Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que Marie-France Beaufils nous a présentée nous donne l’occasion de revenir sur la nécessité d’une offre de transport ferroviaire de qualité.
Je remercie Évelyne Didier pour l’excellent rapport qu’elle a rendu au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Du début du XIXe siècle à aujourd’hui, le train a été un acteur essentiel des mobilités et de la modernisation de notre société. Il a participé au développement industriel de notre pays. Ce transport ferroviaire, qui a fait et qui fait encore notre fierté, est aujourd’hui mis à mal.
Dans un système déjà affaibli par les baisses de dotations, par le manque de financement et d’investissements, ainsi que par la non-couverture de la dette de la SNCF – contrairement à ce qu’a pu faire l’Allemagne avec la Deutsche Bahn ! –, la libéralisation des transports par autocar risque de porter le coup fatal.
En effet, la loi « Macron » met en concurrence les bus et les trains sans qu’il soit question de complémentarité. Cette loi consacre, au fond, le renoncement total à l’idée d’un service public ferroviaire de qualité.
Le quatrième paquet ferroviaire voudrait aller encore plus loin, en organisant la libéralisation du transport ferroviaire national. La proposition de loi dont nous débattons permet d’abroger les mesures introduites par la loi Macron et de s’opposer à ce quatrième paquet ferroviaire.
Nous défendons, pour notre part, l’idée d’un moratoire sur les directives européennes de libéralisation des transports qui ont conduit à des désastres économiques, sociaux et environnementaux, notamment dans le secteur du fret – sans parler de ce que l’on a pu observer au Royaume-Uni. L’impact de la loi Macron sur les recettes de la SNCF est estimé, à terme, entre 200 millions d’euros et 300 millions d’euros : autant d’argent qui n’ira plus à l’investissement !
En soumettant le train à la concurrence déloyale du bus, le Gouvernement organise la casse, non seulement de l’offre ferroviaire, mais également de l’industrie ferroviaire dans son ensemble, un des fleurons de l’industrie française. Aux côtés de la SNCF, plus de deux cent cinquante entreprises sont impliquées dans les activités ferroviaires, des constructeurs aux ingénieurs, en passant par les équipementiers, les spécialistes de la voie, de la signalisation, du design, des essais. Toute une chaîne de production et des milliers d’emplois sont menacés.
Au-delà des emplois, on peut craindre aussi la perte d’un savoir et d’un savoir-faire qui assurent l’excellence de la filière française. Le ferroviaire est une charnière importante de l’économie nationale, la France étant plutôt en pointe dans ce domaine.
Les partisans de la rigueur économique arguent de la nécessité d’une concurrence « pure et parfaite » pour faire tendre les tarifs à la baisse. En vérité, les tarifs des voyages en bus constituent, à trajets équivalents, une concurrence impitoyable pour la SNCF.
Cet écart de tarifs résulte des externalités que n’assument pas les entreprises de transport routier. Or ces coûts externes sont nombreux : pollution, accidents, nuisances sonores, embouteillages. Ainsi, les coûts externes pour l’État et les collectivités locales sont en moyenne deux fois plus élevés pour les transports de voyageurs par la route que par le train, de l’ordre de 15, 3 euros pour 1 000 passagers au kilomètre pour le train, contre 33, 8 euros pour l’autocar.
Les bus, nous dit-on, assurent le droit à la mobilité et permettent aux plus modestes de voyager, mais le modèle de transport que nous souhaitons construire pour l’avenir est-il un modèle à deux ou trois vitesses ?
Les plus riches auront le droit de voyager par le train, c’est-à-dire sur un mode de transport plus rapide, plus confortable et plus sûr, de type TGV, alors que les plus pauvres, s’ils souhaitent se déplacer, devront utiliser les « cars Macron » – la nouvelle troisième classe –, moins rapides, moins confortables et, surtout, moins sûrs.
C’est un constat que personne ne peut contester : les transports routiers sont beaucoup plus accidentogènes que le transport ferroviaire. Le grave accident de poids lourd qui a eu lieu hier sur l’autoroute A1 ne le dément pas.
Vous parlez droit à la mobilité, mais les entreprises mettant ces bus en circulation répondront rentabilité. Nous le voyons déjà dans le tracé des lignes : les autocars ne vont pas desservir des espaces enclavés, mais bien fragiliser le train sur de grands axes interrégionaux.
Entre Paris et Lille, par exemple, je vous assure qu’aucun de ces bus ne s’arrête dans les petites communes de l’Oise pour prendre des voyageurs. Pourtant, ils encombrent bien l’autoroute du Nord où, chaque jour, des « trains de camions » circulent sur deux voies !
Depuis le 1er octobre, 274 autocars circulent chaque jour sur 104 lignes nationales et internationales. À Paris, nous pouvons dénombrer jusqu’à 200 départs par jour. D’ici à 2016, cent lignes supplémentaires devraient voir le jour. Oui, la concurrence déloyale et acharnée fragilise les trains d’équilibre du territoire et les TER.
Pour finir, je reviendrai à mon tour sur l’impact environnemental. À la veille de la clôture de la COP 21, au moment où nous sommes plus que jamais conscients de l’importance de la mobilisation contre le réchauffement climatique, la France ne peut pas se permettre de commettre l’erreur d’une augmentation de la part des transports routiers.
L’empreinte carbone des autobus est bien plus élevée que celle des trains. Nous le savons, le transport routier est un des premiers responsables de la pollution atmosphérique. Mettre des véhicules supplémentaires sur les routes aggrave les embouteillages et donc les émissions de gaz à effet de serre. Comment peut-on espérer poser les bases d’une nouvelle croissance pour une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique en privilégiant le transport routier plutôt que le ferroviaire ?
Nous défendons la nécessité absolue d’un service public ferroviaire de qualité bénéficiant de financements ambitieux. Nous n’acceptons pas le modèle de mobilité à bas coût qu’instaure le Gouvernement. Les usagers doivent rester des usagers et ne pas devenir des clients, parce que nous parlons bien, nous, de service public.
En conclusion, les sénatrices et les sénateurs communistes, républicains et citoyens estiment utile et nécessaire d’adopter cette proposition de loi, qui n’est pas opportuniste, monsieur le secrétaire d’État, mais opportune !