable nouvelle option de mobilité. Certes, tous les territoires aujourd’hui mal desservis ne bénéficient pas encore de lignes d’autocars, mais cette libéralisation constitue clairement une occasion intéressante pour les collectivités locales, avec un coût nul pour leurs finances.
Par ailleurs, ces nouvelles lignes sont aussi créatrices d’emplois, comme le seront les futures gares routières. Nous espérons également que ce développement de l’autocar permettra de renforcer une filière économique qui sera elle aussi créatrice d’emplois, grâce à la construction de véhicules adaptés au transport collectif.
Bien évidemment, nous sommes conscients qu’il nous faut être vigilants, afin que la mise en place de ces lignes d’autocar n’entraîne pas la suppression de lignes ferroviaires. Nous sommes aussi vigilants, parce que nous savons bien que les autocars ne sont pas les véhicules les moins polluants et qu’ils posent un vrai problème en termes d’émission de gaz à effet de serre – même s’il faut reconnaître que les personnes qui recourent à l’autocar n’utilisent pas de véhicules individuels, ce qui aurait un effet encore plus néfaste sur l’environnement. À l’avenir, nous espérons voir se développer des véhicules de transport collectif – des autocars – faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, voire des véhicules électriques.
La concurrence induite par cette libéralisation me semble plutôt positive. Dans les pays où cette libéralisation a déjà eu lieu, on n’a pas vu disparaître d’opérateurs ferroviaires, bien au contraire.
C’est parce que nous croyons aux vertus de cette ouverture à la concurrence que nous souhaitons qu’elle s’ouvre encore plus largement à l’ensemble du transport ferroviaire de voyageurs et qu’elle ne s’arrête pas à l’autocar. Cela me semble tout à fait souhaitable pour permettre à notre opérateur historique de se développer dans des conditions favorisant davantage encore la qualité du service et les prix.
Notre commission a donc été largement défavorable à l’abrogation de la libéralisation du transport par autocar. De surcroît, il me semblerait prématuré de supprimer une mesure adoptée voilà seulement six mois par le Parlement.
S’agissant du versement transport, je dirai simplement que, eu égard à la conjoncture économique et aux charges importantes pesant sur les entreprises, il nous paraît plus que déraisonnable d’envisager de taxer encore ces dernières.
Je crois que nous devons nous montrer beaucoup plus inventifs pour dégager des sources de financement pour les collectivités locales en matière de transport. Mieux vaut se tourner vers des méthodes de rationalisation et d’optimisation que vers de nouvelles taxations.
S’agissant de la réduction du taux de la TVA applicable aux transports publics de voyageurs, je crois qu’il faut se méfier de ce type de mesures qui s’apparentent à de l’affichage et qui seraient très complexes à mettre en œuvre, d’autant plus que des tarifs différenciés sont très souvent appliqués en faveur des plus modestes. En outre, rien n’indique que le milliard d’euros ainsi dégagé reviendrait aux autorités organisatrices.
Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cette proposition de loi.
Ce texte aura toutefois eu le mérite de nous rappeler l’importance du transport collectif de voyageurs dans notre pays. À l’heure où la COP 21 entre dans sa dernière ligne droite, le secteur des transports doit faire l’objet de toute notre attention. Nous sommes bien conscients qu’il doit se réformer, que les comportements doivent évoluer, que notre industrie doit s’adapter et que nos collectivités locales doivent faire des efforts pour offrir des modes de transport répondant aux attentes actuelles. L’offre de transports doit être plus complète, plus ouverte, moins coûteuse et plus propre, c’est-à-dire plus sobre en émissions de gaz à effet de serre.
Tel est le véritable défi que doit aujourd’hui relever le secteur des transports. Je tiens à assurer le Gouvernement que, sur ce sujet, notre commission est à ses côtés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la sénatrice Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi, madame la sénatrice Évelyne Didier, rapporteur, monsieur le sénateur Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui vise à maintenir et à développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.
Il est proposé de supprimer l’ouverture à la concurrence, récente, du marché du transport par autocar, d’instaurer un versement transport régional et de ramener le taux de TVA applicable aux services publics de transport à celui en vigueur pour les produits de première nécessité, soit 5, 5 % au lieu de 10 %.
Je veux tout d’abord souligner que, depuis 2002, date du transfert de la compétence d’organisation des transports express régionaux aux régions, ces dernières ont incontestablement réussi à donner un nouvel élan au transport public ferroviaire et à attirer de nouveaux usagers. Cette évolution a eu pour corollaire l’augmentation considérable de la contribution financière des régions au transport ferroviaire régional, cela a été dit.
Or, aujourd’hui, la nécessité de maîtriser les dépenses publiques de notre pays, aux niveaux national et local, implique de réfléchir à une évolution des modes d’intervention retenus jusqu’ici. Il s’agit clairement d’un défi que toutes les collectivités locales – dont les régions – doivent relever pour l’ensemble de leurs compétences. Le transport ferroviaire régional n’y fait pas exception.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a fait le choix d’un renforcement de l’échelon régional dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, promulguée cet été.
Ce renforcement des compétences était nécessaire pour amener les régions françaises au niveau des grandes régions européennes. Il va aussi permettre aux régions d’agir plus efficacement sur le développement économique de leurs territoires et de répondre à une échelle adaptée aux besoins de mobilité de nos concitoyens. En effet, les treize grandes régions disposeront de compétences étendues qui les doteront d’une capacité d’action renouvelée sur les différents modes de transport.
Tout d’abord, les régions seront les chefs de file de l’intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transport. Ce leadership, demandé par les régions elles-mêmes depuis plusieurs années, les conduira à élaborer le schéma régional de l’intermodalité, qui est un élément majeur du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le fameux SRADDET. Il s’agit là de l’un des deux grands schémas régionaux, avec le schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Ce schéma régional de l’intermodalité sera un outil déterminant, car il coordonnera l’offre de services, l’information des usagers, la tarification et la billettique.
Ensuite, les régions reprendront, à compter de 2017, la compétence « transport » des départements, y compris pour les transports scolaires et les gares routières publiques. Elles disposeront ainsi de l’ensemble des éléments permettant de bâtir une offre de transport lisible et cohérente pour l’usager et d’assurer une vraie complémentarité entre le mode ferroviaire et le mode routier non urbain.
Enfin, les régions concernées récupéreront la compétence du transport maritime inter-îles et pourront prendre en charge la gestion des ports départementaux, si elles en font la demande avant le 31 mars 2016. Vous vous en souvenez, la question de la compétence relative aux ports a fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle.
Je rappelle que le Gouvernement a prévu la compensation des transferts de compétences entre départements et régions, via un transfert de fiscalité, notamment d’une part de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les régions bénéficieront donc de marges de manœuvre financières renforcées pour déployer cette politique des transports renouvelée.
Je souhaite maintenant vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, sur l’ambition du Gouvernement pour le transport ferroviaire régional et pour le transport ferroviaire dans son ensemble. Vous le savez, l’offre de TER occupe une place essentielle dans le système de transport national. Avec les autres services ferroviaires et les autres modes de transport, elle permet de répondre aux besoins de déplacement de nos concitoyens, à leur attente d’une mobilité toujours plus grande et mieux adaptée aux évolutions de leurs modes de vie.
La réforme ferroviaire défendue par le Gouvernement – j’en profite pour excuser l’absence de mon collègue Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, qui est retenu cet après-midi à Bruxelles par un conseil des ministres des transports – a donc fondé l’avenir du service public ferroviaire pour les années qui viennent.
La loi adoptée à l’été de 2014 a conduit à la constitution, au 1er juillet dernier, d’un groupe public ferroviaire, constitué d’un établissement public dit « groupe de tête » – la nouvelle SNCF – et de deux établissements publics opérationnels, le gestionnaire de l’infrastructure – SNCF Réseau – et l’opérateur de mobilité – SNCF Mobilités –, avec un pilotage commun, des synergies industrielles et une organisation sociale intégrée. Cette réforme réaffirme ainsi le rôle de l’État, stratège national en matière de transports, tout en consolidant les prérogatives des régions, qui sont les autorités organisatrices de transport dans les territoires.
Cette réforme apporte des réponses aux enjeux de qualité et de soutenabilité financière du service public.
La loi du 4 août 2014 a créé le Haut Comité du système de transport ferroviaire, instance d’information et de concertation chargée de débattre des grands enjeux du système de transport ferroviaire national, qui éclairera le Gouvernement et le Parlement. Il sera réuni une première fois dès le début de l’année 2016.
Le Gouvernement a aussi engagé l’élaboration des contrats de performance, qui seront conclus entre l’État et chacun des établissements publics du groupe. Parce que notre réforme doit permettre de remettre le système ferroviaire français sur la meilleure trajectoire, elle passe par des engagements de progrès, de performance économique et opérationnelle, pour assurer un service public plus efficace, moins coûteux, et toujours plus sûr.
Sur le plan social, les discussions entre les partenaires ont déjà conduit à définir le périmètre de la branche ferroviaire. Les organisations syndicales et professionnelles devront définir, d’ici à juillet 2016, le cadre commun de l’organisation collective de la branche et les partenaires devront trouver la voie d’un accord collectif de branche dans l’année qui vient. Le Gouvernement prendra sa part de responsabilité, en établissant le « socle commun » à l’ensemble des opérateurs ferroviaires.
La politique des transports voulue par le Gouvernement a aussi pour objectif de développer la cohérence et la complémentarité des différents services de transport de voyageurs. Il s’agit ainsi d’avoir une vision globale et intégrée tenant compte de tous les services : les TGV et les services conventionnés par des autorités publiques, à savoir les TER, les Transiliens et les TET, les trains d’équilibre du territoire. La priorité du Gouvernement concerne les transports du quotidien, qui doivent être rénovés et modernisés, en particulier l’offre Intercités.
Le Gouvernement s’est fortement engagé pour l’avenir des trains d’équilibre du territoire, conventionnés par l’État depuis 2011. Ces trains sont en effet, aux côtés des TGV et des TER, un maillon important de l’offre ferroviaire dans notre pays. Dès 2013, l’État a engagé le renouvellement des matériels roulants, avec un investissement de plus de 500 millions d’euros, pour le remplacement des matériels thermiques.
Toutefois, la volonté du Gouvernement de donner un avenir à ce segment ferroviaire ne s’arrête pas là. Constatant la forte dérive qualitative et financière de l’offre Intercités, liée notamment à d’importantes pertes de trafic ces dernières années, nous avons confié à une commission présidée par le député Philippe Duron la charge de définir les conditions de sa modernisation. Je veux bien sûr parler de la modernisation de ce segment ferroviaire, et non pas de celle du député Philippe Duron ! En effet, il n’a pas besoin d’être modernisé, car il est vraiment très au fait de ces questions ferroviaires, comme beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, …
… je pense notamment M. Jean-Jacques Filleul, que j’aperçois, mais il n’est pas le seul à connaître parfaitement toutes les problématiques du transport public.
Après la remise de ce rapport, le 26 mai dernier, le Gouvernement a arrêté une feuille de route pour les TET, que le secrétaire d’État chargé des transports a présentée le 7 juillet dernier. Elle prévoit, notamment, le renouvellement de la convention TET sur des bases refondées, avec l’objectif de faire de l’État une autorité organisatrice de plein exercice. Le Gouvernement a par ailleurs souhaité que les évolutions d’offre proposées par la commission fassent toutes l’objet d’une concertation avec les régions, avant toute décision. Une mission a été confiée en ce sens au préfet François Philizot. Les conclusions de cette mission, qui doivent être remises en avril 2016, permettront de prendre les décisions nécessaires avant l’été prochain.
L’État s’est enfin engagé à renouveler, d’ici à 2025, l’ensemble du matériel roulant du réseau structurant des TET, pour 1, 5 milliard d’euros, afin de répondre aux besoins exprimés par la clientèle et de redonner à ces trains une attractivité aujourd’hui écornée.
La politique du Gouvernement vise également à assurer la complémentarité entre les transports ferroviaires et les autres modes de transport. L’efficacité de l’ensemble du système de transport suppose de diversifier l’offre, car le mode ferroviaire ne se justifie pas partout.
À cet égard, l’ouverture à la concurrence du secteur du transport par autocar, engagée dès la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a permis, avec des liaisons de plus de cent kilomètres, un développement significatif d’une offre de mobilité complémentaire, qui répondait à une attente.
Quelques chiffres témoignent de ce développement. Au 1er octobre de cette année, 274 autocars assuraient chaque jour 104 lignes nationales et internationales. D’ores et déjà, plus de 10 départs par jour s’effectuent dans les métropoles. Lyon et Bordeaux accueillent 40 départs par jour ; Paris, environ 200 départs. Le nombre de passagers transportés s’élève à près de 250 000 dans toute la France. D’ici à la fin de 2016, l’ouverture de plus de 100 lignes supplémentaires est prévue.
Je rappelle en outre que cette loi instaure un mécanisme de protection des services publics de transport, en permettant notamment aux autorités organisatrices de s’opposer à la création de dessertes par autocar sur des liaisons inférieures à cent kilomètres, dès lors que ces services créent une atteinte substantielle à l’équilibre des lignes de transport public concernées, notamment de transport ferroviaire. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dont les compétences ont été renforcées, est chargée de vérifier l’articulation des offres.
Enfin, je veux revenir sur la question du financement, soulevée par cette proposition de loi, et en particulier sur la proposition de créer un versement transport régional.
L’objectif d’une telle mesure serait de permettre aux régions de prélever un versement transport, ou VT, additionnel sur les entreprises situées dans le ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité, ou AOM, ainsi qu’un versement transport interstitiel sur les entreprises situées en dehors du ressort territorial d’une AOM. Dans ce cas, des entreprises situées dans une zone qui ne bénéficie pas de transports collectifs seraient mises à contribution au titre du VT, ce qui paraît fortement contestable.
Je veux souligner que la mise en place d’un versement transport, qu’il soit additionnel ou interstitiel, ne pourrait qu’être assimilé à une nouvelle charge pesant sur la masse salariale, et donc sur l’emploi. Par ailleurs, le versement pourrait également constituer un frein à l’embauche, en dissuadant certaines entreprises situées au-dessous du seuil du nombre de salariés de recruter un salarié supplémentaire qui les soumettrait à ce versement.
