Intervention de Dominique de Legge

Réunion du 12 janvier 2016 à 14h30
Compensation des charges applicables aux collectivités territoriales — Discussion générale

Photo de Dominique de LeggeDominique de Legge :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la volonté constante du Sénat de combattre l’inflation des normes qui entrave le dynamisme et l’esprit d’entreprise des collectivités et de leurs élus.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, en tant qu’élu local, à avoir fait l’expérience de normes kafkaïennes et affronté des contraintes pénalisantes et coûteuses, dont certaines nous semblaient décalées, excessives, voire inutiles. L’Association des maires de France, ou AMF, évalue ce zèle normatif de l’État, des instances européennes, ou encore d’organismes publics ou privés, comme les fédérations sportives, à 400 000 normes représentant un coût de plus de 700 millions d’euros pour la seule année 2015.

L’initiative qui nous rassemble ce soir contribuera à atteindre l’objectif recherché en fixant un garde-fou constitutionnel. Pour autant, mes chers collègues, reconnaissons que cette proposition de loi constitutionnelle de réglera pas à elle seule tous les problèmes, si elle ne s’accompagne pas d’une volonté politique. C’est pourquoi je souhaite insister sur deux impératifs, préalable à une diminution de l’emprise des normes.

Il faut tout d’abord, au-delà de l’importante question des coûts, substituer à l’obligation de moyens une obligation de résultat, en se posant la question suivante : voulons-nous contrôler les moindres détails du fonctionnement des collectivités locales ou permettre à celles-ci d’atteindre les objectifs et les réalisations que commande l’intérêt général ? En d’autres termes, ne faut-il pas faire preuve de pragmatisme et privilégier le but plutôt que le chemin pour y parvenir ?

Reconnaissons qu’il y a une certaine bonne conscience collective à prétendre, au nom de l’égalité de traitement, du principe de protection, de précaution, et d’autres bonnes intentions, tout prévoir et tout anticiper. Les moyens prennent le pas sur la finalité, au risque de faire perdre de vue les objectifs. Les bonnes intentions des Grenelle de l’environnement et de la loi ALUR, dans lesquelles le formalisme l’a emporté sur le fond, se sont traduites parfois par une incapacité à agir, quand elles n’ont pas simplement dissuadé les acteurs.

Il est nécessaire, ensuite, de proportionner les normes aux enjeux et aux effets escomptés au regard des moyens à déployer. Éric Doligé a amplement développé ce point. Ainsi, peut-on demander à une commune de 300 habitants le même niveau d’investissement – tenant compte de l’amortissement – qu’à celles qui en comptent 10 000 ou 100 000 ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que durant vos nombreux déplacements dans les départements, vous insistiez pour que les services de l’État fassent preuve de bonne volonté, d’intelligence et substituent une culture du conseil à une culture du contrôle.

Je vous invite à vous rendre dans le département d’Ille-et-Vilaine et je vais vous soumettre un cas très concret qui illustre parfaitement cette absence de proportionnalité et les difficultés face auxquelles nous nous trouvons.

Les communes de la baie du Mont-Saint-Michel ont dû se conformer à de nombreuses prescriptions, à la suite de la tempête Xynthia, dont certaines se sont avérées aussi injustifiées qu’inutiles, tant les problématiques du littoral atlantique et de la Manche sont différentes.

La baie n’est pas soumise aux mêmes risques que l’océan et une application tatillonne et sans discernement du plan de prévention des risques de submersion marine conduit à des aberrations. Vous conviendrez qu’il est difficile de demander aux habitants la suppression des chambres à coucher situées en rez-de-chaussée lorsque les maisons n’ont pas d’étage ! De surcroît, si les habitants demandent un permis de construire afin de se mettre en conformité avec ce plan, ce permis leur est refusé, car il serait contraire à la loi Littoral et à la protection des sites classés !

Chaque prescripteur campe sur ses positions, plus préoccupé de faire appliquer sa part de réglementation que de trouver une solution. En fin de compte, c’est un paradoxe, ce plan de prévention, censé prémunir les communes d’un danger naturel, les condamne, en raison non pas d’un risque naturel, mais d’une inflation normative contradictoire.

Pour conclure, je constate que, une fois de plus, c’est la culture de la quantité et du nombre qui l’emporte sur celle de la qualité et que l’initiative locale a peu de place.

Il me semble urgent de faire preuve de modestie et de pragmatisme. À l’heure où l’organisation territoriale de notre pays connaît une profonde mutation, peut-on formuler le vœu qu’à un échelon donné – pourquoi pas la région ? – un pouvoir d’adaptation soit conféré à ces nouvelles entités, afin de leur permettre de s’adapter aux préoccupations du terrain ?

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