J’ajoute qu’une baisse du taux de TVA aurait un effet limité pour les usagers défavorisés, qui bénéficient d’ores et déjà soit de la gratuité des transports ferroviaires, soit de réductions tarifaires importantes. Dans un contexte où tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’emploi et lutter contre le chômage, une telle mesure n’est donc pas opportune.
C’est d’ailleurs dans cette optique, et plus précisément pour encourager le développement des TPE et des PME, que le Gouvernement a choisi de relever le seuil à partir duquel les entreprises doivent payer le versement transport. Il est ainsi passé de 9 salariés à 11 salariés. Le manque à gagner pour les collectivités sera compensé par l’État. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2016 comporte une disposition en ce sens.
Je précise, à ce titre, que le relèvement du seuil à 11 salariés devrait entraîner un manque à gagner, pour les autorités organisatrices, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros avant compensation, selon les chiffres de la direction de la sécurité sociale et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et non de 500 millions d’euros, comme cela a pu être annoncé un peu hâtivement.
Bien sûr, monsieur le sénateur. Ce montant serait réparti à peu près à égalité entre l’Île-de-France et la province.
D’ailleurs, afin d’apporter, monsieur le sénateur Nègre, toutes les garanties de transparence aux autorités organisatrices de la mobilité, Marisol Touraine, Christian Eckert et Alain Vidalies ont confié une mission d’accompagnement à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD.
Enfin, s’agissant de la TVA applicable au transport et de la proposition visant à l’abaisser au taux de 5, 5 %, taux spécifique aux services de première nécessité, il convient de rappeler que la refonte, au 1er janvier 2014, des taux de la TVA a conduit à fixer le taux normal de TVA à 20 % et le taux réduit à 10 %. Le transport public de voyageurs est ainsi soumis au taux de TVA de 10 % depuis bientôt deux ans. Cette refonte des taux de TVA concourt au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
À l’opposé, l’impact sur les finances publiques d’une baisse au taux de 5, 5 % de la TVA applicable au transport public de voyageurs est évalué à près de 1 milliard d’euros, dans la mesure où le droit communautaire n’autorise pas de traitement différencié entre les modes de transport. En effet, il conviendrait dans cette hypothèse de faire bénéficier de cette baisse tous les opérateurs, publics ou privés, de transport de passagers – aérien, ferroviaire, routier, etc. –, car il n’est pas possible de déterminer des critères objectifs et socialement acceptables pour cantonner cette baisse aux seuls transports collectifs de proximité.
Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement ne soutient pas la proposition de loi présentée ce soir.
Le maintien et le développement d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité font déjà partie intégrante de la politique que nous menons en matière de transport, mais aussi en matière de maîtrise de la dépense publique, de préservation de la compétitivité des entreprises et de lutte contre le chômage.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux féliciter notre rapporteur pour cette proposition de loi qui nous permet de discuter de sujets sur lesquels nous sommes souvent mobilisés. Les engagements d’Évelyne Didier sont bien connus, et nous apprécions toujours de débattre avec elle, même si je suis désolé de ne pas pouvoir la suivre dans la défense de ce texte.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi comporte quatre articles et vise trois objectifs.
Du rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, les TET, présidée par notre collègue député Philippe Duron, à la libéralisation des lignes d’autocars issue de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, en passant par le versement transport et la réduction de la TVA sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, l’exposé des motifs couvre un large champ de propositions, qui ont été avancées avec plus ou moins de succès ces dernières années.
Malheureusement, cette proposition de loi, quelque peu opportuniste, …
Protestations sur les travées du groupe CRC.
… part d’un constat erroné, à la fois quant au rapport de la commission TET et quant aux conséquences de l’ouverture des lignes nouvelles d’autocars. Si bien que nous pourrions, si nous avions mauvais esprit – mais ce n’est pas le cas ! –, considérer que les auteurs de la proposition de loi, qui présentent le droit à la mobilité comme la pierre angulaire de leur texte, ne le favorisent guère !
S’agissant de ce droit, en effet, il est essentiel, afin qu’il s’exerce, de mettre en œuvre une complémentarité entre les modes de transports. C’est précisément ce que fait la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en permettant de développer une offre de mobilité là où il n’en existait pas.
L’article 1er revient sur les dispositions relatives à l’ouverture à la concurrence des lignes d’autocars figurant dans la loi Macron.
Nous avions voté ce texte avec beaucoup enthousiasme puisque, justement, les besoins et les aspirations à la mobilité n’ont sans doute jamais été aussi prégnants dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Personne n’ignore ici, d’ailleurs, que le manque de moyens collectifs de transports participe grandement au mécontentement de nos concitoyens vivant en secteur rural ou interurbain, en particulier.
La réforme du transport par autocar est entrée en vigueur le 6 août dernier. L’éventualité d’un développement de l’autocar comme alternative pertinente au train n’est pas une idée nouvelle. Elle fut évoquée, dans un premier temps, aux Assises du ferroviaire en 2011, puis par le rapport Duron dans les attendus de la commission Mobilité 21 en 2013, par l’avis de l’Autorité de la concurrence de 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, et, enfin, par la Cour des comptes, dans son rapport intitulé La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence.
Je complète ces éléments en soulignant qu’il est illusoire de penser que le ferroviaire peut répondre à l’intégralité des besoins de transport collectif. Le développement de l’autocar, pour de multiples raisons, permet de remplacer l’usage du véhicule individuel par l’utilisation d’un transport collectif, à l’heure où 83 % de la mobilité des Français est assurée par la voiture individuelle.
Cette réforme est bienvenue, d’autant qu’elle est d’application directe et rapide pour les liaisons de plus de cent kilomètres. La loi prévoit, fort heureusement, un encadrement de l’ouverture des liaisons inférieures ou égales à cent kilomètres.
Je rappelle, et cela est une protection importante pour les trains régionaux, que l’ouverture d’une liaison d’autocar doit être notifiée par l’autorité organisatrice de transports, le plus souvent la région, dans un délai de deux mois. C’est l’ARAFER qui, après analyse, émet un avis conforme ou non en tenant compte des équilibres entre le ferroviaire et la route, afin d’éviter une concurrence nuisible au mode ferroviaire régional.
Comme cela a été dit récemment par M. le ministre de l’économie, plus de 250 000 passagers ont été transportés, deux fois plus qu’au cours de toute l’année 2014 ; 75 villes sont nouvellement desservies ; 275 autocars assurent des liaisons quotidiennes. En outre, 20 emplois en moyenne sont créés chaque jour.
J’ajoute deux points supplémentaires à mon argumentation : cette évolution a été bien reçue par l’opinion ; chez nos voisins, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre, ces services d’autocars permettent à 8 à 10 millions de voyageurs d’exercer ce droit à la mobilité sans mettre en cause le ferroviaire.
Par ailleurs, il n’est pas interdit d’imaginer qu’une filière industrielle de construction d’autocars propres s’ouvre dans notre pays.
En effet, l’occasion se présentera forcément, puisqu’il existe une seule usine de construction d’autocars, sous licence italienne.
Enfin, cette réforme du transport par autocar est à l’évidence une réforme propre, dans l’esprit et dans la lettre.
Certes, à première vue, l’autocar est un mode de transport plus polluant que le ferroviaire. La réalité est pourtant bien plus complexe : 50 % des trains régionaux roulent toujours au diesel ; 25 % des liaisons TER sont réalisées par autocars. Il faut également prendre en compte le taux de remplissage : en dessous d’un certain seuil de fréquentation, le rapport pollution émise par personne transportée par train peut être très élevé.
Par ailleurs, un autocar vaut mieux que cinquante véhicules sur la route, chacun comprend cela, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, et l’impact carbone serait négatif si les voyageurs qui prennent habituellement le train se reportaient tous sur l’autocar, ce qui n’est pas possible.
J’ajoute que l’article 2 de la loi Macron prévoit que les pouvoirs publics aient, en la matière, un certain niveau d’exigence environnementale. Les autocars doivent, en effet, relever le défi d’une véritable alternative à la voiture particulière. Un arrêté du 22 septembre 2015 prévoit que seuls les autocars de norme Euro V, jusqu’au 31 décembre 2017, et les autocars de norme Euro VI à partir du 1er janvier 2018, sont, et seront, autorisés à circuler.
Madame la rapporteur, je suis sensible aux critiques relevées dans l’exposé des motifs quant au rapport de la commission sur les trains d’équilibre du territoire. Cette sensibilité à vos propos tient à ma participation active à l’élaboration de ce rapport. Celui-ci constate, en effet, une offre très dégradée, nous en convenons tous, qui ne correspond plus aux besoins des usagers, avec un déficit d’exploitation en forte augmentation ces dernières années. La conjonction de ces facteurs pouvait à terme menacer l’existence même de ces lignes. Le développement du TGV, du transport aérien à bas coût, du covoiturage, remet en cause la pertinence de certaines dessertes des TET, jamais repensées.
Certaines lignes sont surexploitées, d’autres sont très faiblement fréquentées. Cette inadaptation frappe particulièrement les lignes de nuit, confrontées au développement d’autres offres de transport et dont le niveau de confort est surtout très en deçà de ce que les usagers sont en droit d’attendre.
Le rapport pose donc la question de la survie de ces lignes et propose des pistes pour permettre de développer une offre de TET pertinente, en prenant en compte les besoins des usagers. Plutôt que « l’abandon des lignes », comme j’ai pu le lire, le rapport Duron propose une redynamisation et une adaptation de l’offre des trains d’équilibre du territoire.
L’objectif n’est pas, comme vous l’écrivez, d’aboutir à une hyper-régionalisation de l’offre en dehors du TGV, nous n’y souscririons pas. Les TER, dont on connaît le succès, sont bien de la compétence régionale et le resteront. La commission a procédé à une analyse précise, ligne par ligne, de l’offre des TET. Sur les lignes fortement fréquentées, il est proposé de renforcer l’offre, en augmentant la fréquence des dessertes et en les rendant plus attractives. Par ailleurs, le développement de la tarification flexible et la mise en place du cadencement sont d’actualité.
Comme tous mes collègues siégeant à la commission sur les TET, j’ai observé avec satisfaction que le secrétaire d’État aux transports a répondu positivement aux conclusions du rapport. La feuille de route qu’il a présentée en juin 2015 exprime l’ambition que l’État prenne pleinement sa place dans l’organisation des TET : elle nous convient.
Puis, alors que les gouvernances des nouvelles régions seront établies dans les mois à venir, j’attends que les préfets interlocuteurs des régions engagent, au nom de l’État, les négociations visant à revoir le maillage, à revitaliser les TET et à signer les conventions avec la SNCF. L’État stratège prendra alors toute sa valeur comme autorité organisatrice de transport de plein exercice et en renforçant sa capacité d’expertise, élargissant le champ de ses décisions, notamment sur l’offre de transport.
Toujours d’après la feuille de route, pour pouvoir jouer pleinement ce nouveau rôle, les moyens des services chargés des missions d’AOT au sein du ministère des transports sont renforcés. Un conseil consultatif des trains d’équilibre du territoire est créé, afin de permettre un dialogue régulier de haut niveau sur leur évolution, en présence des autorités organisatrices régionales.
Ce positionnement nouveau sur les TET doit s’accompagner d’acquisitions de matériels roulants performants, neufs et adaptés aux besoins des usagers. Un investissement de 1, 5 milliard d’euros nous a été promis à ce titre. C’est l’ensemble de ces conditions et moyens qui permettront aux TET de retrouver toute leur utilité entre les TGV et les TER.
Dans l’article 2 de votre proposition de loi, madame la rapporteur, vous préconisez la mise en place d’un versement transport régional. Convenons ensemble que cette revendication a pu nous paraître justifiée, en particulier dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2014. Nous avons alors déposé un amendement tendant à instaurer un versement transport interstitiel dans les secteurs hors périmètre de transport urbain, ou PTU, lequel nous paraissait de nature à fournir de nouveaux moyens financiers aux régions. Le Gouvernement ne nous a pas suivis à l’époque, M. le secrétaire d’État vient de nous le confirmer encore, nous l’avons regretté et compris.
Vous proposez, dans cet article 2, la mise en place d’un versement transport mixte interstitiel et additionnel. Nous ne soutiendrons pas cette mesure, qui diffère de ce que nous avons défendu en 2014 et qui ferait peser de nouvelles charges sur les entreprises.
Pour conclure sur ce point, il vient d’être rappelé que le Gouvernement s’est engagé à compenser en totalité les conséquences de la modification de seuil de neuf salariés à onze salariés prévue par l’article 4 du projet de loi de finances pour 2016.
J’ajoute que, par l’article 39, non rattaché, de ce projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement s’engage à compenser les transferts de compétences des départements vers les régions, notamment en matière de transport scolaire et interurbain. L’objectif est de compenser financièrement ces transferts en attribuant aux régions une ressource équivalente : 25 % du produit de la CVAE des départements au 1er janvier 2017, soit l’équivalent d’un produit fiscal d’environ 3, 9 milliards d’euros.
L’article 3 prévoit la mise en place d’un taux réduit de TVA à 5, 5 % sur les transports publics. Nous avons proposé cette mesure à de multiples reprises, et nous ne sommes pas les seuls. Toutefois, une proposition de loi est-elle le bon véhicule pour modifier un taux de TVA ? Non, évidemment. Une telle réforme a sa place dans un projet de loi de finances.
Monsieur le secrétaire d’État nous a précisé que le Gouvernement est toujours défavorable à cette mesure au regard de l’état des finances publiques dans les circonstances actuelles. M. le ministre des finances en a d’ailleurs exposé les raisons dans un récent courrier adressé à l’Union des transports publics et ferroviaires, suggérant que cette mesure ne serait pas conforme au droit européen – vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Cette baisse de TVA ne s’appliquerait en effet qu’aux seuls transports du quotidien. Eu égard à tout ce que nous avons entrepris dans ce domaine, nous nous abstiendrons sur cet article.
En revanche, comme nous l’avons fait en commission, nous voterons contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la coauteur de la proposition de loi et rapporteur, chère Évelyne Didier, madame la coauteur de la proposition de loi, chère Marie-France Beaufils, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, chers collègues, Ronan Dantec, qui siège à la commission du développement durable, devait intervenir aujourd’hui à ma place, mais il occupe, en ce moment même, une place plus importante encore, puisqu’il porte haut et loin, dans le cadre de la COP 21, la voix des villes et des collectivités territoriales, en sa qualité de porte-parole climat de l’organisation mondiale des villes.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a transféré aux régions l’ensemble des compétences en matière de transports hors agglomération. Les écologistes ont soutenu ce transfert : nous considérons en effet que la région est un échelon pertinent pour gérer les transports, et que le regroupement des compétences renforce l’efficacité de ce service public essentiel.
Sur l’appréciation du caractère essentiel de ce service public, nous rejoignons d’ailleurs les auteurs de la présente proposition de loi. L’accessibilité des territoires et la mobilité des habitants sont en effet des leviers déterminants de l’accès à l’emploi, nécessaires pour réduire les fractures qui traversent notre pays et prémunir les populations de certains territoires contre le sentiment d’abandon. Ces préoccupations relèvent plus que jamais de l’urgence.
Dans cette perspective, la présente proposition de loi prévoit plusieurs mesures.
Concernant la libéralisation du transport par autocar, il est clair que la concurrence créée par ce nouveau service met en danger le service ferroviaire, qui est déjà en difficulté, et entraînera immanquablement sa dégradation.
Au regard de l’état de nos finances publiques et de l’impossibilité de construire partout des lignes de train, nous pourrions certes considérer comme légitime l’utilisation du transport par autocar, en complément des lignes de train, pour la desserte de certains endroits isolés. Cependant, les opérateurs privés de transport par autocar n’ont que faire des considérations d’aménagement du territoire.
Nos craintes se sont d’ailleurs vérifiées : ils s’installent sur les liaisons les plus rentables – c’est un grand classique –, faisant perdre des recettes au service public ferroviaire, affectant ainsi sa capacité à satisfaire les obligations de service public.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit également d’instaurer des financements pour les transports régionaux.
Nous soutenons pleinement cette demande. Fournir à tous des services de transport de qualité requiert en effet des budgets importants. Oui, nous avons besoin de services publics. Oui, certaines dépenses publiques, dont celles-ci font partie, sont essentielles. Non, l’impôt n’est pas un gros mot lorsqu’il vise à financer des services au bénéfice de la population, lorsqu’il est juste et bien utilisé.
Après une longue bataille menée à la fin de 2013, le Gouvernement a décidé de relever le taux de TVA applicable aux transports malgré les difficultés inhérentes à une telle réforme, prévues par tous ceux qui exercent des responsabilités dans ce secteur.
S’agissant de l’instauration d’un versement transport au profit des régions, la revendication s’est déjà exprimée fortement, et de façon transpartisane.
Le Sénat avait créé, par amendement à la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, un versement transport interstitiel en faveur des régions. Cette mesure a néanmoins été supprimée, avant même sa mise en œuvre, dans la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement.
Notre groupe politique a défendu à la fois le rétablissement d’un taux réduit de TVA sur les transports et l’institution du versement transport interstitiel. Alors que les dotations de l’État baissent, les régions ne disposent en effet d’aucune ressource fiscale propre. Elles sont donc confrontées, en la matière, à la quadrature du cercle, et ne sont plus en mesure d’assurer le service public des transports, dont elles ont pourtant la charge.
J’ajoute que le groupe écologiste défend d’autres propositions qui vont dans le même sens : l’augmentation de la part régionale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, et surtout le droit à l’instauration de taxes régionales de transit sur les poids lourds.
J’en viens à l’enjeu écologique. L’urgence climatique fait en ce moment l’actualité, et est de toute façon appelée, au fil du temps, à se faire toujours plus prégnante, qu’on le veuille ou non.
Le secteur des transports représente environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France et 95 % de ces émissions sont imputables aux transports routiers. Nous devons réorienter une grande partie du transport routier vers des modes de transport dont l’empreinte carbone est moindre. À cet effet, l’une des solutions consiste à fournir à la population une offre de services de transports publics performants.
Par conséquent, le groupe écologiste ne peut que soutenir avec force l’objectif du maintien et du développement, sur l’ensemble du territoire national, d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité. Nous voterons donc cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en pleine période de renouvellement des assemblées régionales, les sondages réalisés sur les enjeux et les compétences des régions démontrent que les transports constituent, avec l’emploi et le développement économique, l’une des premières préoccupations des Français.
Cela est aisément compréhensible, tant, à cet égard, les difficultés sont grandes, aussi bien dans les régions très urbaines comme l’Île-de-France, que dans de nombreux territoires enclavés, qui souffrent de l’absence de dessertes ferroviaires, aériennes et même routières de qualité.
Je prendrai l’exemple d’un territoire cher à notre collègue Jacques Mézard, président de notre groupe : celui de l’arrondissement d’Aurillac. Il est desservi par une seule route nationale, la RN 122 – laquelle comporte des tronçons limités à 30 kilomètres par heure, ainsi qu’un grand nombre de radars –, par des lignes ferroviaires lentes et par de rares liaisons aériennes qui laissent à désirer.
Les transports ferroviaires, service public qui devrait être garanti à tous nos concitoyens, ont un coût que la collectivité peine à assumer, en particulier dans le contexte budgétaire actuel.
En 2013, les régions participaient à hauteur de près de 4 milliards d’euros au financement du transport ferroviaire régional, qui est visé par la présente proposition de loi. Elles ont, depuis 2002, permis de faire repartir à la hausse la fréquentation des TER, par les investissements qu’elles ont consentis sur les réseaux, les gares et les matériels roulants.
Alors que l’autonomie financière des régions est plus fragile qu’elle ne devrait l’être, la loi NOTRe du 7 août 2015 a procédé au renforcement de leurs compétences en matière de transports. La compensation de ce transfert de compétences aura lieu, mais le manque récurrent de ressources pérennes ne laisse pas d’inquiéter.
Nous regrettons une nouvelle fois les errements du Gouvernement sur le dossier de l’écotaxe poids lourds. Celle-ci devait garantir une meilleure visibilité à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dont les projets, essentiels à la réduction des fractures territoriales, sont soumis chaque année aux aléas budgétaires.
Si nous partageons le diagnostic des auteurs de la présente proposition de loi, nous sommes en revanche plus circonspects quant aux solutions préconisées.
Premièrement, ce texte entend revenir sur la libéralisation des liaisons de transport par autocar prévue par la loi Macron, qui vient à peine d’être votée et est entrée en vigueur en août dernier.
Le bilan encore très provisoire de cette mesure peut être considéré comme positif : la nature ayant horreur du vide, elle a notamment conduit au développement d’une offre de services là où il n’en existait pas. Ceci s’est fait dans l’intérêt des usagers, les prix proposés permettant à un grand nombre d’entre eux, dont une forte proportion de jeunes qui n’auraient jamais pris le TGV ni le train Intercités, de voyager sur de longues distances. Il s’agit incontestablement d’un progrès.
Mes chers collègues, nous devons réfléchir en termes de complémentarité des modes de transport qui participent au droit à la mobilité. Cette complémentarité est essentielle dans les zones mal desservies.
Bien que nous soutenions le maintien et le développement des lignes ferroviaires, qui sont essentielles à l’aménagement du territoire, nous constatons, sur certains trajets, qu’à défaut d’un service de qualité, nos concitoyens se replient sur la voiture individuelle, ce qui est contraire à nos objectifs en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Il y a là un véritable effet pervers : l’existence de liaisons ferroviaires dont la qualité est insuffisante favorise le recours à la voiture, décourageant les efforts d’amélioration du réseau ferré.
Quant aux autocars, ils participent – certes faiblement – à l’entretien des routes, par le biais des péages qu’ils acquittent auprès des sociétés concessionnaires.
Deuxièmement, l’article 2 crée, en vue de pallier l’insuffisance chronique des financements, un versement transport régional. Sa composante « versement transport additionnel » reviendrait à taxer deux fois une même assiette, et donc les mêmes redevables. Cela ne nous semble pas acceptable !
Nous étions majoritairement favorables, en revanche, au versement transport interstitiel, applicable sur les territoires situés hors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce versement avait été créé ici même, lors de l’examen de la loi portant réforme ferroviaire, avant d’être supprimé par la majorité gouvernementale lors de l’examen de la loi de finances pour 2015.
Nous ne pouvons toutefois pas souscrire à l’augmentation de la fiscalité des entreprises telle qu’elle est envisagée par les auteurs de la présente proposition de loi. Les entreprises se trouveraient en effet doublement pénalisées, puisque le gage financier de l’article 4 consiste en une réduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Troisièmement, la réduction de 10 % à 5, 5 % du taux de TVA applicable aux transports publics urbains, prévue par l’article 3, ne serait pas conforme au droit européen, comme l’a expliqué le Gouvernement. En outre, cette disposition nous semble relever davantage du ressort d’une loi de finances.
Enfin, cette proposition de loi ne nous semble pas directement concourir à l’amélioration de la qualité des dessertes ferroviaires. Il conviendrait d’aller de l’avant, plutôt que de revenir sur des dispositions qui viennent seulement d’être approuvées par le Parlement.
Ainsi, comme vous l’aurez compris, les remèdes proposés par les auteurs de ce texte n’ont pas convaincu les membres du RDSE. C’est pourquoi nous ne pouvons pas approuver la présente proposition de loi.
Madame la présidente, madame la rapporteur – que je salue pour la constance de ses convictions –, mes chers collègues, nous le savons tous, et vous l’avez d’ailleurs tous rappelé : depuis de très nombreuses années, notre système ferroviaire fonctionne de moins en moins bien.
Notre réseau est passé du statut de fierté nationale à celui de lourd fardeau, dont la dette, monsieur le secrétaire d’État, est aujourd’hui de 44 milliards d’euros. Elle pourrait s’élever, si nous persistons sur la trajectoire exponentielle qui prévaut actuellement, à plus de 66 milliards d’euros à l’horizon de 2020. Quel bilan tirer de ce constat ?
Dès 2005, les conclusions du rapport Rivier sur l’état du réseau ferré national – confirmées par un rapport thématique de la Cour des comptes – étaient que le réseau ferroviaire français était en voie d’effondrement.
Le matériel des trains d’équilibre du territoire est obsolète et fatigué. La réponse de l’État stratège n’est pas à la hauteur de l’enjeu, malgré l’abandon des 500 millions d’euros de dividendes et d’impôt sur les sociétés auparavant acquittés par la SNCF, et malgré les investissements prévus à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, mais d’ici à 2025. Or le problème de l’industrie ferroviaire, c’est son plan de charge actuel ! Il n’est pas jusqu’au TGV qui ne commence à son tour à connaître des problèmes d’équilibre économique.
Dans ce paysage, qui s’assombrit d’année en année, seule l’action déterminée des régions a contribué, par des investissements massifs effectués depuis 2002, à la dynamique du ferroviaire, avec à la clé une forte augmentation du nombre de passagers.
Il nous est demandé cet après-midi de nous prononcer sur la proposition de loi censée permettre de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.
Si nous approuvons pleinement le but affiché par votre proposition de loi, mesdames les coauteurs, nous sommes en revanche en désaccord avec les moyens que vous préconisez pour y parvenir.
Comme vous le savez, mes chers collègues, à la suite de la promulgation de la loi du 7 août 2015, dite loi « NOTRe », la région est la collectivité qui bénéficie des transferts de compétences les plus importants, notamment dans le domaine des transports.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État : la région devient l’autorité organisatrice de l’intégralité de la mobilité interurbaine. Elle se voit dotée de nouvelles responsabilités sur l’ensemble des transports publics interurbains de voyageurs, y compris les transports scolaires et les transports à la demande non urbains.
J’en viens au texte lui-même. L’article 1er de la présente proposition de loi revient sur la libéralisation du transport par autocar, instituée par la loi Macron.
Chers collègues, rappelons qu’en France, il a été décidé, en 1948, …
… donc en des temps différents des nôtres, de privilégier le rail pour transporter les voyageurs sur de longues distances. Il s’est développé de ce fait un réseau très dense et très régulier de lignes de transport de voyageurs par rail : les lignes de transport express régional.
À la suite de l’adoption de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires de décembre 2009, dite ORTF, le cabotage national des liaisons internationales par autocar a été autorisé, pour autant qu’il ne dépasse pas 25 % des passagers de chaque autocar effectuant la liaison. Je constate que ce monopole n’a pas empêché les régions de développer un réseau de lignes d’autocars, car près de 23 % du transport express régional actuel sont déjà effectués par ce mode.
Enfin, l’article 5 de la loi Macron a supprimé ce monopole. Cette nouvelle loi a autorisé la création de services réguliers de transport par autocar de façon libre, au-delà d’un seuil de 100 kilomètres.
Lors de l’examen de ce projet de loi, notre groupe avait souhaité éviter d’installer une concurrence excessive entre les différents modes de transport. Nous souhaitions donc privilégier la complémentarité, comme vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le secrétaire d’État, en n’autorisant la libéralisation des liaisons par autocar qu’au-delà du seuil de 200 kilomètres. Nous en avions discuté avec l’ensemble des parties prenantes, notamment le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, et nous avions fixé cette limite qui semblait convenir. Le choix d’un seuil de 100 kilomètres, au contraire, pose problème.
Cette proposition a été malheureusement rejetée par la majorité à l’Assemblée nationale, ce que nous ne pouvons que regretter, même si les chiffres que vous nous avez annoncés tout à l’heure montrent bien que la libéralisation des liaisons par autocar fournit un certain nombre de réponses aux gens qui résident dans des territoires non desservis par le chemin de fer.
L’article 2 prévoit la généralisation du versement transport, ou VT, au niveau régional, en s’inspirant du modèle de la région Île-de-France. Le VT est dû, je le rappelle, par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées qui emploient plus de neuf salariés, hors activité à caractère social. Cependant, le Gouvernement a récemment relevé le seuil d’assujettissement du versement transport de neuf à onze salariés.
Si notre groupe a toujours été favorable à des mesures d’allégement de charges pour les entreprises, il a également exprimé à plusieurs reprises ses plus vives préoccupations concernant le maintien d’un financement adéquat pour les transports du quotidien, qui concernent directement tous nos concitoyens.
Nous resterons extrêmement attentifs, monsieur le secrétaire d’État, au respect de l’engagement pris par le Gouvernement et par le Premier ministre de compenser intégralement la perte résultant, pour les autorités organisatrices de la mobilité, du relèvement du seuil d’assujettissement au versement transport.
Cependant, nous considérons que la mesure proposée dans ce texte conduirait à alourdir la fiscalité qui pèse sur nos entreprises. Vous avez annoncé le chiffre de 700 millions d’euros par an : vous savez faire des calculs pour faire payer les autres !
Nous ne pouvons pas l’accepter, ne serait-ce qu’en raison de la faible compétitivité actuelle de notre économie.
L’article 3 de cette proposition de loi vise à abaisser le taux de TVA applicable aux transports publics à 5, 5 %, qui est le taux dévolu, je le rappelle, aux produits de première nécessité. C’est une bonne proposition, chers collègues, et permettez-moi de rappeler à M. le secrétaire d’État que, au mois de juillet dernier, tout semblait aller dans ce sens. Selon des sources bien informées, des annonces officielles devaient intervenir à la rentrée.
Aujourd’hui, malgré nos demandes répétées, le Gouvernement a refusé de ramener à 5, 5 % le taux de TVA applicable aux transports du quotidien, qui intéressent pourtant les couches les plus modestes de la population.
Il nous paraît d’ailleurs étrange qu’un gouvernement se réclamant de la gauche puisse oublier ainsi ces Français qui sont, pour la plupart, des travailleurs et qui, le plus souvent, n’ont pas d’autre choix que d’emprunter quotidiennement ces transports. Ce recul du Gouvernement est d’autant plus étonnant que nous sommes à l’heure de la transition énergétique et de la COP 21.
Pour conclure, mes chers collègues, si nous approuvons le but de cette proposition de loi, à savoir maintenir et développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, nous ne sommes pas d’accord avec les moyens qu’elle préconise pour y parvenir.
Ne soyons pas idéologues, soyons pragmatiques ! Nous ne sommes pas là pour défendre un monopole, une institution, mais pour défendre les usagers et leur apporter le meilleur du ferroviaire.
Pour ce faire, nous vous proposons une ouverture à la concurrence, mais à une concurrence maîtrisée. Quelque 78 % des Français, soit plus des deux tiers de nos compatriotes, pensent que l’ouverture à la concurrence des TER serait une bonne chose. Telle est la réalité et la vérité du terrain. Conscients de notre responsabilité d’élus, nous devrions écouter plus souvent les messages du peuple, et les résultats du premier tour des élections régionales nous le confirment !
M. Louis Nègre. En conséquence, et comme la commission du développement durable, notre groupe votera contre cette proposition de loi.
M. le président de la commission applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que Marie-France Beaufils nous a présentée nous donne l’occasion de revenir sur la nécessité d’une offre de transport ferroviaire de qualité.
Je remercie Évelyne Didier pour l’excellent rapport qu’elle a rendu au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Du début du XIXe siècle à aujourd’hui, le train a été un acteur essentiel des mobilités et de la modernisation de notre société. Il a participé au développement industriel de notre pays. Ce transport ferroviaire, qui a fait et qui fait encore notre fierté, est aujourd’hui mis à mal.
Dans un système déjà affaibli par les baisses de dotations, par le manque de financement et d’investissements, ainsi que par la non-couverture de la dette de la SNCF – contrairement à ce qu’a pu faire l’Allemagne avec la Deutsche Bahn ! –, la libéralisation des transports par autocar risque de porter le coup fatal.
En effet, la loi « Macron » met en concurrence les bus et les trains sans qu’il soit question de complémentarité. Cette loi consacre, au fond, le renoncement total à l’idée d’un service public ferroviaire de qualité.
Le quatrième paquet ferroviaire voudrait aller encore plus loin, en organisant la libéralisation du transport ferroviaire national. La proposition de loi dont nous débattons permet d’abroger les mesures introduites par la loi Macron et de s’opposer à ce quatrième paquet ferroviaire.
Nous défendons, pour notre part, l’idée d’un moratoire sur les directives européennes de libéralisation des transports qui ont conduit à des désastres économiques, sociaux et environnementaux, notamment dans le secteur du fret – sans parler de ce que l’on a pu observer au Royaume-Uni. L’impact de la loi Macron sur les recettes de la SNCF est estimé, à terme, entre 200 millions d’euros et 300 millions d’euros : autant d’argent qui n’ira plus à l’investissement !
En soumettant le train à la concurrence déloyale du bus, le Gouvernement organise la casse, non seulement de l’offre ferroviaire, mais également de l’industrie ferroviaire dans son ensemble, un des fleurons de l’industrie française. Aux côtés de la SNCF, plus de deux cent cinquante entreprises sont impliquées dans les activités ferroviaires, des constructeurs aux ingénieurs, en passant par les équipementiers, les spécialistes de la voie, de la signalisation, du design, des essais. Toute une chaîne de production et des milliers d’emplois sont menacés.
Au-delà des emplois, on peut craindre aussi la perte d’un savoir et d’un savoir-faire qui assurent l’excellence de la filière française. Le ferroviaire est une charnière importante de l’économie nationale, la France étant plutôt en pointe dans ce domaine.
Les partisans de la rigueur économique arguent de la nécessité d’une concurrence « pure et parfaite » pour faire tendre les tarifs à la baisse. En vérité, les tarifs des voyages en bus constituent, à trajets équivalents, une concurrence impitoyable pour la SNCF.
Cet écart de tarifs résulte des externalités que n’assument pas les entreprises de transport routier. Or ces coûts externes sont nombreux : pollution, accidents, nuisances sonores, embouteillages. Ainsi, les coûts externes pour l’État et les collectivités locales sont en moyenne deux fois plus élevés pour les transports de voyageurs par la route que par le train, de l’ordre de 15, 3 euros pour 1 000 passagers au kilomètre pour le train, contre 33, 8 euros pour l’autocar.
Les bus, nous dit-on, assurent le droit à la mobilité et permettent aux plus modestes de voyager, mais le modèle de transport que nous souhaitons construire pour l’avenir est-il un modèle à deux ou trois vitesses ?
Les plus riches auront le droit de voyager par le train, c’est-à-dire sur un mode de transport plus rapide, plus confortable et plus sûr, de type TGV, alors que les plus pauvres, s’ils souhaitent se déplacer, devront utiliser les « cars Macron » – la nouvelle troisième classe –, moins rapides, moins confortables et, surtout, moins sûrs.
C’est un constat que personne ne peut contester : les transports routiers sont beaucoup plus accidentogènes que le transport ferroviaire. Le grave accident de poids lourd qui a eu lieu hier sur l’autoroute A1 ne le dément pas.
Vous parlez droit à la mobilité, mais les entreprises mettant ces bus en circulation répondront rentabilité. Nous le voyons déjà dans le tracé des lignes : les autocars ne vont pas desservir des espaces enclavés, mais bien fragiliser le train sur de grands axes interrégionaux.
Entre Paris et Lille, par exemple, je vous assure qu’aucun de ces bus ne s’arrête dans les petites communes de l’Oise pour prendre des voyageurs. Pourtant, ils encombrent bien l’autoroute du Nord où, chaque jour, des « trains de camions » circulent sur deux voies !
Depuis le 1er octobre, 274 autocars circulent chaque jour sur 104 lignes nationales et internationales. À Paris, nous pouvons dénombrer jusqu’à 200 départs par jour. D’ici à 2016, cent lignes supplémentaires devraient voir le jour. Oui, la concurrence déloyale et acharnée fragilise les trains d’équilibre du territoire et les TER.
Pour finir, je reviendrai à mon tour sur l’impact environnemental. À la veille de la clôture de la COP 21, au moment où nous sommes plus que jamais conscients de l’importance de la mobilisation contre le réchauffement climatique, la France ne peut pas se permettre de commettre l’erreur d’une augmentation de la part des transports routiers.
L’empreinte carbone des autobus est bien plus élevée que celle des trains. Nous le savons, le transport routier est un des premiers responsables de la pollution atmosphérique. Mettre des véhicules supplémentaires sur les routes aggrave les embouteillages et donc les émissions de gaz à effet de serre. Comment peut-on espérer poser les bases d’une nouvelle croissance pour une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique en privilégiant le transport routier plutôt que le ferroviaire ?
Nous défendons la nécessité absolue d’un service public ferroviaire de qualité bénéficiant de financements ambitieux. Nous n’acceptons pas le modèle de mobilité à bas coût qu’instaure le Gouvernement. Les usagers doivent rester des usagers et ne pas devenir des clients, parce que nous parlons bien, nous, de service public.
En conclusion, les sénatrices et les sénateurs communistes, républicains et citoyens estiment utile et nécessaire d’adopter cette proposition de loi, qui n’est pas opportuniste, monsieur le secrétaire d’État, mais opportune !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI-UC est particulièrement attaché aux mobilités et au ferroviaire.
Ce matin, je devais prendre l’avion pour me rendre à Paris, mais une panne a, hélas, cloué l’avion au sol à Quimper. Il m’a donc fallu prendre le train, ce que j’ai fait avec d’autant plus de plaisir que je ne l’avais pas emprunté depuis longtemps. J’ai pu constater que je n’étais pas le seul, loin de là, à utiliser la ligne reliant Quimper à Paris. Le train était bien rempli, ce qui veut dire que le ferroviaire fonctionne bien dans notre région, mais aussi dans notre pays.
La proposition de loi que nous examinons nous offre l’occasion d’évoquer la question ferroviaire. Si les propos tenus par les uns et les autres montrent des divergences sur l’appréciation et les modalités à mettre en œuvre, je crois que la quasi-totalité de ceux qui ont eu l’occasion de s’exprimer sont favorables au développement et à l’optimisation du transport dans notre pays, de façon à permettre à l’ensemble de nos concitoyens de pouvoir se déplacer des Alpes-Maritimes, des Ardennes ou du Finistère vers Paris, Marseille ou Lyon. Pour autant, je crois que nous ne sommes pas d’accord sur la définition des modalités permettant d’atteindre cet objectif.
À ceux qui affirment que l’État doit tout organiser, mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même répondons qu’il doit veiller à ce qu’aucune partie du territoire ne soit enclavée, privée de desserte par les transports en commun, mais qu’il convient de faire confiance aussi aux entreprises, qui ont fait la preuve de leur savoir-faire, notamment dans le domaine du transport routier.
M. Michel Canevet. Vous avez raison, ma chère collègue, mais elle est une entreprise publique. Or je suis de ceux qui considèrent que tout ne doit pas résulter de l’action publique, mais qu’une large part doit être laissée à l’initiative privée.
Murmures sur les travées du groupe CRC.
Le secteur public investit à la fois l’aérien et le ferroviaire, mais aussi, pour une bonne part, le transport routier, sans oublier le transport fluvial ou maritime. Nous devons étudier, dans tout l’éventail de ces différents domaines, les diverses manières de fonctionner.
Dans le contexte financier de plus en plus contraint que connaît notre pays, nous voyons bien qu’il est nécessaire de faire évoluer les choses. Or, s’il est un secteur auquel nous consacrons, hélas, de gros moyens financiers, c’est bien celui des transports. Sans doute cet effort est-il absolument nécessaire, car il importe que nos différents territoires soient désenclavés ; mais nous devons optimiser notre système. Concrètement, l’action publique ne pouvant pas tout, nous devons aussi nous reposer sur le secteur privé, d’autant que, je le répète, celui-ci a prouvé son efficacité. Ainsi, dans le Finistère, le conseil départemental fait désormais confiance aux acteurs privés dans les domaines du transport scolaire et du transport interurbain, et les choses se passent tout à fait bien.
Je constate d’ailleurs une amélioration importante et continue des services, ainsi qu’une prise en compte bien réelle de l’ensemble des problématiques ; je pense en particulier à celle du handicap, qui doit aujourd’hui être intégrée à nos stratégies de mobilité, afin que le plus grand nombre puisse accéder aux transports.
La présente proposition de loi comporte quatre articles, dont le premier se rapporte aux dispositions que nous avons très récemment adoptées dans le cadre de la loi dite Macron.
Ma chère collègue, en ce qui concerne le transport routier, une majorité d’entre nous, dont je fais partie, estimait, comme M. Nègre, qui a pris une part active à nos débats et nous a communiqué des informations extrêmement précises, fort éclairantes pour nos travaux, qu’il valait mieux fixer le seuil à 200 kilomètres, et non, comme il a été finalement décidé, à 100 kilomètres. Si l’on nous avait écoutés, sans doute aurait-on évité les soupçons dont certains orateurs se sont fait l’écho, à propos d’une éventuelle concurrence avec le transport ferroviaire. De fait, il ne s’agit pas de déshabiller le secteur ferroviaire en favorisant l’essor du transport routier par autocar sur les lignes les plus rentables !
En vérité, il s’agit d’assurer une desserte beaucoup plus fine de notre territoire, ce que le car permet, au contraire du train, puisque nous savons bien qu’il est aujourd’hui impossible de construire de nouvelles lignes ferroviaires, hormis les lignes réservées au TGV, de sorte que nous sommes limités à l’existant – encore l’existant a-t-il été sérieusement réduit, en raison des difficultés d’entretien de plus en plus prégnantes qui se posent à la SNCF et à Réseau ferré de France, ce qui a été déploré dans un certain nombre de rapports. À cet égard, je crois que la remise à niveau de l’ensemble du réseau ferroviaire devra figurer parmi les priorités que l’État fixera à l’action publique, ne serait-ce que parce qu’elle est un impératif sur le plan de la sécurité, comme des événements tragiques l’ont, hélas, démontré.
Madame la rapporteur, les membres de mon groupe et moi-même ne pouvons pas soutenir la remise en cause de décisions que nous avons prises voilà seulement quelques semaines, d’autant que, selon nous, les dessertes par autocar améliorent la qualité du transport collectif pour un grand nombre de nos concitoyens. Nous souscrivons encore moins à l’idée d’instaurer des taxes supplémentaires, qu’il s’agisse d’un versement transport additionnel ou interstitiel. Nous considérons au contraire que, pour rendre nos entreprises plus compétitives, il faut absolument alléger leurs charges !
Si nous voulons créer des emplois dans notre pays, il est indispensable de réduire de manière importante les charges qu’elles supportent ! Telle est, en tout cas, notre position constante.
Au lieu d’instaurer des taxes supplémentaires, il faudrait en supprimer pour soulager nos entreprises. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, d’autant que l’idée de réduire le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour financer les mesures proposées est tout à fait mauvaise : ce crédit d’impôt n’étant déjà qu’un moindre mal, il est inacceptable de le diminuer !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteur, mes chers collègues, le droit à la mobilité est une question essentielle pour tous les Français, dont le mode de vie évolue sans cesse, dont les déplacements augmentent par leur fréquence comme par leur durée et dont les besoins sont toujours plus nombreux pour diverses raisons, professionnelles, de loisirs ou autres. Ainsi, combien sommes-nous dans cet hémicycle à emprunter chaque semaine le rail pour rejoindre Paris depuis notre département ?
La desserte ferroviaire constitue un élément structurant sur l’ensemble du territoire national ; dans les zones rurales, comme mon département des Hautes-Alpes, elle reste un moyen essentiel de désenclavement et d’aménagement de notre territoire.
Elle est aussi pour les élus locaux un facteur d’attractivité pour leurs petites et moyennes communes, une façon efficace de gagner des habitants en facilitant leurs déplacements et en les rapprochant des zones où se concentrent activités économiques et bassins d’emplois, établissements scolaires ou pôles universitaires.
Les modes de transport ont aussi été largement évoqués dans le cadre de la COP 21. Il faut dire qu’ils sont responsables de près de 17 % des émissions de gaz à effet de serre – des émissions qui, après avoir fortement augmenté jusqu’en 2007, semblent depuis lors se stabiliser, en raison notamment de la désaffection pour l’utilisation de la voiture individuelle. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’ailleurs de développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé.
Ces nombreuses raisons militent pour que l’État et ses établissements publics investissent massivement dans le train, un moyen de transport collectif efficace, plus propre, plus sûr aussi, et qui reste très compétitif ! Pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence : il n’en est rien – les exemples, sur nos territoires respectifs, ne manquent pas. De fait, la desserte ferroviaire fonctionne mal et elle n’est pas une priorité pour les pouvoirs publics, bien qu’elle soit une réalité quotidienne pour nos concitoyens.
Permettez-moi de vous donner un exemple très simple : pour parcourir les 260 kilomètres qui séparent Briançon de Marseille, il faut 3 heures et 20 minutes en voiture, 4 heures et 30 minutes en train et 6 heures en bus. En d’autres termes, le train atteint péniblement une moyenne de 60 kilomètres par heure, en 2015 : une vitesse qui ne s’est pas améliorée depuis plusieurs décennies. Si l’on fait une comparaison avec les performances des coureurs du Tour de France, qui empruntent régulièrement nos routes de montagne où ils atteignent des pointes à 100 kilomètres par heure en descente, il vaut mieux en rire !
C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’organisation actuelle, qui va à l’encontre de l’intérêt général, ni des moyens financiers mobilisés, qui ne sont pas en adéquation avec les attentes des usagers.
L’organisation du service de transport ferroviaire doit faire l’objet d’une attention particulière, si nous ne voulons pas que des inégalités se creusent en fonction des régions. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que certaines lignes sont déficitaires, notamment en zone rurale, et que, dans le cadre des politiques d’austérité qui sont mises en œuvre, la qualité du service public doit aussi être prise en compte.
Comment réinventer un service ferroviaire qui fonctionne bien et qui incite les usagers à l’utiliser plus et mieux ?
Dans le cadre de sa nouvelle politique de commercialisation, la SNCF envisage des fermetures de gares et de guichets. Dans mon département, par exemple, la gare de Laragne risque de fermer, au motif que le maintien du personnel coûte trop cher et que cette gare n’est pas rentable !
Seulement, une gare qui ferme dans nos territoires ruraux, c’est un peu comme une école qui disparaît : c’est de l’activité économique en moins dans les centres-villes et un lien social qui se coupe ; ce sont aussi des inégalités qui se creusent entre ceux qui ont les moyens de se déplacer en voiture individuelle et les autres.
C’est pourquoi l’amélioration de l’offre de transport collectif de voyageurs doit être prioritaire au sein de chaque région, mais aussi étudiée à l’échelle interrégionale, en vue d’établir des interconnexions. Des trains qui circulent à 50 kilomètres par heure en moyenne ne sont ni incitatifs ni compétitifs !
Pour autant, je ne pense pas qu’une taxe additionnelle soit la solution pour assurer la péréquation à l’échelle régionale. C’est pourquoi, en l’état actuel des choses, je ne voterai pas la proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les coauteurs de la proposition de loi, mes chers collègues, je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux dans l’hémicycle, car les questions ferroviaires méritent d’être une priorité. D’ailleurs, au cours des séances de questions orales du mardi matin, il est fréquent que nos collègues interrogent les membres du Gouvernement sur l’avenir de telle ou telle ligne ferroviaire : preuve de l’engagement très fort dont nous faisons preuve dans ce domaine.
Si j’ai tenu à prendre la parole dans ce débat, même brièvement, c’est par fidélité et par conviction : je suis fils de cheminot et, si je ne suis pas entré à la SNCF, mon rêve était d’être chef de gare !
Sourires.
M. Marc Laménie. J’ai beau avoir changé un peu d’aiguillage, je reste très fidèle au monde ferroviaire !
Nouveaux sourires.
Certes, il nous reste 36 000 kilomètres de lignes ; mais nous avons malheureusement assisté à la suppression de centaines de kilomètres. Ce phénomène ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui – dans les années soixante-dix, on parlait de « substitution routière ».
Ce déclin résulte aussi de la priorité trop marquée donnée au TGV, voire au « tout TGV », alors que le TGV a aussi ses limites, à commencer par son coût financier. Hélas, trop de petites lignes ferroviaires ont été sacrifiées, notamment dans le monde rural !
Je prends souvent l’exemple, que Mme le rapporteur connaît déjà, de la ligne qui allait de Châlons-en-Champagne à Verdun, en passant par Suippes et Sainte-Menehould, reliant le département de la Marne à celui de la Meuse, avant qu’on ne la supprime en décembre 2013. J’ai eu l’occasion de l’emprunter quelques jours avant sa fermeture : j’ai constaté que les passagers n’étaient certes pas très nombreux, mais que l’infrastructure n’était pas du tout dégradée.
Après, on dit qu’il faut rénover telle ou telle ligne, mais que cela coûte trop cher !
Les régions ont beaucoup investi dans le secteur ferroviaire, en particulier pour acquérir du beau matériel, moderne, comme les trains Bombardier. Je n’en oublie pas pour autant l’ancien matériel : je pense à une association qui a permis la sauvegarde de certains autorails Picasso – un matériel rustique qui peut susciter de la nostalgie, mais qui fonctionne encore…
En vérité, je suis convaincu que le ferroviaire a encore sa place, et pas seulement la grande vitesse : les dessertes TER, en particulier, sont très empruntées. Il faut donc continuer de se battre pour sa promotion ! À cet égard, je regrette fortement que des lignes ferroviaires soient supprimées pour être remplacées par des bus ; cela, je ne l’accepte pas.
La présente proposition de loi comporte certains articles avec lesquels je suis tout à fait d’accord.
La loi Macron comporte également des avancées en la matière.
Mes chers collègues, je voterai en faveur de certains articles de la proposition de loi présentée par le groupe CRC, dans la mesure notamment où je défends l’intégralité du volet ferroviaire de ce texte.
Néanmoins, pour rester cohérent et par respect pour mes collègues du groupe Les Républicains, tout en faisant preuve de bienveillance et afin d’être agréable et sympathique à l’égard de nos collègues communistes, je m’abstiendrai lors du vote final sur cette proposition de loi.
M. Marc Laménie. En effet, je souhaite rester solidaire vis-à-vis du monde ferroviaire, car il regroupe des passionnés, des personnes qui aiment leur métier et qui font preuve d’un savoir-faire que je tiens à souligner.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme la rapporteur applaudit également.
La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
I. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports est abrogée.
II. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Au début du I de l’article L. 1112-2, les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus aux articles L. 3111-17 et suivants, » sont supprimés ;
2° Au début du premier alinéa du I de l’article L. 1112-2-1, les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus aux articles L. 3111-17 et suivants, » sont supprimés ;
3° À l’article L. 1221-3, la référence : «, L. 3111-17 » est supprimée ;
4° Au début de la première phrase du premier alinéa des articles L. 3111-1 et L. 3111-2, les mots : « Sans préjudice des articles L. 3111-17 et L. 3421-2, sont supprimés ;
5° À la première phrase de l’article L. 3111-3, les références : « des articles L. 3111-17 et L. 3421-2 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 3421-2 » ;
6° L’article L. 3421-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-2. – L’État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national, à l’occasion d’un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l’objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.
« L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n’est pas remplie ou si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.
« Les dispositions du présent article sont applicables en région Île-de-France.
« Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 3421-10 fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. » ;
7° À l’article L. 3451-2, les références : «, 5° ou 6° » sont remplacées par la référence : « et 5° » ;
8° À l’article L. 3452-5-1, les mots : « établi en France » sont remplacés par le mot : « résident » ;
9° L’article L. 3452-6 est ainsi modifié :
a) La première phrase du 5° est ainsi modifiée :
– les mots : « établie en France » est remplacé, deux fois, par le mot : « résidente » ;
– les mots : « ou réguliers » sont supprimés ;
b) Le 6° est abrogé ;
10° L’article L. 3452-7 est ainsi modifié :
a) Les mots : « établie en France » sont remplacés, deux fois, par le mot : « résidente » ;
b) Les mots « ou réguliers » sont supprimés ;
c) Après la référence : « L. 3421-1 », est insérée la référence : « et L. 3421-3 » ;
11° L’article L. 3452-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3452-8. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait pour l’entreprise ayant commandé des prestations de cabotage routier de marchandises de ne pas respecter les dispositions de l’article L. 3421-7. » ;
12° L’article L. 3521-5 est abrogé ;
13° L’article L. 3551-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3551-5. – Le titre II du livre IV de la présente partie n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. »
L'article 1 er n'est pas adopté.
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le 3° du I de l’article L. 2333-64, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Et dans une région, compétente pour l’organisation des transports régionaux de voyageurs. » ;
2° À la fin de l’article L. 2333-66, les mots : « par délibération du conseil municipal ou de l’organe compétent de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « par délibération du conseil municipal, de l’organisme compétent de l’établissement public, ou du conseil régional » ;
3° Le II de l’article L. 2333-67 est ainsi rétabli :
« II. – Le taux de versement est fixé ou modifié par délibération du conseil régional, hors région d’Île-de-France, dans la limite de :
« 1° 0, 20 % en complément du taux existant dans le ressort territorial de l’autorité organisatrice de mobilité ;
« 2° 0, 30 % dans les territoires situés hors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de mobilité. »
4° L’article L. 2333-68 est ainsi modifié :
a) À la première et deuxième phrase, après le mot : « versement », sont insérés les mots : « mentionné au I de l’article L. 2333-67 » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le versement mentionné au II de l’article L. 2333-67 du présent code est affecté au financement des dépenses liées à l’organisation des transports régionaux. » ;
5° L’article L. 2333-70 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « ou de l’établissement public » sont remplacés par les mots : «, de l’établissement public ou de la région » ;
b) Au premier alinéa du II, les mots : « ou établissements publics territorialement compétents » sont remplacés par les mots : «, établissements publics territorialement compétents ou régions » ;
c) Au deuxième alinéa du II, les mots : « aux communes ou aux établissements publics » sont supprimés ;
6° À l’article L. 2333-71, les mots : « ou l’établissement public répartir » sont remplacés par les mots : «, l’établissement public et la région répartissent » ;
7° À l’article L. 2333-74, les mots : « est habilité » sont remplacés par les mots : « et la région sont habilités ».
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'article.
Sourires.
M. André Vallini, secrétaire d'État. C’est gentil à vous !
Nouveaux sourires.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État !
En effet, j’ai écouté mes amis Jean-Jacques Filleul et Louis Nègre avec beaucoup d’attention : tout ce qu’ils disent est certes bien beau et tout à fait admirable, mais lorsque je les entends demander qu’il ne soit surtout pas créé de versement transport dans les régions, car cela créerait des charges supplémentaires pour les entreprises, je m’interroge ! Pourquoi ne proposez-vous pas aussi, mes chers collègues, que soit supprimé le versement transport en Île-de-France ?
Rires sur les travées du groupe CRC.
En effet, je ne vois pas pourquoi les entreprises de la région d’Île-de-France devraient payer le versement transport et pas les entreprises des autres régions. Mes chers collègues, cela ne vous dérange pas que la contribution s’applique en Île-de-France… En revanche, vous trouvez absolument hallucinant et scandaleux qu’elle puisse être introduite dans vos régions, car il s’agirait alors d’un matraquage des entreprises !
Mais le versement transport existe partout, il n’existe pas qu’à Paris !
Mes chers collègues, je peux vous comprendre quand vous affirmez que les entreprises paient trop et ne peuvent pas participer à l’effort. Mais, en même temps, quand il est question de voter au Sénat le relèvement du seuil du versement transport, je n’entends pas beaucoup les représentants des régions parler de matraquage des entreprises franciliennes !
En tout cas, je ne voterai pas cet article : en effet, dès lors que je ne suis pas favorable au principe même du versement transport, je ne peux pas souhaiter qu’il soit étendu à l’ensemble des régions. Malgré tout, je tiens à dire à mes collègues du groupe CRC qu’il est parfaitement normal, selon moi, que les entreprises participent au financement des transports.
Le système ferroviaire facilite le transport et les déplacements des personnes qui travaillent. En cela, il favorise l’activité professionnelle, ce dont les entreprises profitent. Il est donc normal qu’elles contribuent à son financement !
En revanche, je considère que le système même du versement transport est aujourd’hui usé et dépassé et qu’il faut mettre en place une autre solution en matière de financement des transports par les entreprises.
Cela fait plusieurs années que je suis seul à le dire dans un vide sidéral. D’ailleurs, je ne m’en plains pas, car défendre des convictions, même sans réussite, ce n’est pas si grave !
Sourires.
Je le répète : il faut une vraie réforme de la contribution des entreprises au transport public. Je rédigerai peut-être une proposition de loi sur le sujet. Toutefois, comme je l’indiquais à l’instant, je ne voterai pas cet article, car je ne suis pas favorable à l’actuel système.
Pour conclure, j’appelle tous mes collègues de province à davantage de solidarité à l’égard de l’Île-de-France !
Rires.
Je tiens à réagir à un certain nombre d’arguments entendus tout à l’heure lors de la discussion générale.
Je voudrais rappeler les propos que nous tiennent les usagers du réseau ferroviaire dans une région où les TER ont été améliorés. J’ai en effet été très surprise des remarques formulées par notre collègue Jean-Jacques Filleul : on constate en effet de nettes améliorations dans notre région, et particulièrement dans notre département d’Indre-et-Loire.
Les salariés qui partent travailler en train et qui n’utilisent plus leur voiture nous disent être moins stressés quand ils arrivent sur leur lieu de travail. En outre, ils peuvent davantage décompresser sur le chemin du retour, car il est plus facile de circuler en train que dans les embouteillages. Selon moi, les entreprises ont donc véritablement un intérêt à participer au financement des entreprises.
Par ailleurs, s’agissant de la nouvelle répartition des responsabilités introduite par la loi NOTRe, vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que le transfert aux régions d’une nouvelle responsabilité relative aux transports serait compensé par le transfert aux régions de la part départementale de la CVAE.
On peut comprendre ce schéma, puisqu’un tel transfert permet de conserver un périmètre de dépenses constant à l’échelon national, sans que l’État ait à intervenir. Pour autant, il ne résout pas le problème du financement des départements, qui sont aujourd’hui exsangues et ne se voient proposer aucune solution.
Pour le moment, nous ne disposons pas d’éléments de réponse, monsieur le secrétaire d’État, et il n’y en a pas non plus dans la loi de finances !
Quant à la modification du seuil d’application du versement transport, vous nous avez dit qu’elle serait compensée dans le cadre de la loi de finances. Or nous sommes un certain nombre à être élus ici depuis longtemps et nous savons bien ce que deviennent les systèmes de compensation : la compensation financière est utilisée à terme comme une variable d’ajustement et permet finalement de répondre à d’autres problématiques que celles qui sont soulevées par la mesure ou la taxe compensée initialement. D’ailleurs, quand je dis « à terme », ce n’est parfois pas très long !
Pour ne prendre qu’un seul exemple, on a vu ce qu’il est advenu des compensations financières dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. À la fin, cela s’est traduit par une perte de recettes financières pour les collectivités locales. C’est la raison pour laquelle nous préférons de véritables ressources et un financement réellement autonome !
Je suis d’accord avec mon collègue Roger Karoutchi lorsqu’il dit que le taux du versement transport est très élevé en région parisienne. En revanche, les voyageurs que nous sommes aimeraient bien se déplacer en région parisienne.
Après tout, en province aussi, nous payons le versement transport, mon cher collègue : par exemple, mon « entreprise » – je veux parler de ma mairie – paie bien le versement transport ! Pourtant, nous n’avons ni métro ni tramway.
M. Roger Karoutchi. Vous avez mieux : la Côte d’Azur et la Méditerranée !
Sourires.
Le versement transport est une originalité française, dans la mesure où cette contribution n’existe dans aucun autre pays.
Mes chers collègues, si nous pouvons nous rejoindre sur un point, c’est sur l’idée que, à l’heure actuelle, il n’existe pas de financement qui nous permette d’organiser un transport de qualité, et ce, malgré ce que vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, sur les transferts de CVAE ou les transferts financiers entre collectivités locales.
D’ailleurs, tous les experts s’accordent sur ce constat. Il faudrait donc remettre à plat les modalités de financement des transports en France.
En outre, le secteur du transport public est le seul service public dont le coût évolue moins vite que l’inflation ; tous les autres services publics ont des coûts de fonctionnement qui augmentent plus vite que l’inflation. Aussi, ce secteur subit un effet de ciseaux qui, si nous n’y prenons pas garde, conduira à toujours moins de transports publics ! Or nous sommes précisément là pour défendre le transport public ferroviaire, car il le mérite amplement, même s’il faut nous en donner les moyens.
J’appelle donc la représentation nationale et le Gouvernement à essayer – je dis bien « essayer », parce qu’il s’agit d’un vaste chantier – de trouver un système de financement pérenne pour les transports, tant pour les entreprises que pour les usagers ou les opérateurs. Sinon, nous irons droit dans le mur, mes chers collègues !
Si vous me le permettez, mes chers collègues, nous allons dans le mur !
En effet, le constat est assez ahurissant : nous sommes en 2015, la COP 21 se déroule à Paris et nous avons besoin de transports collectifs qui ne polluent pas. Pourtant, on est en train de porter un coup fatal au système ferroviaire, au travers notamment de l’adoption de lois qui promeuvent l’utilisation à outrance des autocars !
Sur l’ensemble des travées, j’entends dire qu’il faut remettre les choses à plat et qu’il faut de nouveaux financements. Toutefois, notre groupe fait des propositions en ce sens, mes chers collègues ! Au moins, M. Karoutchi a le mérite de la clarté, et déjà vis-à-vis de lui-même, ce qui n’est pas si mal. Ainsi, il a toujours tenu le même discours devant le STIF ; je peux en témoigner, puisque nous y siégions ensemble.
L’exemple de la région d’Île-de-France montre bien que le versement transport ne représente pas une ressource secondaire : il correspond en effet à 65 % des recettes budgétaires de la région et à un peu moins de 40 % du financement total du fonctionnement du transport public francilien.
Mes chers collègues, il existe trois sources de financement pour les transports : les usagers, les collectivités locales et les entreprises. Il n’y en a pas d’autres, ou alors il faudrait que l’État prenne les choses en main et réponde aux ambitions qui sont les nôtres.
Aujourd’hui, je considère que, compte tenu des effets de la pollution routière, de la dégradation des routes qui coûte cher aux collectivités locales et des conséquences de la pollution sur la santé des individus, nous devrions afficher d’autres ambitions que celle dont le Gouvernement fait preuve, car celle-ci contrecarre des propositions – les nôtres – qui ont le mérite de présenter des solutions en vue d’améliorer les transports, non seulement en Île-de-France, mais aussi à l’échelon national.
Enfin, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur le rapport qui vous a été fourni : vous y trouverez une carte qui représente la desserte des cars au niveau national. J’ai été frappée du fait que cette desserte était organisée en étoile et que tous les trajets se faisaient en direction des grandes villes. Cela ne ressemble pas du tout à la desserte transversale, qui serait pourtant nécessaire aux populations. Je vous appelle vraiment à y réfléchir !
M. Michel Canevet. Pourquoi veut-on toujours opposer la route au ferroviaire ? Ces deux modes de transport doivent être complémentaires !
Protestations sur les travées du groupe CRC.
En effet, les zones rurales, dont je suis l’un des élus, ne peuvent être desservies que par l’autocar et par la route. Aucun autre moyen de transport n’existe.
Parfait ! J’avais cru comprendre que certains ne juraient que par le train…
Or l’autocar est également un mode de transport essentiel pour contribuer au désenclavement des zones isolées et au transport des salariés là où le réseau ferroviaire est absent.
Par ailleurs, il faut souligner que le système ferroviaire n’est viable que s’il est emprunté de manière régulière.
Ensuite, je ne suis pas d’accord avec ceux qui considèrent que ce sont aux entreprises de financer le système ferroviaire. Les transports routiers sont financés par les collectivités locales ; il serait donc logique que ce soient les usagers qui financent le système ferroviaire
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Il ne faut pas non plus verser dans une autre caricature : dès lors que l’on emprunte le réseau routier, on n’augmente pas systématiquement l’effet carbone. Des innovations ont en effet permis de réduire la pollution émise par les véhicules, que ce soit des véhicules dédiés au transport collectif ou des véhicules individuels. Je prendrai l’exemple de Bolloré, qui a développé des bus électriques, ainsi que des véhicules électriques qui sont particulièrement respectueux de l’environnement.
Il faudra aussi aller vers ce type de solutions, car le transport public ne pourra pas résoudre tous les problèmes de désenclavement.
De fait, le versement transport est une source de recettes. Dès lors se pose un problème financier : qui doit participer au financement des transports ? Il y a les usagers qui paient le prix du billet, les collectivités locales et les entreprises.
Or les entreprises souffrent, comme chacun le sait. Par conséquent, on ne peut pas tout leur demander. Toutefois, en même temps, on ne peut pas trop en demander non plus aux collectivités locales. Dire cela, ce n’est pas être partisan ni de l’autocar ni du ferroviaire, c’est simplement affirmer qu’il faut trouver un équilibre pour le financement des transports en commun.
En effet, on dit toujours que l’infrastructure ferroviaire coûte cher, mais, pour le financement des routes, la participation est collective. C’est le pot de terre contre le pot de fer : les lignes ferroviaires sont systématiquement sacrifiées au motif qu’elles coûtent trop cher. Pourtant, il faut trouver une complémentarité, un juste équilibre. Les bus ont leur utilité dans les secteurs sans desserte ferroviaire, mais cessons de supprimer sans cesse les infrastructures ferroviaires !
Ces infrastructures exigent des travaux, maintenant que SNCF Réseau va remplacer Réseau Ferré de France, RFF. Or, dans ce domaine, les devis deviennent complètement exorbitants. Pour refaire quelques kilomètres de voie ferrée, les sommes exigées sont énormes ! C’est aussi un problème, alors même que d’autres entreprises – on déplore souvent que le secteur des travaux publics souffre – seraient compétentes pour refaire les voies.
Aussi, mes chers collègues, pourquoi ne pas non plus remettre en service des infrastructures ferroviaires ?
Dans le débat, certains de nos collègues ont beaucoup contesté le versement transport, auquel ils reprochent d’alourdir les charges des entreprises.
En réalité, la situation est bien moins grave que ce qu’ils décrivent. Le versement transport concerne, non pas toutes les entreprises, mais seulement une très petite minorité d’entre elles. En effet, toutes les entreprises de moins de neuf salariés sont exclues du dispositif. En Île-de-France, par exemple, ce sont quelque 90 % des entreprises qui ne paient pas le versement transport.
Cette mesure, donc, concerne un nombre limité d’entreprises et n’alourdit en rien les charges de l’immense majorité d’entre elles.
Le versement transport donne de bons résultats. En Île-de-France, nous n’aurions pas le réseau de transports que certains nous envient en province sans ce triple financement des usagers, des entreprises et des collectivités.
D’ailleurs, sous l’angle de l’évolution de la participation des uns et des autres, au cours des dernières années, ce sont surtout les collectivités qui ont accru leur effort de financement, celui des usagers et des entreprises ayant progressé un peu.
C’est pourquoi nous avons aussi porté une demande pour que le versement transport des entreprises augmente davantage, ce qui nous a permis de mettre en place un pass Navigo à 70 euros sur l’ensemble de l’Île-de-France. C’est évidemment une avancée très importante pour les Franciliens, et je ne vois pas pourquoi des dispositifs similaires ne pourraient pas fonctionner dans les autres régions.
Par ailleurs, notre collègue Marc Laménie a raison de souligner que, si l’on compare le transport par rail et le transport routier, la concurrence est totalement faussée.
Le transport routier, aujourd'hui, repose entièrement sur un financement par les collectivités locales et, donc, par les usagers locaux, alors que le transport par rail est financé en totalité par la SNCF – comme il l’était, par le passé, par RFF. À partir de là, il est assez facile de dénoncer le coût élevé du transport par rail !
Les fameux « cars Macron » ne vont pas supporter le coût réel du fonctionnement et de la remise en état des routes. Ce mode de transport aura aussi un coût social, qui n’est pas du tout pris en compte. La concurrence semble donc totalement faussée.
Il est évident que, aujourd'hui, il faut remettre l’accent sur le développement d’un réseau SNCF sur notre territoire !
Je souscris à tous les propos qui ont été tenus sur la complémentarité entre le transport ferroviaire et le transport routier par car. Il est stérile de vouloir les opposer ! Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, Alain Vidalies et l’ensemble du Gouvernement organisent cette complémentarité, dans le cadre d’une loi sur les transports.
S’agissant du financement du transport collectif, on voit bien que, pour le Gouvernement, le chemin est étroit entre le parti Les Républicains, qui juge les charges sur les entreprises encore trop lourdes, malgré les diminutions que nous avons opérées, et le parti communiste, qui considère que l’on pourrait encore accroître ces charges.
Protestations sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Attention, monsieur le secrétaire d'État, à ne pas rompre l’équilibre des alliances…
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que le sujet fait débat, mais, je le répète, le chemin est étroit. Nous entendons les chefs d’entreprise se plaindre qu’ils paient trop de charges, que les allégements que nous leur avons octroyés ne sont pas suffisants, qu’ils en veulent toujours davantage.
Dans les enceintes parlementaires, nous entendons également des sénateurs et des députés déplorer l’insuffisance des allégements de charges. Le débat est sans fin !
Monsieur Karoutchi, effectivement, il existe un versement transport sur l’Île-de-France, mais c’est une région à part, …
… et pas simplement parce que vous en êtes un élu remarquable ! En Île-de-France plus qu’ailleurs, la problématique du transport est très importante – prédominante, allais-je dire – dans la vie économique. On y dénombre, chaque jour, quelque 10 millions de déplacements par transport collectif.
M. Roger Karoutchi. Dites « tentatives de déplacement ». Le terme « déplacements » est trop optimiste !
Rires.
Ce nombre est élevé, ce qui justifie l’existence du versement transport.
Par ailleurs, nous prenons en compte les difficultés des départements, le président Christian Favier le sait bien. Le transfert de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, des départements vers les régions vise à financer les transferts de compétences prévus dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe.
Sont concernés les transports routiers non urbains, les transports scolaires et le développement économique. Tout cela sera précisément chiffré, notamment avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF. D’ailleurs, comme le président Christian Favier le sait également, celle-ci se réunira en assemblée générale le 16 décembre prochain, afin de se prononcer sur les propositions du Gouvernement en matière de financement du revenu de solidarité active, ou RSA.
Effectivement, les finances des départements sont tendues – c’est un euphémisme – et le Gouvernement est à l’écoute des présidents de conseils généraux. Nous avons notamment avancé des propositions pour aider les départements, en particulier les dix d’entre eux qui sont le plus en difficulté, à financer le RSA.
Enfin, monsieur Nègre, une remise à plat s’imposera un jour ou l’autre, c’est vrai, en matière de financement global du système des transports collectifs. Le chantier est important, et nous sommes bientôt en 2016. Le sujet pourra donc faire l’objet d’un débat intéressant lors de la campagne présidentielle et déboucher sur une réforme de grande ampleur que François Hollande mettra en place lors de son deuxième quinquennat, de 2017 à 2022.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
L'article 2 n'est pas adopté.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 278-0 bis est complété par un K ainsi rédigé :
« K. – Les transports publics urbains et interurbains réguliers de voyageurs » ;
2° Le b quater de l’article 279 est complété par les mots : « à l’exclusion des transports publics urbains et réguliers de voyageurs pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit mentionné au premier alinéa de l’article 278-0 bis ».
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'article.
Je vais voter l’article 3 de la proposition de loi, car – pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État – les réponses du Gouvernement sont soit mécaniques, soit irresponsables.
J’ai eu le malheur de devoir négocier en partie le financement du Grand Paris Express. Dans ce cadre, j’ai participé à un certain nombre de rencontres avec des responsables éminents du Gouvernement ou des membres des cabinets. À ces occasions, il m’a été indiqué que, s’il m’avait été opposé, dans cet hémicycle, que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, ne pouvait être réduit à 5, 5 % du fait d’un blocage à l’échelle européenne, on se dirigeait vers un accord sur la question : le niveau européen allait accepter cette réduction de la TVA sur les transports publics à 5, 5 %.
À cet égard, je peux vous transmettre le document complet concernant le pass Navigo à tarif unique de 70 euros, mis en place par l’exécutif régional, monsieur le secrétaire d’État. Sur le financement de ce dispositif pour 2016, il manquait 300 millions d’euros, mais – il s’agissait là d’un élément clef – on nous a assuré que le Gouvernement s’était fermement engagé sur un taux de TVA à 5, 5 % et que, dans ces conditions, nous allions « regagner » des moyens pour financer le pass Navigo à tarif unique.
J’ai observé que ce n’était absolument pas la réponse que le Gouvernement me donnait. On m’a alors renvoyé vers Matignon, où l’on m’a confirmé que le pass Navigo à tarif unique pouvait être tranquillement voté. Le dossier progressait et un accord serait obtenu, à l'échelon européen, pour l’application d’un taux de 5, 5 %.
Alors que nous examinons aujourd'hui un article portant sur ce taux de TVA à 5, 5 %, disposition que nous avions déjà défendue, dans cet hémicycle, voilà un an, on invoque à présent une opposition, au niveau européen, à ce que nous procédions de la sorte.
Deux vérités ne peuvent coexister, monsieur le secrétaire d’État : une quand on veut me faire « avaler » le pass Navigo à tarif unique financé et une quand on brandit, ici, une opposition de Bruxelles !
Monsieur le secrétaire d'État, le taux de 5, 5 % me paraît bien et, si vous vous rendez compte que c’est une mesure impossible à tenir, comme vous allez percevoir des taxes supplémentaires sur les transports publics, l’État pourrait envisager un reversement sur l’ensemble du territoire. Il n’y a pas de raison, si l’on veut que ces transports s’adressent réellement à tout le monde et servent aux déplacements du quotidien, que les usagers supportent cette charge.
Nous avons connu la TVA à 5, 5 % et nous savons qu’il s’agit d’un très bon outil. Lorsque nous avons eu à supporter la première augmentation – nous sommes passés à un taux de 7 %, si ma mémoire est bonne –, nous avons dû, bien souvent, l’absorber au niveau des autorités organisatrices des transports, car il était quelque peu compliqué de la faire supporter par les usagers. En d’autres termes, ce sont les collectivités qui ont supporté la charge.
Voilà maintenant que le taux passerait à 10 %… C’est tout de même incompréhensible, y compris pour les usagers, surtout au moment où on leur demande de favoriser les transports collectifs au détriment de la voiture, qui, aujourd'hui, cause des problèmes d’environnement et d’engorgement de certaines voies, notamment le matin et le soir, à l’occasion des déplacements entre domicile et travail.
Il me semble donc que nous avons tout intérêt, au regard de notre environnement, de la santé des populations ou encore des équilibres normaux à respecter dans les réponses apportées aux besoins des habitants, à revenir à un taux de TVA à 5, 5 %. Ce serait véritablement judicieux !
J’ai moi aussi indiqué dans mon discours que nous allions vers un taux de TVA à 5, 5 %. Nous avons donc tous entendu la même chose et, monsieur le secrétaire d’État, je soulignerai à mon tour que votre argumentaire n’est pas très solide, pour utiliser un terme plutôt gentil !
Nous réclamons effectivement une TVA à 5, 5 %. Nous évoquons ici un bien de première nécessité, intéressant les couches les plus modestes de la population. Si vraiment on veut faire un effort, un geste, c’est à ceux-là qu’il faut l’adresser ! La plupart du temps, ce sont des travailleurs ayant des salaires limités.
Je profite de cette intervention pour revenir, un instant, sur la perche que les uns et les autres, mes chers collègues, vous m’avez tendue. Il est clair, je le répète, qu’à l’heure actuelle nous n’avons plus de financements pérennes sur les transports publics.
Cela soulève deux problèmes, qui appellent deux pistes de réflexion.
La première concerne le modèle financier. Pour retrouver de l’argent, nous pourrions peut-être, aussi bizarre que cela puisse paraître, mettre en application ce que nous votons !
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
D’autres pays l’ont fait en Europe ; à ma connaissance, ils ne s’en portent pas plus mal. En outre, même les grandes entreprises réclament ce prix du carbone. Nous pourrions donc y voir une piste pour trouver des financements, dans le cadre d’un système vertueux.
La deuxième piste concerne le modèle économique. Alors qu’il n’est encore soumis à aucune concurrence, ce modèle fonctionne de moins en moins bien.
C’est pourquoi nous proposons une ouverture à la concurrence maîtrisée, pour un modèle ouvert, performant, compétitif. Une telle évolution permettra d’obtenir les résultats qui, aujourd'hui, sont enregistrés par l’Allemagne : le train-kilomètre coûte 10 centimes d’euros ; chez nous, il atteint le double !
M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.
Pour ma part, je voterai cet article tendant à appliquer aux transports publics urbains et interurbains de voyageurs un taux de TVA de 5, 5 %, au lieu de 10 % actuellement.
Certes, la TVA constitue l’une des premières ressources fiscales de l’État, et l’on sait par ailleurs quelles sont les contraintes budgétaires actuelles. Mais il faut être cohérent : puisque l’on soutient partout le développement durable et les offres de transports collectifs, puisque l’on explique qu’il y a trop de voitures en circulation et trop de pollution, le rétablissement de la TVA à 5, 5 % serait un geste fort pour aider les usagers qui sont obligés d’utiliser tous les jours les transports publics ferroviaires ou routiers.
Encore une fois, mes chers collègues, faisons preuve de cohérence !
Tout à l’heure, dans mon intervention, je disais que cette proposition de loi avait au moins le mérite d’ouvrir un certain nombre de débats sur des sujets importants, et le ferroviaire en fait partie.
Certains sont pour le « tout service public », tandis que d’autres, dont je suis, estiment au contraire que l’on doit trouver une complémentarité entre l’action privée et l’action publique. À cet égard, il faut en effet se poser la question du taux de TVA applicable. Autrement dit, quels services doivent être considérés comme essentiels à la population et se voir appliquer un taux de 5, 5 % ?
Voilà quelques jours, ici même, nous sommes convenus qu’il était logique que les produits d’hygiène corporelle se voient appliquer ce taux réduit de TVA, au motif qu’ils sont nécessaires à une bonne partie de la population. Eh bien, l’examen de cette proposition de loi doit être l’occasion de rouvrir ce débat sur le taux de TVA à 5, 5 % : il ne faut pas que celle-ci fasse obstacle à l’acquisition de services ou de produits nécessaires à la consommation courante de tout un chacun.
J’espère également que nous aurons l’occasion de débattre de l’opportunité d’augmenter le taux de TVA de façon à financer la protection sociale de l’ensemble de nos concitoyens. En effet, il n’est pas normal que celle-ci soit aujourd’hui financée exclusivement par des cotisations assises sur les salaires, et donc par le travail ; il est temps de prendre en compte la réalité du commerce international.
Puisque nous importons plus que nous n’exportons, nous devons être en capacité d’asseoir le financement de notre système de protection sociale non seulement sur le travail, mais plus généralement sur l’ensemble de la richesse, en particulier en y faisant contribuer les produits fabriqués à l’étranger.
Évidemment, les transports publics sont un service de première nécessité, mais aussi un outil de solidarité sur les territoires est entre les territoires. C’est pourquoi le groupe écologiste est très favorable à cet article.
À cet instant du débat, je voudrais revenir sur un certain nombre de points.
Comme vient de le dire notre collègue Joël Labbé, la baisse du taux de TVA, c’est d’abord une question de solidarité. Très récemment, un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, soulignait que le premier problème rencontré par les personnes en recherche d’emploi ou en situation de fragilité, c’est la mobilité. L’argument en faveur de la solidarité me paraît donc prégnant.
On nous dit par ailleurs que la fixation des taux de TVA se décide en loi de finances. Certes, mais ce n’est jamais le moment ! Il faudra donc bien qu’on arrive à trancher sur ce point ! Puisque l’augmentation du taux de TVA n’a soulevé aucune difficulté technique, je ne vois pas pourquoi sa diminution en soulèverait.
Pour moi, c’est simple : les ordinateurs de Bercy ont l’habitude !
On nous dit également que cette baisse du taux de TVA coûterait très cher à l’État. C’est exact, mais seulement si l’on applique cette baisse de manière uniforme. Ne me dites pas que les règles européennes empêchent une baisse différenciée du taux de TVA selon des critères environnementaux, notamment en fonction de la production de CO2. De fait, il serait alors possible de réduire le taux de TVA uniquement sur le transport ferroviaire, par exemple. Cela ne devrait pas être très compliqué.
D'une manière générale, nous pensons que le transport ferroviaire ne peut pas s'autofinancer. Là est le véritable problème.
La comparaison avec les autres pays est intéressante. Ainsi, je le répète, mais c’est nécessaire puisqu’on a tendance à l’oublier, l’État allemand a pris à sa charge la dette lorsque le transport ferroviaire a été restructuré.
Le prix payé par l’opérateur ferroviaire pour l’utilisation des sillons intègre bien le coût de la dette.
Au Royaume-Uni, c’est à une renationalisation du réseau, me semble-t-il, que nous assistons. Alors, cessons de dire que nos propositions sont irréalistes dans un cadre concurrentiel ! D’autres pays nous ont précédés.
S’agissant de la complémentarité qu’a évoquée notre collègue, bien entendu nous ne sommes pas idiots : nous ne proposons pas de nouvelles lignes ferroviaires, nous demandons simplement que soient préservées les lignes existantes. Je l’ai dit au sein de la commission, je le répète ici.
Monsieur Karoutchi, s’agissant du financement du pass Navigo à tarif unique en Île-de-France…
Ne soyez pas désabusé, monsieur le sénateur !
Je vous rappelle donc que le Gouvernement a autorisé le relèvement du taux de VT en Île-de-France de 2, 7 % à 2, 85 % en zone centrale et de 1, 8 % à 1, 91 % en deuxième couronne.
Plus généralement, s’agissant de la baisse du taux de TVA de 10 % à 5, 5 %, je mets en garde le Sénat quant à l’impossibilité de distinguer les transports du quotidien des autres modes de transport, notamment au regard des règles européennes.
En outre, je vous rappelle ce que j’ai déjà dit dans mon intervention lors de la discussion générale : l’abaissement du taux de TVA à 5, 5 % sur l’ensemble des transports publics coûterait 1 milliard d’euros.
Cette baisse ne s’appliquerait pas à l’ensemble des transports publics !
Madame la rapporteur, nous serions obligés d’appliquer cette baisse du taux de TVA à l’ensemble des transports publics.
Enfin, je rappelle également que les personnes les plus défavorisées ou les plus démunies bénéficient déjà soit de réductions tarifaires importantes, soit de la gratuité des transports collectifs.
Pour autant, sur cet article 3, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
L'article 3 est adopté.
I. – La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
II. – La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la baisse du taux de crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
Mon groupe ayant demandé un scrutin public, il pourra exprimer son vote en défaveur de cette proposition de loi. Pour ma part, je m’abstiendrai.
Certes, je sais bien qu’il y a peu de chances que ce texte prospère et devienne pour le Gouvernement une vérité d’évangile, même si vous faites campagne ensemble jusqu’à dimanche prochain…
Mme Éliane Assassi. C’est pour cette raison que le Gouvernement se montre gentil !
Sourires sur les travées du groupe CRC.
Pour moi, c’est un texte d’appel.
Franchement, cela fait des années que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, reconnaissent qu’il y a un problème avec le financement du ferroviaire public et qu’il faudra un jour remettre à plat le VT en Île-de-France. Cela fait dix ans que j’entends la même chose et cela fait dix ans qu’on nous renvoie aux lois de finances ; auquel cas, on s’entend répondre que les transports sont un domaine tellement particulier qu’il faudrait plutôt envisager une refonte complète.
Finalement, chacun se renvoie la balle, chacun reconnaît que cela ne marche pas, qu’on va droit dans le mur, tout en disant qu’il sera bien temps de voir le jour où l’on y sera ! Un moment ou un autre, il faudra bien que quelqu’un se décide à engager une vraie réforme du financement des transports publics, notamment le transport ferroviaire.
C’est là un véritable sujet, qui dépasse l’attachement familial de M. Laménie à la fonction cheminote.
Sourires.
Je l’ai dit tout à l’heure, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi pour les raisons que j’ai indiquées.
Pour autant, nous l’avons tous souligné, ce texte a l’avantage de mettre le doigt sur la dégradation de la qualité de service du transport ferroviaire en France – et je ne parle pas simplement des transports régionaux.
Toute une série de signaux est passée au rouge – c’est le cas de le dire –, comme la multiplication des accidents ferroviaires. Les fédérations d’usagers montent elles aussi au créneau. Ce constat fait, il est de notre responsabilité de faire ensemble un certain nombre de choix. Et pourquoi ne les fait-on pas, cher Roger Karoutchi ? Parce que nous n’avons pas le courage d’engager de profondes réformes de structure ! Seules de telles réformes permettront une remise à plat du financement du transport ferroviaire et offriront une visibilité à long terme tant aux usagers qu’aux opérateurs ou à l’industrie.
C’est ce que nous réclamons depuis des années avec l’association TDIE, ou Transport développement intermodalité environnement, le Groupement des autorités responsables de transport, le GART et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Je remercie sincèrement nos collègues du groupe CRC d’avoir pris l’initiative de soumettre à notre examen cette proposition de loi sur le transport ferroviaire.
Je m’associe également à l’appel que lancent mes collègues pour que soient enfin trouvées de bonnes solutions en faveur des infrastructures de transport. La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, c’est une chose, mais il s’agit maintenant de mener une vraie réflexion d’ensemble pour savoir qui fait quoi.
Naturellement, il y aura des incidences financières, puisque tout est financier. Néanmoins, il faut prendre en compte les enjeux de sécurité et de développement durable. Il faut aussi avoir à cœur de respecter le monde cheminot, qui est l’héritier de toute une histoire. La mémoire, c’est un enjeu important. À un moment, il faut savoir poser les bonnes questions et mettre fin à cette casse ininterrompue du ferroviaire et des infrastructures ferroviaires – les bâtiments, les gares, les anciennes gares de triage, les dépôts, etc. Il faut que cela cesse et soutenir le transport ferroviaire dans son ensemble, ainsi que toutes les personnes de bonne volonté qui œuvrent à son bon fonctionnement.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je m’abstiendrai sur ce texte.
Je me réjouis de ce débat, grâce auquel sont apparus un certain nombre de points de convergence, qui devraient nous permettre d’avancer et, par exemple, de voter – pourquoi pas à l’unanimité ? – la baisse de la TVA pour les produits de première nécessité comme les transports collectifs.
Soyons clairs : les membres du groupe CRC ne défendent pas le tout ferroviaire au détriment du transport en car. Nous ne vivons pas sur un petit nuage et nous savons bien que les trains ne peuvent pas passer partout. Il faut bien trouver des solutions alternatives, ce qui n’est pas du tout l’objet de nos propositions. Simplement, comme l’a montré Marie-France Beaufils, certaines zones sur la carte sont totalement désertées, y compris par les cars, et une partie de la population ne bénéficie d’aucune desserte. En réalité, une convergence en étoile s’effectue au profit des grands pôles.
La nécessité, aujourd’hui, est de développer en priorité un système public ferroviaire et de cesser d’attaquer le rail comme il l’est. Certes, l’un de nos collègues l’a souligné, l’entretien des lignes continue de poser des problèmes en raison d’une trop forte externalisation et d’un abandon excessif d’infrastructures.
À partir de ce constat, il faut certes remettre à plat les financements et un certain nombre d’autres éléments, mais il convient aussi de formuler des propositions. Je le redis ici, il ne s’agit pas d’étrangler les entreprises, mais il faut, lorsque le maillage territorial est satisfaisant et source de profit indéniable, permettre aux salariés et aux entreprises d’en profiter.
En l’espèce, l’enjeu est une juste contribution de chacun de nos concitoyens. Il nous appartient, j’y insiste, de définir ensemble cette part.
Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas compris votre argument sur la tarification. Vous déclarez que les plus fragiles bénéficient de tarifications sociales ; peut-être, mais, à ma connaissance, ce sont les collectivités qui paient, et non l’État.
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises à Mme la rapporteur, ce texte a permis d’entamer un débat nécessaire sur le ferroviaire, qui suscite nombre d’avis convergents. Toutefois, la libéralisation du transport par autocar prévu par la loi Macron contribuera à une réduction significative des émissions de polluants et participera de cette mobilité nécessaire dans notre pays.
Personnellement, je suis certain que le maillage du territoire s’effectuera progressivement, car il correspond à une volonté de nos concitoyens. En outre, les départements ne peuvent pas forcément mailler toujours les villes comme ils le souhaiteraient. On peut avoir des doutes sur ce projet, mais on ne peut s’y opposer, car il est en cours.
Sur le problème du versement transport, nous nous sommes expliqués. Il est nécessaire de trouver des financements pour les régions, qui, globalement, je le rappelle, financent les TER à 70 %, ce qui est considérable. Nous avons estimé, lors de la réforme ferroviaire, qu’un VT interstitiel serait la solution, mais il n’en a rien été. Dont acte ! Au demeurant, le chantier reste ouvert.
Quant à la baisse de la TVA, nous avons indiqué que nous y étions favorables, puisque nous l’avons souhaitée, mais ce n’est pas au détour d’une telle proposition de loi et dans le cadre de ce débat que nous pouvons vraiment aborder le sujet.
Pour ma part, je suis déjà intervenu longuement tout à l’heure sur les trains d’équilibre du territoire, et je vous prie de m’en excuser. Nous avons la chance d’avoir à notre disposition un rapport de bonne qualité : défendons-le, portons-le et aidons le Gouvernement à aller plus loin, car notre pays a besoin du triptyque TGV-trains d’équilibre des territoires-TER !
Au-delà de toutes les difficultés liées au financement de notre système ferroviaire, nous devons être lucides. C’est pourquoi nous voterons, à regret, contre cette proposition de loi. Toutefois, je le répète, le débat reste ouvert.
Pour ma part, je voudrais saluer l’initiative de nos collègues du groupe CRC visant à débattre de cette question essentielle sans cesse repoussée. M. Karoutchi parlait tout à l’heure d’un texte d’appel, mais quand celui qui nous est soumis correspond, dans son contenu, à nos aspirations, nous avons intérêt à être le plus nombreux possible à le voter.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais maintenant, au nom des écologistes, vous interpeller sur la nécessité d’évoluer. Il est temps d’arrêter la casse de notre réseau ferroviaire ! Il faut préserver à tout prix ce qui fonctionne encore et réhabiliter certaines lignes qui ont été interrompues.
Un travail doit également être entamé sur la complémentarité, car nous avons évidemment besoin des cars, des trains, notamment des TGV, mais aussi des transports à la demande dans certains territoires reculés. Nous devons mettre tout cela en perspective, par solidarité à l’égard de l’ensemble des territoires.
En termes de développement durable, compte tenu du contexte actuel, nous devons aller vers une économie résiliente. Anticiper la période de l’après-pétrole, c’est s’y préparer dès maintenant, afin de pouvoir lutter contre les dérèglements climatiques.
En conclusion, je répondrai, à ceux qui prétendent que la voiture est indispensable, qu’un certain nombre de nos concitoyens vivent très bien sans à partir du moment où ils peuvent utiliser les transports publics. C’est ce que j’appelle la sobriété heureuse !
Au cours de ce débat, nous avons eu l’occasion d’évoquer le transport ferroviaire régional et de souligner l’effort que les régions avaient consenti pour améliorer le dispositif des transports express régionaux. Ces cofinancements ont permis la modernisation des voies, mais également du matériel, pour le plus grand bonheur des usagers, comme nous le mesurons aujourd’hui avec l’augmentation de la fréquentation des transports ferroviaires qui démontre, a fortiori dans un contexte de crise, la pertinence de cet effort financier de la part des régions.
Je profite de la présence de M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale pour citer, parmi les principaux travaux à réaliser, l’accroissement de l’autonomie fiscale des régions, si l’on veut que les régions puissent continuer à financer les transports et que les citoyens apprécient réellement les actions réalisées avec l’argent public.
La plus grande avancée de la loi NOTRe – à vrai dire, je ne vois pas beaucoup d’autres évolutions aussi positives – vise précisément à mettre en place la nécessaire cohérence pour assurer la mobilité au sein des territoires régionaux. La région, dorénavant dotée de cette responsabilité en matière de transports devant l’ensemble des citoyens, doit avoir les moyens de conduire des politiques ambitieuses et de mener des actions à cet effet. Or la responsabilité ne se conçoit pas sans mobilisation fiscale.
Au demeurant, le groupe de l’UDI-UC votera, comme je l’ai indiqué tout à l’heure lors de mon intervention, contre cette proposition de loi, considérant qu’elle n’apporte pas toutes les réponses adaptées aux attentes de nos concitoyens et aux nécessités du développement du transport public ferroviaire.
Mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de revenir sur la TVA à 5, 5 % pour les transports en commun. Nous abordons cette question aujourd’hui, car, à nos yeux, elle fait partie intégrante de la réflexion relative aux transports régionaux. Au demeurant, nous l’avons déjà posée au titre de plusieurs projets de lois de finances et projets de lois de finances rectificatives.
Je me suis déjà exprimée à cet égard et je peux le déclarer : en la matière, nous faisons preuve de constance. Nous voulons réellement avancer sur ce sujet, qui nous paraît de la première importance.
Ensuite, je tiens à insister sur les complémentarités de dessertes. Le schéma qu’Évelyne Didier a annexé à son rapport le montre bien : les transports par car en cours de déploiement suivent exactement le réseau ferroviaire. En conséquence, ils entrent pleinement en concurrence avec les transports ferrés.
Or, ce dont la France a besoin, c’est de lignes de cars circulant dans les espaces non desservis par le train et permettant ainsi de relier entre eux les différents secteurs ferroviaires.
En outre, je souligne que le rail est un véritable outil d’aménagement du territoire. On ne déplace pas une ligne de chemin de fer comme on modifie une desserte routière. En renforçant une desserte ferroviaire, on marque la volonté d’assurer le développement d’un territoire, qu’il s’agisse de l’économie, de l’habitat ou des services publics. Le fait se vérifie systématiquement ! Les investissements ferroviaires sont donc d’autant plus importants qu’ils préparent l’avenir des lieux auxquels ils sont appliqués.
Dans la situation actuelle plus encore qu’auparavant, nous avons besoin de cette projection vers l’avenir que permet le transport ferroviaire.
Pour conclure, je formulerai une brève mise en garde. Actuellement, les cars bénéficient de tarifs très faibles, …
Mme Marie-France Beaufils. … de nature à tenter tel ou tel usager. Néanmoins, ce service est mis en œuvre dans de très mauvaises conditions, y compris pour les chauffeurs. J’ai pu parler avec plusieurs d’entre eux. Je vous assure que leur niveau de rémunération et leur temps de travail sont tout sauf satisfaisants. Sur ce front, nous devons également nous montrer vigilants !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Mes chers collègues, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont pris part à ce débat. Nous tous avons souligné qu’il s’agissait d’un véritable enjeu et que nous devions réellement prendre le problème à bras-le-corps.
Premièrement, il est nécessaire d’assurer des financements pérennes dédiés au transport ferroviaire régional. Il faudra bien trouver des solutions !
Deuxièmement, la péréquation est impérative. Nous ne pourrons pas nous en sortir autrement.
On ne peut pas se contenter de confier au privé les lignes rentables et au public les lignes déficitaires. Au reste, un tel choix reviendrait à nous donner raison quant à la manière dont fonctionne cette économie.
Troisièmement – Mme Beaufils vient de le souligner –, on ne peut en aucun cas imaginer qu’un mode de transport joue contre un autre ! On le sait très bien, le transport de personnes s’effectue par voie routière à hauteur de 85 %. Conservons à tout le moins cette richesse extraordinaire qu’est le maillage du territoire français par le réseau ferroviaire. Ne le laissons pas dépérir ! J’en suis sûre, nous sommes tous, dans cet hémicycle, convaincus de cet impératif.
Nos propositions ne semblent pas recueillir l’assentiment de la majorité du Sénat, même si, sur certains points, nous pourrions nous rejoindre, et j’en serais heureuse.
Cela étant, il serait bon les uns et les autres s’expriment au sujet de la concurrence, qui est faussée, chacun le sait : les véhicules qui circulent sur les routes ne financent pas les routes ! Le transport ferroviaire contribue également à payer la dette historique de l’opérateur, la SNCF, pour qui l’on a manifestement chargé la barque !
Débattons en toute honnêteté et regardons la réalité en face. Nous devons trouver des solutions.
Vous le savez, les membres du groupe CRC appellent régulièrement votre attention sur le transport ferroviaire, et pour cause : il s’agit là, nous en sommes intimement persuadés, d’un extraordinaire outil d’aménagement du territoire !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Marc Laménie applaudissent également.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 décembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :
- les articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier (Gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme ; 2015-524 QPC) ;
- le III de l’article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 (Taxe foncière ; 2015-525 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 décembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 (Pouvoir de sanction de l’Autorité des marchés financiers ; 2015-526 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 11 décembre 2015, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 227, 2015-2016) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 229, 2015-2016) ;
Avis de M. Jean-Claude Lenoir, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 230, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinq.